Gazette du Sorcier,
Édition du lundi 15 septembre 2015,
LE KANGOUROU BOXÉ !
L’ÉTUDE DES MOLDUS ANNULÉE !
« Nous l’évoquions la semaine dernière : la décision arbitraire de Dumbledore d’imposer un cours, autrefois optionnel, à l’ensemble de ses étudiants a fait scandale chez de nombreux parents. Le Ministère, qui promettait de rétablir la qualité de l’enseignement de Poudlard vient de frapper un grand coup en la personne de Dolorès Ombrage, Grande Inquisitrice ! Après avoir conduit une inspection minutieuse de la classe de feu Professeur Smith – redevenue Miss Smith – la Grande Inquisitrice a livré ses conclusions au Premier Ministre.
Le couperet est tombé : renvoi pur et simple de la jeune enseignante, et annulation de la classe en raison de l’absence de Professeur qualifié.
Pour vous, cette semaine, Connor Oaken revient sur cette première grande action du Ministère.
L’Apprentie-Enseignante
Nous n’avions jusqu’ici qu’un nom, et un pays d’origine. Celle que les parents ont rapidement qualifié « d’Australienne », Miss Jane Lise Smith, n’a pu cacher très longtemps son parcours discutable au regard attentif de la Grande Inquisitrice.
Avait-elle été dépêchée de son île aux autruches en raison d’études supérieures superbement menées ? Avait-elle été nommée – au détriment de Professeurs Anglais autrement plus qualifiés – pour un quelconque traité reconnu sur les Moldus ?
Non.
Jane Smith, âgée d’une trentaine d’années, s’est vu offrir un poste important dans la prestigieuse école de Sorcellerie Poudlard sur le simple fait d’être née-moldue ! Cinq petites années d’enseignement au Collège Bega de Sydney, et des parents dépourvus de pouvoirs magiques, auront été des arguments suffisants aux yeux de Dumbledore.
Refusant toujours de s’exprimer sur le sujet, Jane Smith n’a pu nous apporter des précisions supplémentaires quant à ses qualifications réelles. Heureusement, la Grande Inquisitrice de Poudlard a accepté, dans un souci de transparence absolue, de nous communiquer l’ensemble de ses observations.
Nous noterons donc :
- L’absence totale de diplôme supérieur en relation avec la matière
- La maigre expérience dans l’enseignement
- L’absence de cours proprement rédigés et enseignés à ses élèves
- La mise en place d’ateliers salissants (de la boue serait évoquée) sans aucune raison pédagogique
- Du harcèlement envers les élèves au travers de questions auxquelles ils ne peuvent répondre correctement.
Il est évident, à la lumière de ces nombreux points, que Miss Smith n’était nullement qualifiée pour assurer un poste aussi délicat (rappelons le nombre incroyable d’élèves dans sa classe) ! Surprenant de la part de Dumbledore ? Négligence involontaire ou bien forfaiture déjà bien huilée ? Vous connaissez la réponse !
Poudlard, ou l’école des monstres,
Souvenez-vous, il y a seulement deux ans, Dumbledore avait profondément choqué les parents d’élèves lorsqu’ils apprirent qu’un loup-garou avait enseigné toute une année la Défense Contre les Forces du Mal ! Rappelons que ces créatures dangereuses figurent encore au programme d’étude de cette matière, et sont toujours répertoriées au Département de contrôle et de régulation des créatures magiques dans la section des animaux.
L’année d’avant, nous apprenions avec stupeur que la Chambre des Secrets existait bel et bien, et qu’un Basilic géant y dormait ! Nous nous étonnons encore que le grand Albus Dumbledore (Président-Sorcier du Magenmagot Manitou suprême de la Confédération internationale des mages et sorciers ; Ordre de Merlin, première classe Enchanteur-en-chef et vainqueur de Grindelwald) n’ait pas été en mesure de prévenir et d’éradiquer cette menace AVANT qu’elle ne vienne faire des victimes chez de jeunes enfants.
Toujours dans la longue liste farfelue des Professeurs douteux et autres décisions dangereuses du vieil homme, nous retrouvons la fugace apparition d’Alastor Maugrey, Auror paranoïaque qui aurait enseigné les Impardonnables à des élèves terrifiés de quatorze-ans en DCFM, l’incident avec un hypogriffe enragé pendant un cours de Soin aux Créatures Magiques, incident ayant entraîné pour plusieurs mois l’incapacité pour le jeune Draco Malefoy à utiliser son bras droit, la drôle de nomination au poste de Professeur de Rubeus Hagrid, passant de simple « Garde-Chasse » renvoyé de Poudlard durant sa scolarité à « enseignant tout à fait qualifié » et terminons par la Forêt Interdite, grand parc naturel de protection de créatures dangereuses, renfermant licornes, centaures, et autres araignées géantes !
En définitive, au regard des goûts de Dumbledore en matière d’idées ridicules, nous nous étonnons encore que Jane Smith n’ait pas été une Vampire, une Vélane, ou carrément une Cracmolle !
Difficile désormais de ne pas remettre en question toute l’autorité et la sagesse d’Albus Dumbledore, autrefois légendaires !
Connor Oaken, Rédacteur à la Gazette du Sorcier »
Lord Voldemort replia soigneusement le journal, et le reposa d’un air satisfait. Il ferma les yeux un instant, s’autorisant un moment de jubilation intense. Lorsqu’il les rouvrit, il braqua son regard écarlate sur son fidèle Mangemort qui attendait avec impatience et appréhension l’avis de son maître :
« Lucius… Commença le mage noir. Comme toujours, tes actes sont à la hauteur de mes espérances.
— C’est un honneur de servir le Maître. S’inclina profondément le susnommé en rougissant de plaisir sous son masque.
— Ce Oaken est un excellent atout que nous devons impérativement traiter avec soin. Poursuivit Voldemort. Nul doute que cet article fera grand bruit demain à sa parution…
— Oui, Maître. Fudge désire trop ardemment la mise au banc du vieux fou. Orienter à dessin la Gazette n’a jamais été aussi simple.
— Aussi utile, Lucius ! Ce Gouvernement et sa Presse ne m’auront jamais été aussi utiles ! S’extasia le sorcier.
— Dumbledore pourrait bien en arriver à perdre son poste, maintenant qu’il est publiquement désavoué par la majorité. Acquiesça Lucius ravi de la situation.
— Il s’est lui-même mis dans cette situation avec son Australienne ! Quelle idée… Après tout, Oaken n’est peut-être pas si diffamatoire lorsqu’il sous-entend qu’il devient sénile ?
— Cela est même certain, Mon Seigneur. Draco me rapporte tant de choses absurdes qui se passent… Se passaient dans la classe de cette Sang-de-Bourbe !
— Cela n’a plus d’importance. L’Étude des Moldus abandonnée, Poudlard bientôt aux mains du Ministère, la Presse prônant notre suprématie Je n’ai jamais été aussi proche de la victoire ! Tonna l’homme-reptilien. A ce propos, Lucius, j’ose croire que cela n’est pas l’unique bonne nouvelle que tu m’apportes… ? »
Le Mangemort eut toute la peine du monde à dissimuler son malaise. La bonne humeur de Voldemort s’était soudainement mue en une suspicion des plus désagréables, et Lucius Malefoy savait qu’il aurait à choisir ses mots avec soin. Il remercia son insolente chance pour l’absence de Snape. Le blond n’aurait probablement pas réussi à apaiser son Maître sous les sarcasmes du Potionniste.
« Mon Seigneur, Commença-t-il d’une voix douce de politicien, après l’échec de Sturgis Podmore, qui est entièrement le mien, Maître ! Ajouta-t-il avant que Voldemort n’ait le temps de le lui faire remarquer. Après cet échec pour entrer dans la salle… Il m’est délicat de retenter un Imperium. Deux tentatives d’effractions…
— Podmore a été envoyé à Azkaban ! Tonna le Fourchelangue. Nous débarrassant au passage d’un possible soldat de Dumbledore. Et cela s’est passé cet été ! Lucius, tu comprends l’importance de cette mission… ?
— Oui, bien sûr que oui, Mon Maître ! Balbutia quelque peu le chef de la maison Malefoy.
— Tu sais que je ne renoncerai pas à m’en emparer… ?
— Non, évidemment que non, Maître.
— Et tu ne remets pas en question l’estime que j’ai de tes capacités, Lucius… ? Insinua dangereusement le mage noir.
— Non, Mon Maître, je suis honoré que vous fassiez grand cas de…
— Alors trouve un moyen ! Ordonna l’être en faisant claquer chaque syllabe.
— Oui, Mon Seigneur, il en sera fait selon vos désirs. »
Lucius s’inclina profondément, de la sueur perlant lentement sous son masque. Il recula de deux pas en direction de la sortie, s’inclina une nouvelle fois, puis pivota sur lui-même pour s’en aller d’un air digne, le pas raide, et la nuque frissonnante de peur. Lorsqu’il posa la main sur la poignée de la porte, la voix sifflante de Lord Voldemort claqua une nouvelle fois comme un fouet à ses oreilles :
« Je la VEUX. Et si je dois aller la chercher moi-même, Lucius… Ce jour-là, tu m’auras profondément déçu… »
Lucius Malefoy referma la porte sur lui, non sans avoir dégluti péniblement. A des centaines de kilomètres de là, dans l’une des plus hautes tours de Poudlard, Harry Potter se réveilla brusquement.
***
Lundi 15 septembre, 10h10, Salle Commune des Gryffondors,
« Tu dois le dire à Dumbledore ! » Chuchota Hermione en dissimulant sa bouche avec son devoir de Métamorphose.
Harry soupira. Il s’attendait à ce que son amie l’enjoigne à prévenir le Directeur. La veille au soir, lorsqu’il s’était éveillé de son rêve, le jeune garçon avait longuement hésité entre aller courir dans le bureau du mage, et écrire une lettre à Sirius. Mais la distance que prenait Dumbledore avec lui, et les dernières réactions de son parrain l’avaient convaincu de garder le secret. Bien que sa relation avec ses amis fût légèrement tendue depuis la fin de l’été dernier, le Gryffondor n’avait pu s’empêcher d’en parler à la jeune fille. Peut-être qu’Hermione serait à même de lui dire ce qu’était la chose que Voldemort voulait ?
Durant son passage au Square Grimmaurd, les adolescents avaient pu capter quelques bribes de conversations de l’Ordre. Des bribes très mystérieuses au demeurant. Ils n’étaient donc certains que d’une chose : le mage noir tentait d’obtenir une arme. Du moins, en étaient-ils tous persuadés.
« Tu m’écoutes ? Redemanda la lionne pour la deuxième fois.
— Oui, pardon. Je n’irai pas embêter Dumbledore avec ces broutilles, il sait déjà que Voldemort en a après « cette chose ».
— Harry, ce ne sont pas des broutilles. Va au moins lui dire que Podmore a été piégé par Malefoy !
— Il doit s’en douter déjà. De toute façon, il me dira que je n’ai pas à m’inquiéter et que cela ne me concerne pas… Répliqua le jeune homme amèrement.
— Je sais que c’est frustrant, mais tu ne peux pas tout savoir…
— C’est toi qui dis ça ?
— Je… Ecoutes, Reprit-elle en s’empourprant légèrement. Tu me demandes mon avis, je te le donne. Maintenant, si tu ne veux pas en tenir compte, libre à toi ! J’ai une tonne de devoirs à faire, et je compte bien profiter de ces heures de trou pour les terminer ! Termina Hermione d’une voix froide.
— Je t’ai demandé ce que tu pensais des informations que j’ai entendues, pas si tu pensais que je devais alerter l’Ordre tout entier ! Haussa légèrement le ton Harry en faisant se retourner Dean et Seamus qui le regardèrent par-dessus leur magazine de Quidditch.
— Je pense qu’elles te dépassent Harry, que c’est très nébuleux, que tu n’as pas toutes les cartes en main pour pouvoir les analyser, et que cela n’est pas ton rôle.
— Ça n’était pas non plus mon rôle de me battre contre Lui l’année dernière, ou encore…
— Je t’en prie, Harry ! Tu ne vas pas remettre systématiquement ça sur le tapis… Tu as plus important à faire en ce moment ! S’exaspéra Hermione.
— C’est ça… Je « tourne en boucle » sur mes histoires… ? Je m’apitoie sur mon sort ? J’exagère sur mon rôle ?
— Je n’ai pas dit ça ! Siffla la brune qui commençait à paniquer en sentant poindre la colère de l’Attrapeur. Je dis seulement que tu n’as que quinze ans, et que ta priorité devrait être tes études. Laisses l’Ordre gérer ça, c’est leur tâche !
— Mes études… ? Mais Hermione ! Je ne sais même pas si je vivrai jusqu’à l’âge adulte ! Je ne sais… Laisse tomber…, Lâcha-t-il las, Je n’aurais pas dû t’en parler. »
Il se leva brusquement et rangea ses affaires dans son sac sous l’œil critique de la jeune fille.
« Où vas-tu ?
— Prendre l’air, si c’est encore une tâche normale pour un « garçon de quinze ans » ! » Répliqua-t-il agacé.
Harry sortit d’un pas rageur de la Salle Commune, repassant inlassablement dans sa tête les paroles de son amie. Oh oui qu’il n’avait pas à se soucier de tout cela. Mais ce n’était pas l’Ordre qui devait assister nuit après nuit en direct aux horreurs que perpétuait Voldemort. Ce n’était pas non plus l’Ordre qui se retrouvait pratiquement chaque année en face du mage noir, avec pour seule aide sa baguette. Le Gryffondor omit – avec beaucoup de mauvaise foi – tout le soutien que pouvaient lui avoir offert ses amis, son insolente chance, ou même Fumseck. Depuis la mort de Cédric, un puissant sentiment de solitude et d’injustice l’avait envahi. Pourquoi lui ? Cette question tournait en tâche de fond dans son esprit depuis le tragique incident. Pourquoi avait-il survécut, lui ? Pourquoi pas Cédric ? Et puis cela s’était mué en « Pourquoi lui, et pas ses parents ? », puis encore « Pourquoi lui, et pas un autre ? », et ainsi de suite. En résultait pour Harry Potter une profonde lassitude. Il avait l’impression qu’un lourd poids pesait sur ses épaules, et qu’il n’en n’était ni digne, ni apte à y faire face. Si durant sa jeune enfance le garçon aurait tout donné pour avoir des parents, aujourd’hui, le Survivant en était à regretter d’avoir pu échapper au sortilège de la Mort. Si seulement il ne s’était pas distingué involontairement cette nuit-là ! Seul dans les couloirs rendus déserts par les cours, Harry ricana en pensant à son Professeur de Potions : Snape avait raison en fin de compte. Alors qu’il ne savait même pas marcher, le « Célèbre Harry Potter » avait trouvé le moyen de faire son intéressant ! Il grommela pour lui-même, sans se rendre compte que ses pérégrinations l’avaient amené dans le parc de l’école.
Après l’été caniculaire qu’avait connu toute la Grande-Bretagne, le mois de septembre offrait encore beaucoup de douceur. Une légère brise fraîche fit virevolter quelques mèches de l’Attrapeur, qui se détendit presque immédiatement devant le tableau apaisant de la nature. Le lac noir semblait profondément endormi, quelques ridules venaient de temps à autres clapoter sur les roches de la berge, la Forêt Interdite s’étendait à l’Ouest, immuable et silencieuse, le chant léger des oiseaux, nichés dans les bouleaux et les chênes, lui tira un franc sourire. Pour la première fois depuis son retour à Poudlard, il se sentit pleinement serein.
Le garçon réajusta la bandoulière de son sac sur son épaule, et descendit la pente douce qui menait en direction de la cabane de Hagrid. A mi-chemin, cependant, il se ravisa, se souvenant avec une pointe au cœur que son ami n’était toujours pas rentré de sa mystérieuse mission. N’ayant pas le courage de faire à nouveau face à Hermione, le brun bifurqua en direction des grandes serres de Botanique, espérant y trouver une paisible solitude. Des rires s’élevèrent derrière le tronc d’un chêne massif, attisant la légendaire curiosité du Gryffondor. Il se rapprocha machinalement de la source de bruit, pour tomber sur un petit attroupement de Poufsouffles et de rares Serdaigles assis autour d’une Jane Smith décoiffée, riant à gorge déployée. Avant qu’il ne puisse rebrousser chemin, cette dernière le héla :
« Harry Potter ! Ne restez donc pas tout seul dans votre coin ! »
Le Survivant se tendit imperceptiblement, hésitant manifestement à fausser compagnie à ce petit monde dans le plus grand dédain. Mais ce fut le timide sourire d’une blonde au blason jaune et noir qui le décida à rester. Habitué ces derniers jours à susciter de l’hostilité de la part de ses congénères, Harry se laissa totalement happer par la gentillesse qui émanait de la demoiselle. Elle se tortilla pour se décaler légèrement vers la droite, libérant une place à ses côtés pour que le garçon puisse s’asseoir. Balayant l’assemblée du regard, le Gryffondor remarqua que quelques élèves avaient sorti leurs devoirs et travaillaient à même l’herbe – des Serdaigles à n’en pas douter – tandis que d’autres semblaient profiter des derniers beaux jours d’automne. Il finit par s’exécuter maladroitement, son sac retombant mollement sur le sol.
« Heu… Qu’est-ce que vous faites tous ici… ? Osa-t-il demander.
— Nous discutons. Lui répondit son ancienne enseignante en souriant. Comme j’ai des trous dans mon emploi du temps, et que de nombreux élèves semblent avoir les mêmes, certains viennent les remplir avec moi.
— Mais vous parlez de quoi au juste ? Continua Harry, légèrement surpris.
— Le Prof… Enfin, Miss Smith, Se rattrapa la petite blonde qui lui avait cédé une place, nous parlait des croyances des Moldus concernant la Divination. Comme Maisy travaille sur un devoir de cette matière et se plaint sans cesse de son aspect nébuleux…
— Mais, Prof— Miss Smith. Vous n’êtes plus Professeur ! Interrompit le Gryffondor.
— C’est totalement exact, Monsieur Potter. Lui répondit tranquillement la Moldue en inclinant la tête.
— Vous ne pouvez donc plus enseigner à Poudlard… Si ?
— Par Merlin ! Je n’enseigne rien du tout ! Tout le monde sait à présent combien je n’ai aucune compétence. Railla Jane en déclenchant une vague de rires. Je ne faisais qu’évoquer une anecdote. Une sorte de partage sans point, devoir, ou pression.
— En somme, vous continuez votre travail au nez et à la barbe du Ministère. Traduisit Harry en fronçant les sourcils.
— Rassurez-vous, Monsieur Potter : je ne suis pas payée. Je ne continue donc rien. Ajouta la jeune femme en faisant un clin d’œil. »
Harry qui avait craint en premier lieu de s’être retrouvé coincé au milieu d’une sorte de fan-club de l’ex-enseignante, découvrit avec surprise qu’il passait un agréable moment. Jusqu’à midi, les élèves restèrent à disserter avec la jeune femme à propos de multiples sujets allant de réelles réflexions, aux blagues et autres histoires drôles. Lorsque l’heure du déjeuner arriva, les jeunes gens se levèrent, et se dirigèrent tous vers le château pour se sustenter. Harry, resté légèrement en retrait car peu enclin à l’idée de devoir justifier son absence auprès de ses amis, fini par remarquer l’attention que lui portait son aînée.
« Vous semblez soucieux, vous souhaitez en parler ? Lui proposa-t-elle.
— Comment se fait-il que des élèves aient eu envie de passer autant de temps avec… Heu… Vous ? Termina-t-il en rougissant.
— Vous voulez dire : au lieu de s’amuser, ou de profiter autrement qu’en se coltinant un rebut de la société ? Très honnêtement, je l’ignore. J’ai croisé dans les couloirs Miss Abbot et ses amies. Elles m’ont demandé ce que je comptais faire, et… Eh bien j’ai répondu que je comptais traîner mes guêtres dans le parc. Le bouche à oreilles aidant, nous étions une vingtaine à errer, comme vous avez pu le constater.
— C’est vraiment gentil de leur part. Commenta Harry pensif.
— Oh, ils ont eu pitié de moi, même certains Serdaigles, c’est pour dire !
— Pourtant, c’était courageux de votre part de vous opposer ainsi à Ombrage.
— Ou incroyablement stupide. J’ai perdu mon emploi, ne l’oubliez pas Harry.
— Peut-être, mais le Professeur Dumbledore ne vous mettra jamais à la porte, il vous protégera.
— Tant qu’il le pourra ! Soupira Jane soucieuse.
— Mais il fallait le faire ! Il fallait s’opposer à cette…femme. Cracha le jeune homme en jetant un regard inquiet à l’adulte.
— Et me priver ainsi de mon outil le plus précieux ? Lui demanda-t-elle en souriant.
— Où voulez-vous… ?
— Je parle de mes cours, Harry. Mes cours m’offraient la possibilité de parler librement. Qu’étaient quelques heures à faire « semblant » en contrepartie d’une année entière à tenter de vous enseigner quelque chose ?
— Mais… Mais pourquoi l’avoir fait ? Vous avez tout risqué pour me dire qu’il faut savoir se taire ? S’emporta le garçon. »
Jane pouffa de rire, et débarrassa sa robe des herbes qui la parsemaient.
« Non. Je ne suis pas aussi cérébrale que certains. J’ai agis par passion, sans réfléchir, et en croyant au bien-fondé de mon insurrection.
— Vous regrettez… ?
— Non, mais je devrais. Lui répondit-elle en lui faisant un nouveau clin d’œil. »
Le jeune homme fronça les sourcils et réajusta machinalement ses lunettes en tentant de comprendre si elle se moquait ou non de lui. Mais, voyant que Smith n’ajoutait rien, Harry dû se résoudre à considérer ce qu’elle venait de lui dire. Ils retournèrent à Poudlard en silence, le garçon réfléchissant intensément aux paroles de son aînée. Ils se quittèrent à l’entrée de la Grande Salle, le brun rejoignant ses meilleurs amis qui s’empressèrent de lui demander où il se trouvait, la Moldue s’asseyant à son ancienne place, aux côtés de Snape.
Malgré son renvoi au poste de Professeur d’Etude des Moldus, Jane conservait ses appartements, et le droit de manger à la table du Personnel de Poudlard. Si cela n’avait en aucune manière plu à la Grande Inquisitrice, fort heureusement, la décision finale revenait encore au Directeur de l’école et Dumbledore semblait prendre un plaisir enfantin à contrarier la bureaucrate. Si au matin, Snape avait une nouvelle fois ignoré la jeune femme en représailles de son « attitude puérile » de la semaine passée, il la fixait désormais avec insistance, tandis que Jane prenait place à ses côtés, tout en se servant un verre d’eau fraîche.
« Quoi… ? Fini-t-elle par demander, agacée.
— Je me demandais simplement si vous étiez restée prostrée dans votre chambre à vous lamenter, ou si vous aviez finalement décidé de mettre vos vacances à profit.
— Je ne suis plus une gamine qui pleure dans son lit quand elle… Ne commencez pas, Severus ! S’interrompit-elle devant le rictus goguenard de son mentor. J’étais dans le parc avec d’autres âmes en peine, comme moi.
— Merveilleux, vous devez être tellement utile assise sous un arbre. Commenta l’homme en noir en surprenant sa cadette.
— Vous m’espionnez, maintenant ? Vous fascinerais-je à ce point, Severus ?
— Vous aimeriez. »
L’espion savoura avec grand plaisir la mine choquée de la demoiselle. Elle semblait ne pas savoir choisir où porter son indignation : sur ses remarques désobligeantes, ou bien sur son humour qui tendait de plus en plus à être sous la ceinture. Jane fronça les sourcils et grogna, comme pour argumenter et clore cette discussion, et l’homme dissimula un sourire triomphant en portant son verre à ses lèvres.
Le déjeuner se déroula dans un timide brouhaha. Depuis la suspension de Jane, la Grande-Salle semblait perdre toute sa joie de vivre, et les conversations ne se faisaient désormais qu’à voix feutrée. Élèves et enseignants semblaient tous faire attention au moindre fait et geste, tout autant qu’à leurs mots. Seule Dolorès Ombrage restait épargnée par cette morosité grandissante.
Alors que les desserts apparurent à table, la Moldue, tout en se servant une portion généreuse de fondant au chocolat, avisa le Potionniste, et lui sourit pleinement :
« Dites… Vous faites quoi après le repas ?
— Au risque de vous surprendre, Miss, je vais faire mon travail. A savoir enseigner les Potions à mes élèves.
— Ah… Commenta, déçue, la scribouillarde. Mais… Vous n’avez pas cours tout le temps, si ?
— Si, Miss, tout le temps. Jusqu’à dix-huit heures. C’est ce qui arrive quand on est un Professeur encore en fonctions. Acheva-t-il en susurrant.
— Très spirituel, Snape, merci… »
Jane donna un coup de fourchette rageur à son pauvre fondant, et l’englouti dans un geste de compensation particulièrement instinctif et féminin. L’ancien Mangemort pinça les lèvres pour s’empêcher de demander des précisions, mais l’homme peinait de plus en plus à contenir sa curiosité ces derniers temps.
« Pourquoi ça ? Osa-t-il demander en se maudissant intérieurement.
— Rien. Je m’ennuie…
— Et c’est de mon fait ? Puis-je y faire quelque chose, peut-être ?
— Vous me demandez, je… Oh, la barbe, hein. »
Jane brandit sa fourchette en guise de menace muette, puis sembla se raviser pour achever son dessert dans un courroux vengeur. Severus repoussa ses profiteroles à peine entamées, et se leva avec grâce de son siège, non sans ajouter un dernier mot à l’endroit de son ex-collègue :
« Trouvez-vous un but, ou vous ne prouveriez que votre incapacité à vous adapter à notre… École. »
L’homme s’en fut dans un bruissement de capes agaçant au plus haut point la Moldue, qui regrettait amèrement de ne pas s’être terrée dans sa chambre, finalement.
***
Le même jour, 18h10, appartements de Jane Smith,
Merlin se redressa sur ses pattes, s’étira longuement, bailla avec conviction, avant de se rallonger en boule auprès du feu. Sa maîtresse releva un instant les yeux de son livre pour l’observer, tout en secouant la tête d’un air désespéré, et maugréant un sarcastique « T’as vie est tellement compliquée, Merlin ! ». Avant même que l’animal ne put lui répondre par un miaulement dédaigneux, rejetant en bloc cette accusation infondée, on frappa timidement à la porte. La Moldue et le chat sursautèrent de concert, se jetant des regards interrogatifs. Jane n’attendait personne, et aucun sorcier connaissant l’emplacement de ses quartiers ne se donnerait la peine de frapper de façon aussi timorée.
Elle reposa donc « Mythes et Fantasmes du monde Moldu », emprunté à la Bibliothèque, et se décida à ouvrir. Devant ses yeux stupéfaits, se tenait un Harry Potter mal à l’aise.
« Bonsoir, Monsieur Potter… Je peux vous aider ?
— Bonsoir Pro-Miss Smith. Heu… C’est le Professeur Snape qui m’envoie. Balbutia le garçon qui ne semblait visiblement pas être certain de la raison de sa présence.
— Je vous demande pardon ?
— Je suis en retenue. Vous vous souvenez… ? A cause de la cape, et du couvre-feu…
— Oui, certes, mais c’est le Professeur Snape qui vous a collé, pas moi. Je ne suis même plus de l’équipe !
— Je sais, Miss. Mais il a dit que je devais faire mes heures avec vous.
— Il… Qu’a-t-il dit exactement ? Demanda Jane suspicieuse.
— Quelque chose comme « Vous effectuerez vos heures de colle avec quelqu’un qui a du temps à perdre avec un cas aussi désespéré que le vôtre, Potter. »
— Plus authentique que le vrai. Maugréa la Moldue piquée au vif. Bon… Eh bien, entrez je suppose. »
Le Gryffondor passa la porte, quelque peu impressionné à l’idée de pénétrer dans ce qu’il semblait être un salon privé. La pièce semblait être trop habitée pour qu’il puisse se sentir à l’aise. Harry avait la désagréable impression de déranger, et de ne pas être à sa place. Jane et lui se regardèrent sans trouver quoi dire, tous deux hébétés devant la décision du Serpentard. Ce fut le garçon qui rompit le silence :
« Oh, vous avez un chat ! S’exclama-t-il en se précipitant vers lui.
— Oui, il s’appelle Merlin. Répondit la jeune femme en se sentant soudainement stupide.
— C’est… Heu… Original. »
Non, ça ne l’était pas dans l’univers d’Harry Potter. Mais dans celui de Jane Smith, si. Et la Moldue regretta presque immédiatement d’avoir choisi un tel nom pour son familier. Reprenant contenance, elle désigna le sofa à son ancien élève, avant de s’installer dans un grand fauteuil qui lui faisait face.
« Bien, Monsieur Potter, vous êtes ici en retenue. Avant que l’on exécute la punition à proprement parler, j’aimerais que nous évoquions les raisons qui ont conduit à vos heures de colle. Tenta-t-elle de sa voix la plus professionnelle.
— Vous n’étiez pas au courant, hein ? Lança perspicace le garçon.
— Et vous… ? Lui rétorqua du tac-o-tac l’adulte, le faisant légèrement rougir de honte devant son insolence. Alors, pourquoi étiez-vous en dehors des dortoirs ce soir-là ? »
L’Attrapeur ne répondit pas dans l’immédiat, il semblait chercher désespérément une explication valable, et tentait par tous les moyens de gagner du temps en tournant toute son attention vers Merlin. Mais celui-ci, par instinct de contradiction, lui tourna le dos. Harry soupira, et leva enfin les yeux vers Jane.
« Je n’arrivais pas à dormir. Souffla-t-il.
— Pourquoi ? »
Le Survivant s’était attendu à ce qu’elle lui fasse remarquer qu’il aurait pu déambuler dans sa Salle Commune. S’il avait dû passer son heure de colle avec Snape, l’homme lui aurait répliqué que le règlement se passait volontiers de ses états d’âme. Que son ancienne enseignante, si stricte et sévère lui pose cette simple question le laissa pantois. Il ouvrit la bouche pour proposer une justification vaseuse, mais le regard inquisiteur qu’elle lui lança acheva de le déstabiliser. Jane semblait tout à fait prête à passer deux heures en sa compagnie, en silence, jusqu’à ce qu’il lui dise ce qu’il en était. Et pour la première fois de sa vie, Harry eut la sensation qu’on lui demandait de s’exprimer librement.
Il était partagé entre l’envie fébrile de tout lui dire, d’exposer entièrement ses émotions pour s’en décharger, et l’envie de garder ce fardeau pour lui. Smith croisa les jambes, et s’enfonça plus encore dans son fauteuil. Le garçon se tordit les mains, et fini par murmurer :
« Je me sens seul. »
Jane acquiesça en silence, et Merlin s’étira de nouveau, s’intéressant à la discussion. Le brun n’osait pas relever les yeux, il se sentait stupide maintenant qu’il avait formulé cela à voix haute. Une petite voix lui chuchota que c’était, et de très loin, l’unique raison. Une bouffée de colère, mêlée à son angoisse qu’il avait tue jusqu’ici, s’empara de lui, et il continua d’une traite :
« Je me sens seul. Je suis constamment mis à l’écart de tout, pointé du doigt. Personne ne me croit, Professeur. Chaque jour, je me lève, je côtoie mes amis, et pourtant, je me sens abandonné. Relégué au rang de paria. Et cela me met dans une rage folle… ! En fait, je suis tout le temps en colère, après tout et tout le monde ! J’ai l’impression qu’une bête ignoble croît et n’attend que d’être libérée pour enfin dévorer tout ce qui l’entoure de sa haine farouche. J’ai envie de hurler tellement j’ai l’impression que l’on ne m’entend pas ! Je rêve… Je rêve, Professeur, d’arriver dans la Grande Salle, et de vociférer à tout le monde que Voldemort est bien de retour, et que s’ils continuent à l’ignorer, Il les mettra en pièces, et à ce moment-là, il sera trop tard pour venir pleurer dans les jupes du Survivant.
J’ai parfois même envie que ces imbéciles en souffrent ! Qu’ils s’étouffent de leur bêtise et en paient le prix, autant que je paie celui du fardeau qu’est la vérité ! Et quand je me rends compte de ce que je pense, je me dégoûte, Professeur. Je me sens aussi sale que Lui ! J’ai l’impression de devenir aussi mauvais que Lui. Et je me demande alors si je ne deviens pas fou, comme le prétendent la Gazette et le Ministère. Je sais que je ne devrais pas douter, le Survivant ne doit pas douter. Et pourtant, tous les soirs, j’étouffe sous mes couvertures, en angoissant à propos du lendemain. En me demandant quels cauchemars hanteront mes nuits, et quelles horreurs je lirai dans la Presse. Tout le monde me dit quoi faire, quoi dire. Et tout le monde me dit que je peux compter sur chacun d’entre eux. Ron, Hermione, Sir… Enfin d’autres. Tout le monde ! Mais quand je tente de leur parler, j’ai le sentiment qu’ils me jugent, et ma voix ne me répond plus. Tout se bloque, et je reste muet. Désespérément muet… »
Harry reprit son souffle, et sa voix se brisa, tressaillant sous le chagrin qui l’envahissait, tandis qu’il termina : « Alors que je ne fais que hurler intérieurement. »
Une bûche craqua et s’effondra sur elle-même dans un crépitement sinistre et une gerbe d’étincelles. Le jeune homme renifla, de grosses larmes dévalant ses joues, en se transformant peu à peu en sanglot misérable. Jane se sentait totalement démunie face à la douleur de son vis-à-vis. Elle ne savait absolument pas quels mots employer pour atténuer sa peine, ou tout du moins, le soulager sur le moment. Elle amorça un mouvement naturel vers lui, avant de se raviser. Merlin sauta en souplesse sur les genoux du brun, et lui donna un grand coup de tête affectueux en ronronnant. Harry glapit une sorte de rire qui se confondit dans un sanglot, et la Moldue remercia mentalement son animal d’être beaucoup plus instinctif qu’elle.
Jane le laissa caresser son chat un long moment, cela semblait apaiser sa crise de larmes. Elle réfléchissait intensément, repassant ses paroles dans sa tête, hésitant sur la conduite à tenir, avant de finalement prendre une décision.
« C’est normal, Harry. Vous êtes seul. » Lui confirma-t-elle d’une voix douce.
L’attrapeur ouvrit de grands yeux embués de larmes, voulant protester, mais elle l’interrompit en expliquant ses propos.
« Vous êtes orphelin. Votre père et votre mère ne peuvent vous conseiller en cette période difficile qu’est l’adolescence. Parce qu’elle ajoute à votre mal-être, soyez-en certain. Et vous êtes seul parce que vous avez été seul dans ce cimetière l’année dernière. Que vous êtes seul dans votre lit. Seul face à vos cauchemars, et enfin : seul face à vos peurs. Et personne ne pourra jamais vous remplacer, Harry. Ou même vous porter pour affronter tout ceci. Vos proches, vos enseignants, toute personne gravitant autour de vous, ne pourra jamais faire autre chose que vous apporter son aide, si et seulement si, vous manifestez ce besoin.
— Mais… Mais j’ai besoin ! Et… Qui m’aide réellement ?! S’emporta le garçon. Qui me protège, ne serait-ce que de cette… Cette… CET INFAME CRAPAUD ?! » Finit-il par hurler, faisant fuir un Merlin furibond devant autant de décibels.
Jane resta imperturbable. Du moins, extérieurement. En réalité, la jeune femme se demandait dans quelle situation son mentor l’avait fourrée. Elle n’était pas Pédopsychiatre. Elle n’avait strictement aucune compétence pour faire face à cela ! Chassant ses doutes pour plus tard, elle décida de suivre son instinct.
« Vous avez prévenu quelqu’un de ce qu’elle vous faisait ? Lui demanda-t-elle du ton le plus neutre qu’elle pouvait.
— Bien sûr ! Je… » Mais Harry se tut, comprenant où elle voulait en venir. Il reprit néanmoins :
« Vous et Snape étiez au courant ! Accusa-t-il.
— C’est exact, il a fallu que je vous force un peu la main, mais nous avons effectivement fini par savoir ce qu’il se passait.
— Voilà ! Et donc, qu’avez-vous fait, Professeur ? Osa-t-il venimeux. RIEN ! Snape m’a collé, et point !
— Professeur Snape. Corrigea Jane calmement. Monsieur Potter, comment se sont arrêtées les heures de colles avec Dolorès Ombrage, dites-moi ?
— Elles ne se sont pas arrêtées, elles ont été remplacées ! » Protesta le garçon, buté.
L’adulte ne répondit pas, se contentant de darder un regard équivoque sur le jeune homme. Harry la fixa rageusement, tout entier à sa colère, avant d’ouvrir finalement la bouche, semblant comprendre soudainement. Mais le brun secoua négativement la tête, comme incapable de se résoudre à penser une telle chose.
« C’est ça ! Snape aurait gentiment décidé de me protéger d’une torture qui doit probablement le ravir… Le Célèbre Harry Potter enfin remis à sa place par de vieilles méthodes efficaces !
— Vous le pensez réellement, Harry… ?
— Pas vous, peut-être ? Est-ce que vous savez seulement de quoi cet homme est capable ?
— Je doute que cela soit le propos, et je pense que vous le savez.
— Ah, vraiment ? Continua l’adolescent entêté. Qu’il ait délibérément omit de parler de cette histoire au Professeur Dumbledore n’est pas le propos, peut-être ?
— D’une part, qui vous dit qu’il ne l’a pas fait, et d’autre part, pourquoi vous n’avez vous-même pas averti le Directeur de la situation ? Ou même le Professeur McGonagall ?
— Parce que… »
Harry s’interrompit une nouvelle fois. Cherchant à trouver une nouvelle raison d’épancher son énervement. Mais Smith restait désespérément calme, ce qui agaça plus encore le garçon. Boudeur, il ajouta d’une voix glaciale :
« Parce que c’est un Mangemort, voilà, pourquoi ! »
Il guetta la réaction de son ancienne enseignante, cherchant à tout prix à la voir radicalement choquée par cette nouvelle. Mais il la vit sourire.
« Vous êtes en train de me dire que vous ne l’avez dit à personne parce que le Professeur Snape a été un Mangemort.. ? C’est cela, Harry ?
— Non ! Il… Je… Harry soupira, découragé. Vous n’êtes pas surprise, vous saviez donc ?
— Évidemment. Comme je sais également que le Professeur Trelawney est portée sur la bouteille, que le Professeur Hagrid était le Garde-Chasse de Poudlard, que le Professeur Dumbledore devrait surveiller son diabète et enfin, que le Professeur Snape n’a jamais eu pour vocation la torture de ses étudiants.
— Mais il me hait ! Protesta le Gryffondor, visiblement ému.
— Et alors ? Vous ne le portez pas dans votre cœur non plus que je sache ! Et pourtant, vous êtes en train de l’insulter, tandis que vous vous trouvez dans mes quartiers à discuter en lieu et place d’une retenue ! » Perdit patience l’écrivain.
Jane regretta d’avoir haussé le ton lorsqu’elle vit les yeux émeraudes scintiller devant l’assaut de nouvelles larmes. Mais au lieu de protester une nouvelle fois, Harry baissa la tête, et renifla piteusement. La Moldue leva les yeux au ciel, et se leva pour attraper une boîte de mouchoirs en papier posée sur un guéridon. Elle la lui tendit, et le garçon fini par se moucher dans un barrissement digne d’un éléphant. Il esquissa un sourire timide, en la remerciant dans sa barbe.
« Je crois que vous êtes à bout pour ce soir, Monsieur Potter. Nous devrions reprendre demain. Je suppose que le Professeur Snape vous a donné un nombre de retenues, non ?
— Non… Il a dit « Jusqu’à ce qu’il soit certain qu’il peut me rendre la cape. »
— Ah, oui… Cela risque de faire long, en effet. Disons demain, à la même heure ?
— J’ai un entraînement de Quidditch, demain, j’ai déjà raté le précédent, et…
— J’ai compris. Mercredi, même heure, puis jeudi aux heures où nous avions cours. Sans faute.
— Oui, Professeur. Merci. A mercredi. Acquiesça le garçon avec automatisme.
— C’est Miss Smith, maintenant Potter. Bon appétit, et passez une bonne soirée ! »
Le-garçon-qui-a-survécut renifla une dernière fois, emportant avec lui son mouchoir froissé et poisseux, puis s’éclipsa en silence. De nouveau seule, Jane s’effondra dans son fauteuil, épuisée. Merlin profita du calme nouvellement revenu dans la pièce pour demander un câlin.
« Pourquoi, Merlin ? Pourquoi ai-je dis oui à ce vieux fou… ? »
Le chat cligna des yeux en ronronnant, avant de se diriger droit vers sa gamelle vide. Signe que les questions existentielles de sa maîtresse n’étaient définitivement pas sa priorité.