Little Hangleton, Manoir Jedusor, le soir même,

Lucius Malefoy n’était pas un homme foncièrement mauvais. C’était avant tout un homme d’affaires aristocrate au sens aiguisé de la Politique. En tout bon Serpentard qu’il était, Lucius Malefoy occupait une position influente au Ministère de la Magie, et ne reculait jamais devant l’usage de sa fabuleuse fortune pour servir ses intérêts. Sang-Pur, héritier d’une des plus anciennes et puissantes maisons sorcières, il était tout ce qu’un homme d’une quarantaine d’années pouvait rêver d’être : riche, puissant, beau, marié à une belle femme digne de son rang, et père d’un héritier prometteur. Mais Lucius Malefoy était également Mangemort, ce qui en faisait un homme n’étant pas foncièrement bon non plus. D’aucuns diraient « pragmatique », les plus mauvaises langues rétorqueraient « sournois ». Lui, en revanche, se définirait comme étant un homme faisant ce que tout chef de famille se devait de faire : assurer la survie de son clan.

Oh, ne nous y trompons pas : Lucius Malefoy croyait particulièrement à la suprématie des Sang-Purs, et en celle des sorciers sur toute autre créature magique. Mais Lucius Malefoy n’avait pas embrassé la cause du Seigneur des Ténèbres dans le but de répandre la mort et la souffrance sur son passage. Non. Lucius Malefoy s’était résigné à poser un genou à terre, parce qu’il savait que seul Lord Voldemort lui permettrait d’atteindre ses objectifs. Pour l’heure, ceux-ci n’étaient en rien en rapport avec le Ministère, ou même les quelques voies qu’il espérait glaner pour rentrer au Magenmagot. Droit comme un i, le visage dissimulé sous son délicat masque en argent ciselé, il attendait avec patience l’autorisation d’adresser la parole à son Maître. Et une fois n’est pas coutume, il souhaitait s’entretenir avec lui de réelles inquiétudes concernant son fils. Il avait foi en son jeune garçon, Draco était pourvu de tout ce dont un Malefoy avait besoin pour réussir dans la vie. Mais si l’enfant n’avait pas le calme de son père, multipliant de stupides altercations avec Potter et Weasley, l’héritier, bien qu’il l’ignorât, était la fierté de son aîné. Ce qui taraudait tant le patriarche concernait l’avenir de son fils, brièvement couché sur parchemin dans une lettre inquiétante qu’il reçut le matin de la rentrée. Oui, Lucius Malefoy, chef de la noble et ancienne maison Malefoy, s’inquiétait pour son premier né. Il n’était donc décidément pas un homme foncièrement mauvais.

La salle de réception du manoir Jedusor avait quelque peu changé de décoration. Depuis que le Maître des lieux avait recouvert toute sa pugnacité, la grande table et les chaises avaient été remises au centre de la pièce, à leur place, dépoussiérées, réparées, et alignées avec soin. Naturellement, l’immense fauteuil qui faisait office de trône pour le Mage Noir figurait à l’une des extrémités. Les épais rideaux élimés avaient été changés, au profit de lourdes tentures vertes, brodées de serpents argentés. La cheminée déversait tout autant de chaleur, mais n’était plus la seule source de lumière : de grands lustres garnis de bougies pendaient au plafond pour éclairer l’endroit. Cette salle était d’ailleurs, à l’exception de la chambre du Lord, le seul endroit restauré. Et Voldemort, ne pouvant résister à ses tendances dramatiques, avait fait preuve d’un goût des plus douteux concernant le style. On ne pouvait s’y tromper : c’était sa demeure, et il en était le Maître. Et si les Mangemorts s’asseyaient à la même table que leur Seigneur, au lieu de s’agenouiller devant un gigantesque trône de fer, c’était parce que Lord Voldemort aimait à leur rappeler qu’ils avaient choisi de le suivre. Tout comme il aimait à leur rappeler qu’il les conviait à des réunions. Même si le Mage Noir préférait user de la torture de la Marque, plutôt que d’envoyer un carton d’invitation au papier granuleux.

Il était vingt-et-une heures moins dix, et la plupart des Mangemorts du premier cercle étaient arrivés. Il s’agissait des hommes les plus capables, ceux qui s’étaient illustrés par leur talent dans un quelconque domaine, et avaient su satisfaire leur Maître. Il s’agissait également de ceux qui n’étaient pas morts, ou enfermés à Azkaban. En d’autres termes, était présent Lucius Malefoy, attendant que Severus Snape arrive pour débuter la réunion. MacNair, également du premier cercle, était actuellement en mission auprès des géants, les époux Lestrange, eux, étaient en prison, Barty Croupton Jr. était mort l’année d’avant. Quant à Queudver, ses services auprès du mage lui avaient valu de garder la vie sauve, ce qui était probablement le plus grand honneur auquel ce pauvre homme pouvait prétendre.

Un grincement de bois, derrière la porte de la salle, annonça le Maître des Potions. Il était vingt-et-une-heure, pile. Severus Snape n’arrivait que rarement en retard, et toujours pour une bonne raison. Il n’arrivait jamais en avance non plus. Lorsque Voldemort lui avait fait la remarque, des années auparavant, lui demandant « Pourquoi son Potionniste n’estimait pas nécessaire d’être plus tôt auprès de son Seigneur. », l’homme en noir avait rétorqué qu’il n’était pas de ceux qui léchaient les bottes de leur Maître, dans l’espoir de se faire pardonner leur médiocrité. Cette réponse avait fortement plu au Lord, et avait profondément vexé le chef Malefoy, qui avait cette fâcheuse manie des gens obsédés par le temps de toujours arriver avec dix minutes d’avance. Ainsi donc, Lucius passait depuis dix minutes pour un fieffé zélé, et lorsque la porte pivota pour révéler Snape, celui-ci passa une nouvelle fois pour le loyal serviteur.

« Mon Maître. Salua l’homme en noir en s’inclinant profondément à l’autre bout de la table.

— Ah, Severus ! Prends place à mes côtés. Siffla calmement Voldemort, en désignant la chaise à sa gauche. Queudver ! Cria-t-il à l’attention de la porte. Apporte-nous à boire ! »

Tandis que l’Animagus reparaissait dans la pièce, portant un plateau en cuivre sur lequel étaient disposés diverses bouteilles et verres, la réunion débuta par les banalités qu’affectionnait tant le sombre sorcier. Qu’ils soient trois pour tenir un conseil, ou vingt, Lord Voldemort aimait à questionner ses Mangemorts sur leur vie privée, leur demandant des nouvelles de leurs enfants, de leur épouse, ou de tout autre domaine intime. Les novices avaient généralement la faiblesse de croire qu’il agissait ainsi par intérêt pour leur personne. Seuls les vétérans ne s’y trompaient pas : en procédant de la sorte, leur Maître leur rappelait qu’il savait ce qu’ils avaient à perdre. Une sorte de menace perpétuelle. Lorsque Peter s’éclipsa enfin, Voldemort darda sur ses deux fidèles un regard perçant, avant de s’arrêter sur le masque de Malefoy.

« Retire-le. Ordonna-t-il, doucement. Et parle donc à ton Maître de ce qui torture ton esprit. »

Le blond s’exécuta, gêné de ne pas avoir su mieux dissimuler son appréhension. Après un rapide hochement de tête de la part du Seigneur Noir en direction de Snape, celui-ci en fit de même. Lucius saisit alors la tige de son verre entre ses mains délicates, et s’expliqua, d’une voix légèrement tendue par la colère :

« Draco m’a fait part d’un problème à Poudlard. Débuta-t-il en jetant à Snape un regard lourd de sous-entendus.

— Continue. L’intima son Maître.

— Il m’a fait porter une lettre ce matin même, m’informant de… Certains changements dans son programme scolaire. Lucius marqua une pause, buvant une gorgée de vin rouge. Dumbledore a imposé une classe particulière à tous les élèves. Conclut-il sibyllin en continuant de fixer ostensiblement le Professeur de Potions.

— Vraiment ? Severus, saurais-tu de quoi il parle, par hasard ?

— Oui, Maître, je tenais à vous en faire part aujourd’hui même. Il est heureux que le jeune Malefoy ait eu la même présence d’esprit. Salua Snape avec une voix respectueuse. Notre cher Directeur a décidé d’imposer l’Etude des Moldus à tous les étudiants de Poudlard.

— Il l’a annoncé hier soir, au dîner de bienvenue. Précisa Lucius d’une voix d’où perçait de l’indignation. J’ai reçu la lettre m’en avertissant ce matin, et j’ai passé la journée au Ministère pour…

— Que viens-tu de dire, Severus ? Interrompit Voldemort d’une voix glaciale.

— Maître, tous les élèves de Poudlard sont obligés de suivre un cours sur les Moldus, désormais. Dumbledore l’a effectivement annoncé hier.

— Es-tu en train de me dire que tu as attendu que Lucius m’en parle ? Questionna le Fourchelangue, en sifflant dangereusement.

— Non, mon Maître. Dumbledore a gardé cela secret jusqu’au bout. Rétorqua Snape d’une voix égale.

— Il n’en a donc référé à aucun de ses enseignants ? Continua Voldemort sur son interrogatoire.

— Non, mon Seigneur.

— Pas même à l’Ordre du Phénix ?

— Non, mon Seigneur, cela serait fait ce soir. J’ai une réunion avec eux dans une petite heure.

— Et toi, Lucius, le Ministère n’en a donc pas entendu parler… ?

— Apparemment, si, Maître. Cela serait d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle ils ont imposé un nouveau Professeur de Défense contre les forces du Mal. Répondit Lucius en reprenant du vin. Dolorès Ombrage est son nom, elle est la Sous-Secrétaire du Ministre. Il a tenu à garder jusqu’au bout cette nouvelle. Lorsque j’ai fureté concernant l’Etude des Moldus, je n’ai rien appris de très probant, seulement qu’il s’agissait d’un accord entre Fudge et Dumbledore.

— Et que t’a dit Draco dans sa lettre ? Demanda alors le Mage Noir.

— Il m’a rapporté l’information, m’a demandé si Dumbledore avait le droit de faire ça, et ce qu’il devait faire.

— Le jeune Malefoy t’a-t-il fait part de ses inquiétudes, Severus ?

— L’ensemble de mes Serpentards l’a fait le soir même, Maître.

— Et qu’as-tu répondu ?

— Qu’un Serpentard devait toujours trouver son avantage à n’importe quelle situation. En l’occurrence, Maître, que cette folle manipulation de Dumbledore serait une aubaine pour notre cause. Répondit Snape en buvant pour la première fois.

— Comment peux-tu dire une telle chose, Severus ? Explosa Malefoy. Le vieux fou essaye de leur laver le cerveau avec ses bons sentiments ! Ne vois-tu pas ce qu’il essaie de faire ?!

— Reprends ton calme, Lucius ! Trancha sèchement son acolyte. Pour laver un cerveau, il faut qu’il y en ait un ! Ce qui n’est pas le cas des fans de Potter et de tous les Gryffondors. Quant à ceux qui méritent leur statut de sorcier, tu peux me croire, ils ont très bien compris ce que je leur ai dit ! »

Les deux hommes se regardaient en chiens de faïence, et alors que Lucius s’apprêtait à répliquer, il fut interrompu par le son glaçant du rire de Voldemort. Les deux sorciers se turent subitement, fixant sans comprendre leur Maître, qui était aux prises avec un rire démoniaque du plus bel effet. Lorsque son hilarité se tarit, l’homme à la face lunaire leur adressa un sourire carnassier magistral :

« Il doit être désespéré ! S’exclama-t-il ravi. Une propagande pro-Moldus ! Voilà tout ce que le grand défenseur de la Lumière a à proposer pour me tenir tête ? Un discours d’amour et de paix ? Ah ! Que va-t-il faire ensuite ? Demander la libération des elfes ?! »

Et il repartit à rire tel un dément. Lucius Malefoy le regardait penaud, tentant de dissimuler son ébahissement. Il s’attendait à ce que son Maître entre dans une fureur sans nom et décide de mettre un terme à cette injure pour Poudlard, et au lieu de cela, il semblait se réjouir de la nouvelle. Lorsque le Mage Noir se calma, il porta son attention sur le blond :

« Lucius, je veux que tu soumettes à ton scribouillard, l’idée de faire un article sur ça. Ordonna-t-il.

— Vous voulez qu’il écrive à ce propos dans la Gazette, mon Maître ?

— Oui, il faut que les familles connaissent la fabuleuse idée du vieillard. Je veux un article complet, documenté, et précis. Lucius, je veux un article comme lui seul sait le faire.

— Il en sera fait selon vos désirs, mon Seigneur. Acquiesça Malefoy sans comprendre la raison de cette demande.

— Brillante idée, Maître. Commenta Snape en prenant une nouvelle lampée.

— N’est-ce pas, Severus ? Ainsi, nous agissons en Serpentards : en laissant les armes émoussées du vieux fou se retourner contre lui ! Savoura Voldemort. Maintenant, Lucius, j’espère que tu as des informations plus importantes à me communiquer… »

***

Couloirs de Poudlard, au même moment,

« Monsieur Potter ! Appela Jane d’une voix qu’elle voulait autoritaire. Que faites-vous à cette heure-ci dans les couloirs ? »

Harry s’arrêta subitement dans sa lancée, regrettant amèrement de ne pas avoir pensé à prendre sa cape d’invisibilité pour se rendre à sa destination. Il fut néanmoins soulagé que cela soit Smith et non Snape qui l’ait trouvé. Le jeune garçon n’aurait pas supporté le sarcasme de l’espion, qui lui aurait probablement retiré des points supplémentaires pour la forme. A bien y réfléchir, vu son premier contact avec la jeune femme, Harry n’était pas particulièrement persuadé qu’elle ne lui en retire pas. A lui seul, il avait réussi à faire perdre à sa maison trente-cinq points en l’espace de quelques minutes. Et si Hermione n’était pas intervenue, il en aurait perdu quarante de plus. Tout compte fait, le jeune Potter ne sut dire s’il était soulagé ou non que cela soit elle, et non le Directeur de Serpentard en face de lui. Tout à sa rancœur à l’égard de la jeune enseignante, il lui répondit en marmonnant d’une voix tellement étouffée, que Jane dû lui reposer la question :

« Monsieur Potter, pouvez-vous me répondre en articulant, s’il vous plaît ? Demanda-t-elle en se faisant l’effet d’être un de ces profs ringards faisant une fixette sur l’élocution.

— Je suis en colle avec Ombrage. Répéta-t-il, en baissant les yeux de honte.

— Vous… Mais comment diable avez-vous fait pour être collé le jour de la rentrée ? S’exclama Jane estomaquée, oubliant au passage de corriger le garçon sur l’omission du titre.

— Je lui ai dit quelque chose qu’elle ne voulait pas entendre. Répondit-il avec insolence en la fixant avec défi.

— A savoir… ?

— Que c’est la vérité quand je dis que Voldemort est de retour. Continua-t-il en scrutant sa réaction.

— … Vous avez affirmé, à l’envoyée du Ministère qui refuse de vous croire, que le sorcier dont ils ont tant souffert et qui est censé être mort, est de retour ? C’est cela, Monsieur Potter ? Reformula la jeune enseignante en soupirant.

— Oui. Je ne vois pas pourquoi je devrais mentir et dire le contraire. Répliqua Harry d’une voix plus colérique.

— Potter… Vous pouvez aussi vous abstenir de le clamer à tout bout de champs, et de vous faire coller bêtement, vous savez.

— Parce que c’est bête de tenter de les avertir, peut-être ?! S’enflamma le Gryffondor en perdant son contrôle.

— Votre ton, Potter ! Que vous soyez frustré, je le conçois, mais je ne suis en aucun cas responsable de votre punition ! Contra Jane en reprenant une voix autoritaire.

— Ou sinon quoi, Professeur Smith ? Cracha-t-il venimeux. Vous allez aussi me mettre en colle ? A moins que cela ne soit trop bête pour vous, et que vous trouviez le retrait de points plus intelligent.

— En effet, Monsieur Potter, Acquiesça Jane en serrant la mâchoire. Dix points de moins pour Gryffondor. Mais ce qui serait plus intelligent, serait que vous appreniez à vous calmer.

— Pourquoi ? Parce que j’ai l’air d’un fou comme ça ? Éructa Harry, totalement hors de lui.

— … Quoi ? Non… Vous… Tenta Jane d’une voix blanche.

— Pourtant, un ado normal se fait bien retirer des points, non ? Il se rebelle ! Ça devrait rassurer tout le monde !

— Potter, vous n’êtes pas…

— Laissez tomber, je suis en retard ! Conclut-il la voix chargée d’émotion. »

Et Harry planta son enseignante au beau milieu du couloir, s’enfuyant en courant, de grosses larmes perlant à ses yeux. Jane resta une bonne minute seule, interdite, se repassant mentalement l’altercation. Soit, elle n’était pas une vraie pédagogue. Soit, elle n’avait jamais fait de stage d’éducatrice. Soit, elle ne se pâmait pas devant les bébés. Mais quand même, elle savait encore parler aux gens, non ? L’écrivain fronça les sourcils, touchée par l’émotion qui émanait du jeune homme, et mal à l’aise de l’avoir déclenchée. Elle repensa à son premier contact avec lui en classe, et il n’avait pas été probant. Même le jeune Malefoy, qui devait représenter son plus gros défi, avait su être plus discipliné… Quoique, maintenant qu’elle y repensait, le blond avait agi probablement en Serpentard et lui préparait peut-être quelque chose de pire. Non. Définitivement, Jane ne voyait pas où elle avait pu merder. C’est en se faisant la réflexion qu’elle ne comprenait plus les jeunes – signe flagrant de vieillesse – qu’elle rejoignit le portail extérieur de Poudlard où l’attendait le Directeur.

Elle le trouva en train d’admirer des fleurs blanches qui luisaient à la lumière de la lune. Une main posée sur sa barbe pour qu’elle ne s’emmêle pas dans les feuillages, l’autre caressant les pétales veloutés des plantes, Dumbledore ne ressemblait pas à un homme que l’on faisait attendre. Malgré son apparente décontraction, Jane se sentit penaude pour son retard, et baragouina des excuses. Le vieux mage lui sourit en retour, et cueillit une des fleurs avant de la planter dans le chignon de la demoiselle qui ne savait plus trop comment réagir. Elle se fit d’ailleurs vaguement la réflexion que si c’était Severus qui l’attendait, il aurait probablement fait l’inverse : lui cueillir la tête pour l’accrocher aux fleurs. Mais Albus Dumbledore était un homme patient, qui aimait les petits bonheurs de la vie. L’attente, lui expliqua-t-il, avait été une formidable aubaine pour admirer ces si jolies pousses. Jane lui envia sa légèreté, et lui sourit en retour, avant de prendre son bras, et de se faire transplaner.

Sa troisième expérience avec le transplanage ne fut pas meilleure que les deux précédentes. A ceci près qu’elle ne tomba pas à la renverse, cette fois-ci. Se reprenant tant bien que mal, Jane attendit patiemment que Dumbledore lui tendît un parchemin. Mais il n’en fit rien, le 12, Square Grimmaurd était déjà visible. Le bâtiment, qu’elle avait vu autrefois dissimulé par la magie se tenait devant elle, comme s’il n’avait jamais bougé. Ils franchirent ensemble le portail et montèrent les trois marches qui menaient au porche, avant qu’Albus ne s’arrête pour plonger son regard bleu vif dans celui de son employée :

« Cela va bien se passer, Miss. Assura-t-il d’une voix douce. Les premières fois sont toujours une source d’angoisse.

— Disons que le premier contact n’avait pas été des meilleurs. Murmura l’enseignante gênée.

— L’échec ne correspond qu’aux actions dont on ne tire aucun enseignement. Le reste n’est qu’expérience. Répondit-il sagement. »

Jane acquiesça en silence, et emboîta le pas du vieil homme lorsqu’ils ouvrirent la porte. Le couloir était toujours aussi lugubre. Une nouvelle fois, seule la cuisine semblait être habitée. Jane frissonna plus intensément d’appréhension qu’à sa première visite. Ce soir allait être sa toute première réunion de l’Ordre du Phénix. Une vraie réunion, à laquelle elle prenait part en tant que tout nouveau membre. Quand Dumbledore lui avait annoncé la nouvelle, sous forme de proposition rhétorique, la Moldue n’avait pas protesté, comprenant qu’elle ne serait pas plus en danger qu’elle ne l’était déjà, et que cela serait pour elle l’occasion d’avoir les réponses à ses questions. Le vieux mage franchit en premier le pas, rapidement salué par de nombreuses voix. Avant de le suivre, elle avala une grande bouffée d’air poussiéreux, et se lança. Tous ceux qui étaient présents à sa dernière visite étaient là, en dehors de Snape, et des jumeaux. Minerva et Albus étaient de nouveaux ajouts. Molly était affairée à débarrasser la table du repas, Tonks tentait de ne pas renverser la pile d’assiettes qu’elle lui apportait, Lupin essayait de l’aider posant une main au-dessus de cette pile, et Arthur aidait en remplaçant les couverts par des verres et des bouteilles de digestif. Quant aux autres, ils bavardaient gaiement au sujet des vieux souvenirs de Sirius. Celui-ci, lorsqu’il vit Jane passer la porte, se leva avec souplesse pour aller la saluer sobrement, sa cuisante humiliation en tête.

« Jane ! Bien heureux de vous retrouver, prenez donc un verre ! Lui proposa-t-il en souriant largement.

— Merci, Mr. Black. Bonsoir, pardonnez mon retard. Salua la Moldue en adressant à l’ensemble un signe de tête.

— Miss Smith. Opina du chef Maugrey. Comment va votre fausse mère décédée ? Demanda-t-il dans ce qu’il semblait être sa forme d’humour.

— Elle semble aimer les pissenlits. Répliqua Jane, férue d’humour noir.

— Ne dites pas ça, ma fille ! Piailla Molly. Je sais bien qu’elle est inventée, mais c’est horrible de dire une telle chose ! A ce propos, votre vraie mère, elle se porte bien au moins ?

— Rassurez-vous, Madame Weasley, ma mère est en vie et en pleine santé. Merci, Monsieur Black. Ajouta-t-elle lorsque Sirius lui tendit un verre remplit de vin d’orange.

— Parfait, Sourit Molly, Que fait-elle ? Est-elle Moldue comme vous… ?

— A ma connaissance, oui. Répondit la jeune femme, gênée qu’on lui pose autant de questions sur sa vraie vie.

— Et que fait-elle dans la vie, si cela n’est pas trop indiscret ? Poursuivit la matriarche, tout en continuant sa vaisselle.

— Molly… Interrompit Minerva au grand soulagement de la brune. Je ne pense pas que Jane ait envie de parler de la vie qu’elle a laissée pour nous aider.

— Oh, oui, pardonnez-moi ma fille.

— Ce n’est rien… »

Mais elle ne put s’empêcher de repenser à sa mère, au fait qu’elle ne lui avait envoyé qu’un pauvre sms lui disant qu’elle prenait des vacances et qu’elle la recontacterait plus tard. Elise Smith était très proche de sa fille, mais souvent absente du fait de son travail. Bien heureuse dans sa vie, avec son compagnon, son boulot et ses nombreux hobbies, la mère de Jane, bien que souvent absente physiquement, semblait toujours savoir ce qu’il se passait dans la vie de son enfant. Et cela, Jane voulait l’éviter à tout prix concernant cette folle histoire. En quittant son monde, l’écrivain n’avait pas songé un seul instant au moment où elle devrait donner quelques explications. Et ses amis… ? Comment allait-elle se dépêtrer de ce mensonge ? La jeune femme réprima un violent tremblement, tandis qu’elle se demandait vaguement si elle les reverrait un jour. L’arrivée de Severus la tira de ses pensées lugubres. L’homme se glissa dans la cuisine, portant une robe austère noire qu’elle ne reconnut pas. Il hocha la tête dans une direction vague, comme pour saluer les autres membres, et s’assit sur une chaise vide, avant de se servir à boire. L’ensemble des adultes le regardaient faire en silence, le fixant ostensiblement. L’espion arqua un sourcil, avant de sourire d’un air goguenard :

« Oh, comme c’est touchant, vous m’avez attendu… Murmura-t-il sarcastique.

— Tout s’est bien passé, Severus ? Demanda doucement Dumbledore en prenant place à son tour.

— Je suis en vie, Albus, si c’est votre question. Oh, Miss Smith. Commença-t-il en tournant son attention vers sa collègue. Apparemment, vous aussi, ces cornichons ne vous ont pas encore tuée.

— Déçu ? Rétorqua-t-elle en souriant.

— Non, j’ai parié sur le deuxième jour. Dit-il en prenant une gorgée de vin d’orange, faisant pouffer de rire la demoiselle.

— Et si nous commencions ? Interrompit Maugrey d’une voix bourrue. »

Tous les membres prirent place autour de la table, se servant chacun quelque chose à boire, alcoolisé, ou non, tout en scrutant l’espion intensément, qui soupira.

« Il n’y avait que le premier cercle à la réunion de ce soir. C’est à dire Lucius et moi, puisque MacNair est auprès des Géants. Non, Smith, vos questions sont pour la fin. Coupa-t-il dans son élan l’enseignante qui s’apprêtait à intervenir. L’ordre du jour n’était pas clairement défini, mais Lucius a tenu à parler de votre intéressant choix de programme, Albus.

— Il est au courant ? Demanda Sirius en fronçant les sourcils. Comment ?

— Comme tous les parents auxquels les enfants auront pensé à envoyer une lettre, Black. Oui, Lucius est au courant. Draco lui a fait parvenir la nouvelle ce matin. Je pense que vous savez très bien quelle a été sa réaction… ?

— Ça, ce Mangemort n’a pas dû aimer. Apprécia Maugrey en grimaçant.

— Non, et il en a parlé au Seigneur des Ténèbres.

— Et comment a-t-il réagi ? Intervint Tonk, anxieuse.

— Il a ri.

— … Comment ça, « il a ri » ? S’étonna Minerva, déroutée.

— Il a ri. Il a penché la tête en arrière, étiré ce qui lui sert de lèvres, et a produit un crissement que l’on qualifierait de rire. Précisa Snape sans même lever les yeux de son verre.

— Tu te fous de nous ? S’emporta Sirius. Tu ne vas tout de même pas nous faire croire que Voldemort trouve drôle le fait que l’Etude des Moldus soit obligatoire ?!

— A dire vrai, il trouve amusant de découvrir « l’arme émoussée de Dumbledore », selon ses propres mots. Il pense que cela ne peut que servir sa cause.

— Intéressant… Commenta le vieux Directeur en se lissant la barbe. Continuez.

— Il a demandé à Lucius de soudoyer Oaken pour faire un papier sur l’affaire.

— Oaken ? Craqua Jane. Connor Oaken ? Le salopard qui use du point-virgule pour insulter tout le monde ?

— Celui-là même ! Opina l’ancien Mangemort.

— Qui est-ce ? Demanda Rémus d’une voix douce.

— Un pseudo-journaliste de tabloïds qui se croit au Sun, et pense être le prochain Hunter S. Thompson ! Cracha Jane en guise de réponse.

— Vous avez conscience qu’on ne comprend pas un traître mot de ce que vous déblatérez, Smith? Commenta le potionniste.

— C’est quoi un tabloïd ? S’intéressa Tonks.

— Aucune importance. Coupa Alastor. Oaken travaille pour la Gazette du Sorcier. Et donc, il serait à la solde de Voldemort ?

— A la solde de qui paie, Maugrey. Mais effectivement. Et en l’occurrence, c’est Lucius qui va lui donner quelques liquidités supplémentaires. Le Ministère paie beaucoup moins qu’un Malefoy.

— Que cherche-t-il à faire, en demandant la couverture de cette nouvelle ? Intervint pour la première fois Kingsley.

— Il cherche à discréditer ma matière et la décision du Directeur. Expliqua Jane d’un air songeur. Il va probablement trouver le moyen d’expliquer à l’aide de statistiques que c’est inutile, voire que c’est une instrumentalisation de la jeunesse.

— Ah, Jane ! Enfin vous nous montrez que vous êtes une Serdaigle. Soupira Snape. Et que nous vaut ce soudain accès d’intelligence ?

— J’ai… J’ai été journaliste satirique. Je sais comment on écrit un pamphlet, et comment on manipule l’opinion de masse, Snape. Rétorqua-t-elle acide. Si j’étais lui, je veillerais même à interroger des parents, et à ne sélectionner que les plus virulents à l’égard de cette réforme.

— Vraiment intéressant…

— Albus, comment pouvez-vous trouver cela intéressant, alors que ce… Ce vaurien va une nouvelle fois vous faire du tort ? S’emporta Minerva, en rougissant devant le mot qu’elle allait employer.

— C’est une attitude qui nous est profitable, ma chère. Je préfère qu’il demande mon discrédit que sa délicate tête. Répondit le vieillard, en offrant un joli sourire à Jane.

— Ce Oaken, d’où sort-il ? Demanda Tonks.

— Sûrement un Serpentard, vu son caractère.

— Détrompe-toi, Black… C’est un ancien Gryffondor. Se délecta le Maître des Potions en souriant. Tout comme l’était Pettigrow si je ne m’abuse…

— Ferme-la Snivellus, ou je te jure que…

— Ça suffit tous les deux ! Coupa Molly de sa voix de mère autoritaire.

— Bon, et quoi d’autre, Snape ? Reprit Maugrey.

— Le reste concerne ce qu’Il cherche à obtenir… Répondit l’homme en avisant du regard le Directeur. »

La discussion s’arrêta soudainement, une nouvelle fois, Jane fut au centre de l’attention et la plupart la regardaient comme s’il était pour elle temps de partir. Seuls Severus et Dumbledore se fixaient, semblant avoir une conversation muette. La jeune femme n’apprécia pas être mise une nouvelle fois à l’écart, après qu’on lui eut spécifiquement imposé une nouvelle fois le transplanage. Elle se redressa sur sa chaise et se décida à reprendre :

« Oui, et donc, Severus… ?

— Eh bien, ma fille… Commença Molly en choisissant avec soin ses mots. Vous-savez-qui essaie d’obtenir quelque chose qui est au Ministère. Quelque chose que l’Ordre garde.

— J’avais compris. Et donc, quelle est cette chose ? »

Un nouveau silence lui répondit, ce qui l’agaça davantage. Maugrey la jaugeait en pinçant les lèvres, McGonagall semblait hésiter, Tonks et Lupin regardaient à présent. Dumbledore, Kingsley également, et Sirius tentait de se retenir de lui répondre. Finalement, le Directeur hocha la tête, et Severus ouvrit la bouche pour commencer les explications lorsque la mère Weasley le coupa :

« Elle… Non, Albus. Je sais qu’elle prend part à tout ça, qu’on a dû la prendre avec nous… Mais il n’est pas réellement nécessaire qu’elle sache tout.

— C’est vous qui m’avez fait… Protesta Jane.

— Elle n’a pas besoin de savoir ça pour tenir la classe avec ses gamins. Acquiesça Maugrey.

— Non, mais ça va le machisme, ici ? Je veux…

— Ce n’est pas comme si elle était un vrai membre de l’Ordre, en plus. Continua Molly, en se fendant d’un pauvre sourire d’excuses.

— Non, mais ce n’est pas comme si je risquais une vraie mort non plus. J’ai le droit…

— Et qui nous dit qu’elle ne cracherait pas le morceau, si elle était capturée ? S’inquiéta Maugrey.

— Mais je ne…

— Ça n’est tout de même pas si grave de lui en parler, si ? Tempéra Sirius en jetant un coup d’œil rapide à la jeune femme qui perdait de plus en plus patience à force d’être coupée.

— Et pourquoi je n’aurais pas le droit de savoir ? Réussit à placer Jane.

— Mais… Mais parce que… Enfin, voyons… Ce n’est que temporaire… S’embourba la rousse.

— Comment ça, temporaire ?

— Mrs Weasley essaie de dire que votre séjour ici ne durera pas. Répondit calmement Kingsley.

— Et alors ? Pourquoi diable ais-je moins le droit de savoir ?

— Mais parce que vous êtes une Moldue ! Cria presque Alastor en postillonnant. »

La pièce devint soudainement glaciale. A présent, les membres de l’Ordre tentaient d’éviter son regard, mais n’y parvinrent pas, laissant tout le loisir à la brune de lire la gêne devant une telle évidence. Une boule de bile remonta dans sa gorge, et durant l’espace d’un instant, elle fut tentée de quitter cet endroit. Elle jeta un œil en direction de son collègue en noir, qui était occupé à garder toute son attention sur leur supérieur. Jane ravala ses larmes, et rétorqua, d’une voix chevrotante :

« Je n’ai exigé que deux choses, Monsieur le Directeur. Dit-elle à l’attention du Mage Blanc.

— Je sais, Miss Smith. Soupira-t-il. Alastor, Molly, il suffit. Jane a tout autant le droit que vous de savoir cela.

— Mais Albus… Protesta Molly.

— Elle n’est pas seulement Professeur, et ce n’est pas l’objet de sa venue ici, souvenez-vous en. Contra Albus. Miss Smith, croyez-vous en la Divination ?

— Heu… Non. Mais je ne croyais pas en la magie, il y a encore trois mois, donc…

— En effet, la magie existe, la divination également. De nombreux voyants lisent à travers les étoiles, les cartes, les runes, les boules de cristal,…

— Albus. Coupa Severus. Elle a juste besoin de savoir que ça existe.

— Oui, vous avez raison. Donc, il arrive parfois que certains voyants aient des visions. Des prophéties.

— L’objet en question serait une prophétie, donc ? Comprit Jane.

— Tout à fait. Elle est gardée au Département des Mystères, un lieu du Ministère très spécifique, où sont, notamment, conservées les prophéties.

— Bien, voilà ! Tenta de conclure Molly en claquant dans ses mains.

— Mais pourquoi la voudrait-il ? Il ne devrait pas chercher à récupérer son ancienne force, plutôt ?

— A la vérité, Miss… Il a perdu son pouvoir tout comme la prophétie le disait. Précisa Albus, les yeux scintillants.

— Je… »

Jane s’interrompit, réfléchissant intensément. Elle ne savait pas grand-chose sur Voldemort. Rien de plus qu’elle n’avait appris dans les livres. Elle connaissait seulement les bases : le nom de ses adeptes, certaines de ses attaques les plus importantes, le nom de ses victimes, la chute…

« Attendez. Vous voulez dire que cette prophétie raconte la nuit du 31 octobre ?

— Pas tout à fait, Miss. La prophétie annonçait la venue d’une personne capable de le vaincre. Expliqua le mage.

— …Alors Potter serait ce gamin ?

— Cela aurait pu être un autre enfant, mais, oui.

— Comment ça, un autre ? N’importe qui ?

— Non. Coupa Snape d’une voix que la jeune femme ne lui connaissait pas. La prophétie mentionnait la naissance d’un enfant, né de parents particuliers, à une date particulière. Et… Et lorsqu’il l’a entendue… Il a choisi la famille Potter.

— Faisant de Harry, l’objet de la prophétie. Termina Albus, alors que toute l’assemblée était plongée dans de tristes souvenirs.

— Donc… Cela aurait pu arriver à un autre, mais, en gros, vous me dites que Potter est orphelin parce que Voldemort a cru qu’il s’agissait de lui ?

— C’est cela, Miss. Sourit Albus devant la vivacité d’esprit de la jeune femme.

— Et le garçon le sait, au moins ? »

A ce moment précis, Sirius fit un drôle de bruit qui ressemblait à un grognement de chien. Il l’étouffa par une nouvelle gorgée de Whisky, tandis que l’entièreté de l’Ordre du Phénix demeurait silencieuse.

« Albus, est-ce que le gosse est au courant de la raison pour laquelle ses parents sont morts ?! Redemanda Jane, d’un air choqué.

— Non. Répondit Snape d’un air dogmatique.

— Non, en effet, Jane, Harry ne sait rien à propos de la prophétie, il est encore trop jeune pour porter un tel fardeau. S’expliqua Dumbledore.

— Com… Comment pouvez-vous lui cacher une telle chose ? Ce petit a perdu ses parents parce qu’un psychopathe a cru dans les visions de Madame Irma ! S’emporta Jane.

— Dumbledore a raison, il est beaucoup trop jeune pour devoir affronter ça. Materna Molly.

— Et de toute façon, cela ne lui apporterait rien. Opina Maugrey.

— Mais il a le droit de savoir, c’était ses parents !

— Exactement ! Intervint Sirius. Et Harry est assez grand pour savoir, il n’a pas besoin qu’on lui dissimule la vérité.

— Harry n’est pas James, quand est-ce que tu vas le comprendre, Sirius ? Lui reprocha Mrs. Weasley.

— Je sais qu’il ne l’est pas, Molly, ne détourne pas la conversation. Harry est bien assez mûr pour…

— Il n’a que quinze ans ! Il est trop petit ! Tempêta la matriarche qui refusait de céder.

— Trop petit pour savoir la vérité, mais assez grand pour faire le tournoi des Trois Sorciers ? Plaça Jane en déclenchant un nouveau silence gêné.

— …Cela n’a rien à voir, il était forcé de participer au tournoi ! Déclama la rousse d’une voix blanche.

— Qu’est-ce que c’est que ces excuses ? Trouvez-moi une bonne raison, une seule, de ne pas lui dire pourquoi sa vie est foutue ?!

— Voilà pourquoi nous ne voulions pas que vous sachiez. Vous ne pouvez pas comprendre ! Déclara Alastor de sa voix rocailleuse.

Quoi ? Je ne comprends pas, non pas parce que je suis une Moldue, mais parce que j’ai un minimum de bon sens ! Cria Jane furieuse. Est-ce que l’un d’entre vous a la moindre idée de ce qu’il pourrait en penser, lorsqu’il apprendra que vous lui avez menti ?

— Harry comprendra… Assura Albus totalement confiant.

— Harry est un adolescent, Monsieur le Directeur. Ce qui est incompatible avec la notion de compréhension ! Mais merde à la fin, la Magie vous rend-elle tous stupides ou c’est la boisson ? Cracha Jane en sortant en trombe dans le couloir pour se calmer. »

Elle claqua la porte, ce qui eut pour effet de déclencher le réveil de Mrs. Black qui se fit un plaisir de se mettre à hurler, à la plus grande stupeur de Jane.

« IMMONDICES, TRAITRES A LEUR SANG, SANG DE BOURBE ET CREATURES IMPIES. VOUS SOUILLEZ LA NOBLE ET ANCIENNE MAISON DES BLACK…

— Mais qu’est-ce que… Se demanda Jane en se précipitant vers la source des cris avant de tomber nez à nez avec le portrait maléfique.

— SALETE DE PETITE MOLDUE QUI SE PAVANE DANS LA NOBLE ET ANCIENNE…

— De quoi vous m’avez traitée, là ? S’emporta la jeune femme, ravie de pouvoir passer sa colère sur quelqu’un.

— ENGEANCE DE LA MEDIOCRITE ! PESTILENCE DE L’HUMANITE, TU OSES TE TENIR DEVANT MOI ET M’ADRESSER LA PAROLE ?

— Je rêve, c’est un portrait de bonne femme hystérique qui est en train de m’insulter, POUR QUI VOUS PRENEZ-VOUS ? Commença à hurler à son tour la nouvelle Professeur.

— JE SUIS LA MAITRESSE DE CETTE MAISON, POURRITURE INDIGNE DE SERVIR UN ELFE.

— VOUS N’ETES SURTOUT QU’UNE VIEILLE BIQUE BRAILLARDE !

— PETITE PESTE ARROGANTE, QUI DONC CROIS-TU ETRE POUR ME TRAITER DE LA SORTE. JE SUIS…

— VOUS N’ETES QU’UNE GROSSE SORCIERE, SI GROSSE QU’ON A DU L’IMMORTALISER DANS UN FORMAT HISTORIQUE ! Répliqua Jane ravie de sa répartie, alors que les sorciers sortaient de la cuisine pour voir ce qu’il se passait.

— Severus, Demanda le Mage Blanc, ramenez-la.

— RESIDU DE FOND DE CHAUDRON, JE T’INTERDIS DE…

— Bien, Monsieur le Directeur. Acquiesça Snape en empoignant la jeune femme et en la traînant dans la rue.

— TU POURRAIS ME L’INTERDIRE SI T’ETAIS PAS COINCEE DANS UNE CROUTE MINABLE ! Continua Jane, sans sembler se rendre compte que l’espion la portait à moitié et s’apprêtait à les faire transplaner. »

Le retour fut calamiteux. Les tourbillons du vortex magique lui donnèrent la nausée. Combinés à l’alcool qu’elle avait ingéré, à sa fatigue, et à son angoisse, cela la fit vomir à l’arrivée. Ils atterrirent donc devant le portail de Poudlard, Jane accroupie en train de rendre son repas, tandis que Snape patientait. La Moldue crachotait, reniflait, le goût de la bile aux lèvres, mêlé à celui des larmes qui n’en finissaient plus de rouler sur ses joues. Lorsque sa crise de vomissements se calma, elle s’écarta de la flaque poisseuse et s’allongea sur le dos, non loin des fleurs qui avaient intéressé tantôt le Directeur.

Severus était épuisé par sa rude journée. Il s’était levé tôt, avait enseigné jusqu’à dix-huit heures, et avait enchaîné ensuite deux réunions éprouvantes. Il n’avait qu’une envie : se coucher. L’homme hésita un instant à planter ici sa collègue, avant de se raviser lorsqu’il l’observa. Jane avait le visage rivé sur les étoiles, continuant de pleurer en silence. Il soupira, sentant une pointe de pitié l’étreindre, et s’assit à ses côtés. Ils restèrent un long moment côte à côte en silence. Lorsque Snape voulut lui proposer quelques mots de réconfort, il se rendit compte qu’elle ronflait.