Les cachots, 29 juillet,

L’homme en noir lui lança un regard de défi, tandis que sa bouche s’étirait lentement en un vilain rictus moqueur. Ses narines frémissaient d’anticipation, comme s’il sentait l’erreur qui allait suivre. De ses longs doigts, il pianotait sur le bureau nonchalamment, haussant encore d’un cran la tension qui régnait dans la pièce.

« Alors… ? » Demanda-t-il d’une voix méprisante.

La jeune femme qui lui faisait face respira un grand coup, tentant de gagner un peu de temps. Elle fronçait intensément les sourcils, de la sueur coulant sur ses tempes. Son ventre se contractait résolument, à mesure que la faim la tenaillait. Ses yeux picotaient, et son esprit s’engourdissait du fait de l’heure si tardive. Elle n’arrivait plus à penser, des réponses diverses se bousculaient dans sa tête à une telle vitesse qu’elle fut prise de tournis. Elle connaissait la réponse, elle le savait. Mais, elle était totalement épuisée, vidée, incapable du moindre effort intellectuel supplémentaire.

« Alors ?! » Répéta l’homme en noir d’une voix plus forte où pointait, tout à la fois, la menace et le plaisir de la torture.

« Alors, je t’emmerde, Severus Snape. » Pensa Jane avec mauvaise humeur. Naturellement, elle s’abstient, elle n’était pas suicidaire. Le Professeur de Potions ricana méchamment devant le regard noir que lui lançait la Moldue.

« C’est Professeur Snape, Miss Smith. » Dit-il avec un sourire venimeux.

Jane sursauta. Cela faisait maintenant presque un mois qu’elle côtoyait cet homme, et pourtant, elle n’arrivait toujours pas à comprendre comment il pouvait faire ça. Son esprit surchargé par le flot incessant d’informations qu’elle avait dû intégrer depuis son arrivée, s’égara momentanément sur cette question. Se pouvait-il que Snape puisse lire dans les pensées… ?

« SMITH ! » Beugla-t-il en tapant du plat de la main sur son bureau, ce qui eut pour effet de faire tressaillir la jeune femme, la forçant à se reconcentrer. Seulement, la malheureuse se sentit perdue.

« Quelle était la question, Professeur Snape… ? » Demanda-t-elle d’une toute petite voix.

L’espion passa une main lasse sur son visage. Il allait la tuer, il allait tuer Dumbledore, il allait tuer Voldemort, il allait aussi tuer Potter au passage – bien que le môme n’eût rien à voir dans cette affaire, mais c’était pour le principe. Pourquoi, Merlin pourquoi, était-il coincé ici avec cette femme, alors qu’il pourrait être chez lui à lire, dans un silence apaisant, ou bien faire des potions ? « Ah, oui… » Pensa-t-il amèrement. « Elle va intégrer l’Ordre… » Snape grimaça à cette seule évocation. Une Cracmolle, et maintenant une Moldue dans l’Ordre du Phénix. Si le Seigneur des Ténèbres l’apprenait, il attaquerait sans hésitation. « ‘Manquerait plus que Londubat soit intégré ! »

L’ancien Mangemort se força à garder ce qu’il lui restait de calme, une veine palpitant douloureusement sur sa tempe droite. Il se pinça l’arête du nez, inspira une fois, deux fois, et consentit à lui répondre d’une voix tellement glaciale que la jeune écrivain se tassa sur sa chaise, contrite :

« Qu’est-ce qui vous a poussé à revenir en Angleterre ? » Répéta-il.

Il n’obtint que le silence pour seule réponse. Il avisa la jeune femme, qui avait maintenant la tête posée sur ses mains. L’espion détailla le visage fatigué de Jane, où de lourdes cernes violettes se dessinaient, faisant ressortir la couleur claire de ses yeux. Elle était pâle, presque verdâtre, ses lèvres avaient perdu leur couleur, et une ride perpétuelle barrait son front. Jane n’était vraiment pas jolie à voir dans son état, et l’homme pensa qu’il ne devait pas être plus frais. Il était tout aussi fatigué qu’elle, si ce n’est plus, et mourrait lentement de faim. Il avait hâte d’en finir.

« Smith, si vous espérez que je cède, vous vous trompez lourdement. Si vous voulez manger, donnez la bonne réponse ! »

Jane se retint de faire une réflexion méchante sur les méthodes de tortures de Mangemorts, et se concentra plutôt sur ce qu’il lui avait demandé. Elle fouilla une nouvelle fois dans sa mémoire, cherchant à retrouver les bribes de l’histoire qu’ils lui avaient inventée. Elle revoyait les nombreux rouleaux de parchemin que Snape et Dumbledore avaient noircit d’informations sur sa fausse identité. Elle se souvenait de son ancien travail, de son ancienne maison en Australie (en Australie !), du nom de ses parents, mais… SES PARENTS !

« A la suite du décès de ma mère, je suis revenue pour régler les questions d’héritage, notamment du patrimoine légué ! S’écria-t-elle soudain.

— Bien ! On avance. Ensuite ?

— Heu… Eh bien, je… J’ai hérité d’un cottage dans la banlieue de Londres… Et heu… Je profite du beau temps… ? Proposa-t-elle, sachant déjà la réaction que sa réponse susciterait.

— … Vous êtes pathétique. Déclara platement Snape en la regardant droit dans les yeux. J’ai peine à croire que vous puissiez être une Serdaigle.

— Et vous, vous êtes un connard sadique ! Cracha Jane, en regrettant immédiatement ses mots. J’ai peine à croire que vous soyez enseignant ! »

Elle était foutue. Non. Elle était morte. Non, pire. Il allait même profaner sa tombe. Oui. A voir la tête livide de Severus, Jane savait qu’il était furieux. Naturellement, l’espion lui faisait peur. Naturellement, il la dressait avec violence. Et, oui, Jane avait déjà reçue de nombreuses punitions. Elle était affamée, ou bien elle devait nettoyer la salle des potions, ou bien récurer des chaudrons, ou bien préparer des ingrédients dégoûtants, ou bien déboucher à la main les toilettes des filles du deuxième étage ; ou bien… Oui. Severus Snape ne manquait pas d’imagination et avait un esprit retord. La Moldue se demanda brièvement ce qu’il lui réserverait pour son insulte, mais au lieu de cela, l’homme en face soupira longuement et s’affala davantage sur sa chaise. Jane cligna des yeux, surprise. Un appel de Voldemort ?

Un gargouillement furieux s’éleva, résonnant dans le cachot. L’horloge tinta, trois fois, ce qui eut pour effet de déclencher un nouveau gargouillement. Il était trois heures du matin, et le ventre de Snape grondait. Celui de Jane également. Les deux adultes se faisaient face dans un silence de mort, hésitants entre tomber de sommeil ou d’inanition. Finalement, la jeune femme soupira en frottant ses yeux brûlants de fatigue.

« Pardonnez-moi, Professeur, je lève le drapeau blanc. Je n’aurais pas dû vous insulter de la sorte, ni vous répondre.

— Non. Vous n’auriez pas dû… Répondit doucement ledit Professeur. Je suppose que vous arrivez à bout. »

Jane le regarda incrédule. Depuis quand cet homme se montrait-il magnanime ? Il la torturait impitoyablement depuis des semaines, lui entrant dans le crâne – aux forceps parfois – toutes les notions sur le monde sorcier qu’elle se devait de connaître. Il la faisait travailler nuit et jour, l’obligeant parfois à ne pas manger, à ne pas dormir, et , il se montrait compréhensif… ?

« Heu… Professeur ? Se risqua timidement la brune. Severus… ? »

Il sursauta et leva son regard d’obsidienne vers elle, le plongeant dans son vert anis. Il semblait… Usé. L’homme se leva avec raideur, ses genoux craquant d’avoir été pliés si longtemps, et il s’approcha d’elle avant de la prendre par le bras avec une certaine rudesse pour la faire se lever. « Oh. Merde. » Pensa-t-elle en s’imaginant qu’il allait peut-être passer aux châtiments corporels. Mais, l’homme se contenta de la traîner, toujours par le bras, en direction des appartements de la demoiselle. Ils entrèrent dans son salon, où un feu crépitait déjà, et où un magnifique sofa les attendait. Il la fit s’asseoir, toujours sans un mot, alors qu’elle commençait à se demander si elle ne devait pas paniquer.

« Dobby ! » Appela l’homme d’une voix impérieuse.

Un craquement attira l’attention de la Moldue lorsqu’une étrange créature apparut. Jane ouvrit la bouche pour poser une question, mais Snape l’intima au silence d’un simple mouvement de main. Etait-ce un elfe… ? Elle n’eut pas la réponse. Le Professeur de Potions demanda à la chose d’apporter un repas, ce qu’elle fit deux minutes plus tard. Le dobby posa un plateau de victuailles sur le guéridon jouxtant le canapé, et il disparut dans un autre craquement. A la simple vue du poulet, des pommes de terre douces et de la sauce onctueuse, le ventre de Jane se contracta douloureusement avant de laisser échapper un grondement de protestation. Snape, lui lança un intense regard, semblant s’apprêter à lui dire quelque chose, mais il se ravisa et se dirigea en direction de la porte. Arrivé à l’entrée, la main sur la poignée, il lâcha d’une voix plate :

« Demain, exceptionnellement, quatorze heures. Je vous conseille de dormir et d’être capable de me répondre. »

Et il s’enfuit silencieusement, laissant une Jane choquée. Eh bien… Pas d’insulte, pas de punition, un repas chaud et une grasse matinée ! Cet homme était totalement imprévisible. Mais Jane se trouvait présentement surtout reconnaissante. Elle mangea avec plaisir, puis se traîna sur le lit dans le but de se déshabiller pour la douche. Mais, à peine assise, une lourde fatigue la pris, et la Moldue se laissa glisser sur le dos, s’endormant profondément, encore habillée.

***

Bureau de Dumbledore, le lendemain matin,

« De tous les endroits possibles, vous avez choisi celui-ci, Albus ? Pourquoi ?! »

Severus fulminait de rage, son regard noir brillait intensément, embué par l’épuisement. Le corps entier de l’espion était tendu à son maximum, il semblait prêt à bondir à la moindre remarque. Le Directeur ne se laissait pas pour autant impressionner. Il connaissait les colères de son jeune protégé, et, même s’il devait admettre qu’il lui en demandait beaucoup, ils agissaient « pour le plus grand bien ». Le vieux mage rajusta ses lunettes sur son nez aquilin avant de répondre avec douceur :

« Sirius a aimablement proposé cet endroit. Vous devez bien convenir que c’est approprié…

— Evidemment, le cabot ne pouvait s’empêcher de fanfaronner avec sa « grande demeure des Blacks » !

— Severus… Il tente de participer à l’effort par tous les moyens. Vous n’êtes pas le plus à plaindre dans l’affaire.

— Pas le plus… Monsieur le Directeur ! Je suis enfermé à Poudlard, consigné même, à devoir jouer les enseignants pour une Moldue, à jouer les espions, pour ensuite m’entendre dire que je dois souffrir la maison de Black ainsi que son propriétaire ! Vous dites que je ne suis pas le plus à plaindre ?!

— Vous êtes libre, Severus… Sirius est emprisonné dans sa propre maison. Qui est nettement moins spacieuse que l’école, vous en conviendrez. Ajouta le vieux sorcier avec un regard entendu.

— Et depuis combien de temps l’Ordre s’y réunit-il ?

— Depuis la fin de l’année scolaire. Molly Weasley a gentiment accepté d’y prendre résidence pour nettoyer la maison, et Alastor, ainsi que…

— Et vous me tenez à l’écart ? Cria cette fois d’indignation le Professeur de Potions.

-Severus, calmez-vous. Vous avez été très pris…

— La faute à qui ? Interrompit l’homme sans politesse

— Vous avez été très pris par une mission importante. Poursuivit le Directeur comme s’il n’avait rien entendu. Par ailleurs, j’ai supposé que vous n’aviez pas besoin de voir Sirius plus que de raison. »

Malgré toute sa mauvaise foi, Snape ne put qu’acquiescer. Le vieil homme marquait un point. Entre Jane et Sirius, le choix était très vite fait en matière de compagnie. Le Potionniste grogna donc pour la forme et se rassit sur son fauteuil préféré avec lassitude. Il croisa le regard de son mentor, et pâlit lorsqu’il vit les yeux de celui-ci scintiller intensément. « Oh-Oh… » Pensa Snape en se demandant ce qui allait lui tomber encore sur le coin du chaudron.

« Est-ce si difficile que cela d’enseigner à Jane Smith… ? » Demanda le mage avec un doux sourire.

Snape frissonna, réfléchissant aussi rapidement que l’épuisement le lui permettait. Il n’aimait pas voir le Directeur aborder la question de la jeune femme. Précisément parce qu’il lui semblait que le vieil homme prenait plaisir à voir ses réactions. L’homme en noir croisa les jambes et offrit un sourire méprisant à son supérieur.

« Il faut taper longuement dessus, mais elle apprend. Se contenta-t-il de répondre.

— Vous la frappez, Severus… ? Questionna Dumbledore avec un sourire entendu accroché à son visage.

— Evidemment que non, Monsieur le Directeur. C’est une façon de dire que je la punis à la moindre mauvaise réponse !

— Ainsi donc vous pratiquez des punitions sur Miss Smith… Conclut le mage avec un regard malicieux.

— Merlin, Albus ! Vous savez très bien ce que j’ai voulu dire, cessez donc de fourrez votre esprit dérangé dans mes affaires !

— Ah. Parce que Jane Smith est une de vos affaires ? »

Snape soupira en fermant les yeux. Il se massa les tempes, lentement, hésitant à étouffer le Directeur avec l’un de ses bonbons au citron. C’était encore un des tours du mage. Un de ceux que Snape haïssait. Cela consistait à l’amener quelque part, à le mettre mal à l’aise, puis à dévier la conversation vers le point voulut par le Directeur, cela, afin d’obtenir satisfaction. Depuis le temps, l’espion connaissait cette méthode – très Serpentarde au demeurant – et savait qu’il devait redouter la suite. Mais, présentement, il avait beau réfléchir, il ne parvenait pas à comprendre où Dumbledore voulait en venir.

« Si vous alliez droit au but, Albus, au lieu de me torturer. Capitula Severus, faisant pouffer de rire son vis-à-vis.

— A quel point a-t-elle progressé ?

— Eh bien… L’Histoire n’est pas mauvaise, les bases rudimentaires des sorts également. Elle est douée côté Politique, je le concède…

— Cela ressemble à un compliment, Severus, faites attention mon enfant. Le taquina le Directeur.

— C’est ça. Elle apprend à maîtriser ses réactions puériles d’ébahissement perpétuel devant la Magie… Là où cela pêche, c’est plutôt côté personnel.

— Que voulez-vous dire ?

— Elle semble avoir du mal à retenir la jolie fable qu’on lui a concoctée, Monsieur le Directeur.

— Hmm. Cela semble normal, en si peu de temps. Elle est peut-être surchargée d’informations, cela viendra.

— Oui. Elle apprend vite, et est très disciplinée. NON. Albus, non ! Aucun commentaire, et cela ne sortira jamais de ce bureau ! »

Le mage pouffa une nouvelle fois de rire avant d’avaler de travers le bonbon qu’il suçotait jusque-là. Il toussa bruyamment, de grosses larmes ruisselant sur ses joues, alors que Snape n’esquivait aucun mouvement. Il se contenta de le regarder d’un air goguenard suggérant un « Bien fait ! ». Dumbledore reprit son sérieux, ce qui fit frissonner une nouvelle fois l’ancien Mangemort.

« Diriez-vous qu’elle est prête, Severus ? »

***

Portail de Poudlard, 2 août, 17h,

Snape sortit sa montre à gousset, en s’autorisant un sourire. Alors qu’il s’apprêtait à se faire une remarque, un bruit de pas derrière lui le fit se retourner. « Raté. » Pensa-t-il, elle était à l’heure. Jane se tenait en effet face à lui, droite dans sa tenue de sorcière. Elle avait opté pour une robe cintrée à corset, au col haut et au jupon long. Une robe bleu marine, brodée d’un liseré vert et argent discret. Elle avait relevé ses cheveux en un chignon partiel qui laissait ses boucles tomber en cascade dans son dos.

« Ça va, ça, comme tenue, Severus… ? » Demanda-t-elle timide.

L’homme releva le menton et renifla d’un air dédaigneux. « Parfait. » Se dit-il. Naturellement, il rétorqua à la place un condescendant :

« C’est Professeur Snape, Miss Smith. Et nous n’allons pas à un défilé.

— Je viens me présenter en tant que collègue, Severus. Rétorqua la brune. Quant au défilé, c’est tout comme à mes yeux : je vais devoir parader et paraître convaincante. J’avais besoin de l’avis d’un expert. Ajouta-t-elle d’une voix suave.

— Peuh ! La flatterie ne vous mènera à rien, collègue Jane. La robe ne fait pas le sorcier, souvenez-vous en ! »

Elle acquiesça en silence tandis qu’il lui tendit son bras d’un air nonchalant. Elle savait ce que cela voulait dire. Bien qu’elle soit incapable de pratiquer la magie, Snape avait insisté sur la nécessité de lui faire connaître les sorts et pratiques magiques. Elle déglutit en s’agrippant au bras, se pressant contre l’homme en noir avec appréhension. Le Potionniste coula un regard en sa direction.

« Tendue… ? Lui demanda-t-il.

— Et vous ? Répliqua-t-elle acide. »

Snape esquissa un sourire avant de prendre la main gauche de la jeune femme dans sa main droite, puis de libérer son bras gauche de l’emprise de celui de Jane pour l’enrouler autour de sa taille. La Moldue tressaillie, choquée qu’il se prête à une telle proximité. Le sorcier lui adressa un regard d’avertissement, la dissuadant de tout commentaire.

« Je vous interdis de vomir, Jane. » Souffla-t-il avant de les faire transplaner soudainement.

Si l’homme n’avait finalement pas opté pour un tel rapprochement, la Moldue aurait probablement disparu dans les méandres des atomes. Du moins, c’est ce qu’il lui semblait. Transplaner était probablement la pire expérience qu’elle eut à traverser de toute sa vie. Vous étiez aspiré, compressé, fissuré, balloté en tous les sens, totalement désintégré ; pour finalement avoir l’impression d’être reconstitué à la va-vite, le tout, dans un tourbillon de couleurs, de bruits, et de sensations. Elle eut le réflexe de se cramponner davantage à l’homme, serrant sa main, tout en ayant à la fois l’impression qu’elle ne trouvait prise que sur du vide. Finalement, ils arrivèrent brutalement au sol, Snape la maintenant debout par la seule force de ses bras, alors que Jane comprenait soudainement la réflexion précédente du sorcier. Il n’avait pas fait allusion à leurs deux corps se touchant. Non. Maintenant qu’elle était aux prises avec une violente remontée de bile, elle saisit pleinement l’avertissement. Severus resserra son étreinte autour de la taille de la jeune femme, qui luttait contre de violents tremblements. Lorsque sa vision s’éclaircit et que les étoiles cessèrent de danser devant ses yeux comme des mouches affolées, Jane inclina, sans y prêter attention, la tête sur l’épaule de l’homme en noir, en tentant de retrouver son souffle. Snape s’écarta vivement à ce contact, ce qui provoqua l’effondrement de sa collègue. Il pesta, alors qu’elle était assise au sol, dans une posture improbable, l’œil hagard.

« Smith ! Gronda-t-il. Par Merlin, comportez-vous comme une sorcière ! »

Il lui laissa deux minutes pour se reprendre, hésitant à l’aider, mais la demoiselle semblait passablement secouée. « Elle l’est, Severus ! » Se rabroua-t-il mentalement. L’homme soupira, et tendit une main en direction de Jane, qui la saisit par automatisme, avant d’être relevée avec douceur.

« Je… Je suis désolée. Balbutia-t-elle. Nous sommes à Londres ! Ajouta-t-elle en s’apercevant qu’ils se trouvaient dans une rue qu’elle connaissait.

— Brillant sens de l’observation. » Railla l’homme en sortant de sa poche un morceau de parchemin qu’il tendit à la jeune femme.

Jane reconnut l’écriture fine de Dumbledore. Sur le papier était notée la mention « 12, square Grimmaurd ». A peine eut-elle lu, que les immeubles en face d’elle semblèrent s’écarter pour révéler une nouvelle entrée. Jane se mordit presque la langue pour s’empêcher de poser une question. Elle vit les épaules de son collègue se tendre légèrement, avant qu’il ne franchisse le portique. Jane releva sa main pour se saisir de sa robe pour la relever. Elle vit que le membre tremblait fébrilement. Elle souffla plusieurs fois, et emboîta le pas au Potionniste. Severus ne frappa pas avant d’entrer. Il n’attendit pas davantage la jeune femme qui, malgré sa peur grandissante, avançait vaillamment dans le couloir sombre. Jane frissonna. Le couloir était plongé dans le noir. Il flottait dans l’air quelques senteurs de moisissures, de bois et de pierre fraîche. En tendant l’oreille, la Moldue pouvait entendre le ronronnement d’une conversation, et, plus diffus, un sombre sifflement provenant d’une autre pièce. L’espion s’arrêta devant une porte d’où filtraient de la lumière et le murmure de discussions en cours. La faible lueur permis à Jane de voir qu’il l’observait, semblant déterminer quelque chose chez elle. La brune se contenta d’un hochement de tête, et l’homme ouvrit la porte sur la lumière.

La discussion prit fin immédiatement à l’arrivée des deux protagonistes. Severus glissa à l’intérieur de la cuisine, après un bref salut de la tête, décidant de dévoiler immédiatement sa collègue pour en finir au plus vite. De nombreux visages inconnus se tournèrent alors vers Jane avec amabilité, mêlée de curiosité. Moly et Arthur Weasley étaient naturellement présents, ainsi que les jumeaux. Remus Lupin se tenait assis à la table, dégustant un café viennois, et Sirius Black brillait par son absence. Tous les sorciers gardèrent le silence, en dévisageant alternativement Snape et Jane. Celle-ci toussota, rassemblant son courage et s’avança :

« Eh bien, Bonjour ! » Lança-t-elle joyeusement.

Tout le monde sembla soudainement se remettre à respirer, et Molly se précipita sur la jeune femme en dandinant :

« Oh, ma chère ! Vous avez un accent Anglais des plus parfaits ! S’écria-t-elle. Comment buvez-vous votre thé ? Nous avons du lait, du sucre, du miel, dites-moi tout, ma fille. »

Snape se pinça les lèvres devant l’air effrayé qui passa très rapidement sur le visage de sa collègue. Il avait peut-être oublié de dresser le portrait de Molly Weasley avant de venir. Mais Jane le surprit en se ressaisissant remarquablement. La Moldue sourit et c’est d’une voix douce qu’elle répondit qu’elle le prenait avec du miel. Lorsque Madame Weasley lui tendit sa tasse, Jane sourit de plus belle.

« Merci, pour le compliment sur mon accent, Madame… ?

— Oh ! Quelle rustre je fais ! S’écria Molly en agitant les bras. Je suis Molly Weasley, mais vous pouvez m’appeler Molly, ma chérie. Oh, le Professeur Dumbledore nous a beaucoup parlé de vous, Jane Smith !

— Oh vraiment… ? Demanda d’une voix méprisante Severus en se servant un thé qui ne lui avait pas été proposé.

— Evidemment, Severus. » Rétorqua la mère, sans prêter un regard à l’homme en noir. Elle se tourna vers Jane. « Il nous a dit pour votre déménagement, toutes mes condoléances pour votre mère. »

Snape plissa des yeux, scrutant avec attention la façon dont Jane réagit. Il fut une nouvelle fois surpris de voir la jeune femme pencher la tête en signe de douleur délicate.

« Merci, Madame Weasley. C’était une femme formidable. Répondit-elle, parfaitement dans son rôle.

— Comme toutes les mamans, ma fille… Oh, j’en oublie mes bonnes manières ! Je vous présente Arthur, mon époux. Les deux garçons – qui devraient poser immédiatement ce qu’ils ont dans la main ! – Ce sont mes fils. Fred, et George. »

Les jumeaux adressèrent à leur mère un sourire faussement innocent, alors que Severus vit clairement George, ou Fred, il ne saurait dire, faire disparaître un drôle de canard en plastique dans la manche de sa robe. Jane ne remarqua pas le manège, et hocha poliment de la tête tandis que Molly continuait :

« A votre droite, Remus Lupin, anciennement Professeur de Défense contre les Forces du Mal.

— Professeur… Acquiesça Jane, ce qui fit renifler Snape.

— Appelez-moi Remus, Miss.

— Voilà, je crois que les présentations sont faites ! S’extasia Mrs Weasley en tapant dans ses mains.

— Pas tout à fait, Molly ! Déclara une voix qui se voulait charmeuse. »

Severus se raidit, portant ostensiblement toute son attention sur sa tasse de thé. Dans l’encadrement de la porte se tenait fièrement Sirius Black. L’homme n’avait guère changé, nota le Potionniste. Bien qu’il se soit remplumé, et qu’il portât de riches vêtements de sorciers, Black ressemblait à un cabot prêt à faire des tours. Il arborait un sourire arrogant, qui se mua en une moue séductrice dès que ses yeux tombèrent sur Jane. Snape plissa des yeux lorsqu’il vit le Maraudeur se précipiter sur la jeune femme pour lui faire un baisemain sonore.

« Sirius Black, propriétaire et habitant des lieux, pour vous servir, ma Chère. Dit-il d’une voix douce en couvrant de baisers la main de la brune.

— Ja…Jane Smith. Hoqueta la Moldue en tentant vainement de retirer sa main. Professeur à Poudlard… Heu… Ravie d’être servie… ? Offrit-elle d’une voix blanche.

— Appelez-moi Sirius, Jane, vous êtes ici chez vous. Continua l’Animagus, faisant soupirer d’exaspération le lycanthrope et le Potionniste.

— Merci, mais j’ai déjà un chez moi à Sydney, un à Londres, et une chambre à Poudlard, je vais finir par m’y perdre. » Rétorqua Jane en récupérant enfin sa main.

Snape ne put réprimer un esclaffement satisfait, ce qui lui attira le regard mauvais de sa Némésis.

« T’as un problème, Snivellus… ? Cracha méchamment Black, changeant du tout au tout.

— Il vient d’entrer dans cette pièce, Black. Riposta Severus d’un air dégoûté.

— Le mien est entré dans MA demeure, Snivellus. »

Molly et Remus s’apprêtèrent à intervenir, sentant une nouvelle violente dispute poindre, mais Jane fut plus rapide :

« Je suis un problème, Monsieur Black ? Demanda-t-elle avec un sourire que Snape ne lui connaissait pas.

— Non ! Ne pensez surtout pas cela, ma douce. Je l’ai dit : vous êtes ici chez vous… Commença Sirius en reprenant une voix de Don Juan rouillé.

— Apparemment, je suis la seule à bénéficier de votre politesse, Monsieur Black. » Termina Jane, son sourire dévoilant ses dents blanches.

Snape classa immédiatement le sourire de Jane dans ceux qui « n’augurent rien de bon », et remercia mentalement la Moldue pour son intervention lorsqu’il vit Black rougir légèrement.

« D’autre part, Reprit Jane d’une voix qui devenait de plus en plus prédatrice, J’apprécierais que vous évitiez les petits noms en ma présence. Les « ma douce », et autres « beauté », peuvent être oubliés. Severus est peut-être habitué aux petits noms doux que donnent les Anglais, mais pas moi.

— Je ne… Tenta Black en s’empourprant pour le plus grand plaisir de son ennemi.

— J’imagine que Snivellus, veut dire « beau ténébreux » en patois local, mais je ne suis pas encore au fait de vos coutumes. Laissez-moi donc le temps, Monsieur Black. »

Molly glapit, Arthur se mordit la joue, Remus plongea son nez dans son thé pour étouffer son rire naissant, les jumeaux restaient ébahis, et Sirius devint livide. Quant à Snape… Snape souriait comme si on lui avait annoncé que Potter était définitivement expulsé de Poudlard. Un lourd silence s’installa. Les adultes ne sachant pas réellement comment réagir. Finalement, Molly détendit l’atmosphère en proposant de débarrasser pour préparer un apéritif. Cela eut pour conséquence de déclencher un joyeux brouhaha qui laissa l’opportunité à Snape de murmurer dans l’oreille de Jane :

« Beau Ténébreux… Miss Smith ? Demanda-t-il de sa voix la plus soyeuse.

— Et là, je dois dire, Oui Professeur, ou Oui Severus ? Lui répondit-elle avec un regard amusé. »

Snape amorça ce qu’il semblait être un clin d’œil complice, avant de s’apprêter à lui demander pourquoi elle avait rembarré de la sorte le Maraudeur, lorsqu’un crépitement provenant de l’âtre l’interrompit. Le feu se colora de vert, avant de laisser apparaître la tête de Maugrey Fol œil. Jane toussa, tentant vainement de contenir son choc.

« Lupin ! Tonna la voix rocailleuse de l’Auror. Arabella a appelé. Transplanage immédiat avec une escorte ! »

Remus Lupin se leva rapidement de sa chaise et sortit en trombe, pendant que le feu reprenait son aspect initial. Les Weasley s’activèrent, et Sirius se tendit, le regard soudainement inquiet. Jane fronça les sourcils, et interrogea du regard son collègue qui lui répondit par un laconique : « Potter. »