Remerciements aux tipeur : Merci à Marine, Audrey, Clément, Minsky, Achille, Pierre, Mathilde et Amine, Alias, Jennifer, ChocoFrog et Leithian pour leur soutien inaliénable sur Tipee !
Avant-propos : Je suis désolée pour le temps de publication. Je traverse une période désagréable qui me freine sur l’écriture. Merci d’être toujours aussi fidèles et de me soutenir autant, c’est extrêmement motivant. J’espère que ce chapitre vous plaira.
Rappel des faits : Dans la nuit du 23 au 24 décembre, Harry, Dumbledore et Luna allaient chercher le diadème. Dans la nuit du 24 au 25, un Réveillon avait lieu au Terrier, interrompu par l’attaque surprise de Bellatrix. De retour à Poudlard, nos protagonistes se sont soignés tant bien que mal. Le 25, Harry et Dumbledore partaient à la caverne en toute hâte, tandis que Voldemort attaquait Poudlard. Nous sommes toujours le 25 décembre, juste après l’évasion des élèves et de nos principaux protagonistes.
Chapitre 51 : Le conseil d’Elrond
Joseph planta le bout de sa baguette entre les omoplates du petit Professeur. Il le piqua, une fois, deux fois, sans succès.
« Avance ! » Ordonna-t-il.
Flitwick lui jeta un regard venimeux par-dessous ses sourcils tâchés de sang. À cet instant, le Sorcier ressembla davantage à ses cousins qu’à un être humain et Abernathy sentit désagréablement la crainte l’étreindre. Quelle crainte ?! Ils étaient victorieux !
« Amène-le ici avec les autres. »
Joseph obéit à Voldemort avec déférence, et piqua une nouvelle fois le Professeur d’enchantements qui fut contraint de s’agenouiller à côté des autres enseignants. La Grande Salle était dévastée, le vitrail principal par lequel s’étaient échappés Harry, Jane et Severus était béant, laissant entrer l’air glacial de l’hiver. À genoux, les uns à côté des autres, ce qui restait du corps professoral se tenait là, vaincu. À quelques mètres d’eux, le corps gisant sans vie d’Albus Dumbledore tirait de temps à autre des sanglots terribles à Pomfresh qui tirait sur son voile d’infirmière pour masquer son visage. Ils étaient une dizaine alignés, Mrs Pince et Rusard également arrêtés et placés au milieu de leurs comparses. Presque tous tremblaient, à commencer par Horace Slughorn qui jetait des regards horrifiés au corps de Dumbledore.
Regroupés, les Mangemorts les tenaient en respect, tandis que les autres recrues et les Détraqueurs sécurisaient l’endroit dans un silence triomphal terrible. Voldemort agita sa baguette pour pousser les tables des élèves au loin, et il l’agita une fois encore pour amener le petit tabouret de répartition. Il n’accordait aucun regard à ses captifs, même lorsque les sanglots de Poppy atteignirent leur paroxysme, rejoints presque immédiatement par ceux du Professeur Babbling. Aux côtés d’Abernathy, Rowle observait avec méchanceté Rusard qui tremblait plus que quiconque. Soudain, des suppliques s’élevèrent dans le couloir, accompagnées d’un ricanement rauque.
« NOOON ! Pitié, NON ! Je n’ai rien fait de mal, rien fait… OH PAR MERLIN MINERVA… ! »
Agrippée par les cheveux, Sibylle Trelawney fut amenée de force par Greyback qui la jeta presque aux pieds de Voldemort. Le loup-garou grogna de satisfaction :
« Elle se terrait dans sa petite tour, Maître. Elle m’a jeté une bouteille de Xérès à la gueule, ajouta-t-il en montrant une légère coupure sur sa joue. Mais j’ai eu le dessus.
— Pourquoi se battre alors que tu connais l’issue de la confrontation ? »
La question sembla surprendre la Professeur de Divination qui écarquilla les yeux de terreurs en reculant, lorsque Voldemort se retourna lentement pour la toiser de toute sa hauteur.
« Il est temps que tu me parles de mon destin… » Murmura-t-il.
***
Ils se tenaient en silence dans la cuisine, prostrés chacun dans des postures presque tétanisées. Luna tenait toujours fermement la main d’Harry. Neville, Ron et Hermione se serraient presque contre Lupin qui fixait la cheminée avec douleur. Sirius restait les bras croisés sur sa belle redingote, sourcils froncés, et Jane et Severus gardaient les yeux au sol, immobiles l’un à côté de l’autre. Il eut un instant de répit supplémentaire avant que Lupin n’esquisse un mouvement et que Sirius lève immédiatement la main :
« Non ! arrêta-t-il. Laisse-la faire son travail. Asseyez-vous tous et prenez un verre. »
Lupin jeta un regard d’animal traqué à son ami, mais obtempéra, immédiatement imité par les adolescents et Jane. Severus inspira profondément, yeux fermés, cherchant à vider son esprit. En quelques minutes, une multitude de bouteilles s’était installée sur la grosse table en bois ciré de la cuisine, et chacun laissait alcool et chocolat faire leur office. Ce fut Harry qui rompit le silence en premier :
« Qu’est-ce qu’on fait ? »
Jane releva un sourcil en faisant la moue et balaya l’assistance du regard. Ils semblaient tous abattus, presque courbés sur eux-mêmes, incapables de se relever d’un tel choc. Snape répondit d’une voix tranchante et grave :
« On abandonne. »
On aurait dit qu’il avait lâché une bombe dans la pièce, car l’air manqua soudain, avant qu’ils ne se mettent tous à hurler. Seule Jane esquissa un sourire et se resservit un porto en silence. Couvrant le tumulte des autres voix, Ron menaça de son moignon argenté la mine lugubre de Snape :
« HORS DE QUESTION ! ON SE BAT ! PERSONNE NE CAPITULERA ICI !
— Sinon quoi, Général Ronald ? » S’amusa Hermione en lui souriant.
Ron se dégonfla presque comme une baudruche, plus encore quand le rire de Jane amena celui de Sirius, Rémus, Harry et bientôt tous les autres, à l’exception de l’ancien espion, naturellement. Severus hocha néanmoins la tête de contentement :
« Nous sommes donc d’accord. Dans l’immédiat, il faut se tenir prêt à recevoir les ordres du Ministère…
— Et si l’ordre vient de Malfoy ? coupa Rémus.
— Il faudra aviser. L’Ordre du Phoenix est théoriquement dissout et absorbé… Il est possible que toi, ou Molly et Arthur soyez réquisitionnés pour la Brigade. Pas les enfants, ils sont heureusement mineurs, mais…
— Bill, Fleur, Fred et George… En réalité, Malfoy pourrait diriger bon nombre d’entre nous, comprit Jane.
— Pas vous, précisa sèchement Severus. Vous, vous disparaissez. Potter aussi, il le faut.
— C’est une blague ?! s’emporta soudain Sirius.
— Je n’ai aucun sens de l’humour Black. Si tu veux que ton James miniature survive, il va falloir le cacher, le Seigneur des Ténèbres va en faire sa prochaine cible.
— Autant que vous, vous l’êtes. Et je ne suis pas mon père, je n’irai pas me planquer quelque part en attendant qu’Il vienne nous tuer. »
La brutalité du sous-entendu choqua profondément l’assemblée. Harry fixait Severus avec dureté, le mettant au défi d’en rajouter.
« Il ne s’agit pas d’être lâche, Potter, reprit plus doucement Snape. Il s’agit de vous garder en vie et…
— Je ne crois pas à la prophétie.
— Lui, si. Et il n’y a pas que la prophétie. Il me semble que Dumbledore vous a confié une mission particulière. Nous a confié une mission, ajouta-t-il après un instant de réflexion.
— Tu es au parfum ?!
— Oui, Black, il l’a bien fallu pour que je puisse former Potter à ce qu’il l’attend.
— Quand est-ce que vous allez expliquer…
— Non, Sirius, coupa Harry. Je pense que si Dumbledore voulait que l’Ordre soit au courant, il… Enfin, peut-être que je me trompe ? »
Le jeune homme regarda Severus d’un air incertain, cherchant l’ordre qui ne viendrait pas. Snape secoua la tête en ne pouvant dissimuler un rictus goguenard.
« Je ne suis pas votre supérieur, Potter. Laissez-moi réfléchir à cela. Nous avons de toute façon bien plus urgent à régler, et encore un peu de temps. Poudlard est aux mains de nos ennemis. En ce moment même le Seigneur des Ténèbres s’y trouve et qui sait ce qu’il fera de cet endroit. Nos forces sont éparpillées et affaiblies et des prochains mouvements de Lucius dépendront beaucoup de choses.
— Vous parlez sans cesse de Malefoy, s’agaça Ron. Qu’est-ce que vous l’imaginez faire pour qu’il vous inquiète autant ? »
Snape jeta un regard surpris au roux, et se racla la gorge.
« La guerre vous va bien, Weasley. Black, Lupin, quels sont vos moyens de liaison avec le reste du groupe ?
— Cheminée et Patronus dans l’immédiat. Les autres sont à la Chaumière aux coquillages, ils sont parfaitement en sécurité, expliqua Sirius. Une vieille demeure que Bill a achetée en vue d’épouser Miss Delacour…
— Il a déjà pris la maison ?! Il compte se marier quand au juste ? s’exclama Ron éberlué.
— Aucune importance, interrompit Severus. L’endroit est-il sécurisé ?
— Entièrement. Tonks, Lupin et moi-même avons effectué les rites nécessaires pour lier l’endroit au couple. Et pour répondre à ta question, Ron, ils ont déjà échangé leurs vœux.
— Mais… !
— Ne regrette rien dans l’immédiat, coupa Sirius avec un bref sourire. Nous avons finalisé cela uniquement pour des raisons de sécurité, cela n’avait rien de romantique ou de grandiose. On fera la fête après la guerre. En attendant, la Chaumière est protégée, et ta famille peut s’y retrouver. Retourner au Terrier est hors de question.
— Tout comme retourner à Poudlard. » Comprit Hermione d’un air lugubre.
***
Sibylle Trelawney avala difficilement sa salive, ses énormes lunettes glissant sur son nez à force de transpiration. Face à elle se dressait Lord Voldemort qui semblait attendre d’elle l’impossible. Jamais, jamais elle n’avait fait la moindre prédiction qui ne se montra exacte – du moins à sa connaissance – et à présent, Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom demandait à être Celui-Dont-Elle-Était-Incapable-De-Prédire-L’avenir. La terreur se disputait à l’incompréhension et Trelawney voyait passer dans son esprit embué de mauvais alcool et d’encens, une multitude de phrases habituelles qu’elle avait tendance à sortir à tout le monde. Flitwick grimaça et s’écria courageusement :
« Arrêtez ! C’est un charlatan connu ! Laissez-la tranquille !
— Silence, Gobelin ! coupa Voldemort de sa voix glaciale. Tu ne sais pas de quoi tu parles ! Allons, allons, Prophétesse… Tu sais ce que je veux… »
Trelawney remonta machinalement ses lunettes sur son nez, la moue boudeuse et secouée de tremblements. Il la tuerait ! Quand il verrait qu’elle ne peut rien faire, il la tuerait ! Balbutiante, elle répondit enfin en tentant de maîtriser son ton mystérieux habituel :
« Je vois… Le sang et la mort ! La magie tout autour… L’Angleterre tout entière… !
— Parle-moi de Potter. De « Celui qui a le pouvoir de vaincre le Seigneur des Ténèbres ».
— … C’est vrai ? s’étrangla-t-elle, choquée.
— Tu me poses vraiment la question, Prophétesse… ? Réponds-moi, quel est le pouvoir que j’ignore ? »
Toute sa vie, Sibylle avait rêvé d’être comme sa célèbre arrière-arrière-grand-mère. Toute sa vie, Sibylle aurait aimé être respectée pour ses prédictions et son don de double vu. Elle avait tout essayé, appris auprès de tous les livres, de toutes les personnes possibles… Mais jamais qui que ce soit ne l’avait prise au sérieux, à l’exception peut-être d’Albus Dumbledore – mais il était un peu fou, n’est-ce pas ? et à présent de… Elle frissonna. Pour la première fois de sa vie, elle aurait aimé continuer à être vue pour ce qu’elle était : un imposteur. S’éclaircissant la gorge, elle proposa timidement :
« Heu… Il… Il… Il peut échapper à la mort… ?
— Le peut-il ?
— Je… Je ne sais pas… Enfin si, les ombres…
— CESSE DE JOUER ET DÉVOILE TON DON ! »
Trelawney se tassa immédiatement, imitée par une bonne partie des autres Professeurs rassemblés. Elle balbutia une série d’excuses en baissant la tête, suppliant d’être épargnée. Pleurant presque, elle finit par avouer :
« JE N’EN AI PAS ! JE N’EN AI PAS ! »
Flitwick la regarda avec tristesse en secouant doucement la tête. Un dicton Gobelin disait que tout finissait par se payer un jour… Voldemort ne sembla pas la croire, car il partit à rire.
« AU CONTRAIRE ! Tu es seulement trop misérable pour savoir t’en servir, tu as le don de vision ! Je vais t’aider à mieux voir… »
De sa main arachnéenne, il agrippa son épaisse chevelure frisée et la força à croiser le regard. Là, noyée dans les pupilles écarlates, Trelawney se pétrifia d’effroi. La violence de l’attaque la laissa sans voix, tandis que Voldemort fourrageait dans son esprit avec avidité. Jamais Voldemort n’avait exploré une psyché pareille, il se sentit comme happé par une galaxie en formation tournoyant autour d’un soleil furieux. Autour de lui, des pensées se créaient et mourraient à une vitesse folle, comme des planètes et des étoiles naissantes et se détruisant, se percutant et s’éparpillant aux confins de l’infini. Pire, il ne se sentait pas avalé par un seul univers, mais par une couche successive de vies. Tout n’était que brumes et matière noire, poussière de possibles et gravitation de probables. Un instant, il crut se perdre totalement dans cette immensité indomptée, voyant ce qu’aucun autre Sorcier n’avait pu voir avant lui : le Destin, dans sa représentation la plus brute. Fascinante et dangereuse, la multitude des chemins était un danger dans lequel il était facile de se perdre. Voldemort balaya d’un revers psychique puissant les craintes de sa captive et chercha dans ce qu’il pensait être des souvenirs. Dans une sorte de supernova éternelle, au milieu de cette nuée bleutée piquée de poussière fuchsia, il distingua quelques éclats, sorte d’échos que l’esprit déchiré et indompté de Trelawney ne parvenait totalement à détruire. Latent, son don n’était qu’une série d’explosions qui survenait de temps à autre sans que quiconque puisse avoir le moindre impact dessus. Dans cette étoile mourante se trouvait pourtant l’essence même des prophéties qu’elle avait pu faire… Peut-être même celles qui seraient à venir. Voldemort s’y propulsa sans réfléchir, sentant la force de gravité de cette agonie psychique l’attirer inexorablement vers la vérité. Là, à la limite de l’absorption métaphysique, il vit nettement le souvenir complet de cette nuit. Celle nuit où l’arrière-petite-fille d’une dénommée Cassandre fut crue pour la première fois. Il s’accrocha à la courbe de l’éclat, se mettant directement en orbite sur les mots précis employés.
D’un point de vue extérieur, Lord Voldemort avait seulement les mains plongées dans la chevelure d’une femme qui se mettait à convulser. Aucun de ses Mangemorts n’osait bouger, pas même lorsqu’il tressaillit.
L’éclat s’effondra sur lui-même révélant une sorte de trou béant qu’il n’hésita pas à rallier. Il n’avait rien appris de plus que ce que le globe prophétique contenait. Ses questions restaient en suspens, à commencer par la signification même du mot « pouvoir ». Lorsqu’il passa enfin dans un autre plan, suspendu dans un lieu noir dépourvu de matière et de son, il comprit qu’il était allé trop loin. L’esprit de sa captive se disloquait sous sa fouille, ne résistant pas à sa charge. Le chaos qui régnait dans la tête de l’enseignante était lié à son incapacité à concilier une vie terrestre et spirituelle. Toute l’opposition entre le corps et l’esprit avait laissé un champ de bataille que Voldemort retournait comme avec une bêche, indépendamment de toute volonté de préservation. Il était allé trop vite, trop fort, il allait la perdre. S’apprêtant à s’échapper avant que l’esprit ne meure entièrement – et ne l’emporte avec lui, il s’arrêta néanmoins lorsqu’une légère lumière attira son attention. Loin, très loin, légèrement bleutée et timide semblait vouloir naître une autre étoile. Une autre prophétie ? Voldemort étendit son voyage jusque là-bas pour tenter d’esquisser les premiers vers, mais l’univers autour de lui se rétracta et devint soudainement étouffant. Vite ! Il ne lui restait que peu de temps ! Dans un ultime sursaut, le Mage Noir entendit à nouveau parler de pouvoir et de combat éternel… Non, attendez ! Non, cette fois-ci, c’était différent… Il pouvait renaître par… NON !
Son âme se faisait aspirer inexorablement dans le néant, et le corps de Voldemort trembla si violemment que ses Mangemorts autour s’agitèrent sans comprendre. L’écume aux lèvres, ânonnant une voyelle sur deux, Trelawney fixait le plafond de ses yeux révulsés :
« Le… Aigneu… Ténè… en fera… égal… confiant… hon… p-p-pouvoir…
— M…Maître ?! s’alarma Abernathy
— Il… mou-mourra… sa main… pour… vivre… Confia… pouvoir…
— MAITRE ?! »
En chœur, Voldemort et Trelawney crachotaient ces mots, les corps dangereusement tremblants. Abernathy repoussa la femme au loin, et dans un hurlement terrifiant, Voldemort retomba à genoux. Un terrible silence s’abattit sur les lieux, brisé par les légers gémissements de Trelawney. Recroquevillée sur elle-même, du sang se répandant dans sa bouche, elle tremblait, les yeux roulant dans leurs orbites.
« ELLE S’EST MORDU LA LANGUE ! hurla Greyback en comprenant soudain ! Arrêtez ça…
— Non… »
Voldemort se releva, le souffle court, une main fermement tendue devant lui pour les défendre d’intervenir. Sous l’œil inquiet de ses fidèles, il répéta avec lenteur en observant sa victime :
« Non. Je n’ai plus besoin d’elle, laissez-la mourir.
— Maître… ? osa Abernathy, fébrile. Vous… Vous avez eu satisfaction… ? »
Lord Voldemort releva la tête en direction du plafond enchanté de la Grande Salle et inspira profondément, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres fines.
« Pleinement. Je sais, maintenant. »
***
« Monsieur le Premier Ministre, quand avez-vous eu connaissance de l’attaque du domicile des Weasley ? »
« Monsieur le Premier Ministre, est-il vrai qu’Harry Potter s’y trouvait ? »
« Rufus Scrimgeour, en tant qu’ancien Directeur du Bureau des Aurors, ne trouvez-vous pas vos mesures sécuritaires un peu légères ? »
« Monsieur le Premier Ministre ! Monsieur le Premier Ministre ! Est-ce vrai qu’il y a eu des morts ?! »
Lucius Malefoy et Rufus Scrimgeour avaient été dérangés en pleine tempête médiatique postale par une horde de journalistes interrompant spécialement leur Noël familial pour les harasser de questions. Nous étions toujours le 25 décembre 2017, et cela faisait 12h que l’Angleterre tout entière savait que le Terrier avait été victime d’une attaque de Mangemorts. S’efforçant de réfléchir à une communication de crise, le Premier Ministre et le Ministre de la Justice s’étaient réunis avec quelques administratifs de confiance dans le but de trouver une ligne politique commune. S’était naturellement joint à eux, Gawain Robards, l’actuel Directeur du Bureau des Aurors et Superviseur de la Brigade d’Intervention Tactique d’Elite. Les trois hommes s’écharpaient une nouvelle fois sur la question du déploiement de la Brigade au sein de Poudlard quand Éric Munch qui surveillait les entrées et les accréditations s’était précipité dans le bureau pour leur dire qu’une foule de plumes marchait sur le Ministère. En quelques minutes, cette troupe, menée par cette satanée Delorme, obtint une conférence improvisée devant l’immense monument de paix entre les races. Lucius avait griffonné en toute hâte quelques premiers éléments de langage à fournir à son supérieur, mais Scrimgeour se retrouva bien vite débordé par l’ardeur des assaillants. Il n’était pas fait pour ce genre d’exercices.
Le dos raide, une légère sueur perlant à l’ourlet de sa lèvre, il tentait de répondre aux uns et aux autres, la mâchoire se contractant à mesure des questions.
« Le Gouvernement a su, commença-t-il à expliquer en élevant la voix. Pour l’attaque cette nuit et le Ministre de la Justice et moi-même avons immédiatement contacté Robards pour renforcer la sécurité du Ministère et de…
— À notre connaissance, Poudlard n’a pas bénéficié d’une protection supplémentaire. Est-il vrai que c’est votre décision ? interrompit Nathalie Delorme.
— Il doit être également à la connaissance du Veritascriptum que l’école se trouve vide d’élèves pour Noël, répliqua sèchement Scrimgeour. Les Aurors dépêchés à garder de vieilles pierres ne seraient pas en poste pour protéger la famille Weasley ou Harry Potter…
— Justement ! rebondit la jeune femme. Où se trouve-t-il actuellement ? Est-il sous la protection du Ministère ? Pouvez-vous nous garantir qu’Harry Potter se trouve en sécurité ?
— Je n’ai aucun compte à rendre à une journaliste ! persifla le Premier Ministre en perdant patience. Et je ne vais…
— A moi, non, aux Sorciers de Grande-Bretagne, oui. »
Elle lâcha cette réplique avec un sourire goguenard qui précéda le tollé entre les quelques gratte-papiers et les secrétaires réquisitionnés. Scrimgeour devint blême de rage et Lucius s’avança rapidement pour intervenir. Il leva une main en signe d’apaisement et quelques journalistes se mirent immédiatement à noter leurs premières impressions.
« Bien entendu ! Bien entendu le Ministère doit répondre à ses administrés. Cependant, Miss Delorme, vous, ainsi que vos estimables confrères, comprendrez que pour des raisons de sécurité, certaines informations doivent être tues afin de ne pas entraver le travail de… »
Mais le brouhaha revint lorsque les scribouillards se tournèrent presque comme un seul homme en direction d’une silhouette fluette et pleine d’entrain. Fendant la foule à grande vitesse, les cheveux noirs de jais, Tonks arriva à leur hauteur et passa le mince cordon de sécurité levé par Munch en toute hâte. Elle se précipita aux oreilles de son supérieur, et Robards devint si pâle que l’assistance comprit que quelque chose de grave s’était passé. Lucius sentit un désagréable frisson remonter le long de sa colonne vertébrale. Un frisson qui le traversa avec lenteur pour le saisir à la nuque, enserrant doucement son cou alors même qu’il repensait à sa Marque. Tout le monde arrêta de respirer, et quand il sentit la main de Scrimgeour se poser sur son épaule pour le tirer en arrière, Lucius perdit totalement de sa superbe. Munch tenta tant bien que mal de garder les curieux à un bon mètre du conciliabule improvisé. Sous les demandes de plus en plus pressantes et indignées des journalistes, Scrimgeour, Robards et Malefoy écoutèrent le rapport de Tonks. Le Premier Ministre était livide, lançant des regards affolés au blond qui inspira longuement et se retourna vivement en direction des journalistes :
« SILENCE ! » Hurla-t-il d’une voix glaciale.
On aurait dit que le tonnerre venait de gronder au-dessus de leurs têtes, car personne ne broncha. Lucius inspira une nouvelle fois et énonça gravement :
« Albus Dumbledore est mort. »
Cette fois-ci, c’était la foudre qui semblait frapper net l’assemblée. Avant même que Scrimgeour réalise ce qu’était en train de révéler Lucius, ce dernier enchaîna :
« Poudlard subit actuellement une attaque par les forces de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom, nous ignorons le nombre des victimes, seul le nom du Directeur m’a été rapporté par nos services de renseignements. Pour l’heure, nous ne vous en dirons pas davantage. J’ai à l’esprit la vie des Professeurs et des élèves restés sur place ; et sur cette base, je ne dirai rien qui puisse les mettre en danger. J’ai toute confiance en la capacité de la Brigade d’Intervention Tactique d’Elite pour réagir et sécuriser les lieux.
— Est-ce que vous venez de dire que vous prenez la responsabilité de déployer la Brigade pour la première fois en opération ?
— Je n’ai pas d’autre déclaration à faire, nous avons à mettre le Premier Ministre en sécurité et devons préparer l’offensive, car nous ne nous laisserons pas impressionner. Je peux affirmer pour l’heure que la Grande-Bretagne ne se soumettra jamais à la barbarie du Seigneur des Ténèbres, et que nous la combattrons de toutes nos forces. Merci de votre attention. »
Les journalistes s’ébrouèrent pour tenter de revenir à la charge, mais Munch fit taire leurs cris par un sortilège sèchement jeté et les poussa vers la sortie, aidé de quelques secrétaires zélés. Tonks observa gravement Malefoy et son supérieur, attendant les ordres. Scrimgeour respirait comme un Pitiponk prêt à imploser. Quand ils furent seuls dans la salle, il hurla :
« QUI VOUS A DONNE L’AUTORISATION DE DEPLOYER LA BRIGADE A POUDLARD ?! NE SUIS-JE PAS ENCORE LE MINISTRE DE LA MAGIE, MALEFOY ?! »
Lucius plissa les yeux et répliqua d’une voix basse :
« La conférence devenait dangereuse, Rufus, et vous vous êtes inutilement mis en difficulté en refusant d’écouter mes avertissements. Il fallait réagir immédiatement et montrer que le Ministère garde toute la poigne dont il s’est doté. Du reste, la Brigade ainsi que les Aurors sont sous l’autorité du Département de la Justice Magique, pas sous vos ordres directs et cela, Monsieur le Premier Ministre, pour éviter de nouvelles accusations de despotisme comme avec votre prédécesseur !
— … Mais jamais la Presse ne me laissera…
— Oubliez la Presse ! Poudlard est encore attaquée, que croyez-vous qu’elle dira, cette Presse, si les élèves se font massacrer ?!
— Ils ont été évacués, Mal…-Monsieur, se reprit Tonks. Nous… avons été prévenus de l’attaque et avons déployé nos propres forces. »
Scrimgeour s’apprêta à répliquer, mais Lucius ouvrit la bouche plus rapidement, esquissant un léger sourire :
« Celles qui se sont jointes à la Brigade, voilà des mois, vous voulez dire, Auror… ?
— Oui, Monsieur, celles-ci…
— Qui a donné l’ordre à cette escouade d’intervenir ? »
Tonks rougit furieusement. C’était Snape qui les avait tous prévenus et Maugrey et Rémus qui avaient conduit les quelques baguettes à leur disposition. Uniquement des gens inconnus, aucun Auror pour éviter tout problème d’insubordination… Elle se mordit la lèvre et prit une grave décision :
« Moi, Monsieur. J’ai eu l’information par… un de nos contacts… Et j’ai pris sur moi de prévenir ceux qui pouvaient intervenir sans l’aval du Ministère.
— Des dissidents s’agaça Scrimgeour.
— Des baguettes que la Presse ne connaît pas officiellement, c’est très judicieux, Miss. Où sont les enfants ?
— Répartis dans leurs domiciles ou à Sainte-Mangouste, la Directrice attend notre ordre pour vous prévenir.
— Et Potter ? »
Tonks cilla quand le blond lui posa directement la question. Scrimgeour n’y vit aucune malice, mais l’Auror, elle, se demanda un instant à quel point elle pouvait lui faire confiance. « Mangemort un jour, Mangemort toujours ! » répétait son ancien mentor et elle dut faire un immense effort pour maîtriser son expression faciale. Lucius plissa des yeux à nouveau et sourit doucement en hochant la tête en direction de Robards :
« Vous pouvez être fier de vos forces, elles sont intelligentes et capables. Est-il en sécurité, du moins ?
— Parfaitement, Monsieur, se reprit Tonks. Avec votre permission, nous vous donnerons de plus amples détails quand…
— Lord Malefoy n’est-il pas votre supérieur ? coupa Scrimgeour.
— Gawain est son supérieur et au vu de l’ampleur de l’attaque, Miss Tonks a raison d’appliquer le protocole d’urgence.
— Quel protocole ?! Lucius, j’ai passé vingt ans dans…
— Monsieur, coupa Robards. La Brigade dispose d’un autre fonctionnement, Lord Malefoy a grandement insisté pour que nous soyons plus que jamais rigoureux. Il faut mon autorisation pour divulguer quoi que ce soit plus haut, nous devons nous montrer très prudents, si jamais le Ministère venait à être infiltré…
— Soupçonneriez-vous votre propre Ministre ? s’insurgea Scrimgeour.
— Ni moi ni vous ne sommes coupables aux yeux de la Brigade, mais suspects, tout le monde l’est ! Lucius se tourna vers Tonks lentement. Il me semble que votre mentor aurait qualifié cela de… Vigilance constante, non ? »
Le cœur de la jeune femme se serra devant l’ironie. Maugrey Fol’Oeil était tombé pour autant qu’elle le sût et jamais il n’aurait pardonné qu’on utilisa ses méthodes sous l’égide d’un Mangemort. Mais Dumbledore avait décidé d’inclure Malefoy dans le jeu, et Tonks était fidèle à l’Ordre du Phoenix. Elle hocha la tête en s’humectant les lèvres.
« Monsieur, avez-vous encore besoin de mes services, ou puis-je… ?
— Vous souhaitez retourner auprès de vos contacts, ou accompagner la Brigade ? lui demanda Robards en jetant un léger regard à Malefoy pour capter son ordre.
— Il serait légitime que vous puissiez vous battre, Auror, bien que votre insubordination nécessaire mérite déjà une récompense.
— Soit. Ralliez les baguettes et faites dire à Fiertalon que vous l’épaulerez dans le commandement de l’assaut. Soyez prudents, la priorité est de sécuriser l’endroit, de repousser l’envahisseur. Ne faites aucun prisonnier.
— À vos ordres, et Vous-Savez-Qui ?
— Ne jouez pas aux héros, évitez la confrontation, faites seulement assez de dégâts pour qu’il vide les lieux.
— Dumbledore étant mort et Potter mis en sécurité, il y a peu de chance qu’il y reste, si j’en crois vos rapports concernant son obsession… glissa Lucius avec habileté.
— Bien, à vos ordres ! »
Tonks se redressa et les salua avant de s’enfuir aussi rapidement qu’elle était venue. Restés seuls, le Ministre de la Magie, le Ministre de la Justice et le Chef des Aurors et Superviseur de la Brigade échangèrent un regard d’incertitude : si Poudlard pouvait être attaquée, le Ministère l’était également.
« Quand cela se saura…, murmura Scrimgeour qui semblait perdre pied.
— Je m’en occuperai, Monsieur le Premier Ministre. Je vous suggère de vous retirer, Robards ?
— Monsieur le Ministre ?
— Je suppose que vous prenez sur vous la sécurité de notre estimable Ministre de la Magie ?
— C’est exact, Monsieur.
— Bien, je vais faire un point sur ce que prévoient nos Lois actuellement si le Directeur de Poudlard vient à mourir…
— C’est à la Directrice Adjointe de prendre le relais, et…
— Nous ignorons tout des personnes encore en vie à Poudlard, coupa Lucius avec inquiétude. Mon Département doit faire le point pour savoir ce qu’il convient de décider concernant l’école où nos enfants sont inscrits.
— Vous imaginez que je vais la faire rouvrir, Lord Malefoy ? s’étrangla Scrimgeour.
— Quel autre choix allons-nous avoir ? Si les parents ne souhaitent pas renvoyer leurs enfants, cela sera leur décision. Mais, pour ma part, en tant que père et en tant qu’opposant à la terreur, je n’ai pas l’intention de céder ! »
Le Premier Ministre recula légèrement comme si Malefoy l’avait giflé. La conviction qu’il y avait dans sa voix était la même qu’il dosait savamment face aux journalistes. Et pourtant, Rufus se laissa porter, car il aima sentir cet homme fort à ses côtés. Quel temps gâché à le soupçonner de traîtrise, se dit-il pour la énième fois ! Merlin soit loué d’avoir donné une telle âme pour défendre la Grande-Bretagne !
***
« Et qui fera le lien entre Malefoy et nous, hein ? Je vois mal Harry s’y pointer, quant à vous, Snape, ça serait ironique, mais de mauvais goût, même pour moi.
— Je vous le confirme, Monsieur Weasley. C’est à Black de jouer cette partie-là… bien qu’il soit très probablement le moins formé à ce genre de jeux.
— Tout « traître à mon sang » que je sois, j’ai reçu une éducation que tu n’as pas eue, je saurai m’en sortir.
— Dresser un chien n’en fait pas un loup.
— Et faire des concours de bite ne fait pas l’homme. »
Lupin recracha le contenu de son verre en synchronicité parfaite avec Neville qui blêmissait à vue d’œil. Hermione et Ron devinrent écarlates et Luna sourit en hochant la tête doucement comme venant d’entendre une sage parole. Harry et Sirius observaient Jane la bouche grande ouverte, et cette dernière soutenait le regard glacial de son ami qui semblait sur le point de répliquer quelque chose d’insultant. Jane le devança et poursuivit :
« Nous n’avons pas le temps pour vos gamineries. Que Black s’en charge, parce qu’il doit jouer son rôle de Lord, et que vous preniez sur vous de lui expliquer quel être est Malefoy me semble autrement plus productif.
— Votre sens des priorités ne figure certainement pas à la liste de vos…
— Fermez-la, Severus ! cracha Jane piquée au vif. N’évoquez surtout pas ça.
— … Je suis certaine que Merlin s’en sortira, Professeur. »
Jane haussa légèrement les sourcils et se désamorça en observant Luna avec inquiétude, elle reprit sa place et un verre, tandis qu’Hermione acquiesçait :
« Nous sommes tous un peu à cran, ça ne sert à rien de nous quereller maintenant. Que faisons-nous ? Que compte faire Malefoy selon vous, Professeur Snape ?
— Pour commencer, plus personne n’est Professeur ici, entama Severus en observant toujours Jane avec intensité. Quant à Malefoy, s’il n’est pas stupide – et il ne l’est pas, il fera de notre intervention un atout.
— Et l’école ? coupa Rémus.
— L’école deviendra ce que le Seigneur des Ténèbres décidera d’en faire… N’oubliez jamais que Malefoy est et reste sous ses ordres. »
***
Flitwick regardait avec pitié le corps sans vie de Trelawney. Il n’avait jamais cru en la divination, du moins, pas ainsi, mais que cette pauvrette termine son existence de la sorte était cruel. Sibylle n’avait fait de mal à personne, parfois même était-elle de bonne compagnie lorsqu’elle était sobre… À présent, son corps gisait non loin de celui de Dumbledore, et Fillius comprit qu’il y aurait d’autres victimes. Il inspira profondément.
« Et après ? Qui d’autre sera sur votre liste ? »
Voldemort qui s’était à présent installé sur la chaise d’honneur de Dumbledore releva la tête de ses réflexions et fixa son regard sur le petit homme. Il sembla un instant ne pas comprendre sa requête, puis il éclata d’un rire terrible :
« Aucun de vous de figure sur ma liste… aucun de vous ne le mérite. Greyback, fais-le asseoir sur le tabouret. Nous allons refaire la répartition comme elle aurait dû être. »
Avec un ricanement lugubre, le lycanthrope saisit le Professeur de Sortilège par le col et le souleva presque, se moquant de sa légèreté, avant de l’asseoir brutalement. Chourave et Bibine crièrent, tandis que Rusard insultait copieusement les Mangemorts. Voldemort leva sa main et Abernathy les menaça immédiatement de sa baguette, puis le Mage Noir hocha la tête et prononça d’une voix glaciale :
« Poudlard est une école de Sorciers. Elle a été fondée notamment par mon glorieux ancêtre. Poudlard, répéta-t-il avec emphase. Est une école de Sorciers. Et tu n’es pas un Sorcier, Gobelin.
— Rends-moi ma baguette et je te montre ! brava Flitwick en se tortillant pour échapper à la poigne de Greyback.
— Non. Cette baguette est entre tes mains uniquement parce que tu es un être contre nature. Si l’ordre des choses était respecté, tu disposerais d’une magie propre à ta race, oui… une magie qui peut être utile, j’en conviens. Mais elle est amplement suffisante et n’a rien à faire à Poudlard. Parce que Poudlard… est une école de Sorciers.
— Tu n’as pas ton mot à dire ! Que tu le veuilles ou non, le monde a changé, V… Voldemort ! »
Un bref frisson traversa la Grande Salle. Les Mangemorts observaient avec dégoût le duelliste tenir tête à leur Maître, tandis qu’une bonne partie des Professeurs baissait la tête. Épuisés et démoralisés, aucun d’eux ne put relever le menton et appuyer le courage de leur collègue. Chacun tressaillit de tout son être, comme si la simple mention du nom de leur ennemi suffisait à les abattre davantage. Flitwick sentit un bref pincement au cœur, une sorte de pointe glaciale qui lui brouilla légèrement la vue. Alors c’était ça la défaite ?
« Et qu’il le veuille ou non, il changera à nouveau sous ma férule. » Répliqua Voldemort avant de lever la main en direction de son bourreau.
Greyback s’approcha en ricanant, faisant craquer ses doigts avec un plaisir d’anticipation inouï, il tira sa baguette de sa ceinture et la pointa dans la direction de Flitwick. Après un dernier regard à son Maître pour vérifier qu’il avait toute son approbation, il la leva et prononça la formule. L’Avada Kedavra résonna sous les voûtes, comme le nom d’une maison hurlé joyeusement par le Choixpeau. Sur le visage du petit Professeur se peignait une détermination qui ne fit qu’accentuer le mal-être des autres enseignants. Son corps bascula et le lycanthrope s’en empara pour le jeter presque sur celui de Dumbledore. Mme Pince eut un terrible haut-le-cœur et se retourna rapidement pour vomir derrière elle, déclenchant l’hilarité chez les assaillants. Voldemort sourit d’un rictus moqueur et posa ses yeux écarlates sur le concierge :
« Et toi… Nous cacherais-tu un don pour la magie, que ton engeance salisse mon école… ? »
Rusard pâlit, regrettant pour la énième fois de son existence d’avoir accepté la proposition insensée de Dumbledore de travailler ici. Je t’en ficherais, moi, du programme de réinsertion des « nés sans Magie » ! Toute sa vie il avait chèrement payé le fait de n’avoir aucun pouvoir, durant toute son existence il avait essuyé les moqueries et dû endurer le douloureux sentiment d’infériorité. Né d’une famille presque sang-pur, élevé dans l’idée que seuls les Sorciers prévalaient, Argus Rusard avait refusé par élitisme d’aller vivre chez les Moldus, et avait accepté avec empressement son poste à Poudlard, s’enorgueillissant d’être le premier de son genre à y demeurer… Toutes ces années de frustration et de ressentiment pour se retrouver à se faire traîner par un hybride aux pieds d’un être dont l’humanité prêtait au doute. Il allait se faire exécuter, froidement, parce qu’il n’avait aucun pouvoir. Parce qu’il était né impur. Parce qu’il était né avec cette… anomalie.
Greyback le fit asseoir à son tour, levant sa baguette. Et dans cet intervalle, la haine que ressentait Rusard pour Voldemort n’avait d’égale que celle qu’il ressentait pour Dumbledore ! Il aurait mieux fait de le laisser crever dans sa ruelle, plutôt que de jouer la carte d’une bienveillance qui ne lui avait apporté que de la souffrance. Serrant les dents, le vieil homme aigri fixait des yeux le cadavre de l’ancien Directeur en marmonnant.
« Qu’est-ce que tu racontes ? gronda Greyback.
— …
— Quoi ?
— Je vous hais tous. »
Greyback leva les yeux vers Voldemort qui inclina la tête en guise d’accord, et le Mangemort attrapa d’un geste brutal les deux tempes de l’homme pour lui faire pivoter la tête dans un craquement sec. Le corps de Rusard retomba, le visage tourné anormalement vers Voldemort qui l’observait, songeur. L’homme à la tête de serpent releva sa face vers l’assemblée et la balaya du regard. Abernathy comprit instantanément que dans la prunelle écarlate brûlait le même sentiment à leur égard. Cette constatation le révulsa tout autant qu’il l’adorât. La haine les liait tous.
Les Professeurs se tassèrent encore. Chourave et Bibine n’en menaient pas large, rendant les armes et se pressant les unes contre les autres. Gardant les yeux résolument au sol, un seul d’entre eux focalisait toute l’attention de Voldemort malgré ses nombreux efforts depuis le début de la cérémonie. Le Mage Noir fronça les narines et esquissa un nouveau sourire. Il s’apprêta à se lever quand le sifflement lugubre des Détraqueurs en patrouille l’interrompit. Voldemort leva les yeux en direction des vitraux et tira sa baguette d’un geste assuré :
« Ils réagissent enfin ! Nous avons ce que nous voulions, ALLER ! »
***
Lupin se leva de sa chaise, agacé, et jeta un peu de poudre de cheminette dans l’âtre. Sirius secoua la tête et Severus soupira. Le feu se colora légèrement de vert, mais rien ne changea en dehors de cela. Lupin passa la tête dans les flammes, scrutant aux alentours et revint, la mine lugubre :
« Elle n’est pas chez nous…
— Évidemment qu’elle ne l’est pas ! craqua Severus. Elle est Auror, Lupin. AU-ROR. Son devoir est de traquer et de tuer des Mages Noirs, et où y a-t-il des Mages Noirs actuellement ?
— Snape…
— Tiens ton ami, Black ! Ce n’est pas le moment de perdre patience. Nous allons devoir attendre.
— Attendre ?! Tu ne sais pas ce que j’endure, c’est… C’est MA femme, tu ne comprends pas…
— Ton instinct animal n’a pas à empiéter sur la mission, coupa Snape rudement. Si tu es si inquiet, retourne chez toi, mais tu y feras quoi à part attendre une fois encore ?
— Je…
— Il a raison, trancha Sirius après un instant de réflexion. De toute façon il n’y a rien d’autre à faire, reposons-nous, préparons la suite. Es-tu certain que Malefoy me contactera ?
— Non. Je ne peux être certain de rien, nous allons devoir faire confiance à ma connaissance des Mangemorts.
— Et en attendant, quoi ? On se sert des chocolats ? On s’enivre ? On se fait une partie d’échecs ? s’agaça Lupin.
— Si vous le voulez, mais on attend, répéta Snape en se resservant un verre. Ah, vous avez vraiment cru que la guerre n’était faite que de batailles grandioses… Cela fait des années que nous la menons dans l’ombre avec Albus, et elle demande de savoir attendre que l’autre joue son coup la plupart du temps…
— Après tout, oui, pourquoi pas ? s’approcha Jane le visage défait par la fatigue et l’inquiétude. Il y a un plateau, ici ? »
Severus ouvrit la bouche de surprise et l’observa longuement, avant de hocher la tête. Sirius fronça les sourcils et donna un coup de menton en direction de Harry, une fois qu’il comprit :
« Ron ne t’a pas offert un set, pour ton anniversaire ?
— Je n’osais pas le rappeler, ricana le roux en jetant un regard amusé à son ami. Il n’y a pas touché, eh ?
— Je suis nul, j’ai le droit…
— MAIS VOUS VOUS ENTENDEZ ? Poudlard est tombée, Dumbledore est mort et vous pensez à jouer ?! »
Lupin les fixait, scandalisé, le corps tremblant de colère. Sirius se leva et lui posa doucement la main sur l’épaule.
« Je te recontacte.
— Il va faire une connerie si tu le laisses partir comme ça, Black.
— Rémus, sérieusement, va te reposer. Prépare quelque chose pour Tonks si jamais ça a bardé, mais va t’occuper l’esprit.
— Black…
— Ta gueule ! cracha Sirius en plongeant son regard dans celui de son ami. J’suis sérieux, Lunard. Déconne pas, calme-toi, ne te laisse pas aller. Je te rencarde dès que j’en sais plus, okay ?
— Rejoins les Weasley, Rémus, proposa Harry.
— Non…, répliqua-t-il las. Il faut éviter les mouvements inutiles vers les planques. Le réseau est peut-être surveillé… Je vais garder ma maison, je préfère encore qu’elle puisse la retrouver sécurisée. À plus tard. »
Il jeta de la poudre d’un geste vif et échappa à la poigne de Sirius qui observa son ami disparaître la mine préoccupée. Quand le feu redevint normal, Sirius se retourna en direction de Snape et l’invectiva :
« Tu étais obligé d’insister, comme ça ?
— Tu sais très bien qu’il n’a pas une complète maîtrise de lui-même, répliqua Snape en ne lui accordant aucun regard. Il vient ce plateau ? » Ajouta-t-il à l’attention d’Harry.
Luna se leva d’un bond et s’empara du poignet de Harry pour le tirer en arrière, imité par les trois autres amis qui montèrent quatre à quatre les escaliers en direction de la chambre du Gryffondor. Restés seuls dans la cuisine, Jane, Sirius et Severus s’observaient en silence. Jane se leva pour aller dénicher quelque chose à grignoter, et Sirius se pencha vers son éternel rival.
« Tu vas ressasser cette histoire longtemps… ?
— Les gamins vous écoutent très probablement depuis la porte, hein…
— Plus maintenant, répliqua Severus après avoir agité la baguette. Si par « histoire » tu fais référence au fait qu’il est un loup-garou, alors oui, Black. Oui, je vais en reparler souvent, parce que c’est une donnée à prendre en compte.
— Pourquoi tu le traites comme s’il était différent ?
— Mais parce qu’il l’est. Sa nature le rend agressif quand la vie de sa femelle est en danger.
— De sa femme, Snape.
— De sa femelle. Elle n’est sa femme que quand il se maîtrise. Tu vas vite devoir te départir de ta naïveté si tu veux endosser une robe qui est manifestement trop grande pour toi.
— Tu ne le comprends pas, il…
— Lupin doute toujours de son choix et il ne l’assume pas, coupa Severus en plongeant son regard pour la première fois dans celui de Sirius. Il ne l’assume pas, car il a peur de la perdre comme il a perdu James, ou comme il t’avait perdu toi. Et il est terrifié à cette idée. Il se cache derrière son instinct animal, comme il l’a toujours fait, plutôt que de tenir lui-même les rênes, parce que si ça foire, il peut accuser sa part animale. C’est lâche, et cela ne regarderait que lui si ce n’était pas aussi dangereux compte tenu des circonstances. Nous avons besoin de personnes fiables pour mener cette guerre, de la discipline et du sang-froid. La peur irraisonnée n’a pas sa place à la bataille. Lupin n’est pas le seul à tenir à des gens qui risquent leur vie. »
Sirius s’adossa à sa chaise avec lenteur, comme s’il venait de prendre une claque. Il considéra gravement son vis-à-vis. Jane se rapprocha d’eux, un morceau de pain dur qu’elle mâchonnait sans conviction. Elle posa sa main sur l’épaule de Snape et fixa à son tour l’Animagus. Severus tressaillit, mais ne se dégagea pas, et un drôle de silence tomba sur eux, lourd de compréhension.
« Je ne peux te laisser Harry, croassa Sirius au bout d’un moment.
— Le garder ici serait stupide : la maison est parfaitement en vue maintenant qu’Albus est mort, et elle deviendra vite le point d’ancrage de Lord Black. Tu seras constamment surveillé et harcelé par les journalistes, les Mangemorts, et que sais-je… ? Potter ne peut demeurer ici.
— Il ne le peut parce que c’est trop dangereux, ou à cause de la mission ? »
Jane serra la main sur l’épaule de Severus et s’éloigna.
« Je vous laisse décider si vous en parlez, je vais rejoindre les gamins.
— Attendez.
— Severus, je suis une grande fille, je suis en parfaite sécurité dans cette maison… »
La réplique fit sursauter Sirius qui ouvrit la bouche de stupeur. Il les regarda tour à tour, avant que Snape ne secoue la tête :
« Je ne me fais aucun souci. Je voulais vous demander de faire venir Potter. »
Jane haussa les sourcils, et finit par acquiescer en approuvant d’un signe de tête sa décision. Elle tourna des talons quand Sirius bondit de sa chaise, baguette tirée, et que Severus l’imita immédiatement. Snape se cacha derrière le manteau de la cheminée et fit signe à Jane de quitter les lieux. Elle obtempéra sans comprendre, gardant la porte légèrement entrouverte pour écouter discrètement. Le crachotement des flammes s’intensifia, jusqu’à ce qu’elles prennent une teinte émeraude caractéristique. Sirius braqua sa baguette en direction des flammes, et accueillit la tête d’un elfe de maison qui se déforma sous l’effet de la peur :
« Toutes mes excuses, Lord Black… Lord Malefoy de la Noble et Ancienne Maison Malefoy, en sa qualité de Ministre de la Justice Magique, requiert un entretien avec vous.
— Il a mon attention. » Répondit Sirius en gardant sa baguette en main et en prenant place en face de l’âtre, et se servant un verre.
L’elfe sembla s’incliner, puis disparut, le visage parfaitement symétrique de Malefoy prit sa place. Lucius sourit très brièvement à Sirius et commença sans préambule :
« Merci d’établir cette communication au pied-levé, Lord Black. Je ne vous ferai pas l’affront de feindre d’ignorer votre implication dans la guerre… »
Il marqua un temps d’arrêt, regardant aux alentours, mais Sirius ne l’interrompit pas, sirotant lentement son verre. Derrière le manteau de pierre, baguette toujours tirée, Severus s’appuyait et apaisait son souffle afin de ne pas trahir sa présence. Quand la silhouette chevelue de Harry émana du salon où les enfants s’étaient manifestement cachés pour tenter d’écouter les conversations, Jane les intercepta dans le couloir et d’un doigt sur sa bouche les intima au silence. Le sort jeté par Severus était levé, avec un peu de calme, ils entendraient l’entière conversation.
« Aussi, je vous contacte pour vous tenir informé en tant qu’allié et Lord. Poudlard est désormais sécurisée, un détachement de la Brigade d’Intervention Tactique d’Elite, mené par les Aurors Fiertalon et Tonks, a reprit entièrement le château. Les pertes sont négligeables. À l’exception de la mort du Directeur – qui devait déjà être à votre connaissance, nous ne déplorons que quatre autres morts.
— Lesquelles ? coupa Sirius, incapable de garder un masque froid.
— Minerva Mc Gonagall, Sybille Trelawney, Fillius Flitwick et Argus Rusard. »
Dans les couloirs, Ron porta son moignon à sa bouche par réflexe pour s’empêcher de crier, et Harry se mordit la lèvre. Jane leur lança un autre regard, échangeant avec eux cette sourde douleur. La mort de ses anciens collègues lui tomba rudement sur la poitrine, et elle refixa son attention sur la porte pour s’éviter de repenser à Minerva.
« Néanmoins… reprit Lucius. Aucune baguette de la Brigade n’est tombée. Les Aurors font actuellement leur débriefs et seront libres de se reposer par la suite. »
Severus fronça les sourcils en priant Merlin que Sirius ne laisse rien transparaître. De toute évidence, Malefoy cherchait à savoir si le sort de Tonks importait autant que prévu. D’une voix chargée d’émotion, Sirius enchaîna :
« Au regard de la gravité de l’attaque, nous pouvons, je suppose, nous estimer chanceux.
— Cela est moins dû à la chance qu’à l’efficacité de notre collaboration, corrigea Lucius. Néanmoins, le grand public ne pourra connaître les détails de l’opération…
— Et les enfants ? coupa Sirius en pressentant la suite.
— Le Département concerné se charge déjà de leur bien-être. Nous sommes toujours actuellement en train de les recenser… »
Nous y étions. Tout le monde se tendit dans la pièce et dans le couloir. Lucius sembla percevoir la raideur de Sirius, car il prétexta chasser une mèche de cheveux – pourtant impeccablement peignée – pour dissimuler un rictus satisfait.
« Venez-en au fait, s’agaça Sirius.
— Vous êtes direct. C’est une bonne chose en ces temps particuliers. Le Premier Ministre me demandera des comptes quant à la sécurité de Harry Potter et des siens. L’attaque du Terrier, puis l’attaque sur Poudlard laissent clairement à penser qu’il était visé, et…
— Voldemort et ses Mangemorts ont tendance à s’en prendre à lui, oui. » Coupa Sirius d’un air entendu.
Severus ferma les yeux lentement et inspira doucement et très profondément pour s’empêcher de maugréer. Derrière la porte, Jane fit une drôle de grimace à l’attention d’Harry qui haussa les épaules.
« Quoi qu’il en soit, reprit Malefoy comme s’il n’avait pas été interrompu. Le Ministère souhaite assurer sa protection et…
— Votre offre est généreuse, Monsieur le Ministre, mais je suis pour l’heure le seul tuteur légal de Harry et j’assume pleinement ce rôle.
— Avec efficacité, complimenta Malefoy. C’est d’ailleurs la position que je me suis permis de défendre. Néanmoins, néanmoins la sécurité d’une figure aussi importante est primordiale, le grand public va avoir besoin de gages…
— La réussite de votre opération sur Poudlard devrait suffire. » Coupa Sirius les dents serrées.
Severus retint de justesse un soupir d’agacement, mais Lucius, lui, ne put contenir un sourire de satisfaction. Il inclina la tête, les flammes dansant pratiquement dans ses yeux, lui donnant un aspect presque inquiétant.
« C’est très judicieux, Lord Black. Par la suite, sachez que nous organiserons les funérailles de Dumbledore et que vous recevrez une invitation. Du reste…
— Publique ?
— Naturellement, Poudlard reste une école et le Ministère n’a pas l’intention de ployer le genou face à la menace.
— Qui va remplacer Albus, puisque Minerva elle-même a été tuée… ?
— Le Conseil de l’école a décidé de nommer Horace Slughorn. » Répondit Lucius d’un ton égal.
Harry écarquilla les yeux en entendant cela, s’approchant doucement de la porte pour tendre l’oreille plus encore.
« Soit. Que dois-je savoir d’autre ?
— La lecture du testament d’Albus Dumbledore se fera avant la cérémonie, afin que nous respections ses dernières volontés concernant ses funérailles. S’il advenait que cette lecture requiert une entrevue entre votre pupille et le Premier Ministre…
— Je ne vois pas pourquoi, s’empressa de dire Sirius. Mais nous aviserons à ce moment.
— Bien. Je suis heureux que l’alliance proposée par Dumbledore perdure après sa mort. Lord Black, si vous n’avez pas d’autres questions, je n’abuserai pas davantage de votre temps.
— Cela ira, Lord Malefoy, merci de m’avoir informé.
— C’est mon devoir. Transmettez mes hommages à Lord Potter. »
Le feu reprit sa teinte normale et dans la cuisine, la température retrouva quelques degrés. Sirius se retourna en direction de la table et se resservit un verre, n’osant croiser le regard avec Snape qui sortait de sa cachette. La porte de la cuisine s’ouvrit brusquement sur Jane et ses comparses qui reprirent place en regardant attentivement l’Animagus.
« Quoi ?! » Finit-il par postillonner, agacé.
Severus inspira une nouvelle fois et articula lentement, comme s’il était mentalement limité.
« Tu devrais directement entrer à son service, tu gagnerais du temps…
— Qu’est-ce que j’ai mal dit ?
— Tout ? À ton avis, que voulait Malefoy ?
— Savoir où était Harry, le rencontrer.
— Non, corrigea sèchement Snape en plissant des yeux. Il le savait déjà, il n’est pas stupide. Il voulait ton autorisation officielle pour utiliser NOTRE action à Poudlard à SES fins. Ce n’est plus nous qui avons fait évacuer Poudlard après une attaque-surprise, mais la Brigade qui vient de prouver son utilité en sauvant une dizaine de pauvres enfants apeurés.
— Ah…
— Comme tu dis. Les titres de demain sont tout trouvés… s’agaça Severus.
— Il devait savoir, ou se douter que ça arriverait, non ? N’a-t-il pas laissé Delorme et Oaken parler de sa mésentente avec Scrimgeour à propos de la Brigade ?
— Oh, il devait s’en douter autant que moi, Jane. Mais l’alcool fait toujours autant de miracles sur votre esprit : il avait dû préparer le coup.
— L’enfoiré de…
— Monsieur Weasley ! On aura compris.
— Pourquoi c’est Slughorn qui a repris la Direction de Poudlard ? s’inquiéta Harry. Pourquoi lui ? Snape, vous croyez qu’il…
— Weasley, Granger, Londubat et…
— Non, elle sait déjà, coupa Harry.
— Mais qu’est-ce que… ?! Bon, s’interrompit Severus en sentant sa patience mise à rude épreuve. Soit, qu’elle reste. Mais vous autres allez donc chercher cet échiquier et ne revenez que lorsqu’on vous l’aura demandé.
— Mais Harry…
— Faites ce qu’il demande, s’il vous plaît ! coupa leur ami. Et faites-nous un peu confiance, c’est pour votre sécurité. »
Ils rechignèrent, mais finirent par s’en aller. Jane leva un sourcil en direction de Severus qui secoua la tête.
« De toute façon, vous partirez bientôt, je peux très bien vous… »
Ron claqua la porte plus fortement qu’il ne l’avait imaginé, agacé d’être remisé en arrière. Jane sursauta dans la cuisine, ce qui augmenta son malaise face à ce qu’elle percevait comme une menace :
« Nous en reparlerons, promit-elle. Mais si vous suggérez un sortilège d’oubliettes, je vous conseille de le faire de dos avant que je vous…
— C’est dingue ! Calmez-vous Jane ! Je ne vous avais jamais vu autant en colère après lui…
— Ça n’est pas le propos, contra Severus. Comment se fait-il que Miss Lovegood soit au courant, Potter ?
— Elle était là dans la Salle sur Demande.
— Pouvons-nous en venir aux faits ?
— Slughorn, acquiesça Severus.
— Non, la mission de Harry. C’est de ça dont tu voulais nous entretenir, Snape…
— En effet, et c’est pour cela que je vais répondre à Potter en priorité. Soit Il sait pour votre quête, et auquel cas notre lutte est pratiquement perdue d’avance… Soit Il l’ignore, mais veut garder auprès de lui un élément aussi compromettant…
— Mais pourquoi ne pas le tuer pour étouffer toute l’affaire ?
— Il est possible qu’il le récompense, répondit Severus après un instant de réflexion.
— Qui récompense qui et pourquoi, Severus ?
— Le Seigneur des Ténèbres a obtenu quelque chose de Slughorn il y a des années. Quelque chose qui a changé la face de la guerre et qui lui a permis de survivre après les événements de Godric’s Hollow.
— Est-ce que la prophétie…
— Laisse les prophéties où elles sont, Black. Pour ce qui nous intéresse, Slughorn était simplement un Directeur de Serpentard particulièrement séduit par un jeune homme particulièrement séduisant. Mais vous préférez peut-être en parler vous-même, Potter… ? »
La question mit très mal à l’aise Harry qui se tortilla sur sa chaise en le fixant avec appréhension.
« Franchement, vous en connaissez un rayon aussi sur sa capacité à séduire les foules, non ? répliqua-t-il insolemment.
— Oui, mais je n’ai pas vu ce que vous avez vu. Je ne connais que le visage qu’il a actuellement, je ne sais rien de ce qu’il était à l’époque. »
Harry cligna des yeux, surpris que Severus passe si facilement sur son sous-entendu. Il inspira profondément et expliqua :
« J’ai pu voir des souvenirs de gens qui ont vu Tom. Je l’ai vu également lorsque nous nous sommes affrontés dans la Chambre des Secrets. Il sait y faire. Il est un Serpentard.
— Il est Serpentard, coupa Jane en fronçant les sourcils.
— Oui, c’est plus juste. Slughorn adore les gens brillants, il ne prend pas réellement de position dominante dans la société, il le fait via ses petites pépites de collection. Et Tom en faisait partie, évidemment. À force de flatteries, il a pu s’en rapprocher assez pour lui poser des questions interdites sur une magie interdite. Est-ce que tu sais ce qu’est un Horcruxe, Sirius ? »
Son Parrain fronça les sourcils en se reculant sur son siège, se grattant le menton où poussait son éternelle barbe naissante.
« Non, mais j’ai déjà lu ce mot quelque part… Ce qui ne serait pas étonnant compte tenu d’où je viens.
— C’est un procédé qui permet de fragmenter l’âme et de conserver les fragments pour assurer sa survie.
— L’âme ? Mais comment… Et où ? s’inquiéta Jane.
— Un journal… comme celui que j’ai détruit en deuxième année et qui a produit ce qu’on croyait être le souvenir de Tom… C’était son âme. Mais des animaux aussi, Dumbledore pensait que Nagini est un Horcruxe… Et on pense qu’il a séparé son âme en sept parties, soit six Horcruxes… Le journal est détruit, une bague qui servait de réceptacle l’a été par Dumbledore cet été – c’est le sortilège qui la protégeait qui a détruit sa main ! Nous avons trouvé le diadème de Serdaigle avec Luna et lui dans la Salle… Et ce midi nous revenions tout juste d’une nouvelle découverte… Il nous en reste plus qu’un à trouver à l’exception du serpent, et Dumbledore pensait savoir ce que c’était. Une fois qu’on les a, on les détruit et ensuite, seulement ensuite on pourra vaincre Voldemort… »
Severus grimaça au nom de son ancien Maître et Sirius reprit une lampée de whisky qui accentua sa faim grandissante. Jane observait Harry avec effarement.
« Tu parles d’une mission… craqua-t-elle. Frodon, lui, n’avait qu’UN seul anneau à détruire… »
Severus écarquilla les yeux sous le choc d’une révélation inutile pour la bataille, mais profondément perturbante. Jane capta son regard et hocha la tête :
« Vous connaissez le Seigneur des Anneaux, donc… on est d’accord, c’est pas moi qui débloque : Tolkien parle exactement de la même chose !
— Quoi ? s’agaça Sirius qui se sentait perdu.
— Une histoire où il faut détruire le mage noir en jetant son anneau dans un volcan, éluda Jane. Quoi qu’il en soit c’est loin d’être drôle, six vous dites, Harry ? Vous en avez détruit deux, vous en avez deux en votre possession et…
— Non. Le diadème n’est pas en ma possession, justement. C’est Dumbledore qui l’a récupéré pour le mettre en lieu sûr la veille du Réveillon de Noël.
— C’est pour ça que tu es arrivé trop tard pour prendre le train ! s’exclama Sirius.
— Pas… tout à fait…, se délecta Snape en croisant le regard avec Harry qui détourna immédiatement les yeux en rougissant.
— Le diadème est soit à Poudlard, soit en lieu sûr gardé par Dumbledore…
— LE TESTAMENT ! s’écria Jane. Ce putain de testament ! C’pour ça que Malefoy en parlait, il SAVAIT qu’Albus allait vous laisser quelque chose Harry et il voulait savoir si nous avions une idée derrière la tête… !
— Très probablement, acquiesça Sirius.
— Nous verrons, de toute façon, je vous ai dit que nous en avions trouvé un ce midi. Nous sommes allés dans une grotte en bord de mer… Ça… Ça a été terrible, murmura Harry. Ce qu’il y a bu l’a considérablement affaibli.
— De quoi parlez-vous, Potter ?
— De la grotte ! De ce qu’elle gardait ! Il y a avait des inferis, et surtout : le médaillon était dans une sorte de potion qu’il a dû boire et qui le torturait, je crois… À la fin, il pleurait qu’il était désolé, qu’il voulait mourir…
— L’élixir du désespoir, intervint Severus le visage tendu. Dire que ça l’a affaibli est un euphémisme insensé, j’aurais dû venir !
— Et combien aurions-nous de morts à Poudlard, Pro… Severus ? »
Harry le regarda longuement et tira de sa poche le médaillon qui avait, quelques heures plus tôt, manqué de leur coûter la vie à tous les deux. Il le déposa sur la table, et l’éclairage sommaire de la cuisine se refléta sur son métal poli et légèrement oxydé par le temps.
« C’est… C’est assez banal… Il faut le jeter dans le feu ou un truc dans le genre pour qu’il révèle ses secrets ? demanda Jane.
— Il me semblait que dans le souvenir, il… »
Mais Harry s’interrompit en fronçant les sourcils. Il lui semblait que dans son souvenir, le médaillon disposait d’un léger « S » gravé élégamment.
« Qu’y a-t-il Potter ?
— Quelque chose cloche, je sais pas… »
Severus se tendit, tirant sa baguette et s’approchant de son élève avec suspicion.
« Que voulez-vous dire ?
— Je ne sais pas, dans la pensine, il me semblait qu’il avait l’initiale de Serpentard sur le capuchon, mais…
— Ouvrons-le ! proposa Sirius en tirant sa propre baguette.
— NON ! hurla Snape. Qu’est-ce que tu n’as pas compris dans le fait qu’Albus allait en mourir ? Laissez-moi faire ! »
Il posa légèrement sa baguette le long de l’objet, lèvres remuantes à peine. Chacun d’eux retint sa respiration, jusqu’à ce qu’il recroise le regard dubitatif de Harry. Severus n’aima pas voir que le jeune homme arrivait instinctivement aux mêmes conclusions que lui. Il fit un geste sec de la baguette :
« Accio médaillon ! »
Le petit objet lui sauta dans les mains et il fronça immédiatement les sourcils, Harry pâlissant à vue d’œil. Severus amorça un geste avant de finalement le lancer directement à son cadet qui s’en saisit.
« Pourquoi… ?
— Parce que vous avez été là quand il l’a bue. » Répliqua Severus avec respect.
Après un hochement de tête, Harry ouvrit le médaillon d’un geste brusque et jura. Il tira de l’objet un parchemin plié avec soin en quatre et le lit à voix haute :
« Au Seigneur des Ténèbres,
Je sais que je ne serai plus de ce monde bien avant que vous ne lisiez ceci, mais je veux que vous sachiez que c’est moi qui ai découvert votre secret. J’ai volé le véritable Horcruxe et j’ai l’intention de le détruire dès que je le pourrai. J’affronte la mort dans l’espoir que lorsque vous rencontrerez un adversaire de votre taille, vous serez redevenu mortel.
R.A.B. »
Le feu crépita dans l’âtre, et Jane, Luna et Harry s’adossèrent à leur chaise dans un mouvement las. Severus ferma les yeux un instant, réfléchissant intensément et se remémorant les mots indéfiniment. Le bruit que le verre de Sirius fit en se reposant brutalement sur la table les fit tous frissonner.
« Merde… balbutia-t-il… R.A.B… C’est mon frère. »