Remerciements spéciaux : Merci à Marine, Audrey, Clément, Minsky, Achille, Pierre, Mathilde et Amine, Alias, Jennifer et ChocoFrog pour leur soutien sur Tipee ! Merci à ChocoFrog pour ses retours rapides sur l’avant-première de ce chapitre, ça m’a permis de corriger quelques coquilles ! Merci à Leithian qui vient de nous rejoindre sur le projet Tipee !

 


Chapitre 47 : Le présent

 

Noël était la période que détestait le plus Joseph Abernathy. Parce que c’était un moment de bruit, mais aussi parce que la boutique de balais où il triait tous les jours le courrier était généralement bondée. Des gens pauvres qui se pressaient à la vitrine pour admirer les dernières sorties sans jamais pouvoir se les payer aux riches qui passaient commande en personne – ou par courrier, sans considération aucune pour le personnel ; tous l’écœuraient. Ajoutez à cela qu’il devait donc recevoir les commandes, les préparer puis s’atteler à envoyer les vœux aux clients les plus fidèles, et vous obtenez des journées chargées, passées à monter et descendre les escaliers menant à la volière. Des journées où la fiente se disputait la primauté à la cire pour cacheter les enveloppes, à la ficelle pour emballer ces fichus engins de malheur et au sucre que déposaient les doigts sales et collants des gamins sans aucune éducation. Depuis quelque temps, ses soirées et ses nuits étaient peuplées de morts, de courses-poursuites avec la Brigade, de tags et de rires sinistres. Il s’amaigrissait à vue d’œil, lui dont Rowle disait souvent que s’il perdait encore du poids, on allait bientôt le confondre avec un des Nimbus de la vitrine… Il s’amaigrissait et s’aigrissait, son teint déjà blafard devenant peu à peu grisâtre et sa bouche apprenant à se tordre d’un terrible sourire. Il endurait ses pénibles journées de labeur en serrant les dents, se vengeant chaque soir, chaque nuit dans un graph, dans un Doloris – qu’il apprenait à lancer avec une grande application. Il endurait son existence en ayant l’impression de renaître dans les ténèbres, galvanisé par la sensation de la Magie Noire coulant dans ses veines. Bien que folle et terriblement inquiétante, Bellatrix était pour lui comme une sorte de libératrice. Quant au Seigneur des Ténèbres qu’il n’avait encore jamais vu, Abernathy apprenait doucement à le respecter, s’imaginant un être puissant et plein d’une sagesse qui lui était inaccessible.

En emballant la superbe nouveauté du fabricant, Joseph repensa avec plaisir à son épreuve réussie. Comme souvent, il s’échappait de sa réalité en se remémorant des passages clefs de son initiation nocturne, enjolivant parfois les événements, goûtant le pouvoir qu’il avait dans ces instants. Sur la portée de Mangemorts potentiels dont il était issu, ils n’étaient que deux à être encore en vie. Bellatrix avait condamné l’un des fuyards, et les autres s’étaient fait tuer lors de l’intervention de la Brigade. C’était sur ce pleutre que Lestrange les faisait s’exercer. En laçant machinalement le paquet, ne prenant même pas garde de ne pas froisser le papier velouté, Joseph fronça les sourcils en se disant qu’il faudrait bientôt changer de support, car leur victime était en train de mourir. Peut-être devrait-il lui-même aller en chasser une ? Peut-être était-ce ce qu’attendait Bellatrix ? Il coula lentement de la cire sur le cordon de soie tressé d’or, une cire dorée également dans laquelle il plongea un sceau aux armoiries de la boutique. Ce genre d’emballage était réservé à l’élite de l’élite et le simple fait de se plier à cette distinction exaspérait au plus haut point le Sorcier. Il tenta de se replonger dans sa réflexion, fuyant ce monde au service de ceux qui étaient nés « dans le bon chaudron » comme son père disait. Il réfléchit intensément à ce qu’il pouvait bien apporter de nouveau à Bellatrix. Si chaque soir il prenait soin de faire quelque chose qui la satisfaisait, il pressentait qu’elle se lasserait néanmoins s’il ne se montrait pas à la hauteur. Sensible à sa soumission, Bellatrix était très vite devenue agréable avec lui. Mais peut-être était-ce dû à son récit de ce qui s’était passé dans la ruelle, lors de sa première nuit ?

Il attrapa le papier sur lequel étaient notées les références du client et s’empara d’un superbe morceau de vélin épais et d’une plume taillée fraîchement. Peut-être qu’en réitérant un tel exploit sous ses yeux… ? Apporter du nouveau matériel et montrer sa progression sur l’ancien… ? Il se coupa avec le papier, ce qui le ramena brutalement dans sa réalité. Celle où il saignait à présent abondamment sur le bon de commande, où quelque chose d’aussi inepte qu’une adresse d’envoi pouvait le blesser. Il porta instinctivement son doigt à sa bouche, moins pour goûter à son propre sang que pour tenter d’éviter une catastrophe avec le colis. Il se moquait peut-être d’emballer correctement le balai, mais il préférait encore éviter de répandre son sang dans toute l’Angleterre… Surtout quand on sait ce qu’une personne mal intentionnée peut en faire. Sa colère monta d’un cran, et il essuya le bon avec aigreur, insultant mentalement ces gosses de riches qui se faisaient offrir des artefacts valant plus d’une année de son salaire.

Il coula un regard haineux au papier, quand il arrêta soudain de respirer. Son cœur cogna si durement dans sa poitrine qu’il gémit légèrement. Ne croyant pas ce qu’il avait sous les yeux, il relut à plusieurs reprises les mots griffonnés à la hâte par Rowle qui avait dû trembler d’excitation en prenant la commande.

Enfin, il partit à rire, d’un rire joyeux que personne n’entendait jamais chez lui. Lui aussi avait un très beau cadeau de Noël…

 

 

***

 

Colin repoussa son assiette avec une certaine satisfaction. Le repas avait été proprement délicieux et tout à fait bienvenu après autant d’émotions. Décidé sur le pouce, le menu les avait régalés. Ils avaient mangé des hamburgers maison – véritable première pour Severus – servis sur du pain de brasserie avec un mélange de patates douces et de haricots verts cuisinés au beurre français. Ne s’intéressant nullement aux protestations de sa compagne, Colin avait débouché une excellente bouteille de rouge, et à présent que les palais se faisaient aussi rêveurs que les estomacs, il hésitait à proposer un digestif avant le dessert. La bonne humeur s’était réinstallée doucement au sein de la petite famille, non pas en guise de voilage mortuaire, mais bien une véritable complicité saine et naturelle. Élise terminait de manger en silence son burger, concentrée sur ses gestes précis et sophistiqués qui lui permettaient d’utiliser un couteau et une fourchette, sous l’œil fasciné d’un Severus qui découvrait certaines conventions bourgeoises. Jane se leva en commençant à débarrasser, jetant des regards appuyés à son comparse.

« Vous êtes si pressés que cela ? demanda sa mère.

— Oui, plutôt. Je t’ai dit que nous étions attendus ce soir, et il faut encore faire la route en sens inverse…

— C’est quoi ton truc à l’école ? coupa Colin en se levant pour l’aider.

— Laissez, intervint Severus. Nous nous en chargeons. »

Jane arqua un sourcil en le voyant jouer les gendres parfaits, mais comprit où il voulait en venir lorsque ses parents échangèrent un énième regard de connivence à leur sujet. Seulement la manœuvre ne prit pas, et sa mère relança :

« Jane, il me semble que tu connais nos secrets… Quand est-ce que tu te décideras à partager les tiens ?

— Ah ! Maman, ça n’a rien de secret… L’année dernière j’ai pu échapper au Noël traditionnel de l’école, mais pas cette année, c’est tout…

— Mais je croyais que c’était des enfants de stars, n’ont-ils justement pas des Noël « de stars » ?

— C’est…, commença Jane en faisant la moue. C’est moins rose que tu ne le crois… Tu sais, beaucoup sont des fils et filles d’acteurs, chanteurs, politiques… Bref des gens qui bougent beaucoup en fait. Qui bossent aussi les soirs de Noël, et ce genre de choses. Tous ne sont pas coincés à l’école, mais on en a quelques-uns. Ça fait partie du service de l’école, en gros.

— Du devoir, en réalité, corrigea Severus avec sérieux. L’équipe enseignante qui encadre l’événement tourne d’une année sur l’autre. Seul notre Directeur et la Sous-Directrice sont systématiquement présents.

— C’est… triste, commenta Colin en les aidant à empiler les assiettes pour qu’ils débarrassent. Pauvres gosses.

— Non, pas « pauvres », justement, ‘pa. Mais ça va, c’est pas la mer à boire. J’en aime bien certains pour ma part, alors ça ira. Non, celui qui râle le plus, c’est Severus…

— Vous n’aimez pas les enfants, Severus ?

— Non, répondit-il franchement.

— Pourquoi enseigner, alors ?

— Parce que c’est bien payé, que je suis nourri, logé et blanchi. Que cela me permet de continuer à explorer un domaine qui me plaît et puis… j’ai de bons collègues.

— Ah ! Je veux bien le croire, s’amusa Colin en faisant rougir Jane jusqu’aux oreilles. Mais vous comptez faire ça toute votre vie ? »

Jane s’éclipsa pour porter les assiettes, et un instant, Severus se sentit stupide avec la plaque d’ardoise qui avait servi de plat de présentation entre les mains. Ses longs doigts en tapotaient les arrêtes, tandis qu’il haussait les épaules et finit par répondre :

« Non. Non, je pense que si je survis à la fin de la scolarité d’une des plus grosses têtes, je prends ma retraite…

— Une terreur ?

— Vous n’avez pas idée.

— Et vous feriez quoi, du coup ? Vous avez des projets précis ? »

Dans la cuisine, on entendit les assiettes se percuter, et Jane marmonner dans sa barbe. Severus eut un petit sourire en coin et décida d’empiler sur sa plaque la corbeille de pain et la bouteille de vin.

« Je crois que vous mettez votre fille très mal à l’aise.

— Pourquoi ça ? s’amusa Colin. Vos projets ne la concernent pas à ma connaissance… »

Avant même que Severus ne puisse répondre, Jane revint d’un pas légèrement raide :

« Bon, elle vient cette vaisselle ? On doit servir le dessert, le café, et après on a encore de la route. »

Severus et Colin échangèrent un regard entre hommes que ni Élise, ni Jane ne perçurent et le Sorcier inclina la tête en s’excusant pour rapporter les affaires. Restés à table, Élise proposa à son compagnon de prendre la suite sur le canapé. Dans la cuisine, Jane commença à sortir les glaces et les coupelles, tandis que Severus l’observait d’un œil critique. La Moldue évitait ostensiblement de croiser son regard et il finit par poser silencieusement la main sur la sienne pour l’inviter à le regarder. Jane joua le jeu, le laissant fouiller dans son esprit. Il ne l’avait jamais fait aussi directement. Et au lieu de percevoir une idée, une image, comme il en glanait quand il survolait légèrement ses pensées, il se retrouva dans un maelstrom aussi dense que la chevelure de sa propriétaire. En un mot : ses pensées n’avaient rien d’ordonné. L’esprit était pareil à un fleuve dans lequel de nombreux poissons, crustacés et courants s’entremêlaient. Mais pour certains caractères, il pouvait ressembler à une bibliothèque propre et rangée, ou à un champ de bataille et d’autres encore, à une sorte de marché où tout le monde hurlait des idées – ça, c’était plutôt les esprits créatifs. Severus évitait de se plonger dans les têtes de certains de ses élèves précisément pour éviter de se retrouver épuisé par leur imaginaire. Il n’avait, ainsi, jamais osé pénétrer l’esprit très probablement dérangé de Luna Lovegood. Celui de Jane ressemblait à un bal où les idées et les souvenirs dansaient et se mêlaient les uns aux autres dans un fragile équilibre. Mais l’ensemble donnait le tournis, elle était de ce type de personnes à penser à plusieurs choses en même temps, et c’était désagréable. Il put néanmoins extraire, au milieu de son questionnement sur le fait qu’elle allait lui mettre à nouveau des étoiles vertes en amande sur sa glace, non loin de son inquiétude quant au fait qu’ils avaient encore une soirée au Terrier ; il put trouver, coincé à côté de ses doutes récents quant à sa place un sentiment. Severus écarquilla les yeux, avant de sourire d’un air goguenard.

« Vous êtes d’un compliqué, murmura-t-il…

— Parlez pour vous, qu’est-ce que vous avez vu ? Pas votre cadeau, j’espère…

— Vous m’avez fait un cadeau, comme c’est mignon… Oui, pour répondre à l’une de vos questions, j’aime bien les étoiles vertes, cela relève le goût de la glace.

— Woaw, c’est dingue, vous avez vu quoi d’autre ?

— Hmm, vous trouvez que j’ai les mains douces. »

Jane manqua d’en faire tomber la boule de glace qu’elle raclait péniblement. Elle le regarda, écarlate, alors qu’il s’amusa à se placer derrière elle pour l’accompagner dans son geste et lui permettre de former une sphère crémeuse parfaite.

« S’ils débarquent dans la cuisine, on est mal…, murmura-t-elle.

— Ça serait très amusant de vous voir bredouiller, au contraire, lui glissa-t-il dans l’oreille. Non, ce que j’ai vu c’est votre dilemme.

— Mon dilemme ? Merci, ajouta-t-elle alors qu’ils formaient une boule parfaite qu’ils mirent ensemble dans la coupelle. Ça ira, Severus, je n’ai pas l’intention de faire un remake de Ghost

— Vous n’arrivez pas à vous décider entre profiter de ce moment, au risque d’être déçue par la suite, ou rester en retrait pour protéger vos émotions, lui répondit-il en s’écartant. »

Il pivota pour chercher les étoiles, lui laissant tout le loisir de méditer sur ce qu’il venait de dire. Elle se racla la gorge, manifestement agacée.

« Vous voyez tout en moi, c’est ça ?

— Non, je sais vous laisser vos secrets. Mais vous m’avez autorisé à comprendre votre énervement de tout à l’heure.

— Vous n’allez pas juger ma retenue, quand même. Pas vous.

— Non, certainement pas. Je crois que vous êtes prudente, et c’est une bonne chose. Vous ne l’êtes décidément pas assez avec moi. »

Jane piqua une cuillère dans chaque coupelle, avant de les poser sur le plateau, puis, elle releva la tête et observa le Sorcier à travers une mèche. Elle haussa les épaules et lui tendit le plateau.

« C’est… C’est comme ça. Je ne pense pas qu’on puisse se protéger de tout.

— Je ne pense pas non plus, répondit-il après un instant de réflexion.

— … Je vais essayer de me détendre, j’ai compris.

Dites ? On mange toujours de la glace, ou vous avez décidé de la briser ? cria Colin depuis le salon. »

Jane leva les yeux au ciel en souriant en coin avant de pousser Severus hors de la cuisine. Ils arrivèrent près des parents qui s’étaient installés l’un contre l’autre, Colin entourant de ses bras sa compagne. Ils disposèrent les coupelles et commencèrent à manger dans un silence que seuls les tintements des cuillères contre le cristal rompirent.

« Mais du coup… demanda soudain Jane pour détourner l’attention. Vous pouvez vous marier, maintenant ! Vous allez le faire ? »

Colin et Élisabeth se regardèrent un instant, menant une conversation muette. Après un moment de silence, ils se tournèrent vers leurs invités en haussant les épaules.

« Pourquoi pas… ? répondit lentement Élise. Cela serait l’occasion de se revoir tous et de faire une grande fête.

— Mais… Ce n’est plus à notre tour, compléta Colin d’un air entendu.

— Au contraire contra Jane en grimaçant sous le froid de la glace qui lui vrilla le crâne. N’ayant pas l’intention de me marier, de sitôt, ou… tout court, en fait… S’il doit y avoir une soirée, ça serait la vôtre.

— C’est fou ça, déjà petite elle se fichait des mariages ! Ah ! Romantique, ça oui… mais elle n’a jamais eu sa période « robe de princesse », même quand je lui ai montré le mariage de notre regrettée Diana…, ajouta Élise en regardant Severus avec espoir.

— Le mariage est un dénouement ennuyeux qui a si peu d’intérêt qu’on le narre rarement. Ce qui compte, c’est la rencontre, l’inimitié, les péripéties et jalousies, répliqua Severus. Personne ne s’enquiert de savoir si le mariage entre Darcy et Bennet fonctionne, ni ce que la Miss pouvait porter, d’ailleurs.

— Par contre, on narre chacune de leurs apparitions aux soirées. Cela, parce qu’ils y arrivent à l’heure, compléta Jane la coupelle vide et fixant son ami.

— C’est vrai, vous avez de la route… soupira Colin. Mais c’était déjà fantastique de vous voir. »

La mère et la fille se regardaient, la plus jeune faisant les gros yeux d’une jeunette ne désirant surtout pas revenir sur une discussion qui lui déplaisait. Élise semblait très amusée, quant à elle, de sa gêne. Mais quand ils se levèrent et retournèrent à l’ascenseur, la mère avait le regard légèrement embué de larmes. Elle étreignit tendrement sa fille, l’embrassant sur les deux joues avec force.

« Je t’ai déjà envoyé tes cadeaux à l’adresse que m’a donnée Diane… Ne me regarde pas comme ça, je l’ai menacée. J’étais contente qu’il y ait au moins un endroit où t’écrire, mais si tout ceci…

— Je sais. Je t’ai promis, je tiendrai ma promesse. Quand mon contrat sera terminé, je pourrai tout t’expliquer.

— Faites bonne route, surtout, soyez prudents. Severus…, ajouta Colin. Vous…

— Oui, je prendrai soin d’elle, coupa le Sorcier avec assurance.

Non, pouffa le père. Elle est assez grande pour prendre soin d’elle-même. Je voulais vous dire que vous serez toujours le bienvenu ici. »

Ils se saluèrent et se séparèrent avant l’ascenseur, aucun d’eux n’ayant le cœur à faire les embrassades sur le trottoir. Cela laissa à Jane et Severus tout le loisir de se taire dans la cage, avant de rejoindre l’extérieur. Il faisait toujours un temps minable et froid, et le contraste tira un frisson à la jeune femme qui serra inutilement son col sur son cou.

« Vous voulez que je vous dépose directement ?

— Où ? Ah non ! Non, il est encore tôt en fin de compte et je dois fermer l’électricité et le gaz à l’appart’, et retourner à l’école chercher les cadeaux et me préparer et…

— J’ai compris. Nous allons tout sécuriser, et je vous ramène là-bas, acquiesça-t-il en se dirigeant vers la ruelle où ils transplanaient.

— Vous venez bien ce soir, hein ? » Lui demanda-t-elle anxieuse.

En guise de réponse il leva les yeux au ciel et l’enlaça pour le sortilège. Elle était décidément trop stressée. Fort heureusement, sa terreur systématique et les nausées qui allaient avec lors de ce transfert se chargèrent d’effacer rapidement ce sentiment pour ne laisser que la béatitude d’être arrivée entière à Poudlard.

***

Elle en avait organisé des soirées, des repas de famille, des réunions extraordinaires… Mais un tel repas de Noël ? Jamais. Plusieurs décennies à la tête de la famille Weasley – car qui d’autre que Molly dirigeait réellement cette troupe ? lui permirent de ne pas craquer quand les livreurs se trompèrent et lui amenèrent non pas un chevreau, mais un cochon de lait. Ces mêmes années d’expérience l’empêchèrent de renier publiquement Fred et George quand une de leurs décorations magiques explosa dans le salon en répandant une quantité de paillettes musicales multicolores. En ce 24 décembre où elle recevait pour la première fois autant de monde chez elle, Molly Weasley courait dans tous les sens pour rattraper les catastrophes qui survenaient, imprévus, cassures et autres détonations diverses. Elle gérait le repas, la décoration, le coiffage de Giny – une tradition à laquelle elle ne voulait certainement pas déroger, le brassage des vins cuits, l’emballage des cadeaux… Essoufflée, épuisée, le visage rendu écarlate par l’effort et le front perlant de sueur, la matriarche se croisa un instant dans le reflet de l’horloge magique de la maison et soupira de défaitisme. Ah ! Elle pariait que Narcissa Malefoy était capable de tout gérer sans même transpirer un centième…

« Sans doute parce qu’elle a des elfes à son service… » Marmonna Molly et redressant le panier de pommes sur sa hanche ! « Aller, hauts les cœurs ! »

Sirius avait bien entendu proposé de lui allouer du personnel pour l’aider, mais la rousse avait décliné, déjà bien gênée qu’il participât autant aux frais. « Il faut bien que je paie pour les caprices d’Harry ! » avait-il expliqué. Mais pour autant que Molly se surprenne du choix des invités, il n’était pas question de profiter excessivement de la générosité de Lord Black. C’était déjà si gênant, parfois, d’être dans le besoin… Elle chassa cette pensée qui l’assaillait de plus en plus à mesure que sa maison se vidait. Jadis, leur précarité ne la dérangeait pas, tant qu’elle était encore riche des rires de ses enfants. Mais avec le départ de Fred et George… Elle secoua la tête, préférant se concentrer une nouvelle fois sur son plan de table.

Harry avait vu les choses en grand, en vraiment très grand. Comme paniqué à l’idée que cela soit son dernier Noël en famille, il avait invité près d’une vingtaine de personnes. Ainsi, la famille Weasley presque au complet était présente. Ce qui incluait à son déplaisir Fleur qui était fiancée à son petit Bill. Neville et sa grand-mère venaient, naturellement Harry et Sirius, Hermione, mais également Luna et son père, Albus Dumbledore devait partager avec eux un vin – bien que Molly doutât qu’il ait réellement l’opportunité de se déplacer – Rémus et Tonks comptaient se retrouver. Plus surprenant encore, Jane Smith et Severus Snape étaient conviés, Fol’Oeil ayant décliné en grognant que Noël était une fête trop futile pour lui. Que l’ancien Auror refuse n’avait rien d’exceptionnel, que l’ancien Mangemort vienne était inédit… Peut-être Snape avait-il tout simplement envie de sortir de l’école… ?

Avec ce beau monde, il était hors de question de tenir le repas dans le salon, ni même de se passer d’un banquet. Peut-être Molly voyait-elle, elle aussi, les choses en grand ? Ce n’était certainement pas ses invités qui diraient le contraire… La tente magique qui avait été ajoutée au Terrier, était devenue une salle de réception somptueuse qui n’avait rien à envier à celle des Black ou peut-être même des Malefoy.  Satisfaite, Molly sourit en observant l’endroit, heureuse d’avoir l’occasion de se faire autant plaisir. Le petit carillon de l’entrée interrompit le fil de ses pensées, et elle se précipita vers les arrivants avec joie. Dans l’entrée, portant leurs valises et leur bonne humeur, la petite troupe de jeunes gens déboulait dans la cuisine qui rapetissait à vue d’œil. Molly les embrassa un à un, une immense joie propre à Noël étreignant son cœur.

« Doucement, doucement, maman ! rit Sirius en fermant la marche. Ils vont étouffer.

— Oh, toi ! Arrête de m’appeler comme ça, hein ! s’amusa-t-elle. L’amour n’a jamais tué ! Oh, Ron ! Oh Ginny ! Vous m’avez tellement manqué ! Neville, Luna, Hermione, Harry ! Vous aussi mes chéris je suis contente de vous voir !

— Merci, Madame Weasley de nous recevoir, salua très poliment Luna.

— Oui, merci de vous être donné autant de peine, Madame Weasley, ajouta Harry.

— C’est normal, mon chéri ! Tu devrais remercier ton Parrain plutôt pour…

— Non, Molly, coupa Sirius très rapidement. Est-ce qu’il reste des choses à faire ou à casser ?

— Non, normalement…

— Maman ? demanda Ginny. On monte et puis tu nous rejoins avec les filles pour qu’on se coiffe ?

— Oui, pas de souci ma…

— Hey, maman ! Maman ! coupa Ron. Tu devineras JAMAIS comment Harry et Luna sont arrivés à la gare, c’était ouf !

— Ah bon, comment… ?

Rien, Madame Weasley, il est fatigué du trajet.

— Pas du tout, je…

— Madame Weasley, je peux monter avec les chaussures ? demanda Neville. »

Molly tournait la tête à chaque sollicitation, à la fois en souriant et en sentant la fatigue l’étreindre. Mais c’était une sorte d’épuisement qu’elle adorait ressentir. Chaque gamin posait une question, et où est-ce qu’on mettait ceci ? Qui voulait boire quoi ? Qu’est-ce qu’on mangeait le soir…

« Calmez-vous, tous ! Soyez un peu autonomes et laissez-la aller se laver et se préparer, je peux très bien vous aider ! »

Les jeunes observèrent Sirius qui tentait de maintenir un masque d’adulte responsable en place avec un peu de suspicion. Ginny fronça les sourcils.

« Sirius, c’est pas qu’on veut pas de toi, mais c’est maman qui me coiffe d’ordinaire, et…

— Et c’est Ginny qui me harcèle pour que je dompte ma crinière, ajouta Hermione.

— Ce qui n’est pas nécessaire, souffla un Ron bien inspiré.

— De toute façon, Lord Black, vous devriez respecter la tradition et vous occuper de ceux de votre caste…, termina Luna d’un air amusé.

— Oui…, enfin ça c’est d’un sexisme… »

Pendant qu’Hermione s’agaçait et que Ginny expliquait qu’elle voulait bien être progressiste, mais pas aux dépens de sa coiffure, pendant que Molly levait les yeux au ciel en pensant au débat improvisé, Sirius se tourna donc vers son filleul et ses amis d’un air pataud…

« Bon, je suppose donc que ça va être entre nous, alors… J’ai nos tenues, si jamais cela t’inquiète, Harry.

— Oh, ça non ! Tu es si coquet qu’il est impensable que tu n’aies pas prévu le coup.

— Mais, heu… Molly et moi sommes les seuls adultes, ici ?

— Mon père doit être probablement au Ministère, encore, expliqua Ron. J’espère qu’il sera libéré tôt cette année… Parfois, ses supérieurs le faisaient travailler jusqu’à tard pour lui rappeler son importance…

— Une chance que Malefoy soit Ministre de la Magie et pas du Département où…

— Bah, laisse donc tomber ces histoires Neville, coupa Ron. Il viendra bien. Est-ce qu’on ne pourrait pas faire un tour à la tente voir ce qu’il y a avant de s’habiller ?

— Négatif, Monsieur Weasley ! trancha Sirius. Nous nous devons d’être à la hauteur du travail de Madame votre Mère.

— Dis plutôt que tu as hâte de parader dans ton nouveau costume, glissa Harry. »

Sirius prit un air offusqué qui ne trompa personne et les accompagna pour retrouver la chambre de Ron. Que cela soit la chambre de Ginny ou celle du dernier des fils Weasley, cela gloussait dans tous les sens, sentait le parfum et les produits cosmétiques. L’ambiance était à la coquetterie joyeuse, mais Noël était toujours l’occasion de se faire le plus beau…

Ou la plus belle.

« C’est une jolie tentative, je le reconnais, mais si tu crois qu’un chignon bouclé se fait avec des boucles naturelles, ma cocotte…

— Oh, la ferme ! »

Une fois de plus, Jane se disputait avec son double en s’habillant. Cela faisait plus d’un an et demi déjà qu’elle endurait ces miroirs magiques et elle n’arrivait toujours pas à les supporter. Elle se demandait fréquemment si c’était le sien qui était particulier, si c’était lié à son caractère, ou si tout le monde… Elle pouffa, s’imaginant celui de Severus.

« Oh, mais vas-y, rigole ! Anticipe donc leur réaction. Je te dis qu’un chignon bouclé ne se…

— Vas-tu te taire ?! »

Avant même que son reflet ne réplique, on frappa à la porte. Mince, était-elle tant que ça en retard ?

« Tu devrais faire la morte, tu n’as vraiment pas envie qu’il te voie… »

Jane ne répondit pas et ouvrit directement la porte pour dévoiler son ami. Elle s’attendait à une mine lugubre de l’homme coincé à une soirée avec Harry Potter et Sirius Black, mais au lieu de cela, il semblait plutôt détendu. À dire vrai, il semblait presque normal, si ce n’est…

« Wow, vous êtes superbe comme ça ! »

L’espion arqua un sourcil et esquissa un sourire en entrant lentement dans la pièce, portant son manteau au bras. Vêtu de noir, comme s’il n’existait définitivement aucune autre teinte au monde, il portait néanmoins une redingote qu’elle ne lui connaissait pas, doublée de velours et aux boutons d’argent. L’ouvrage était particulièrement sobre, mais témoignait d’un véritable savoir-faire. Si l’on exceptait la fois où elle lui avait acheté des vêtements, elle n’avait jamais vu Severus habillé d’une façon si seyante.

« Cela devient gênant, Jane.

— Que voulez-vous, c’est votre charme qui opère ! répliqua-t-elle sans se départir de son rougissement.

— Pouvez-vous vous habiller au moins ? C’est bien une robe de chambre que vous portez, rassurez-moi ? »

Elle lui fit une grimace tant sa remarque lui semblait ridicule et repartit dans sa chambre se battre avec son miroir et ses affaires. Il patienta en s’amusant à agacer Merlin qui se prélassait devant l’âtre, levant l’oreille de temps à autre en entendant Jane insulter copieusement l’artefact. Avec le temps, la Moldue avait ajouté à son répertoire un certain nombre d’insultes typiquement Sorcières qui auraient fait rougir de honte le plus vulgaire des habitués de la Tête du Sanglier.

« Laissez tomber la coiffure, Jane ! cria-t-il en grattant le ventre que lui présentait Merlin. De toute façon, vous êtes mieux les cheveux libres, ajouta l’homme à l’adresse du chat. N’est-ce pas ? »

Le félin se moquait éperdument de la question, se tortillant de plaisir devant les doigts agiles de l’ancien Maître des Potions. Qui se fichait d’une coiffure d’humaine quand on avait le plaisir d’être ainsi cajolé ? Elle sembla capituler cependant, car elle ressortit plutôt rapidement de sa chambre, fixant Severus avec crainte. Avant même de se retourner, l’homme soupira d’aise et se releva.

« Bien, enfin ! Je n’ai pas envie qu’on soit les derniers, ça ne ferait que mettre l’emphase sur nos déplacements conjoints et…

— Est-ce que je vous plais ? »

Jane avait bredouillé ça si faiblement qu’il crut avoir rêvé. Il se retourna lentement, lui laissant l’occasion de le conforter. Elle portait une élégante robe style Empire dans un satin pourpre, brodée d’une dentelle noire piquée de perles de la même couleur. Les nombreux volants légers, la délicatesse de l’ouvrage et le miroitement des perles grâce aux flammes du feu de cheminée lui donnaient l’air d’une héroïne de vieux romans. Ses épais cheveux bouclés étaient détachés, seules quelques perles noires et rouges étincelaient près de ses tempes, et il comprit immédiatement qu’elle essayait de reproduire plus ou moins une coiffure du début du siècle. Mais que cela soit possible avec ses cheveux, ou totalement irréalisable, il ne se posa à aucun moment la question. Il cligna lentement des yeux, hochant la tête en silence, avant de répondre :

« … Plaît-il ?

— … Est-ce que ça va ? Je veux dire, ma tenue, et heu…

— Vous nous mettrez en retard avec vos questions stupides un autre soir, Jane… Votre paquetage est où ?

— … Mes cadeaux ? mit-elle du temps à comprendre en accusant le coup. Attendez, sous mon bureau. »

Elle se pencha délicatement, soucieuse de ne pas déchirer ce voilage fragile, et lui présenta un, puis deux, puis bientôt un certain nombre de présents. Il écarquilla les yeux.

« Par Merlin, mais vous vous êtes ruinée ?!

— J’ai… J’ai effectivement demandé une avance à Albus, mais… Mais il fallait bien ça ! Je sais que c’est pas votre genre, mais c’est le mien.

— Pas étonnant que vous soyez célibataire, marmonna-t-il malicieux.

— Aucun rapport. C’est mon argent, j’en fais ce que je veux. Chez nous, les femmes…

— Chez nous, elles arrivent à l’heure à une soirée où elles sont conviées et pour laquelle elles se sont joliment préparées ! »

Le compliment lui coupa la chique, et il en profita pour miniaturiser les cadeaux et les faire glisser dans la petite pochette à perles dont elle s’emparait. Il lui jeta un regard critique, alors qu’elle s’apprêtait à sortir les épaules pratiquement nues, et prit rapidement le plaid dans lequel elle s’enroulait quand il venait lire avec elle sur le canapé, et le métamorphosa en un simple et très ample manteau noir.

« J’espère que nous ne serons pas les derniers, murmura-t-il réellement anxieux à cette simple idée.

— Si c’est le cas, j’espère qu’ils auront commencé à boire et que nous passerons inaperçus.

— Votre tenue est donc un élément de camouflage ? Très original toutes ces fanfreluches… »

Elle leva les yeux au ciel et ils sortirent jusque dans le parc, croisant les Aurors de garde, Minerva à qui ils souhaitèrent encore un Joyeux Noël – et beaucoup de courage ! et arrivèrent aux grilles où ils allaient pouvoir transplaner. Se pressant contre lui, Jane continuait néanmoins de froncer les sourcils.

« Tout va bien se passer.

— C’est à moi de vous rassurer, normalement. Vous allez vous en sortir avec Potter et Black ?

— Si vous arrivez à vous détendre et à arrêter de me prendre pour votre peluche, peut-être.

— Ça fait des années que je n’ai pas serré une peluche comme ça, Severus.

— Et les fabricants vous en remercient ! » Répliqua-t-il en les faisant disparaître.

Snape n’avait jamais trop aimé le Terrier. C’était moins l’architecture que l’ambiance qu’il y régnait qui l’agaçait. Les membres de la famille Weasley semblaient trop heureux pour qu’il supportât de rester près d’eux, et depuis qu’il était obligé de les fréquenter avec l’Ordre, il trouvait que le groupe entier dégoulinait de gentillesse, de joie de vivre… de ces trucs qui les rendaient bruyants et agités. Et la veille de Noël aggravait cela ! Ils n’étaient même pas entrés encore dans l’immense bâtisse que les rires et la musique provenant de la dépendance temporaire leur parvenaient, se mêlant aux délicieuses odeurs – il ne pouvait le nier – de nourriture, signe que Molly avait décidé de faire concurrence aux cuisines de Poudlard. Il pouvait très nettement percevoir le rire arrogant de Black, celui plus chaleureux de Molly, et les cris de joie d’une jeune fille… Granger ? Non, trop hystérique. Lovegood ? Non, trop régulier… Alors la petite Weasley, sans doute ? Mais pourquoi cette cacophonie ?! Alors que Jane lui tenait toujours le bras et fixait un point précis en attendant que son oreille interne se stabilise, il vit un sourire heureux naître lentement sur son visage. Son irritabilité baissa légèrement.

« Je crois que ça se passe derrière.

— C’est dingue le monde qu’il semble y avoir ! On va être combien ? souffla Jane ébahie.

— Trop. »

Ils entrèrent et trouvèrent effectivement la maison vide, toutes les portes étaient ouvertes pour permettre le passage entre le chapiteau et la cuisine ou les toilettes avec facilité. Par réflexe, l’espion jeta un œil en direction de l’âtre et y vit un chaudron dont il capta quelques essences de cannelle et de girofle. Ils se dirigèrent donc en direction des rires et traversèrent le salon dont la porte qui menait habituellement au jardin en friche ouvrait sur le chapiteau blanc où étaient réunis les convives. Les sons, la chaleur, et les odeurs diverses explosèrent à leurs sens tandis que l’un et l’autre affichaient des expressions diamétralement opposées. Si Jane souriait d’une joie totale, Severus faisait, semblait-il, son possible pour faire comprendre qu’il détestait sa propre existence.

La nouvelle pièce était proprement magique, le blanc des tentures mettait en valeur les formidables guirlandes des jumeaux Weasley. Des guirlandes multicolores qui tintaient et faisaient de temps à autre exploser quelques paillettes musicales et merveilleuses. Molly avait couplé à ces décorations des branches de houx perlées de fruits écarlates. L’immense sapin qui trônait au milieu de la pièce était ornementé des multiples boules peintes au fil des années par les enfants et les parents, des petits objets créés Noël après Noël, racontant la récente histoire de cette famille. Molly avait pris l’habitude de demander à Harry de participer et, sans surprise, on pouvait retrouver sa première décoration de sapin jamais créée : une sorte de vif d’or grossier en pâte à papier peint maladroitement en argent et dorures. Derrière le sapin, bordant le fond du chapiteau dans un « U » de tréteaux et de tables, l’incroyable buffet proposait odeurs et couleurs, formes et constructions exquises qui excitaient l’imaginaire, bien que l’apéritif qui commençait déjà à se servir satisfasse déjà les gourmandises. Que dire de ce menu tant Molly s’était démenée pour le réaliser, pour l’organiser et pour l’imaginer ? Si au départ elle avait semblé réticente à l’idée que Sirius prenne la charge financière de la nourriture, quand elle accepta de s’offrir cette carte blanche, elle ne le regretta plus. Ainsi, une série de plats présentés – des entrées aux desserts – dormait sous des charmes gardant chaleur et fraîcheur. Une table de roi s’offrait à leurs papilles.

Dans une grande soupière en terre cuite fumait un potage de courge brassé au lait d’amande. Tantôt sur des plaques de bois ou de pierre patientaient des tourtes aux champignons, poulet ou encore feuilles d’artichaut. Un pâté de gigot d’agneau trônait dans son pot, juste à côté de flacons de myrtilles confites, oignons glacés et confitures sucrées et amères pour l’accompagner. Un saladier mélangeait des plantes exclusivement sorcières connues pour aiguiser les sens, vieille tradition dans les anciennes cours où l’on aimait que les convives profitent de la moindre saveur. En pièces maîtresses, un chevreau de lait rôti nappé d’une sauce dorée reposait aux côtés d’un superbe poisson aux écailles d’un argent si vif qu’elles semblaient multicolores. Des champignons sautés dans des épices et une purée légère de lentilles complétaient le premier mets, tandis qu’une ribambelle de pommes confites dans du jus de citrouille parachevait les saveurs maritimes. Le côté droit était consacré aux desserts qui empruntaient au sucre et aux fruits toutes les saveurs opulentes et gourmandes que l’on pouvait trouver sur le marché Sorcier. Ainsi, une tarte à la mélasse se dressait à côté d’un pichet de limonade à la cerise, une grosse bûche glacée au nappage luisant et aux petits personnages animés répandait autour d’elle quelques volutes de froid, et enfin, une immense pièce montée de chocolat et de crème aux cristaux de sucre glace tentait de rivaliser avec la majesté du sapin. Bien entendu, pour accompagner tout ceci, de nombreuses boissons étaient servies par de petites dessertes enchantées qui déambulaient entre les convives. Proposant au choix des alcools et jus classiques à des bouteilles exquises et audacieuses empruntant davantage à l’art des potions qu’à celui de la cuisine. Les amuse-bouche quant à eux, étaient, de l’aveu même de l’hôtesse « de simples fondants salés et croustillants feuilletés de diverses inspirations ». En d’autres termes, la multitude des petits fours et la profusion de saveurs laissaient à penser aux invités qu’il était impossible de goûter deux fois la même chose au cours de la soirée. Les ventres étaient déjà pleins, et les papilles déjà alanguies par ces délices, mais aucun ne songeait à s’arrêter en si bon chemin tant il leur semblait à tous que la véritable magie tenait en cet instant précieux : un rare moment de perfection.

Par-dessus les conversations et les rires, se mariant à la perfection aux tintements des guirlandes, une série d’instruments enchantés diffusait une jolie mélodie enjouée qui poussait, parfois, les convives à remuer les jambes en rythme. Ces derniers étaient rassemblés en grappes, s’éclatant et se rejoignant au gré des conversations. Les plus jeunes s’étaient regroupés et étaient en train de regarder Ron faire une étrange imitation qui tira à Jane un léger ricanement. Molly discutait avec Sirius et Augusta Londubat, alors que Xenophilius s’intéressait au sapin de Noël en hochant de temps à autre la tête en observant les décorations. Bill et Fleur dansaient ensemble comme si personne d’autre n’existait, passant entre les groupes avec grâce. Severus marqua un temps d’hésitation, se demandant si le plus simple n’était pas de se diriger directement vers une desserte pour trouver quelque chose à avoir dans la main pour se donner bonne conscience, et il hoqueta en se rendant compte qu’il avait gardé le bras de Jane accroché au sien. Il se libéra rapidement, jetant un regard circulaire pour vérifier que personne n’avait rien remarqué et croisa l’expression légèrement triste de son amie. Il allait marmonner une tentative d’excuse quand, fidèle à son rôle, Harry Potter vint à le sauver :

« AH ! Ben ça tombe bien ! Professeur ? Hey ! Professeur Smith ?! Vous allez nous départager ! »

L’occasion était parfaite, Severus fit un pas en arrière, pivota et s’effaça pour attraper au vol la première coupe que lui tendait le charriot magique, laissant tout le loisir à Jane de prendre la place qu’il n’avait aucunement envie d’avoir dans leur petit manège.

« Appelez-moi Jane, ici, Harry… Nous sommes en privé. Et c’est à propos de quoi ?

—Il ne comprend pas qu’Anakin soit réellement l’Élu de la prophétie, expliqua Ron. »

Jane sourit un instant un brin gênée avant de comprendre de quoi il était question. Les gosses étaient toujours sur cette saga ! Elle avait beau leur avoir montré toute autre chose…

« C’est pourtant le cas, confirma-t-elle.

— Non, mais c’est pas logique : il détruit les Jedi et tout, ça n’a rien d’un élu, continua Harry.

— Bah… Les prophéties sont pas toujours positives, tu peux être l’élu d’une d’elles sans être un parangon de bonté, contra Neville en haussant les épaules.

— Totalement !

— D’autant qu’on ne connaît finalement pas le contenu de cette prophétie, en fait… releva Hermione avec justesse.

— Si ce n’est qu’il devait rééquilibrer la force, c’est ça ? essayait de suivre Ginny qui n’avait pas encore eu la chance de voir le film.

— Peu importe ! C’est pas logique ! Il n’équilibre rien : il trahit tout le monde et à la fin, certes, il sauve son fils et tout… Mais il n’a rien fait de bon, s’agaça Harry.

— Demandons à une spécialiste ! Vous en pensez quoi Pro… heu, Jane ?

— Je suis loin d’être une experte, Luna. Je pense que c’est surtout une affaire d’interprétation en fait… Pour moi, il est bien l’Élu et a bien accompli la prophétie : à la base, les Jedi étaient majoritaires en fin de compte… en les détruisant, et en permettant l’avènement des Siths, puis, en les détruisant à leur tour, il fait une table rase complète. Si on s’en tient stricto sensu à ces films…

— AH ! s’exclama triomphant, Ron. Tu vois ? Tu as du mal avec l’idée, parce que tu vois un lien entre Anakin et toi, mais en réalité, t’es plus dans la posture de Luke, mon pote… Quoi qu’heureusement que tu n’embrasses pas ta propre sœur…

— Comment ça « si on s’en tient à ces films », Professeur ?

— Jane. Appelez-moi Jane ce soir, Hermione. Eh bien… De nouveaux films sortent, pour commencer… Et puis il y a eu des livres, et des jeux… Et heu… De façon générale, l’univers étendu parle de plusieurs potentiels élus de cette prophétie, enfin… Tout ça est inutilement compliqué sans support, et même aujourd’hui ça fait débat au sein de la communauté.

— Moldue ?

— Ah-ah ! Non. De fans. Tous les Moldus n’aiment pas cette histoire, vous savez…

— Woaw, vous les connaissez tellement bien, s’ébahit Luna un brin rêveuse. »

Jane fronça les sourcils d’inquiétude en entendant ça, mais ils furent interrompus par le cri joyeux de Molly qui soulevait alors sa belle robe ample pour se fondre dans les bras de son mari. Monsieur Weasley, accompagné d’un Percy gêné à la démarche pataude entrait tout juste dans le chapiteau, sa serviette de travail encore à la main. Il écarquilla les yeux et sourit à son épouse avant d’échanger un des rares baisers qu’ils se donnaient en public, et les personnes les plus proches purent entendre le tendre compliment qu’il avait à lui donner sur sa toilette. Puis, Molly se tourna lentement vers Percy qui baissa les yeux de honte. Une certaine tension se propagea dans la tente, piquant même assez la curiosité malsaine de Severus pour qu’il se désintéresse de la composition d’un des breuvages. Tout le monde avait encore en tête l’attitude lamentable de Percy l’année précédente, sa défection à l’endroit de Dumbledore et Harry, mais surtout : son mépris affiché de son père et tous ses lettres immondes qu’il avait envoyées à Ron pour l’enjoindre à ne pas « se tromper de camp ». Harry jeta un œil en biais à Ron et Ginny et constata que le frère et la sœur semblaient bien plus en colère que Bill ou même Madame Weasley. Cette dernière secoua la tête et soupira, avant de prendre dans ses bras son fils et on l’entendit distinctement le remercier. Percy enfouit sa tête dans la chevelure flamboyante de sa mère, et Arthur opina quand il l’entendit lui demander pardon, puis il annonça qu’il comptait se rafraîchir avant de les rejoindre. Severus allait s’en retourner à son exploration et Jane à sa conversation quand un autre duo arriva, précédant le dernier couple. Fred et George déboulèrent en fanfare, somptueusement vêtus de costumes assortis blancs et or, et or et blanc.

« Mesdames et Messieurs, Gentilhommes et Gentes Dames, Fous, Animagus, Fonctionnaires, Repris de Justice et Repris de Justesse (Severus plissa des yeux quand George l’observa avec malice à cet instant), veuillez célébrer comme il se doit vos hôtes de marque !

— Merci à vous deux, s’amusa une voix douce derrière eux. Mais il n’est pas nécessaire d’en faire autant pour notre arrivée… »

Tonks ne put contenir son rire et Lupin adressa un clin d’œil à Sirius alors qu’il continuait de se moquer gentiment des jumeaux. Le chapiteau bruissa d’un éclat de rire général, et les comparses ne se laissèrent pas démonter, s’inclinant avec panache devant le couple, avant de leur jeter une poignée de paillettes argentées en les félicitant.

« Oh non, j’vais encore en avoir partout dans les cheveux, après ! » se plaignit Tonks qui arborait pour l’occasion une somptueuse chevelure de feu avec de grandes mèches argentées comme la lune.

Fred bomba le torse et sourit de plus belle, alors qu’il balançait une nouvelle poignée sur les cheveux déjà bien grisonnants de Rémus, qui devinrent soudain d’un blanc parfait.

« Et pas que dans les cheveux ! Félicitations ! Félicitations ! »

Le couple secoua d’un seul geste la tête, mais aucune paillette ne daigna bouger, promettant de rester en place pendant des heures, si ce n’est…

« Vous allez être si beaux comme ça, dans les jours à venir

— Ah-ah ! Ils sont merveilleux ces diables ! s’exclama Sirius en venant saluer son ami. On aurait bien eu besoin d’une telle imagination à l’époque.

— Oh, je sais pas Sirius. » Déclara doucement Rémus en jetant un regard gêné en direction de Severus qui retrouvait instinctivement sa vieille habitude de les épier. « Je ne suis pas certain qu’on en aurait fait bon usage… »

Avant que Sirius ne dise quelque chose de probablement stupide qui allait déclencher, à coup sûr, une dispute avec le Serpentard, Harry se précipita vers eux pour les saluer aussi. Il étreignit avec bonheur son ancien enseignant et sa compagne.

« Ça y est ?! Vous vous êtes mariés, alors ?!

— Oui, capitula Rémus un peu gêné. Nous ne voulions pas en parler, parce qu’avec ce que je fais c’est…

— La dernière chose à donner à vos ennemis. »

Brutalement, Snape était venu dans la conversation, les yeux brillants d’une colère froide fixée sur Rémus. Harry fronça les sourcils en ne comprenant pas quelle mouche pouvait bien le piquer, mais le lycanthrope qui anticipait bien les réactions des gens hocha doucement la tête.

« Comme souvent tu as entièrement raison Severus… Mais…

— Mais le danger que représentent les loups-garous n’est rien comparé à mon courroux, parce que je commençais très sérieusement à en avoir marre de lui courir après ! J’ai pas besoin d’être protégée, du reste, c’est moi qui ait le permis de tuer, ici… glissa Tonks en mettant mal à l’aise certains pour ce récent changement concernant les Aurors.

— Je n’ai pas remis en cause vos compétences, Miss Tonks. Vous faites une excellente guerrière, mais l’attention que l’on donne à ses proches est une attention qui nous fait prendre les pires risques.

— Et c’est pour ça que tu n’as personne, pour n’en prendre aucun ? se moqua Sirius venimeux qui n’aima pas que Snape gâche momentanément le bonheur de son ami.

— Sirius…, tenta Harry sans succès.

— Cela m’évite de faire prendre des risques insensés à des amis, comme celui d’en faire des meurtriers…, répliqua Snape d’un ton doucereux en faisant pâlir brusquement Sirius.

— Professeur…, essaya encore une fois Potter.

— Non, toi tu préfères te charger de ces choses toi-même.

— Sirius, arrête, c’est bon, se joignit Rémus.

— Je ne fuis pas mes responsabilités.

— T’as pas besoin, tu te planques dans les jupes de…

— C’est pas vrai ! Vous n’êtes même pas bourrés que vous vous battez déjà et faites chier tout le monde ! »

Si élégante fût-elle, Jane marchait à présent d’un pas agacé et d’une mine si décidée que d’autres injures allaient très probablement fuser.

« Allez dans le jardin, mettez-vous dessus une bonne fois pour toutes et lâchez-nous. Nous, on veut passer une belle soirée. Sans vos histoires de gamins. DE GAMINS, oui, Severus, je me fous de savoir qu’il a essayé de vous tuer et inversement, on en a tous marre ! Tonks et Rémus se marient s’ils veulent – d’ailleurs, félicitations tous les deux – ils sont grands, et ne se mettent pas plus en danger en faisant ça que nous en essayant d’avoir UN MOMENT de détente. Quant à Severus, s’énerva-t-elle en pointant un doigt accusateur en direction de Sirius. Il a des amis. À commencer par moi, parce que tout le monde n’a pas la flemme d’aller chercher ce qu’il a de meilleur, donc arrêtez avec ça aussi ! On peut pas simplement porter un toast aux gens qui ont encore assez d’espoir pour croire qu’ils vont avoir un avenir et s’épouser ?

— Heu… Merci, Jane… bredouilla Tonks, incertaine.

— J’t’en prie, acquiesça machinalement la Moldue. Nan, mais c’est vrai, quoi, on peut aussi être heureux, ça coûte pas plus cher ! Alors, vous décidez quoi ? Vous allez vous battre et nous foutre la paix, ou nous foutre la paix tout de suite ? Parce que moi j’suis là pour passer un bon moment, avec des gens que j’aime, avant qu’on se fasse tous massacrer par des fous du sang ! »

Snape observait Jane en pinçant les lèvres sans que l’on sache si c’était de colère ou d’amusement. Sirius s’était désamorcé lentement alors que Tonks et Rémus étaient gênés d’être au centre de l’attention. Harry soupira de soulagement, et on entendit un applaudissement derrière eux.

« Bien dit, Miss ! Sage, réaliste, et remarquablement efficace comme discours ! Et toujours ce sens du verbe… ! »

Jane rougit en bredouillant qu’elle ne voulait pas s’emballer à ce point, mais Albus Dumbledore lui sourit avec gentillesse.

« Professeur ! s’exclama Harry. Vous avez pu venir ! Et oh ! Vous portez votre super chapeau !

— Oui, effectivement… Je ne reste pas longtemps, car mon devoir m’appelle, mais j’espérais justement goûter à ce bonheur dont Jane parle si bien.

— Désolée…

— Aucune importance, c’est parfait, tout le monde est là, reprit la main Molly. On va porter un toast ! Aller, venez tous ! Non, Severus, pas de pas en arrière, vous êtes invité et bienvenu ici. Voilà, prenez tous un verre, nous ouvrirons après avoir mangé un bout.

— Ah ? Je les ai encore dans mon sac.

— Ce n’est pas grave, ma chérie, sourit Molly, tout le monde ne les a pas mis aux pieds du sapin.

— Ce n’est pas plutôt le lendemain qu’il faut les mettre ? s’étonna Hermione.

— Si, mais personne ne va dormir ici, alors autant déroger à la règle, souffla Ron.

— C’est dommage pour les lutins pourpres. Ils vont être au chômage ce soir… se plaignit Luna.

— Oui, opina son père très sérieusement. Avez-vous prévu de les dédommager d’une quelconque façon, d’ailleurs ?

— Qu’est-ce que sont…

— Bon, il vient ce toast ?

— Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire de lutins de…

— Taisez-vous, Mère va faire une grande déclaration !

— Capitale.

— Cruciale.

— Épique.

— Déterminante !

— Ca suffit vous deux ! Bon… heu… Alors je commence !

— Comment ça, elle…

— Chuuuut, c’est la tradition ! »

Severus inspira longuement en fermant les yeux un bref instant. Il fit appel à tout son self-control pour ne pas s’en aller purement et simplement. Personne ne s’écoutait, il y avait trop de monde réuni au sein d’un même endroit et parlant en même temps pour qu’il supportât plus encore ce cérémonial. Avoir une vie sociale ne l’avait jamais intéressé, spécialement pour ça… Et il commençait à en avoir assez des traditions Weasley dont – il n’en doutait pas un seul instant – il n’entrapercevait qu’un fragment. Molly leva son verre et sourit tendrement à son époux et à ses enfants.

« Bien, pour commencer merci à tous d’être là ! Je suis vraiment très heureuse que nous soyons pratiquement au complet, une petite pensée pour mon aîné qui est à l’heure actuelle en train de célébrer Noël avec son équipe en Roumanie… Mais je suis vraiment, vraiment, vraiment, heureuse que la famille ait pu se retrouver ce soir, termina-t-elle en observant longuement Percy. Bien entendu, je voudrais aussi remercier Sirius pour…

— Son charme, coupa-t-il en lui jetant un air entendu et en lui souriant. Ce qui est bien normal. Et je profite de ce relais, Molly, pour te remercier, toi, pour ton superbe buffet, ton organisation parfaite, et toute cette beauté ! Tu nous as offert quelque chose de magique, merci. »

Il applaudit doucement la rousse, bientôt rejoint par tout le monde sans exception.

« À cela j’ajoute toutes mes félicitations à mon dernier meilleur ami. Puissiez-vous être heureux et avoir tout le loisir de vous engueuler encore longtemps ! À toi Harry.

— Eh bien… moi je voudrais vous remercier tous. Merci à vous, Madame Weasley pour tout. Merci à toi Sirius pour m’avoir laissé faire à mon idée. Et merci à vous d’être venus. Professeur Dumbledore… Professeur Snape… Professeur Smith. Merci Mrs Londubat d’être parmi nous ce soir, et… Heu… Merci Monsieur Lovegood pour votre présence et heu… Enfin, merci. »

Xenophilius inclina poliment de la tête en prenant doucement Luna par les épaules, et Sirius étouffa un rire moqueur en comprenant la gêne de son filleul.

« On doit tous faire ça ? s’étonna Hermione.

— Si vous avez besoin pour ce faire de lire votre discours quelque part, Miss Granger, je peux m’arranger pour vous l’écrire. »

Hermione pinça des lèvres, vexée, Ron s’empourpra, incapable d’avoir sa colère dominer son amusement, et quelques-uns pouffèrent de rire, tandis que Jane donna un coup de coude à Severus, en se mordant la lèvre inférieure. L’espion fit ce qu’il put pour ne pas esquisser le moindre rictus de satisfaction.

« Pourquoi pas ? contra Hermione. Je vous laisse montrer la voie, à vous ! »

Snape plissa des yeux comme s’il reconnaissait le coup et hocha la tête avec élégance. Impossible d’ignorer qu’il était un Serpentard à cet instant.

« Soit. Merci à Molly, dont le talent culinaire égale celui des potions hybrides à ce que j’ai pu constater pour le moment. Mes félicitations à Potter d’avoir trouvé un moyen original de me faire endurer sa présence et celle de son Parrain une soirée entière. Tous mes vœux de réussites à Lupin et Tonks en vous souhaitant que la mort ne vous sépare pas trop vite…

— Délicieux, comme toujours. » Grimaça Jane avant de regretter en voyant les gens se tourner vers elle.

Ça dura un certain moment. Chacun y allant de ses félicitations, de sa joie, et de sa gratitude. Les derniers à prendre la parole eurent la désagréable impression de faire preuve d’aucune originalité. Même les jumeaux furent sérieux le temps de l’exercice qui semblait si important aux yeux des Weasley. Diantre que c’était long à écouter ! Severus trouvait les traditions des Smith… enfin, des Barnes, autrement plus simples et agréables tout compte fait. Alors qu’il se remémorait celles de sa propre famille, un autre coup de coude de Jane le tira de sa rêverie :

« Vous avez goûté la liqueur de baies lunaires ? C’est somptueux.

— Vous ne pensez qu’à boire. » Répliqua-t-il machinalement en prenant pourtant le verre qu’elle lui tendait.

Rapidement, ils passèrent au repas en lui-même, quelques chaises apparaissant çà et là pour les personnes désireuses de se reposer les jambes. De façon très mondaine, ils mangèrent essentiellement debout, picorant les différents plats et s’extasiant devant leur sophistication.

« C’est quand même pas pratique, ronchonna Ginny. On manque d’en mettre partout.

— Si tu veux, on peut te mettre à la table des tous petits, se moqua son frère.

— Elle n’a quand même pas tort, et toi qui est en blanc encore, si tu te taches…

— On utilisera un Récurvite et point.

— Je ne sais pas si les créations de ce mec sont sensibles à la magie, en fait…

— Les jumeaux t’ont dit d’ailleurs de qui il s’agissait ? demanda Harry.

— Aucune idée, ils ne savent pas non plus. C’est un vrai mystère. Aucune boutique, que des contacts par hiboux, et pas question de trop fouiner. Qui que cela soit, en plus d’être doué, il est très secret.

— Ou elle. Cela pourrait être une femme, corrigea Hermione.

— Non, je pense que c’est un homme s’immisça Sirius en détachant un morceau de la chair tendre du chevreau qui était derrière eux. En fait, j’ai même ma petite idée… La signature qui est sur ses œuvres est assez évidente.

— Le dragon endormi, là ? s’étonna Ron. On y avait pensé avec Neville aussi, c’est bien une signature !

— Elle est présente sur chacune des pièces en tout cas, confirma Sirius. Brodée dans une doublure, gravée dans une broche, peu importe, c’est la même. Mais je veux être certain, selon, cela pourrait être très utile.

— Tu as l’intention de lui faire du chantage pour qu’il crée une gamme spéciale « Sirius Black » ? s’amusa Harry.

— Ah ! Pourquoi pas… »

Non loin de là, derrière Molly et Arthur qui discutaient avec Bill et Fleur au sujet de leur prochain mariage, Albus tentait discrètement de discuter avec Severus, alors que Jane empilait sur son assiette toutes sortes d’échantillons. Severus l’observait faire avec amusement, pendant que son supérieur lui racontait à mots à peine audibles ses péripéties de la veille avec Harry et Luna.

« … cette fois-ci, je veux faire ça avec vous, Severus. Severus ? Vous m’écoutez ?

— D’une oreille, Monsieur le Directeur, marmonna-t-il en tirant discrètement sa baguette pour la pointer en direction de l’assiette bancale de Jane.

— Je peux donc compter sur vous demain ? demanda Albus en baissant de sa main racornie la baguette que l’homme en noir avait tirée.

— À condition que vous arrêtiez de me dire quoi faire, ou ne pas faire.

— C’est… qu’elle se donne tant de mal, alors…

OH MERDE ! »

Severus était persuadé de n’avoir rien lancé pourtant, mais l’empilement improbable de son amie s’était bel et bien répandu au sol en éclaboussant autour d’elle et particulièrement sa robe. Elle jeta un regard navré à Molly pour le dérangement, puis de panique au vieil homme et à l’espion, et ce dernier scanna la pièce avec rapidité pour voir Fred et George absorbés par une conversation décidément bien trop sérieuse pour eux. La grand-mère de Neville se déplaça d’un air agacé et jeta un sort de nettoyage d’un geste ample.

« Allons, allons ma fille ! Quelle maladresse ! Quelle idée, aussi, de vouloir vous goinfrer comme ça ! Ne désespérez donc pas, vous trouverez bien un mari… Pas comme ça, c’est certain.

— Heu… merci… mais je…

— Venez au moins vous rafraîchir. Un Récurvite n’est jamais suffisant quand il s’agit de reprendre contenance. Et puis, reprenons quelques bases sur les convenances, ajouta Augusta d’un ton qui ne souffrait aucune réplique.

— C’est ça, Jane, allez tenter de vous faire une beauté dans l’espoir de trouver un mari. » Se moqua Severus qui, finalement, trouvait que la scène était bien meilleure qu’il ne l’avait espéré.

Jane n’eut pas l’occasion de lui répondre que la vieille dame demandait déjà à Mrs Weasley si elles pouvaient disposer de la salle de bain, proposant à d’autres jeunes filles de les accompagner, si besoin était. Ginny, Hermione et Luna partirent donc suivre Jane et Augusta pour ce qui semblait être un point de rappel sur l’attitude d’une Sorcière de bonne famille en Société. Neville grimaça, s’excusant du regard auprès d’Harry.

« J’espère que Luna n’est pas susceptible.

— Non, t’en fais pas. Je comprends pourquoi tu ne lui dis rien pour Hannah. »

Neville haussa les épaules. Il regrettait que la jeune fille ne soit pas avec eux ce soir, et Harry lui avait pourtant proposé de l’inviter, mais c’était mieux ainsi. Il aimait profondément sa grand-mère, mais il n’avait aucune envie de se battre avec elle au sujet de la personne qu’il aimait. Augusta Londubat était de bonne nature, mais demeurait plutôt snob.

Jane, emmenée presque de force par le groupement, jeta un regard si lourd de promesses à Severus que ça lui tira un petit rire satisfait. Dans son dos, un autre lui répondit :

« Elle n’a pas tort tout compte fait, on aurait peut-être dû chercher à aller « plus loin ». »

C’était Rémus qui souriait faiblement, incertain quant à la réaction de leur ancien ennemi. Le visage de Severus se ferma immédiatement et son regard reprit sa dureté.

« Vous êtes allés bien assez loin à mon goût.

— Je vous laisse, glissa Dumbledore en se dirigeant vers Harry.

— Severus, je… je suis désolé.

— Je m’en moque.

 

 

— Je sais, tu ne nous pardonneras jamais, et je…

— Écoute Lupin, soupira l’homme en noir en prenant un verre de cidre de citrouille. Je ne suis pas là pour votre petit plaisir. Potter a eu le caprice de croire qu’il pouvait se moquer de moi en m’invitant…

— Je ne pense pas qu’Harry se soit moqué de toi, il t’a étrangement en grande estime.

Étrangement… Tu as une conception de la paix très singulière. Quoi qu’il en soit, je suis là pour lui ternir le plaisir de sa soirée par ma seule présence, et j’endure la vôtre, mais pas au point que nous trinquions ensemble. »

Rémus l’observa un instant, d’un air buté, avant d’incliner la tête avec douceur.

« Tu sais… Tu peux le dire directement que tu es touché qu’il t’ait invité, et que tu apprécies la compagnie de certains d’entre nous.

— Et tu peux me laisser en paix et apprécier la mienne sans me hanter avec ta culpabilité. »

Le lycanthrope comprit qu’il n’aurait jamais un mot plus aimable. Sans doute dans une autre vie ils auraient pu être amis, et Severus pardonnait bien plus qu’il ne le montrait au loup ce qu’il s’était passé, mais la peur qu’il avait toujours de Lupin était une faiblesse qu’il ne supportait toujours pas.

« Tu trouves vraiment dangereux que l’on se soit… ?

— Par Merlin ! Lupin ! Ne fais pas de moi ton excuse pour continuer d’avoir la trouille de tes choix ! Je suis le moins bien placé pour en parler, je ne suis pas ton ami, et du reste, c’est fait ! Va emmerder Black à ce sujet, pas moi !

— Tu n’es jamais vulgaire, d’ordinaire…

— Et après ? Tu me prends pour ton conseiller matrimonial, alors que de l’aveu même de ton meilleur ami, je suis un meurtrier. Reviens me voir quand tu auras besoin de cacher un corps, pas d’en couvrir un du tien ! »

L’allusion choqua Rémus qui rougit furieusement et il décida de tester lui aussi le cidre de citrouille. Ils burent ensemble en silence, tandis que Snape continuait d’observer les jumeaux qui semblaient fomenter autre chose. Quand il comprit que la future cible serait l’abominable chapeau de Dumbledore, il retint difficilement un sourire d’anticipation, mais Madame Weasley revint dans le salon, les bras chargés de présents pour les disposer sous le sapin. Instinctivement elle jeta à ses fils un regard de défiance qui sembla les calmer immédiatement, et pendant que Molly disposait des cadeaux – dont certains de Jane qui avaient retrouvé leur taille initiale – Lupin siffla légèrement d’admiration.

« Je me suis toujours demandé si elle avait un sixième sens pour savoir quand ils allaient faire une bêtise, ou si c’est dans le doute qu’elle se montre méfiante et dure.

Dans le doute, confirma Severus qui connaissait bien la question. Il faut soupçonner dans le doute, les coupables finissent toujours par avouer leur forfait quand ils pensent qu’ils sont découverts.

— Tu pratiques beaucoup ça avec Harry. Parfois injustement.

— Parfois… et j’ai souvent eu raison, contra Severus en terminant son verre et en espérant prendre congé.

— Voilà, tout est en place ! s’écria Madame Weasley. Les filles sont de retour ? Bon, on va les attendre, on se regroupe tout le monde ? Nous allons ouvrir les cadeaux.

— J’en tremble d’excitation… persifla Severus. »

Seul Rémus entendit son commentaire et il secoua la tête, attristé que l’homme n’essaie pas davantage de s’intégrer. Augusta revint avec les demoiselles et dames à sa suite, la tête haute et le chignon toujours aussi impeccable. Hermione, Ginny et Fleur continuaient une conversation entamée, tandis que Tonks et Jane retrouvèrent rapidement conjoint et ami respectif. L’assemblée se rassembla en cercle autour du sapin où une pile de présents masquait le pied et les premiers étages. Ron s’agita, un peu excité devant une pareille vision, et Harry serrait fort la main de Sirius en souriant. Neville s’était rapproché de sa grand-mère, et lui dédia un léger sourire auquel la vieille dame répondit par un discret et très sobre geste d’affection. Albus donna un léger coup de baguette et fit venir une des dessertes à lui qui transportait une magnifique amphore de cristal ciselé et gravé d’or.

« Avant que nous ouvrions les présents de nos êtres chers, et parce que je viens les mains vides, il faut dire… Fillius a tenu à me faire parvenir sa traditionnelle création d’hiver ! »

Des « oooh » et des « aaah » ravis fusèrent chez les adultes qui connaissaient bien la tradition. Les jumeaux Weasley pépièrent, impatients d’avoir enfin l’autorisation d’y goûter. Severus se pencha discrètement vers Jane et expliqua en chuchotant :

« Flitwick aime beaucoup distiller de nouveaux alcools. Chaque année il nous fait parvenir une nouvelle recette. C’est un de ses cousins gobelins qui fabrique les bouteilles.

— C’est extraordinaire… !

— Et cette année, expliqua Albus en lisant le petit carton qui accompagnait le breuvage, le thème est l’espoir… ? Oh, quelle base a-t-il donc choisie d’utiliser pour articuler son vin ? Ah ! C’est à nous de le découvrir, eh bien allons-y !

— On peut en avoir aussi ? demanda Ginny pleine d’espoir.

— … Oh… Après tout, pourquoi pas ?

— OUAIS ! Merci maman ! »

Chacun obtint un verre de ce délicat liquide argenté qui rappelait une potion de joie de seconde année. Severus porta le sien à son nez et inspira lentement en fermant les yeux.

« Oh non… Pitié, Severus, ne joue pas s’il te plaît ! s’exclama Sirius.

— Aurais-tu peur que je devine facilement ?

— Évidemment que oui. Tout le monde ici sait que t’es le meilleur brasseur de bouillon de Grande Bretagne, donc s’il te plaît, ne dis rien !

— … Tu as bu, Black ?

— Tout le monde ici a bu, ou va boire, mon ami, coupa Dumbledore. Mais même sobre, Sirius aurait eu raison : vous êtes le meilleur. Alors, quelqu’un a trouvé ?

— C’est un peu amer, murmura Tonks. Drôle de notion d’espoir.

— Vous trouvez ? s’amusa le Directeur.

— Moi cela me rappelle le thé que faisait Pandora, proposa Xenophilius d’un air pensif. À base de menthe et de sel de marais.

— C’est marrant ça, papa, parce que je trouve justement que ça ressemble plus à du jus de citrouille…

AH TOI AUSSI ?! S’exclama Harry ! Je croyais que j’en buvais tellement que je ne sentais plus que ça.

— Ca a goût de marrons glacés, et toi Fred ?

— De glace aux marrons, George. Ça me rappelle qu’on n’a toujours pas osé se lancer dans ce produit dont on parlait…

— Alors ? Personne n’est prêt à réfléchir ? » Demanda Severus comme s’il était en classe.

Hermione leva la main par réflexe, puis la rabaissa, hésitant, reprenant une gorgée et fronçant les sourcils en réfléchissant encore, avant de la lever à nouveau, déclenchant un rictus moqueur à Snape.

« Vous n’allez pas gagner de points, Granger…

— Oui, oui, c’est bête. Je m’étonne, parce que j’ai un goût un peu étrange pour ma part, je sais pas trop ce que c’est.

— Moi non plus, confirma Ron.

— Moi c’est très clair, au contraire : c’est une base aromatique, un peu maritime. On dirait une plante d’eau de mer…

— T’as déjà bouffé un de ces trucs, Neville ?

— Non. Mais ça me fait penser à ça, tu vois…

— C’est bien ce que je dis ! reprit Hermione, on dirait que chacun voit son propre goût.

— Pas du tout, Harry et Luna ont la même chose, s’exclama Ginny.

— Et alors ? Nous aussi, intervint Fleur avec son accent Français. Nous on sent un beau goût de Bourgogne si vous voulez tout savoir.

— Intéressant, la France est effectivement un pays très agréable à vivre… ! commenta Albus les yeux pétillants. Et vous Miss ? ajouta-t-il à l’adresse de Jane.

— Moi ? Oh, c’est assez simple, c’est chocolat glacé et amande…

— Et donc ? interrompit rapidement Severus. Quelqu’un trouve ou bien suis-je le seul à me servir de mon intellect ?

— Arrête, on a dit que tu ne tricherais pas ! S’agaça Sirius. Ça m’fait penser quand même au fonctionnement de l’Amortentia, ceci dit.

— Incroyable… le miracle de Noël existe bel et bien…

— Oh la ferme.

— Mais c’est stupide, pourquoi ça serait un goût… de quoi ? De l’espoir pour nous, de ce que représente l’espoir ? L’avenir ? proposa Ron.

— Vous devriez essayer de boire dans mes cours, Monsieur Weasley, s’étouffa Snape. Cela vous réussit bien.

— Bon, aller, Severus, vous allez nous dire ? s’impatienta Jane. Qu’est-ce que c’est ?

— Vous capitulez tous ?

— Allez-y Professeur.

— Vous êtes certains de vouloir reconnaître ici votre infériorité ?

— Mais par Merlin arrête avec ton arrogance !

— C’est un spécialiste qui parle, se délecta Snape. Bien…  La base est l’essence de Perce-Neige. Il s’agit…

Oh ! C’est une plante qui ne pousse qu’en hiver sous la neige, justement, coupa Neville très excité. Celle qui est utilisée en potions s’appelle en réalité la Galanthus Nivalis ! Elle souvent prisée pour les antipoisons et quelques onguents pour les maladies incurables… Elle est très rare, mais je ne sais pas si elle a de vraies propriétés curatives, en fin de compte…

— C’est rigoureusement exact, Monsieur Londubat, et elle n’en a effectivement pas, les guérisseurs l’utilisent par superstitions païennes. Elle a en réalité des vertus hallucinogènes : nos sens sont trompés et puisent dans nos désirs et espoirs pour nous délivrer la saveur que nous ressentons. C’est, par ailleurs… bien une des composantes de l’Amortentia. Mais vous deviez le savoir, Messieurs les entrepreneurs…, termina-t-il à l’adresse des jumeaux qui s’inclinèrent.

— Donc, il est impossible de savoir quel goût a véritablement cet alcool ?

— Non, Arthur, et c’est ça qui est magique : il nous révèle ce pour quoi nous nous battons. Car, si ce n’est pour l’amour, c’est pour l’espoir de ce dernier que nous prenons la baguette. Quel merveilleux présent, vraiment. »

La phrase de Dumbledore les laissa songeurs un instant, avant qu’Hermione secoue la tête et ne demande :

« Pourquoi certains d’entre nous perçoivent les mêmes goûts, alors ?

— Mais parce qu’il arrive que deux individus aient l’espoir d’un avenir commun, répondit Molly en regardant tendrement son mari. Ce qui me fait dire que je ne me suis toujours pas lassée.

— Moi non plus, confirma Monsieur Weasley.

— Oh ! Maman ! Papa ! Pitié ! »

L’assemblée partit à rire et Molly ramena l’attention sur la pile de cadeaux.

« Allons, allons ! Cela risque de prendre un peu de temps, alors respectons un peu la tradition ! Honneur aux plus jeunes !

— Vous qui comptiez partir tôt, Albus, vous allez devoir attendre une à deux heures de plus…, se moqua Snape avec plaisir. »

Mais Ginny étouffa la réponse du Directeur avec son cri de joie, elle dépliait lentement une superbe robe bleu nuit avec des volants et dentelles exquises. Quand elle se précipita vers ses grands frères, tout le monde comprit que le fameux créateur comptait un autre Weasley dans ses clients. Par la suite, elle découvrit une pile de livres Moldus offerts par Hermione qui traitaient tous des mythologies nordiques avec gravures d’illustration – Ginny avait fait état de sa passion pour ces histoires lors des cours de Jane. Jane, justement, lui avait offert un joli bracelet d’argent torsadé qui reprenait le style viking. Son frère, Ron, lui offrit une nouvelle batte de batteuse.

« OH C’EST TROP LA CLASSE ! » Avait-elle alors hurlé avant de la tester au milieu des convives, sous le regard inquiet de Fleur et désapprobateur d’Augusta.

« Un seul enfant, et c’est déjà trop long pour moi, marmonna Severus à l’attention de Jane.

— Mais ce qui compte, c’est leur joie !

— Si j’aimais les enfants heureux, je n’en ferais pas pleurer autant, Jane… »

Il avait dit ça dans un rictus en fixant Ginny qui déballait à présent un gros pull avec capuche épaisse tricoté par sa mère, et Jane s’étouffa en tentant de terminer son verre d’espoir. Mais Severus n’avait pas exagéré en parlant du temps que prendraient les offrandes, entre les cris, les embrassades, les surprises et les remerciements, cela prenait bien plus d’une heure ! Particulièrement intime, l’exercice en dévoilait beaucoup sur les relations des uns et des autres, sur leur attachement notamment. L’affection d’Harry pour Luna se révéla à tous lorsqu’il lui offrit dans un écrin, un petit orbe de cristal qui luisait à la lumière. Neville avait immédiatement reconnu le cadeau que le jeune homme avait acheté chez les jumeaux des mois avant, et Luna avait souri avec tendresse en entendant la description de l’objet. Encore une formidable invention de ce duo improbable qui proposait cette fois-ci quelque chose d’éminemment poétique : un attrape-rêves qui permettait au dormeur d’en revoir, ou de les montrer à d’autres personnes. Severus arqua un sourcil en regardant les jeunes gens faire, curieux de les voir évoluer en public.

« Ils sont mignons quand même tous les deux, glissa Jane. Ils vont bien ensemble.

— Ce ne sont pas des chaussettes, Miss, ce sont des gens.

— Et alors ? C’est pareil, non ? On finit toujours par en perdre un des deux, de toute façon… »

Les cadeaux qu’offrit Percy pour se faire pardonner interrompirent cette métaphore. Le seul Weasley guindé de toute la tribu s’avança d’un pas raide, incapable de savoir comment se placer. Mais l’atmosphère s’était détendue quand il vit ses présents bien reçus. Ron fut particulièrement touché que Percy lui offre son précieux insigne de Préfet qu’il avait tant poli, et Harry accepta en souriant l’hommage quand il lui donna, encadré, un formulaire d’inscription pour l’Académie des Aurors.

« Je pense, au contraire, qu’il n’y a pas mieux pour nous défendre, Harry Potter. » Avait alors déclaré solennellement l’assistant du Ministre de la Magie. Et si Fred et George tentèrent de le singer dans son dos, Arthur les rappela à l’ordre et étreignit son fils avec fierté.

D’autres instants tout aussi tendres survirent, à commencer par l’accolade que partagèrent Harry et Neville quand ce dernier lui offrit une photo de l’Armée d’Ombrage que Colin Crivey avait prise l’année précédente. On y voyait toute la petite troupe en train de sourire, de rire, et de temps à autre s’entraîner quand on ne les regardait pas fixement. Au loin, on pouvait même voir le double de Harry dessiner une moustache « hitlerienne » sur un portrait grossier d’Ombrage sous l’hilarité du double de Ron. Le garçon éclata à nouveau de rire quand il vit le cadeau de Jane : un cadre de bois qui gardait sous verre un morceau de vélin :

« « Décret d’éducation numéro 66… Toute allusion à Vous-Savez-Qui sera passible d’un renvoi définitif » Oh ! Professeur, c’est géant, vous avez eu ça comment ?

— Je l’ai chipée à Rusard, pouffa-t-elle de rire… D’ailleurs, je voulais garder la surprise, mais j’en ai un aussi pour vous les jeunes, et pour vous aussi Luna. »

Elle tendit aux jumeaux celui qui interdisait nominativement « les produits Weasley », et à Luna celui qui interdisait la lecture du « Chicaneur ». Quelques anecdotes fusèrent à propos de l’année précédente, où chacun se moquait d’Ombrage à grand renfort de vulgarité, et quand les jeunes parlèrent du coup monté avec la salle tout en rose, Jane et Severus échangèrent un bref regard de connivence. Harry attrapa enfin son dernier cadeau, et son sourire mourut pour laisser place à une expression de choc intense.

« Wow, mec… Mec… MEC ! Putain, mais c’est… Nooon, c’est un Hyperion ?! Attends, il n’est même pas en sortie officielle ! Dingue, Quiddich Mag’ en faisait un test en avant-première dans leur dernier numéro, c’est ouf !

— Et après on me trouve intransigeant quant à leur sens d’élocution, glissa Severus. »

Ron continuait d’énumérer toutes les caractéristiques de ce superbe objet, alors qu’Harry regardait Sirius sans savoir quoi dire. Finalement, il se jeta dans ses bras, et Snape soupira :

« Et voilà, il va encore pleurer… »

Harry qui ne l’entendit pas éclata d’un rire nerveux et s’exclama :

« Mais je n’ai même pas encore détruit l’Éclair de Feu !

— C’est pas faute d’essayer ! se moqua Hermione.

— Mais c’était ça, alors que tu cachais, maman… s’exclama Bill ! C’est pour ça qu’on s’est retrouvé avec de la fiente de Grand-Duc partout sur la table de la cuisine !

— Oh, pitié, ne m’en parle pas… Cette boutique livre les réveillons, mais il faut voir dans quelles conditions !

— Hey, venez, on va l’essayer !!

— Eh oh, on peut terminer les cadeaux ? s’amusa Sirius. J’attends toujours, moi ! »

Les échanges reprirent, quelques ingrédients rares et étranges pour les jumeaux pour leurs expérimentations, des objets de fiançailles typiques pour le couple Bill et Fleur, puis, avant qu’on en vienne à Sirius, Harry leva la main et se dirigea vers Jane en souriant :

« En fait… Je ne connais pas votre âge, mais j’ai supposé que vous étiez quand même plus jeune que les autres Profs, donc…

— C’est le cas, pouffa Jane. Selon certains, je suis si jeune qu’on doive me chaperonner.

— C’est uniquement parce que vous êtes capable de vous perdre dans votre propre classe, répliqua Snape très sérieux.

— Peu importe, je ne savais pas trop quoi vous offrir et heu… Ben… Ben je sais que venez de loin et que vos amis et tout sont toujours en Australie, alors… Bah j’ai pensé que ça serait bien. »

Il tendit maladroitement un cadeau qui hulula, et Jane écarquilla les yeux de surprise. Elle déchira le papier qui recouvrait à moitié une petite cage contenant une petite chouette. Elle fixait de ses gros yeux ronds et ahuris l’humaine qui lui rendit son regard curieux.

« C’est une chouette Chevêche, il paraît qu’elles ont beaucoup d’humour et sont très affectueuses… Elles supportent bien le jour aussi. J’ai pensé…

— C’est un superbe cadeau, Harry. Merci beaucoup. »

Jane balbutia quelque peu en prenant la cage avec délicatesse et en observant l’animal. Severus fixa la chouette d’un air interdit, avant d’ajouter :

« C’est surtout l’emblème de la Déesse Athéna. Vous le saviez, Potter, n’est-ce pas ?

— Moi ? Vous plaisantez, Professeur, nous savons tous les deux que je ne sais rien ! »

Snape esquissa un léger sourire qu’Harry lui rendit pleinement, et il retourna à sa contemplation de la créature. Il eut un moment de gêne, car personne d’autre qu’Harry ne vint faire un présent à la jeune femme.

« C’est… C’est qu’on ne pensait pas que vous viendriez, en fait, expliqua Hermione, gênée.

— Je suis déjà comblée de votre présence, de cette nourriture, de tout ça. M’offrir un tel Noël alors que je suis loin des miens comme vous l’avez dit Harry, est un magnifique cadeau.

— C’est tout à fait charmant…, se moqua Snape.

— Justement, s’exclama Harry ! J’ai aussi quelque chose pour vous Professeur.

— Pitié… Non…

— Si, si, tenez ! »

Harry tendit à Severus un paquet en forme de boîte, que l’homme ouvrit avec beaucoup de délicatesse. Il appartenait à cette race de personnes qui ne déchirait aucun papier cadeau, même si cela devait prendre plus de dix minutes ! Mais il vint, avec patience, à bout de l’emballage et dévoila un coffre de métal qu’il ouvrit devant l’assistance. Son visage fut un instant masqué par le couvercle pivotant, et un bref ricanement lui échappa.

« Est-ce votre façon d’avouer, Potter ?

— Avouer quoi ? Je vous offre seulement des ingrédients, répliqua Harry innocemment.

— De la corne de Bicorne, et de la Peau de Serpent d’arbre du Cap… Les deux ingrédients – essentiels notamment au Polynectar – qui avaient disparu lors de votre seconde année…

— En fait, Professeur, commença doucement Hermione.

— Je sais, coupa-t-il avec une mine de satisfaction sadique. Je le sais depuis le début, Miss Granger…

— Ah-ah, et vous m’accusiez toujours ?

— Je voulais voir si vous la vendriez, à un moment. »

Ils échangèrent un drôle de regard avant qu’Harry hoche la tête en souriant. Snape lança ensuite un regard de défi à l’assistance, comme pour s’assurer que personne d’autre n’allait l’obliger à défaire un cadeau en public, mais Jane attrapa un paquet et le lui tendit. Il était rectangulaire, glissé sous un papier vert et violet.

« Est-ce que c’est dangereux ? demanda Severus impassible.

— Ça dépend pour qui… » Répondit-elle d’un air mutin.

En prenant les mêmes précautions qu’auparavant, il déplia une nouvelle fois son présent sur une boîte de bois oblongue gravée d’un S stylisé parfait. Il laissa filtrer une expression d’agréable surprise, avant de sembler hésiter à ouvrir devant les autres. Se raidissant, comme un animal coincé, il daigna néanmoins faire coulisser le couvercle qui révéla de grandes plumes noires aux pointes d’argent manufacturé, et un grand flacon d’une encre rouge sombre presque noire. Snape leva légèrement un sourcil en observant Jane sans mot dire.

« C’est une création des jumeaux. L’encre ne sèche pas vraiment, elle garde cet aspect… Eh bien de sang frais. Je leur ai demandé d’inventer ça, et… Ah ! Par Merlin, ils ont réussi à dépasser mes espérances !

— Nous l’avons baptisée « Le venin du Serpent ». Si vous nous autorisez à la vendre évidemment…

— Vous m’avez fait faire un nécessaire à corriger, Jane… ?

— Ouais, rit la jeune femme. Donc, pour répondre à votre question : ça peut être dangereux… pour vos élèves ! »

Snape sourit en coin en la remerciant brièvement, avant de se cacher derrière l’étude de l’encre pour détourner l’attention des autres sur sa réaction. Personne ne s’étonna qu’il n’offre rien lui-même. La valse des paquets reprit de plus belle, les jeunes commençant à sérieusement s’impatienter et parlant de faire une partie nocturne de Quidditch pour tester le nouveau balai. Les remerciements et les déballages prirent fin quand Harry offrit à Dumbledore une paire de chaussettes colorées – ce qui enchanta véritablement le Directeur – et quand ils jetèrent tous les emballages et rubans qui traînaient, certains furent chipés et noués au sapin ou au poignet des convives.

« Bon, allez ! Venez, VENEZ ! On s’fait une partie en deux manches gagnantes, on est assez nombreux, non ?

— Je vais y aller, merci encore Molly, merci à tous, mais j’ai beaucoup tardé ici… Minerva va me taper sur les doigts.

— Merci Albus d’être passé, souhaitez un Joyeux Noël à tout le monde, surtout !

— Oui, oui, je n’y manquerai pas ! Severus ? Nous reparlerons demain. Profitez tous de l’amour des uns et des autres ! salua le vieil homme en passant la porte d’un pas guilleret.

— Bon, aller, on y va, là ? s’impatienta Ron. Hey, mais Harry ! Techniquement tu as ton Éclair de Feu avec toi ! Dis Sirius ? Tu étais dans l’équipe de Quidditch à l’époque ?

— Ah pas du tout ! C’était James qui aimait ça, moi j’avais autre chose à faire que de faire autant de sport… Je n’en avais d’ailleurs pas besoin, se vanta-t-il.

— Écoutez-le… ! soupira Rémus. Il a bien essayé d’entrer dans l’équipe, mais il s’est fait virer des sélections pour indiscipline. Ça rigolait pas, à l’époque c’était…

— Je suppose que vous n’allez pas voler avec eux, Jane ? demanda Molly gentiment.

— Non, en effet. J’vais plutôt aller trouver à boire pour ma chouette, je pense qu’elle doit commencer à avoir un peu soif…

— N’hésitez pas à prendre ce qu’il vous faut dans la cuisine ! On va probablement encadrer les petits, je préfère encore qu’ils se fassent mal sous nos yeux que… »

Elle fit un grand geste dramatique et pendant que toute l’assistance levait un des pans du chapiteau pour filer en direction du champ enneigé qui bordait le Terrier, Jane prit la cage avec soin et se dirigea vers la cuisine. Le contraste net entre le joyeux brouhaha de ces dernières heures et le silence quasi complet qui l’entourait, l’étourdit quelque peu. De la musique continuait de filtrer du chapiteau, et on pouvait à nouveau entendre la harpe qui égrenait des notes avec délicatesse. Jane posa la cage sur la table de la cuisine, et chercha un petit récipient qu’elle aurait pu glisser entre les barreaux. Quand elle trouva une sorte de petit mortier, elle soupira, agacée en fixant d’un air dépité l’évier dépourvu de robinet.

« Aguamenti. »

Severus approchait baguette tendue en direction du mortier qui se remplit instantanément d’eau. Jane sourit et hocha la tête.

« Merci… Molly a dû oublier que j’étais pas Sorcière.

— C’est plutôt bon signe. »

Jane hésita puis poussa doucement le mortier dans la cage de son index en observant la chouette qui continuait de la fixer intensément.

« Elle… par contre, elle a l’air de le sentir.

— Ce sont des créatures très intelligentes.

— Est-ce que je peux m’en occuper correctement, sans être Sorcière moi-même ?

— Il n’y a pas de raison. Si vous me posez la question sur le fait d’envoyer des lettres… je ne sais pas. Je pense que c’est à elle de voir.

— Hum…, soupira pensivement la jeune femme en s’accoudant à l’évier. Je ne sais même pas quel nom te donner… Athéna, ça me semble trop cliché… »

La chouette pépia en levant les yeux au ciel pour confirmer.

« Bon, nous sommes d’accord… Je vais éviter Morgane, parce qu’avec Merlin, ça fait déjà beaucoup…

— En espérant qu’il ne la dévore pas, d’ailleurs.

— Mais non, et puis tu seras à la voilière, je suppose ? Bon…

Ibis.

— Quoi ?

— Cela veut simplement dire « chouette » en latin. Appelez-la Ibis.

— Mais c’est complètement… »

Mais la susnommée hulula joyeusement en battant des ailes, avant d’en retourner à son eau, satisfaite.

« Bon, ben tant pis alors, pouffa Jane… »

Elle observa un moment Severus avant de se retourner et de regarder par la fenêtre qui donnait sur le champ. La cuisine était très faiblement éclairée, si bien qu’on pouvait apercevoir ce qu’il se passait au-dehors. Rémus et Tonks avaient fait apparaître de grosses lanternes pour baliser le terrain improvisé et tandis que les joueurs volaient dans tous les sens, ceux qui étaient restés au sol étaient confortablement assis dans de gros fauteuils conjurés à même la neige. Apparemment, ils sirotaient tranquillement quelques digestifs en regardant les prouesses qu’Harry faisait sur son nouveau balai. Jane sourit en les voyant faire, et le léger reflet qu’elle percevait sur les carreaux l’imita, avant de se figer quand elle se rendit compte que Severus l’avait rejointe. Il se tenait derrière elle et si les lignes de son visage s’imprimaient difficilement dans la vitre, l’intensité de son regard se reflétait presque parfaitement. Ils s’observèrent un instant en silence, soudainement aveugles quant au match qui tirait de temps à autre des cris d’encouragement aux autres convives. Jane sourit lentement au double de Severus qui s’anima. Elle fronça les sourcils, mais hoqueta quand elle vit un éclat rougeoyant miroiter dans la fenêtre et se nicher sur sa poitrine. Severus déplia les doigts, faisant tinter doucement la chaîne du collier qui s’enroula avec grâce autour de son cou. Le contact à la fois glacé et brûlant du pendentif troubla intensément la jeune femme qui observait, interdite, le reflet du bijou. Posé sur sa peau, un superbe grenat facetté projetait sa teinte carmin autour de lui. Rampants le long de son profil, de fins entrelacs argentés en dessinaient les contours, enserrant la gemme avec une possessivité d’une sensualité folle. Jane cligna des yeux, la gorge sèche, le cœur battant à tout rompre. Elle releva le regard vers le reflet de Severus qui la fixait avec une très grande attention. Elle ne savait que dire et s’humecta les lèvres en respirant profondément. Puis, lentement, elle recula d’un pas, son dos rencontrant son torse, et elle s’appuya contre lui, déposant sa nuque contre son épaule. Il inclina la tête et Jane pouvait alors sentir son souffle court dans son cou. Il était sur ses gardes, comme prêt à bondir à la moindre menace. La jeune femme ne le quittait pas des yeux et inspira une nouvelle fois, glissant doucement sa main droite dans la sienne. Leurs doigts s’effleurèrent et se découvrirent avec timidité, puis passion, avant de se mélanger possessivement. Jouant à se croiser, à s’emmêler, à se frôler. Elle inspira une fois encore, ce qui lui tourna la tête. Elle commençait à en avoir le vertige, son cœur s’emballait à lui faire mal, lui bourdonnant aux oreilles à un point tel que seule la respiration précipitée de Severus lui parvenait. Là, elle ferma un instant les yeux, appréciant le moment, appréciant le soulèvement léger de la poitrine du Sorcier contre elle, la caresse délicate de son pouce sur le dos de sa main. Puis, se mordant légèrement la lèvre d’anxiété et d’excitation devant son audace, elle rouvrit les yeux et tourna légèrement la tête en direction de Severus. Leurs regards se croisèrent, ils se perdirent un instant dans les craintes et les désirs de l’autre, et Jane releva légèrement le menton. Severus esquissa un bref sourire et inclina lentement la tête, profitant de chaque seconde de frustration, de l’intensité croissante de leurs souffles qui se mélangeaient peu à peu, appréciant dans cette distance tout ce qu’ils avaient traversé et tue, appréciant la légère impatience de la jeune femme, sa main qui pressait doucement la sienne et son visage qui se tendait vers lui pour le rencontrer enfin. Ses lèvres frôlèrent les siennes, et il la sentit nettement frissonner contre lui, ce qui lui tira un léger soupir d’anticipation. Il gardait les yeux entrouverts, imprimant mentalement l’expression qu’elle avait à cet instant, quand il vit une pâle lumière verte éclairer son visage. Il suspendit son geste, et Jane écarquilla brutalement les yeux, croyant qu’il changeait soudain d’avis, mais Severus fixait la fenêtre d’un air interdit.

Brusquement, il s’empara de Jane et la jeta au sol alors qu’un trait vert fit exploser la fenêtre et qu’un caquètement horrible s’éleva.