Grande Salle de Poudlard, table des Gryffondors,

Harry Potter su, dès qu’il entra dans la gare de King’s Cross que cette année allait être difficile à vivre. Pour la première fois depuis son entrée dans cette école, Poudlard ne lui semblait plus aussi accueillant. Sur son passage, les élèves n’avaient eu de cesse de le dévisager en murmurant. Son arrivée dans la Grande Salle semblait présager une année de solitude, de quolibets et d’accusations diverses. Le jeune garçon avait déjà vécu de semblables situations, mais cette fois-ci, il lui semblait bien que la cinquième année serait une épreuve douloureuse.

Il balaya du regard l’ensemble des étudiants, défiant ceux qui le fixaient avec insistance. Il termina son examen par la table des professeurs et fronça les sourcils en ne trouvant pas la silhouette reconnaissable du garde-chasse :

« Hagrid n’est pas ici. Annonça-t-il à voix haute à l’attention de ses amis qui s’empressèrent de regarder dans la même direction.

— Peut-être qu’il est simplement en retard ? Suggéra Ron, sans trop y croire.

— Non. Répondit le brun en hochant négativement la tête. Je pense qu’il est retenu par…

— Tu crois qu’il lui est arrivé quelque chose ? S’inquiéta Hermione.

— J’espère que non. Soupira Harry, tout en continuant son inspection de la table. »

Ses deux jeunes amis semblèrent absorbés par leur inquiétude. Ils ne pouvaient librement évoquer l’absence d’Hagrid au milieu de leurs condisciples. Après qu’Harry eut relaté les événements du cimetière, Dumbledore avait chargé un certain nombre de membres de l’Ordre d’effectuer des missions. Parmi eux se trouvait également le demi-géant. Et, bien que les jeunes gens n’aient que de vagues soupçons concernant la nature de son déplacement, ils ne pouvaient s’empêcher de redouter le pire pour leur Professeur.
Une forme rose attira l’attention de l’Attrapeur : toute en masse, enveloppée comme un bonbon de supermarché, Dolorès Ombrage buvait à petites gorgées un vin jaune, tout en conversant avec une jeune femme qu’Harry ne reconnut pas.

« C’est elle ! Cracha-t-il en fronçant le nez.

— Qui ? Demanda Hermione en portant son attention en direction de la sous-secrétaire.

— Dolores Ombrage. L’abominable bonne femme qui était présente à mon procès.

— Tu veux dire qu’elle travaille pour le Ministère ? Mais que ferait-elle ici ? S’inquiéta la lionne.

— Je l’ignore… Cela a peut-être un rapport avec ce qui s’est passé l’année dernière…

— Ah moins que… Non. Cela ne peut pas être ça, tout de même ! S’exclama Hermione comme si Harry avait saisi ce dont elle parlait. »

Harry la regarda sans comprendre et s’apprêta à interroger son amie lorsqu’il fut interrompu. Les portes de la Grande Salle s’ouvrirent sur McGonagall, suivie par une cohorte de premières années effrayées. La Directrice adjointe déposa au centre de la salle un tabouret, sur lequel elle positionna le Choixpeau. Tandis qu’elle tirait de sa poche un grand rouleau de parchemin, les nouveaux arrivants se mirent en rang, attendant que la cérémonie de répartition commence. Le lourd silence qui avait accompagné l’étrange chanson de l’artefact fut bientôt effacé par la longue liste des nouveaux étudiants, de leur nom et de leur nouvelle maison. Une fois la cérémonie achevée, le repas débuta dans un joyeux brouhaha, mêlant tintement de couverts, de verres, conversations et éclats de rire. Le trio d’or, flanqué d’un Neville Londubat écœuré par la quantité ingérée par Ronald, était en grande conversation :

« Alors, tu di’chais qu’elle était à l’audien’che ? Reprit le rouquin les joues gonflées par des pommes de terre sautées.

— Ron ! Ferme la bouche en mangeant, tu es répugnant ! Le rabroua la nouvelle Préfète.

— Ouais. Elle est secrétaire ou je ne sais plus quoi pour Fudge. Répondit Harry en attrapant le plat de rôtis.

— Elle ch’erait là pour la rentrée, uniquement ?

— Ron ! Cria presque Hermione en le forçant à refermer ses mâchoires. Mange ou parle, mais choisis, par Merlin !

— C’est possible, admit Harry. Et elle ? Demanda-t-il en jetant un œil à Jane Smith occupée à repousser la main de Snape qui l’empêchait manifestement de se resservir à boire. Vous croyez qu’elle est la nouvelle Prof de Défense ?

— Je crains que non. Souffla pensivement Hermione. Je pense qu’elle… »

L’adolescente s’interrompit en passant en revue l’ensemble des enseignants attablés. Elle fronça les sourcils, et finit par achever sa phrase au bout d’un moment de réflexion.

« Je ne vois pas le Professeur Burbage. Elle doit la remplacer.

— Ch’é qui ? Interrogea Ron avant de se prendre un coup de pied de son amie sous la table.

— Elle enseigne… Enseignait, l’Etude des Moldus. Finit-elle par expliquer.

— Tu crois qu’il lui est arrivé quelque chose ? S’inquiéta Harry.

— Peut-être pas. Elle est peut-être partie de son plein gré.

— Franchement, Hermione. Intervint le roux après avoir avalé péniblement ce qu’il mastiquait. Pourquoi tu t’imposes un cours aussi inutile ?

— Pourquoi « inutile » ? Aucun savoir n’est inutile ! Le rabroua son amie.

— Ben… Parce que tu es une Moldue, Hermione. C’est comme si j’étudiais les sorciers. C’est ridicule ! Répliqua Ron comme s’il évoquait une évidence.

— Et que crois-tu que soit l’Histoire de la Magie ? Elle traite bien des sorciers, non ?

— Ouais… Mais c’est important, pour la culture et tout ça…

— Parce que la culture moldue ne l’est pas, peut-être ?

— Non… C’est pas ça, c’est…

— Ce qu’essaye de dire Ron, c’est qu’il est intrigant que tu souhaites suivre des cours où tu n’apprendras rien que tu ne saches déjà, Hermione. Tenta Harry en regrettant immédiatement son intervention devant le regard furibond de son amie.

— Ce qui est intéressant, c’est de connaître le point de vue des sorciers.

— Je ne comprends toujours pas l’intérêt de… »

Mais Ron ne put finir sa phrase. Le repas venait de se terminer, et Dumbledore se levait déjà, ouvrant grand les bras, comme s’il souhaitait embrasser la salle tout entière. Il posa un regard bienveillant sur ses étudiants, souriant à pleines dents, et s’éclaircit la gorge, faisant cesser net toutes les conversations :

« A présent que nos ventres sont repus de victuailles, je vais abreuver vos esprits du traditionnel discours de rentrée. Je signale donc aux premières années, et le rappelle également aux autres, que la Forêt Interdite est, comme son nom l’indique : interdite. Aux jeunes arrivants de comprendre cela, et aux plus vieux de s’en souvenir.
Par ailleurs, l’usage de la magie est toujours prohibé dans les couloirs en dehors des cours, ainsi qu’un certain nombre de choses listées sur une feuille placardée sur la porte du bureau de notre concierge, Argus Rusard. Comme vous avez pu le constater, nous accueillons également trois nouveaux enseignants. Je remercie donc le Professeur Gobe-Planche qui a accepté de reprendre la classe de Soins aux créatures magiques. J’ai également le plaisir de vous présenter le Professeur Dolorès Ombrage qui s’occupera de la classe de Défense contre les forces du Mal. »

Hermione claqua sa langue sur le palais, manifestement agacée, et Harry fronça les sourcils de déplaisir. Dumbledore poursuivit son discours :

« Une autre information importante concerne un changement de matière… »

Pendant un instant, personne ne comprit pourquoi le Directeur s’était interrompu. Les élèves le regardaient sans piper mot, alors qu’il avisait avec un sourire poli la sous-secrétaire. A la table des professeurs, de nombreux adultes se penchaient pour regarder en sa direction sans comprendre. Assise à côté d’elle, Jane l’entendit toussoter, mais ne comprit l’incident qu’en voyant les mains de Snape blanchir sur les accoudoirs de sa chaise. Dolorès Ombrage s’était levée, de toute sa petite taille, et s’éclaircissait la gorge à grand renfort de « Hum, hum » faussement enfantins.

« Merci, Monsieur le Directeur pour ces aimables paroles de bienvenue. Minauda-t-elle de sa voix aigrelette. C’est un véritable plaisir que de revenir à Poudlard pour y enseigner, et de voir tous ces joyeux petits visages levés vers moi ! »

Jane s’autorisa un regard circulaire à ses futurs étudiants : si certains affichaient chez les Serpentards des mines narquoises, la plupart semblait perplexe, voire outrée que cette femme ait interrompu le mage blanc. Les manifestations les plus hostiles venaient précisément de la table des Gryffondors, et la Moldue s’attarda sur l’expression dégoûtée du jeune Potter, ainsi que celle suspicieuse de son amie Granger.

« J’ai hâte de faire votre connaissance, et je suis certaine que nous deviendrons rapidement de très bons amis. » Poursuivi la bureaucrate.

A ces mots, Jane ne put empêcher son sourcil droit de se redresser. Quel genre d’enseignant s’adresserait à ses élèves comme s’ils étaient des maternelles à l’intelligence limitée ? La jeune femme n’était d’ailleurs pas la seule à sembler être surprise par le discours infantilisant d’Ombrage. Les étudiants pouffaient de rire en se moquant ouvertement, et à la table des professeurs, une certaine tension bourdonnait. Et si elle le connaissait moins, Jane n’aurait pas remarqué l’agacement de son collègue en noir dont l’index tremblotait sur l’accoudoir. Dolorès reprit son discours, d’une voix posée de politicienne, monotone, sans ton ni âme, et débita une litanie de mots trop complexes pour des esprits aussi peu coutumiers de la démagogie. Enveloppées de tournures plus alambiquées les unes que les autres, les idées les plus importantes ne passaient pourtant pas inaperçues pour qui savait écouter. Pourtant, à mesure que l’enseignante parlait, les adolescents se désintéressaient totalement du contenu. Certains avaient même repris leur conversation, d’autres, sortaient des livres ou des magazines pour les lire. A l’exception de certains élèves, dont Hermione Granger, l’ensemble ne mesurait nullement la gravité de la situation. Lorsque la magistrate eut terminé, elle se rassit, satisfaite de son effet, tandis que les jeunes gens sortaient brusquement de leur torpeur.

« Merci beaucoup, Professeur Ombrage, pour ce discours extrêmement éclairant. Salua Dumbledore en s’inclinant face à sa collègue.

— Doux euphémisme. Souffla Jane à l’attention de Severus qui cligna des yeux pour acquiescer discrètement.

— A présent, comme je vous l’annonçais, Reprit le Directeur, j’ai une annonce très importante à vous faire part concernant l’organisation de vos cours. Le Professeur Burbage, qui enseignait l’Etude des Moldus, m’a remis sa démission cet été. En conséquence, c’est le Professeur Smith, fraîchement revenue d’Australie, qui a accepté de reprendre le poste. Je vous demande donc de l’accueillir comme il se doit. »

Il eut des applaudissements de part et d’autre de la salle, couplés à des chuchotements sur l’origine de l’enseignante, et sur le départ de l’ancienne. Jane inclina la tête en direction de son supérieur pour le remercier, et opina une nouvelle fois du chef face aux quatre tables. Severus se mordit l’intérieur de la joue pour ne pas sourire devant l’apparente froideur de sa jeune collègue. Il était suffisamment proche d’elle, pour voir ses mains trembler légèrement. Albus reprit le fil de son annonce, après avoir inspiré longuement :

« L’Etude des Moldus est une matière enseignée depuis peu, au regard de l’histoire de Poudlard. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle c’est un cours en option qui n’est pas évalué aux BUSES ou aux ASPICS. Son introduction dans le cursus est née de la volonté de faire découvrir aux sorciers la culture moldue dont sont issus de nombreux étudiants. Aujourd’hui, plus que jamais, il apparaît nécessaire que chacun se doit de connaître l’autre afin de pouvoir vivre en paix. »

Les élèves le regardaient en affichant des mines perplexes. Seuls les Serpentards se montraient plus réticents à cet aparté sur une matière qu’ils méprisaient. Chez les Gryffondors, mais plus largement chez les Poufsouffle, le sentiment dominant semblait être l’accord. Certains hochaient même la tête à la mention de la paix et du « vivre ensemble ». Dumbledore marqua une nouvelle pause et sourit largement avant de reprendre :

« C’est pourquoi, en accord avec le Ministère la Magie, Poudlard a donc décidé de dispenser cet enseignement à l’ensemble des élèves, de la première à la septième année. »

Il eut une sorte d’explosion sonore du côté de la table des verts et argents. Après un moment de réflexion, les Serpentards saisirent l’implication de ces mots, et commencèrent à protester vivement, bientôt rejoints par une étonnante majorité d’élèves. Le vieux mage leva la main pour reprendre la parole, d’une voix plus forte cette fois-ci :

« Ces cours… ! Ces cours seront donc obligatoires, au même titre que les matières principales ! Et dispensés à l’ensemble des étudiants, peu importe leur origine ! »

Cette fois-ci, c’était le chaos. De nombreux élèves hurlaient ouvertement que c’était injuste, inutile, dictatorial, même. Certains prétendaient même vouloir en parler à leurs parents. S’ils avaient applaudi Jane avec politesse, désormais, ses futurs « cornichons », comme les nommait Snape, lui lançaient pour beaucoup des regards hostiles. Le Maître des Potions n’esquiva d’ailleurs aucun mouvement pour calmer l’ardeur de ses serpents, arborant un masque impassible qui ne laissait filtrer aucune émotion. Pourtant, en son for intérieur, Severus était surtout occupé à observer la réaction de son apprentie sorcière. Celle-ci avait les mains posées fermement sur la table, et embrassait du regard la salle, non sans hocher la tête en croisant celui des élèves les plus violents à son égard. Cet angle d’attaque surprit l’espion, qui reconnut clairement une imitation de son propre style. Le Directeur tenta de conclure son annonce, mais dû recourir à un sortilège pour couvrir les voix des jeunes sorciers :

« Naturellement, aucun livre n’a été ajouté à la liste des fournitures à acheter. Ainsi, aucun d’entre vous n’aura à prévoir un financement pour ce cours. En outre, cette matière ne figurera pas aux épreuves. Néanmoins, j’insiste sur l’aspect obligatoire de cette-ci. Il ne sera donc toléré aucune attitude négative. Et maintenant que vous vous êtes bien fatigués en hurlant, il est temps d’aller au lit, une belle année s’annonce. » Conclut le vieil homme avec un sourire.

Loin d’être fatigués, les jeunes gens se pressaient bruyamment pour sortir de la Grande Salle, la nouvelle au cœur de toutes les discussions. Les Préfets, dont Ron et Hermione, accompagnèrent les premières années jusqu’à leurs maisons respectives, laissant Harry seul avec Neville, qui l’accompagna dans leur salle commune.

La table des professeurs se vidait également peu à peu. Toujours assise sur sa chaise, Jane fixait son verre comme pétrifiée. Snape l’avisa, avant de lui lâcher, goguenard :

« Vous êtes devenue plus impopulaire que moi, mes félicitations. »

La Moldue ne répondit pas et vida d’un trait son reste d’hydromel avant de se lever et de prendre la fuite sans lui répondre. L’homme en noir marqua un temps d’hésitation avant de se raviser et d’aller se préparer pour son discours annuel de Directeur de Maison qui s’annonçait houleux.

***

Couloirs de Poudlard, premier jour de cours, sept heures,

Severus Snape détestait la rentrée. Il la redoutait à chaque fin de vacances, la maudissait la veille au soir, et se vengeait le jour venu. Chaque année, le même rituel s’opérait : il traumatisait les premières années pour le reste de leur scolarité, rappelait aux autres de le haïr, tentait d’établir un nouveau record de perte de points pour les Gryffondors au premier jour, et terminait la journée sur les rotules, devant un verre de brandy et une pile de retenues à administrer. Les années fastes, il se payait même le luxe d’envoyer un ou deux élèves à l’infirmerie pour crise d’angoisse.

Mais cette fois-ci, il eut quelques changements dans son programme : tout d’abord, il dut faire face à une horde de Serpentards particulièrement remontée. L’annonce faite par le Directeur avait fait bondir la quasi-majorité de ses élèves, la minorité se contentant d’être d’accord avec les meneurs. Son habituel discours de rentrée, qui durait précisément quarante-cinq minutes, s’était étiré jusqu’à deux heures vingt. Il n’eut pas même le temps de souhaiter la bienvenue aux nouveaux arrivants, ni même de faire le rappel en règle des valeurs de leur maison. La veille, les plus âgés, dont naturellement Draco Malefoy et sa bande, s’étaient époumonés dans les cachots, arguant que Dumbledore avait définitivement perdu l’esprit et qu’aucune de leur famille n’accepterait qu’ils s’abaissent à suivre une telle matière. Ramener l’ordre dans les rangs demanda à l’espion des trésors de patience et de diplomatie. L’homme avait tablé son argumentaire sur la chance qu’avaient les Serpentards de vivre une pareille injustice et de voir autant d’autres élèves en accord avec leur réaction. L’idée était de laisser le nouveau Professeur Smith prouver à l’ensemble de la Communauté Sorcière qu’il y avait bel et bien un complot moldu visant à remplacer la « population de souche ». Snape n’était pas particulièrement fier de rendre la tâche plus ardue à la jeune femme, mais sa position ne lui permettait nullement un compromis. Ragaillardis par la perspective d’utiliser cette nouvelle pour une future propagande anti-moldus, les Serpentards finirent par se calmer suffisamment pour entendre l’autre volet : à savoir la nécessité de « jouer le jeu », car un Serpentard ne fonce pas dans le tas comme un lion déchaîné. En d’autres termes, Severus n’avait guère dormi de la nuit, était passablement épuisé et, pour couronner le tout : il venait de tirer une flèche dans le dos de la jeunette qu’il s’évertuait à former.

Cette même jeunette qu’il retrouva assise à la table des professeurs, dans la Grande Salle, en train de jouer avec sa cuillère dans un bol de porridge, tout en lisant la Gazette du Sorcier. Jane semblait s’être habituée à la mode sorcière : elle portait une longue robe crème, doublée de brocard rose pâle. Manifestement, elle avait perdu patience devant le problème posé par les chignons et avait opté pour une longue tresse ramenée sur le côté. Le Maître des Potions fronça les sourcils, trouvant que la tenue, bien qu’élégante, faisait paraître la Moldue plus jeune qu’elle ne l’était, et risquait de la montrer trop fragile. Il ne fit cependant aucune réflexion et s’assit silencieusement à une chaise d’elle, se servant des œufs brouillés et des toasts beurrés. Sa collègue ne releva même pas la tête de son journal, ce qui vexa profondément l’espion qui toussota alors pour capter son attention. Peine perdue, Jane continuait de lire, sa cuillère ayant désormais réussi à creuser un trou dans son déjeuner. Severus se leva alors, saisi ses affaires, et se posta sur la chaise voisine, juste à côté d’elle. Il toussa une nouvelle fois.

« Bonjour Severus, vous devriez prendre du thé avec du miel. Claqua l’enseignante sans même lever les yeux du papier.

— Je me demandais si vous n’aviez pas perdu la parole justement.

— Vous voulez plutôt dire que vous vous demandiez si j’allais vous saluer ? Proposa Jane en repliant la Gazette.

— Cela paraît être la moindre des corrections, il me semble. Répliqua-t-il en relevant fièrement le menton.

— Sale nuit ? Ou bien vous êtes juste plus en forme que d’habitude ? Demanda Jane et repoussant son bol d’un geste las.

— Et là, qui est agressif ? Contra Snape en la regardant enfin droit dans les yeux. »

La nouvelle professeur soupira et pencha la tête sur le côté, avant de se servir son troisième café matinal. Le Serpentard tendit sa propre tasse pour qu’elle le serve avant d’y glisser un carré de sucre, touillant lentement son breuvage en scrutant sa collègue.

« Je suis désolée, je suis fatiguée. Finit-elle par répondre.

— Je vous avais dit de ne pas boire autant.

— Ce n’est pas ça. J’ai très peu dormi, je suis extrêmement angoissée, excitée, et…

— Vous n’avez pas cours avant dix heures. Que faites-vous ici au lieu de rattraper votre sommeil ?

— J’avais tellement peur de ne pas me réveiller que…

— Que vous n’avez pratiquement pas fermé l’œil de la nuit. Vous êtes fraîche, en plus ! Nota l’homme en noir en avisant les cernes violets de la Moldue.

— Vous avez fini de m’interrompre ? Je sais à quoi je ressemble, je vous remercie. A croire que vous faites un concours avec le miroir du diable !

Le miroir du diable ? Releva Snape intrigué.

— Oui, cette saleté de truc magique qui m’insulte chaque fois que je passe devant. Et vas-y que je critique ta coiffure, et voilà que je me moque de tes poches sous les yeux… Cette chose va me rendre dingue ! Sept ans de malheur ou pas, je vais réellement lui balancer une chaise en pleine face, s’il continue !

— Attention, Jane. Ce n’est pas du tout une superstition moldue. Briser un miroir magique vous maudit réellement pour sept ans.

— … Vous plaisantez ? S’étonna-t-elle en le regardant, curieuse.

— Loin de là. Pourquoi croyez-vous qu’ils se permettent autant de familiarités ? Ils sont intouchables.

— Non… Vous vous moquez de moi, là.

— Essayez, vous verrez. Je suis certain que le Directeur sera ravi d’apprendre que l’on perdra la guerre à cause « d’un miroir du diable brisé« .

— Et… Commença Jane en se demandant encore si c’était du lard ou du cochon. Et vous en avez un, Severus ?

— Ai-je une tête à me regarder dans le miroir ? Rétorqua-t-il avec un sérieux impressionnant. »

La brune cligna des yeux en le fixant, sans répondre, avant d’éclater de rire, ce qui arracha un pincement de lèvres de la part de son vis-à-vis.

« Vous me charriez ! Ah. Merci Professeur de me changer les idées. Sourit-elle en buvant une gorgée de café.

— Je suis sérieux, Jane. Ne brisez pas cette horreur, déplacez-la. De toute évidence, vous ne passez pas assez de temps devant pour voir vos poches sous les yeux.

— Voilà, vous êtes on ne peut plus normal. Concernant les poches, je comptais demander à Minerva de l’aide. A moins que…

— Ne me prenez pas pour un Gryffondor, Smith ! Je n’ai pas non plus une tête à parler teint et maquillage. »

Jane éclata une nouvelle fois de rire et ramena à elle son bol avant de commencer enfin à manger, l’appétit revenant avec la bonne humeur. Ils déjeunèrent en silence, à mesure que la table se remplissait peu à peu des autres enseignants. Les élèves arrivèrent en grappes pour prendre leur petit déjeuner, dans un calme propre à une rentrée. Beaucoup lancèrent des œillades mauvaises en direction de la table des professeurs. Plus précisément à l’attention de Jane. Severus ne s’étonnait guère de voir les Serpentards en tête des regards meurtriers. Cependant, il restait relativement stupéfait de découvrir que la nouvelle passait mal chez les autres. Même au sein des loyaux et gentils Gryffondors on pouvait trouver des jeunes qui prenaient très mal l’obligation d’assister au cours. Le mystère restait entier sur les raisons : la matière, ou l’ajout ? L’attention dont faisait l’objet sa collègue semblait assombrir son humeur. L’écrivain avait cessé de manger et reprenait ses sculptures alimentaires avec sa cuillère. L’espion leva les yeux au ciel, il détestait couver les gens, mais il était hors de question que ses efforts pour la former se révèlent inutiles.

« Essayez de vous détendre, Jane. Murmura-t-il en évitant au maximum de bouger les lèvres.

— J’aimerais vous y voir : je me prends en premier toutes les cinquièmes années. Avec les Serpentards et les Gryffondors les plus caractériels !

— Si vous survivez à ça, vous survivrez au reste.

— Mais il y a les plus fortes têtes. Et ils me haïssent déjà en prime.

— Ce n’est pas un mal, vous verrez.

— On voit bien que vous ne savez pas quel effet cela fait.

— J’ai cours avec ces mêmes Serpentards et Gryffondors dans une heure, si vous voulez tout savoir. Et l’école entière me hait. Ajouta-t-il en se fendant d’un sourire satisfait.

— Il n’y a pas de quoi être fier, Severus !

— Si. Avec celle de Minerva, ma classe est la plus disciplinée. Conclut-il en se levant. Ne vous en faites pas, Smith, je calmerai les Gryffondors en prévention.

— Comme si vous aviez besoin d’une excuse pour les martyriser. Répondit la brune en soupirant.

— Certes, mais je vais m’appliquer, je vous le promets. » Ajouta-t-il en se dirigeant vers la porte.

Jane sourit, et se resservit une nouvelle tasse de café avant de la prendre et de s’en aller à son tour. Il était urgent qu’elle se fume une cigarette. La jeune femme sortit donc dans le parc, grelottant à moitié devant le vent frais de septembre. Il était encore très tôt, et le soleil peinait à se lever, comme s’il était lui-même épuisé à l’idée de devoir éclairer toute une journée de rentrée. Cette pensée fit sourire la jeune femme qui tira d’un pan de sa robe sa boîte à cigarettes. Elle ne s’éloigna guère du bâtiment, cherchant un banc où trouver refuge pour boire en paix son quatrième café, tout en s’embrumant l’esprit. Elle se demanda vaguement si ce n’était pas une erreur que de fumer ouvertement dehors, imaginant la tête des élèves devant ce genre d’attitude. A dire vrai, elle ne savait pas réellement quel comportement elle devait avoir. Elle se replongea dans ses vieux souvenirs d’école, passant en revue les différents professeurs qu’elle avait eu, de la plus tendre enfance jusqu’à la faculté. Petite, elle classait les enseignants en deux catégories : les méchants qui donnent de nombreuses punitions, postillonnent à la face des élèves et ont des tics de langage ; et les gentils qui encouragent ou ont abandonné toute forme de discipline, laissant le loisir aux élèves de faire ce qu’ils voulaient.

Mais, devenue adulte, et étant confrontée directement à la question de l’éducation, elle changea de critères. Désormais, il y avait trois catégories d’enseignants : ceux qui étaient suffisamment respectés pour faire cours, ceux qui avaient renoncé, et ceux qui cherchaient avant tout à être copains avec les jeunes, quitte à faire ou dire n’importe quoi. Jane sortit une cigarette roulée de son étui et l’alluma, son regard s’abîmant dans les volutes de fumée. Snape marquait un point lorsqu’il évoquait le calme de sa classe, comme de celle de la Directrice Adjointe. L’un, comme l’autre, faisaient preuve d’une grande fermeté à l’égard des enfants, et savaient se faire respecter. Bien qu’elle ne connaisse pas particulièrement ses collègues, le peut qu’elle en savait lui permettait de se dire avec certitude que Binns, ou Trelawney devaient avoir quelques problèmes. La jeune femme s’imagina, pour l’énième fois, se présenter à ses nouveaux élèves. Elle s’essaya à différents discours, tentant d’anticiper les différentes réactions. Pendant presque deux heures, la Moldue disserta silencieusement sur les méthodes pédagogiques qui s’offraient à elle. Ce n’est qu’une vingtaine de minutes avant l’heure fatidique qu’elle se décida à opter pour les bonnes vieilles méthodes.

***

Salle de cours d’Etude des Moldus, 10h00,

Jane Smith était assise à son bureau depuis un bon quart d’heure. Elle avait fermé la porte de la salle de classe, et patientait tranquillement, en écoutant les élèves arriver derrière. Elèves bruyants, qui semblaient tout sauf « calmés par leur cours de Potions ». Elle pouvait d’ailleurs les entendre discuter vivement au sujet de sa matière. Pourtant, elle s’interdit d’écouter, et cherchait par tous les moyens à se glisser dans la peau de son personnage. La brune n’avait pas fermé la porte par hasard, c’était un vieux tour qu’employait souvent son Professeur de Mathématiques en sixième année. Jane regarda l’heure sur l’horloge disposée dans l’angle à la gauche de son bureau. « Encore un peu… » Se dit-elle en scrutant les aiguilles. Elle patienta jusqu’à qu’elles indiquent qu’il était dix heures, passées d’une minute, et se leva pour aller ouvrir. Les élèves se turent immédiatement lorsque leur enseignante se tint dans l’encadrement de la porte. Instinctivement, ils s’inquiétèrent qu’elle ne les entende. Jane les observait, sans rien dire, posant son regard scrutateur sur de nombreux visages. Ce manège les mit considérablement mal à l’aise. Au bout d’une belle minute, le Professeur rompit enfin le silence :

« Manifestement, aucune maison ne sait ouvrir une porte. Annonça-t-elle d’une voix neutre. Le cours commence à dix heures tapantes, et non pas dix heures et une minute. Vous êtes en retard, en conséquence, les maisons Serdaigle, Poufsouffle, Serpentard et Gryffondor perdent chacune dix points. »

Il eut un bruissement dans la masse d’élèves, qui se mua en protestations. Jane les étouffa en levant la main et en ajoutant d’une voix forte :

« La prochaine fois, cela sera dix points par minute de retard ET par élève. Allez vous asseoir, et je vous conseille de le faire en silence. »

Les jeunes gens, éberlués, s’engouffrèrent dans la salle lorsqu’elle leur libéra le passage. La Moldue rejoignit son bureau et se posta devant les rangées de pupitres, prenant appui sur le meuble. Elle les observa s’installer avec beaucoup d’intérêt, notant qu’ils ne mélangeaient pas leur maison. Elle avait donc devant elle des ados, alignés en rang d’oignons selon la couleur de leur blason. Lorsqu’ils en furent à la regarder benoîtement, elle reprit :

« Avant de débuter les hostilités, on va commencer par l’essentiel : Je suis le Professeur Smith, et vous êtes les bienvenus en Etude des Moldus. »

Le rang des Serpentards frémit légèrement, comme si les jeunes gens tentaient vainement de contenir un rire moqueur, mais la rédactrice n’en tint pas compte et continua :

« Vous avez constaté que mon cours se déroule par année. Vous formez donc un nombre conséquent de personnalités diverses. Plusieurs choses cruciales sont à garder en tête. Premièrement : Je ne tolère aucune insulte, ou manquement à la politesse. Manquez-moi de respect, et vous serez sévèrement punis. Manquez de respect à l’un de vos camarades, et il en sera de même. Deuxièmement : Vous le savez, je ne suis pas Anglaise, je n’ai cure de vos guerres inter-maisons. Je retirerai ou ajouterai donc des points aux élèves, pas à votre étendard. Troisièmement : Je n’exclus jamais de ma classe, il est donc inutile de chercher à se faire renvoyer dans l’espoir d’être dispensé de ma matière. En revanche, et c’est mon quatrième point : Je n’ai aucune limite concernant les punitions, et ne considère absolument pas la Coupe des Quatre Maisons comme étant un challenge important. »

Jane marqua une pause pour observer la réaction de ses élèves face à son discours. Tous avaient un visage relativement neutre, mais ils semblaient être agités, comme attendant de pouvoir enfin entrer dans le vif du sujet. Elle poursuivit donc son introduction :

« L’Etude des Moldus a été jusqu’ici enseignée à des volontaires, et ce, de façon très aléatoire. Le fait qu’il n’y ait pas d’examen permet aux professeurs de proposer le cursus de son choix. Mais, vous le savez depuis hier soir, désormais vous êtes obligés de suivre cette matière, ainsi…

— Vous n’avez pas le droit de nous imposer un cours inutile ! » Coupa Draco qui ne pouvait plus se retenir.

Un vent de révolte commença à souffler dans la salle, Jane reprit appui sur ses pieds et s’approcha de la rangée des verts et argent :

« Cinq points de moins pour Serpentard, Monsieur…?

— Malefoy, Draco Malefoy. Répondit l’héritier en bombant le torse. Et vous pouvez me retirer tous les points que vous voulez, ce cours reste ridicule !

— Pour le moment, Mr Malefoy, je ne vous demande de vous taire et d’écouter, lorsque je voudrais votre avis, je vous le demanderai. A l’avenir, veuillez lever la main si vous souhaitez prendre la parole. Claqua Jane en inclinant poliment la tête et en retournant prendre appui sur son bureau. Je disais donc que ce cours étant devenu obligatoire, nombre d’entre vous n’ont aucune connaissance de la culture moldue. Nous allons…

— Et qui vous dit que ça nous intéresse ? Coupa une nouvelle fois le blond, déclenchant une vague de chuchotements mi-figue mi-raisin dans la salle.

— Dix points de moins pour Serpentard, Monsieur Malefoy. Et cela sera vingt de plus si vous m’interrompez une nouvelle fois. » Rétorqua Smith en le regardant droit dans les yeux.

Cela fit rire Ron, qui prenait plaisir, après les deux heures de Potions, à voir cette « sale fouine » se faire rabattre le caquet. Malheureusement pour lui, le Professeur tourna son regard olive en sa direction :

« Cinq points de moins pour Gryffondor, Monsieur…? Demanda-t-elle en feignant de ne pas savoir qu’il était le fils de Molly Weasley.

— Heu… Ronald Weasley, Madame. Répondit le rouquin, les oreilles s’empourprant.

— Merci de ne pas vous moquer de votre camarade, Monsieur Weasley. Expliqua Jane, avant de s’adresser à l’ensemble de la salle. Est-ce que Poufsouffle et Serdaigle auraient également envie d’en perdre ? Non ? Je vais donc pouvoir continuer. Le terme « Etude des Moldus » est trop vague pour dire précisément ce qu’il englobe. La culture Moldue est vaste, comme toutes les cultures, d’ailleurs. Il y a tout un pan historique, un pan technologique, mais, également philosophique et artistique. Une raison pour laquelle vos cours se font dans ce grand groupe, et sont dispensés sur des plages horaires aussi importantes. Les plus logiques d’entre vous auront vu que seul le lundi ne dispose que de deux heures. Rassurez-vous, les matinées entières ou les après-midi passeront très vite. Au cours de cette année, vous n’allez pas vous contenter de noter bêtement ce que je dirai. Vous disserterez les uns avec les autres, vous utiliserez des objets moldus ; en d’autres termes : vous apprendrez à connaître cet univers. Et en guise d’introduction, nous allons nous intéresser tout bonnement à cette matière. Des questions ? »

Si quelqu’un était passé à ce moment-là dans les couloirs, il aurait cru entendre une explosion. Ce qui était, en fin de compte, sensiblement la même chose. Toutes les maisons criaient. Chaque élève tentant de se faire entendre par-dessus les hurlements des autres. Jane écarquilla les yeux de surprise, mais se reprit rapidement, comprenant soudainement pourquoi Snape se plaignait en permanence de migraines. Elle laissa ses gosses s’époumoner, sans rien dire, et attendit que le silence revienne pour reprendre les choses en main :

« Dix points de moins pour Gryffondor, Serpentard, Serdaigle et Poufsouffle. Puisque vous n’êtes pas assez matures pour savoir lever la main, nous allons faire comme à la maternelle : élève après élève. Vous, Miss…? Demanda-t-elle en s’adressant à une Poufsouffle aux bords des larmes devant son retrait de points.

— Abbot, Hannah Abbot, Professeur. Répondit la fillette d’une voix chargée de chagrin.

— Miss Abbot, avez-vous une question ?

— Non, Madame…

— Soit. Monsieur…? Continua Jane en passant à son voisin »

Cela dura cinq minutes, durant lesquelles l’enseignante demanda à chacun s’il avait ou non une question. Jusqu’à ce qu’une Serpentarde se décide à lever la main, s’attirant des regards mauvais des autres membres de sa maison. Jane s’approcha d’elle, et l’invita à parler :

« Miss Greendass, Professeur. Annonça la brune. Pourquoi ce cours nous est imposé ? »

Une dizaine de Gryffondors, dont Ron Weasley, s’empêchèrent de ricaner en s’imaginant déjà leur congénère punie. Pourtant, Smith lui sourit et hocha la tête :

« Excellente question, Miss Greendass, Cinq points pour Serpentard. Pourquoi ce cours vous est imposé ? Quelqu’un aurait une réponse à faire ? » Ajouta-t-elle à l’ensemble de la salle hébétée.

Ce fût Hermione qui leva la main, d’un bras plus incertain qu’à son accoutumée :

« Miss Granger, Professeur. Le Professeur Dumbledore a dit que c’était parce qu’il y avait de nombreux sorciers d’origine Moldue.

— Cinq points pour Gryffondor, Miss Granger. C’est une des explications possibles. Quelqu’un d’autre ? Demanda Jane en parcourant la salle du regard, jusqu’à ce que Draco lève la main.

— Est-ce que c’est parce que le Professeur Dumbledore est un amoureux des Moldus ? Demanda-t-il insolemment.

— Hmm. Non, Mr Malefoy, si c’était dû aux goûts du Directeur, cela serait un cours sur « l’Etude des bonbons au citron« . Plaisanta la jeune femme en déclenchant une vague de rires.

— Harry Potter, Professeur. Se présenta-t-il après avoir eu la parole. Est-ce que c’est à cause du retour de Voldemort ? »

La simple évocation du nom du mage noir suffit à déclencher une foule de réactions violentes : des élèves frissonnèrent, certains se couvrant même les oreilles, d’autres commençaient déjà à remettre en question la parole d’Harry. Smith n’attendit pas qu’ils se calment cette fois-ci, elle se releva et beugla :

« Assez ! Vous perdez tous cinq points. Quant à vous Monsieur Potter, vous en regagnez cinq, car c’est un début de réponse. Cela dit, cela n’a rien à voir avec les rumeurs concernant son retour.

— Ce ne sont pas des rumeurs ! Je l’ai vu, j’y étais ! S’écria Harry en se relevant vivement. Voldemort EST de retour.

— Asseyez-vous Monsieur Potter, et cela sera dix points en moins pour Gryffondor. Nous ne sommes pas ici pour en débattre, et cela n’a d’ailleurs aucune importance. J’ai dit que c’était un début de réponse seulement. La question n’est pas de savoir si ce que vous dites est vrai ou non…

— Dumbledore le dit, lui aussi ! S’entêta le jeune lion, tandis qu’Hermione tirait la manche de sa robe pour qu’il s’asseye.

— Vingt points de moins pour Gryffondor. Répliqua Jane sans même le regarder. La véritable question est « Que pose comme problème l’hypothèse de son retour ? Et quel rapport cela aurait avec ma matière ? »

— Miss Desford. Se présenta alors une Serdaigle blonde, au regard fuyant. L’important, c’est la politique de Vous-Savez-Qui à l’égard des Moldus ? Est-ce que c’est parce que cela interroge tous les sorciers sur ce qu’ils pensent d’eux ou des nés-moldus ?

— Excellent, Miss Desford ! Dix points pour Serdaigle ! On commence à toucher le nœud du problème. Continuons en faisant maintenant abstraction du mage noir, et demandons-nous si la question est récente… »

Les élèves réfléchirent un long moment, laissant à la jeune titulaire tout le loisir de les observer. Ils étaient vifs, plein d’hormones, de questions, et de caractère. Cela promettait d’être une année difficile, mais intéressante. Si le cours avait débuté dans de mauvaises conditions, désormais, même les Serpentards se prenaient au jeu et semblaient chercher des réponses. Après un débat interne intense, Neville se risqua à lever la main :

« Neville Londubat, Professeur. En fait, je crois que le sujet a toujours été là : en deuxième année, il y a eu une grande peur pour les nés-moldus du fait de la réouverture de la Chambre des Secrets… Heu… Je ne sais pas si vous savez ce que c’est…

— Si, si, Monsieur Londubat, poursuivez. Intima Jane en se notant mentalement qu’elle aurait des questions à poser à Albus.

— Bien… Et donc, il y a eu cette question de la légitimité des nés-moldus dans notre communauté.

— Très bien, cinq points pour Gryffondor. Une autre idée ?

— La Coupe du Monde de Quidditch ! Proposa Hannah, après avoir pris la parole. Tous ceux qui ont campé sur place, ont été confrontés à l’obligation de se faire passer pour des Moldus auprès du gérant du camping. Cela a donné des accoutrements très… Originaux. Termina-t-elle en faisant rire ceux qui s’en souvenaient.

— Bon exemple, Miss… Abbot ? Cinq points pour Poufsouffle. Bien, nous avons donc notre réponse. Complexe, je l’admets, mais complète. Quelqu’un saurait la synthétiser pour répondre à ce « Pourquoi l’Etude des Moldus est devenue obligatoire » ?

— Parce que nous devons être capables de nous adapter aux changements de ce monde ? Commença Ron, remis de sa précédente honte.

— Cinq points pour Gryffondor.

— Et parce qu’il est crucial d’apprendre à se connaître pour vivre en paix ? Continua un Poufsouffle joufflu.

— Cinq points pour Poufsouffle.

— Parce qu’il faut savoir pourquoi on les méprise ? Conclu Malefoy très sérieusement.

— Cinq points pour Serpentard. » Récompensa Jane devant des élèves médusés.

Elle se redressa sur ses bras, et fit basculer ses fesses sur le dessus de son bureau, repliant ses jambes en tailleur.

« Toutes ces raisons sont bonnes. Elles répondent chacune à la question que vous vous posiez devant ma porte. Oui, vous devez savoir pourquoi vous les haïssez, et… Et ! Haussa-t-elle alors que les élèves commençaient à protester. Et chacun a le droit d’avoir ses opinions. C’est même la base de ce cours. Dans la culture moldue, on appelle ça un « dialogue ». Ils étudient cela, la rhétorique et la réflexion, dans ce qu’ils nomment « Philosophie ». En Grec : « Amour de la sagesse ». Mais j’y reviendrai. La plus grande faiblesse du sorcier réside dans sa dépendance à sa baguette. Sans elle, il est incapable de faire du feu, de se déplacer, de communiquer. Un problème important pour une communauté qui se veut « au-dessus » d’une autre. Ce cours vous apprendra qu’il existe d’autres façons de faire, d’autres livres à lire, d’autres vies à mener, et qu’aucune n’est supérieure à une autre. Toute la question qui se pose à vous, jeunes sorciers, est de savoir ce que vous allez en tirer. »