Le premier week-end de novembre apporta la joie de la toute première sortie à Pré-au-Lard, mais également le vent glacial de Norvège. Les violentes bourrasques charriaient de rares flocons de neige qui fondaient sitôt touchés le sol. Les jours raccourcissaient drastiquement, et la luminosité décroissait, se teintant de gris et de mauve.

Malgré la monotonie de la rentrée, les élèves du Collège de Poudlard étaient plus vifs qu’ils ne l’avaient été depuis quelques semaines. Les fillettes se paraient de leur plus beau manteau, et les garçons tentaient tant bien que mal de paraîtres virils malgré leurs coupes de cheveux spartiates. Pressés d’être libérés de l’atmosphère pesante de l’école, les étudiants se plièrent à l’examen réglementaire de leurs autorisations de sortie. Fort heureusement pour Harry Potter, c’était encore le Professeur McGonagall qui fut en charge de cet exercice. L’Écossaise ne s’offusqua donc pas lorsque le jeune homme lui présenta un papier signé par le fameux fugitif : Sirius Black.

Le trio d’or, mené inhabituellement par Hermione Granger, dépassa bien vite la cohorte d’adolescents pour zigzaguer en direction du village sorcier. Furetant un coup du côté de la boutique de Zonko sans rien acheter, s’arrêtant devant les Trois-Balais sans y entrer, puis tirant jusqu’aux abords de la Cabane Hurlante. Les jeunes gens, qui pensaient ainsi tromper leur monde, ne réussirent qu’à attirer l’attention d’une paire d’yeux fouineurs.

Délaissant ses deux gorilles malhabiles, Draco Malefoy remonta le col de son manteau sur ses joues, et se faufila dans la foule pour pister son ennemi. Le Serpentard prenait grand soin de laisser une certaine distance entre le petit groupe et lui, n’hésitant pas au besoin à s’arrêter pour regarder faussement une vitrine. Le trio avançait toujours d’un air définitivement trop décontracté pour ne paraître suspect. Les quelques coups d’œil craintifs que jetait Potter terminèrent de convaincre sa Némésis qui ne put retenir plus longtemps un rictus victorieux. Cette fois-ci, le Survivant ne s’en sortirait pas à si bon compte !

La Sang-de-Bourbe s’arrêta soudainement, avant d’étirer le cou pour regarder par-dessus la foule. Elle marmonna quelque chose à l’égard de ses comparses, avant de faire un signe de tête, et de disparaître derrière la porte de la Tête de Sanglier. Le blond hésita un instant à les suivre. Quelle que soit la raison de leur présence ici, si les Gryffondors avaient opté pour un établissement aussi inhabituel et peu recommandable que celui-là, c’est qu’ils comptaient bien comploter. Mais l’héritier Malefoy n’y était jamais entré. Il ne pouvait donc être certain d’une cachette adéquate une fois à l’intérieur.

Décidant finalement de se dissimuler derrière le muret qui entourait l’établissement, Draco patienta une dizaine de minutes avant de voir un ballet intrigant. Un à un, d’autres élèves de Poudlard entrèrent, avec l’air de conspirateurs, ou de gens se prenant pour des espions de Sa Majesté. Il vit défiler sous son regard acier les jumeaux Fred et George. Suivis d’une bonne partie des Gryffondors de cinquième et sixième années. Quelques Poufsouffles leur emboîtèrent le pas, et une poignée de Serdaigles, dont l’attrapeuse de l’équipe de Quidditch, une certaine Tchang d’après ses souvenirs, flanquée d’une gamine à l’air renfrogné.

Il rongea son frein quelques minutes encore, s’assurant que plus aucun autre étudiant ne les rejoindrait, et se risqua à sortir de sa cachette pour se pendre aux fenêtres rendues opaques par la crasse.

Il avait beau plisser des yeux, le jeune homme ne parvenait qu’avec peine à distinguer deux groupes à l’intérieur. Le premier, constitué naturellement de la Bande à Potter, et le second comportant tous les visiteurs. Draco n’entendait strictement aucune parole prononcée, mais ce qu’il parvenait à saisir du langage corporel des protagonistes lui fit comprendre que le Balafré devait être en train de leur parler de la mort de Cédric. L’air profondément désespéré de la Tchang lui confirma son hypothèse.
Le Serpentard resta là un moment durant, ses membres s’engourdissant sous l’effet du vent, à les regarder discuter. Plus le temps passait, et plus les vitres s’entouraient de buée provoquée par la chaleur des corps à l’intérieur. Draco eu le réflexe humain, mais profondément inutile, de vouloir essuyer la fenêtre d’un coup de manche. Il se reprit in-extremis, au moment où passait devant lui l’un des jumeaux Weasley. Le rouquin lui faisant dos, il ne pouvait voir la tête bien trop proche de Malefoy, qui en profita pour coller une oreille rougie par le froid, contre le verre glacial, espérant entendre ce qui se tramait dans ce bouge.

Dans le brouhaha étouffé, il entendit quelques mots tels que « Entraînement », ou encore « Rassemblement », mais ne put en saisir davantage : à l’intérieur, George ou Fred, peut importait, se déplaça pour prendre la parole d’une voix enjouée.

Draco ne tenta pas sa chance plus encore, et s’enfuit prestement, ayant suffisamment d’éléments pour ennuyer Potter. Oh ! Il ne savait absolument rien, il est vrai. Ni n’avait de preuve. Peut-être que Potter et sa bande ne préparaient rien de bien méchant après tout… Mais habilement expliqué, un air profondément innocent collé au visage, Draco savait qu’il pouvait faire des merveilles s’il venait à rapporter tout ceci à la Grande Inquisitrice.

Fier de lui, et peinant à étouffer un ricanement purement infantile, l’héritier Malefoy s’en retourna au château, un sourire aux lèvres.

« Il nous faut un nom ! » S’exclama George en s’avançant.

La petite troupe d’élèves s’ébroua sous les murmures, chacun acquiesçant plus ou moins mollement.

« Mais un nom qui envoie ! On va tous signer un papier, tu disais Hermy ? Donc, il nous faut un nom de club ! Continua le roux en adressant un clin d’œil à son frère jumeau.

— Pourquoi pas le Club Harry Potter ? Proposa Crivey en souriant béatement.

— Ne dis pas de bêtise, Colin ! Souffla Ron dans un soupir d’exaspération. Nous sommes là pour apprendre à nous défendre, pas pour adorer le Survivant !

— Alors le Club d’entraînement d’Harry Potter ! S’obstina le garçon.

— Non, non, Colin… Murmura Harry d’un air gêné. Il n’est pas question que mon nom soit dans le titre, je ne vais que vous aider, pas vous mener. »

De nombreuses voix s’élevèrent à mesure que les futurs membres du groupe trouvaient des idées. On proposa pêle-mêle : Les Baguettes BrandiesL’Eclair de RébellionLe Club de Sortilèges AvancésLa Défense Contre les Forces du Mal Correctement EnseignéeL’Anti-Crapaud, et enfin : Le Club Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom.

Assis inconfortablement sur un tabouret, Harry échangeait avec Ron et Hermione des regards désespérés. Les noms fusaient dans une cacophonie insupportable, leur donnant mal à la tête. Tentant de reprendre le contrôle de cette réunion qui s’éternisait, la lionne haussa plusieurs fois la voix sans succès, jusqu’à ce que la jeune Ginny leur hurle tous très élégamment de la fermer.

« Merci Gin’… Il n’est pas nécessaire que l’on ait un nom, vous savez, l’important, c’est surtout que chacun garde bien secret ce qu’il s’est passé ici, et que l’on trouve un endroit où s’entraîner. Expliqua Hermione.

— Mais oui ! S’exclama une nouvelle fois le petit Colin en se frappant le front. Qu’est-ce qui s’entraîne ? Une armée ! Et si on disait que l’on s’appelait l’Armée d’Harry Potter ?!

— C’est toujours aussi stupide, Colin ! Maugréa Ron. D’autant qu’Harry n’est pas une grande menace, non plus. Pardon mon pote, mais il nous faut quelque chose qui fasse frémir Ombrage.

— Alors… Pourquoi pas l’Armée de Dumbledore ? C’est ce que craint le Ministère, non ? Et puis ne me dis pas qu’il ne fait pas frémir, lui… Proposa Seamus d’un air supérieur.

— Non ! Contra Harry plus abruptement qu’il ne l’aurait voulu. Je veux dire… Dumbledore n’a pas grand-chose à voir avec cette décision… Non ?

— Tu as raison, Harry. Acquiesça Ron pensif. Pourquoi pas l’Armée de Smith ? Après tout, l’idée d’Hermione vient des petites réunions de cette femme, non ? Et puis, ça lui ferait plaisir, j’en suis certain !

— Ça lui apporterait surtout de gros problèmes si jamais on était découvert, Ronald. Contra la Gryffondor en reniflant devant le sous-entendu. Je me suis peut-être inspirée d’elle, mais l’idée…

— Hermione ! Coupa Harry en se redressant soudainement. Qu’est-ce que tu viens de dire ?!

— Qu’à la base, c’était mon idée, et que…

— Non, au sujet du nom et de Smith.

— Eh bien, qu’elle aurait de gros ennuis si ça venait à se savoir ! Imagine un peu Harry : elle est déjà accusée d’avoir tenté de pervertir la jeunesse à Poudlard, alors…

— Mais, oui, exactement ! »

Le Survivant ouvrit plusieurs fois la bouche, comme pour expliquer son idée, mais la referma aussitôt, semblant chercher à terminer son raisonnement. Il arpenta la pièce de long en large, réfléchissant intensément, et inquiétant son meilleur ami devant le sourire goguenard qui se dévoilait peu à peu sur son visage. Ron haussa un sourcil interrogateur en direction de Hermione, qui secoua la tête, sans comprendre où le brun voulait en venir. L’Attrapeur fini néanmoins par s’arrêter, alors que son regard émeraude étincelait de malice :

« On va faire ça. On va assurer nos arrières, et apporter de gros problèmes à cette harpie. Susurra-t-il d’une voix enjouée.

— Heu… Mec ?

— Harry ? Je croyais que tu aimais bien Smith…

— Ouais. Mais pas Elle… Et si ça se sait, Elle aura de gros, GROS problèmes ! »

Avant même que ses amis ou les autres élèves présents ne purent lui réclamer de plus amples explications. Harry se saisi d’une plume et d’un encrier, releva théâtralement sa manche, avant d’inscrire lentement et distinctement sur le parchemin :

ARMÉE D’OMBRAGE

***

Samedi 5 novembre, Bureau de Dolorès Ombrage,

La porte se referma sur Draco Malefoy, tandis que la Grande-Inquisitrice de Poudlard s’autorisait enfin à respirer. Dans l’excitation du moment, l’infâme bureaucrate ne s’était pas rendue-compte qu’elle retenait son souffle. Un rire suraigu de petite fille se répercuta sur les murs tapissés d’assiettes aux chatons peints. Elle se sentait fébrile, comme une gamine à qui l’on promettait une superbe friandise sucrée, aux proportions titanesques, sous réserve de patience.

Parce qu’elle allait devoir en faire preuve ! Ce que le garçon lui avait rapporté était inespéré. Après avoir dû endurer la déception de ne plus l’avoir en retenu, Dolorès guettait avec avidité le moment où le fils Potter commettrait un faux pas.

Et voilà que cette petite fouine de Malefoy lui promettait d’avoir vu de ses yeux vu, Potter et sa bande, fomenter un complot dans le boui-boui de la Tête de Sanglier. Ainsi donc ce petit menteur ne se contentait plus de colporter de fausses rumeurs au sujet d’un hypothétique retour de mage noir, il semblait déterminé à s’entraîner, comme le lui avait expliqué Draco, et cela dans le but… ?

Lequel, au juste ? S’attaquer à elle ? Propager la panique au sein de l’école ? Renverser le Ministère, peut-être ? Cela était très probable !

L’ancienne Serpentarde pépia de plaisir. Tout se tenait à présent ! Dumbledore utilisait très possiblement Potter comme un pantin, le destinant à détourner l’attention de ses véritables objectifs : le pouvoir. A n’en pas douter, le vieillard devait se servir des mioches pour constituer une armée qu’il comptait, au moment opportun, déverser sur le Gouvernement.

Satisfaite de son raisonnement, elle se resservit une tasse de thé, et prit sa plus belle plume, avant de rédiger une lettre à l’attention du Ministre de la Magie, lui faisant part de ses inquiétudes, et conclusions. Puis, elle sortit de son tiroir sa plume à papote, ainsi que son bloc de parchemins spécialement pré-remplis, et se leva, sirotant son thé, tout en déambulant dans la pièce :

« Décret, numéro… Numéro quarante-quatre ! Toute organisation, tout rassemblement d’élèves se voient pas la présente interdits, et doivent être sur-le-champ dissous. Les élèves contrevenant à ce décret se verront punis sévèrement par la Grande-Inquisitrice de Poudlard, Dolorès Ombrage, Professeur de Défense Contre les Forces du Mal. »

Elle termina de vider le contenu de sa tasse, et coula un regard en direction du bloc, où s’inscrivaient les nouvelles consignes. Hochant la tête d’un air proprement satisfait, elle détacha le parchemin, avant de s’adresser directement à l’un des innombrables félins qui ornaient les lieux :

« Minoutti, va donc me chercher Rusard. »

Le petit chat ronronna et s’éclipsa, passant d’assiette en assiette avant de disparaître totalement. Retournant à son bureau, Dolorès s’abîma un long moment dans une réflexion, tripotant machinalement un poil dru qui poussait sur son menton. Si elle voulait découvrir ce que tramait véritablement Dumbledore, et ainsi pouvoir l’évincer, elle aurait besoin de preuves. Et pour ce faire, d’enquêteurs, et de pistes. Elle pensa tout d’abord à surveiller le courrier des élèves, et plus particulièrement celui de Potter, mais concernant les fouineurs à son service…

Elle plissa des yeux lorsqu’elle repensa à Malefoy et à son évident plaisir à pratiquer la délation. Elle ne doutait pas que le blond était venu la voir dans un but qui lui était propre : celui de nuire à Potter. Il faudrait donc à Ombrage la possibilité de payer les informations. Sans surprise, les Serpentards seraient les premiers à accepter de l’aider, mais pas sans avantage. Des privilèges peut-être… ? Son ancienne maison a toujours adoré jouir de pouvoir sur les autres. Des points supplémentaires ?

S’attelant avec excitation à son nouveau projet, la Grande-Inquisitrice entreprit de fouiller dans le règlement de l’école et dans les différents alinéas du décret l’ayant promue tout ceci, afin de dénicher l’article qui lui permettrait de créer son groupe d’intervention, et d’avoir le droit d’instaurer un filtre à hiboux.

« Harry,

Tu sais que je ne suis pas doué pour ces choses-là. J’ai beaucoup repensé à notre dernière discussion, et je voulais te dire que ce n’était pas grave si tu ne ressemblais pas à ton père. je ne te prends pas pour ton père, et je suis heureux que tu sois toi.

Je sais que tu te sens seul, mais tu ne l’es pas. Tu m’as moi, tes amis, et je crois d’autres alliés que tu vois fréquemment reconnaîtras. Tu peux te tourner vers moi au besoin. Par lettre, ou même si tu le souhaites, de vive voix.

Mais tu refuseras probablement que je prenne ce que tu appelles un « risque inconsidéré ». N’oublies cependant pas, que je suis prêt à le faire pour toi.

Je veux que tu saches que je suis là si tu as besoin, même s’il ne s’agit que de parler de Quidditch, ou de filles. Je ne suis pas ton père, je sais, mais… N’hésite donc pas.

Bisous Avec toute mon affection,

Sniffle»

Harry regarda la lettre de son parrain avec amusement, et émotion. Il était touché que Sirius se décide à le contacter non pas pour savoir ce qu’il se passait à l’école, mais pour savoir comment il allait. Ce soudain changement lui fit un bien monumental, et il sourit, en pensant à toutes les ratures et tournures maladroites de l’homme. L’Animagus faisait manifestement un gros effort, comme s’il n’avait plus l’habitude d’être autre chose qu’un fugitif.

Mais pour l’heure, le garçon ne savait pas trop comment lui répondre. Devait-il lui parler de ses rencontres avec Smith ? Du fait que Ron commençait à le charrier au sujet de Cho ? De ce qu’Ombrage lui avait fait subir… ?

Tout se bousculait, il y avait tant de choses à dire ! Et la plupart, il en parlait déjà à son ancienne enseignante. Il ne ressentait pas nécessairement le besoin de parler de ses problèmes à une personne supplémentaire. Il voulait surtout discuter avec Sirius, de lui, de ses parents, de la vie qu’ils avaient eue avant la guerre. Tout ce qui ne se rapportait pas à Voldemort ou aux récents événements finalement.

Quoi qu’à la réflexion, il avait bien une question à poser à son parrain…

***

Appartements de Jane Smith, quelques jours auparavant,

Harry jouait avec un bouchon accroché à une ficelle avec Merlin. Le chat s’était rapidement habitué à ce que le jeune homme vienne rendre visite à sa Maîtresse, et, en l’absence de l’homme en noir qui ne venait plus assez à son goût, le félin s’était rapproché du Survivant. Il était donc de coutume qu’ils s’amusent tous les deux, tandis que Jane posait d’inlassables questions au garçon, écoutant avec intérêt ses réponses.

Ce soir-là, le Gryffondor riait à gorge déployée, devant les cabrioles de l’animal, ce qui tira un sourire satisfait à la Moldue :

« Vous semblez d’excellente humeur en ce moment, Harry. Releva-t-elle. Est-ce la reprise des sorties à Pré-au-Lard qui vous plaît tant ?

— Il y a de ça… Commença prudemment le garçon. Disons que je fais ce que vous m’avez dit : je me fais discret, tout en me rapprochant de mes amis.

— C’est une bonne chose que vous soyez sorti de votre cocon.

— Oui, et on s’amuse beaucoup ensemble ! Ajouta-t-il désinvolte.

— La dissolution de l’équipe de Quidditch ne vous pose pas plus que ça de problèmes ? Rebondit la scribouillarde surprise.

— Heu… Non… J’ai trouvé d’autres activités.

— Telles que… ?

— Eh bien… »

Comme pris en faute, Harry suspendit son bras, la ficelle pendant mollement au-dessus d’un Merlin qui continuait de sautiller pour attraper le bouchon, en vain. Le jeune homme jeta un regard en coin à Jane, et constata qu’il avait sa pleine attention. Il se maudit intérieurement, lorsqu’il comprit qu’elle ne le laissera pas en paix tant qu’elle n’aurait pas d’explication. Il grimaça, avant de reprendre son jeu avec l’animal, feignant une apparente décontraction.

« Vos réunions cachées, par exemple. Tenta-t-il en se demandant si elle le croirait ou non.

— C’est vrai, nous sommes de plus en plus nombreux, et cela vous permet de discuter avec d’autres élèves. Enfin… Tant qu’Ombrage ne nous tombera pas dessus avec son dernier décret. » Soupira Jane.

Il ne répondit pas, et recommença à s’intéresser totalement à Merlin. Jane se leva, et alla chercher un pichet de jus de citrouille et deux verres. Harry comprit que c’était pour lui le signal qu’il fallait se reconcentrer sur la conversation. Smith faisait systématiquement ça : quand il rechignait à lui parler, elle lui servait un verre, et trinquait avec lui à « un nouveau jour à Poudlard sans décret ». Ils faisaient tous les deux régulièrement les comptes, plus par cynisme que par réel amusement.

Jane revint vers lui, et lui tendit un verre, avant de se rasseoir dans son fauteuil. Comme toujours, elle sirota son jus en grimaçant légèrement. Depuis le temps qu’ils se voyaient, Harry avait rapidement comprit que la jeune femme détestait ce breuvage, et faisait semblant de l’apprécier pour qu’il ne se sente pas seul dans son geste. La raison de ce manège lui échappait, mais au vu des trésors de patience qu’elle déployait à son égard, le garçon n’osait pas lui dire qu’il n’était pas dupe, et qu’elle pouvait arrêter de s’infliger ça.

Après une gorgée, qu’il apprécia comme à son habitude, il accrocha son regard à son aînée, qui semblait attendre poliment qu’il explicite. Quel imbécile ! Était-il obligé d’évoquer l’AO ? Certes, la toute première réunion s’était déroulée mieux qu’il ne l’avait espéré. En premier lieu, ils avaient trouvé l’endroit idéal : la Salle sur Demande. Puis, Harry avait découvert qu’il n’aimait pas seulement pratiquer la magie, il aimait l’enseigner.

Voir tous ces jeunes gens réunis dans le but de progresser pour eux-mêmes, mais également dans un objectif commun, lui avait permis de se sentir épaulé, et de se trouver un but. L’ambiance dans la Salle Commune de Gryffondor s’en était d’ailleurs trouvée fortement changée. On ne le regardait plus comme un monstre ou un menteur, mais comme un ami. Et, même si tous les membres de l’AO n’étaient pas totalement convaincus du retour de Voldemort, ils ne prenaient plus Harry pour un fou. Perdu dans ses réflexions, il sursauta lorsque Jane reprit la parole :

« Harry, est-ce que vous êtes certain que vous n’avez rien à me dire ? » Lui demanda-t-elle soupçonneuse.

Le Survivant pâlit légèrement, se demandant si – par un prodige inexplicable – elle avait eu vent de leur affaire. Il chercha rapidement un sujet à utiliser comme dérivatif, lorsqu’il repensa à ce que Ron lui avait chantonné la veille : Harry Potter, le Sauveur Harry Potter le Tombeur.

« En fait, Bredouilla-t-il en rougissant devant le sujet abordé, Ron n’arrête pas de me traquer à propos d’une fille… »

Cela eut l’effet escompté, Jane se mordit l’intérieur de la joue pour s’empêcher d’éclater de rire, et tenta de reprendre contenance devant l’embarra évident de son ancien élève. Elle cligna des yeux plusieurs fois, avant de lui demander, ostensiblement amusée :

« C’est ça que vous me cachez ? Une histoire d’amour ?

— Ce n’est pas une histoire d’amour ! Gémit le Gryffondor, en haussant le ton. C’est ce que j’essaie d’expliquer à Ron, justement !

— Allons, Harry, il n’y a pas de honte à être amoureux à votre âge, c’est normal…

— Je vous dis que…

— Bon, bon ! Calma Jane en levant les mains en signe d’apaisement, sans pour autant arriver à dissimuler plus encore son sourire. Alors, disons que c’est une histoire avec une fille, c’est ça ?

— Oui… Enfin, non ! Enfin, c’est pas ça, c’est Ron qui dit que, et moi je dis que non, et il ne veut pas me croire ! »

Entendant sa propre explication bancale, Harry se rendit compte qu’il était fort probable que cela soit plus compliqué qu’il ne voulait l’admettre. Beaucoup plus compliqué. Il se passa une main maladroite dans ce qu’il lui restait de cheveux, et se racla la gorge. Ça, pour arriver à changer de sujet, il l’avait fait !

« Disons qu’on traîne souvent entre élèves, quand on sort, ou… En cours… Et qu’il y a une fille…

— Hmm ?

— Eh bien… Elle-n’arrête-pas-de-me-regarder-tout-le-temps-et-de-me-faire-des-sourires-et-Ron-dit-que-c’est-parce-que-je-suis-un-tombeur. Débita-t-il d’une traite en baissant les yeux, les joues pivoines.

— Je vous demande pardon ?

— Bon ! Il y a une fille. Elle me regarde tout le temps, et me sourit beaucoup. Et Ron me traite de tombeur à cause de ça.

— Et ce qui vous gêne, c’est que votre ami vous charrie à ce sujet, ou que la fille en question vous regarde ? »

Le Gryffondor ouvrit la bouche pour répliquer, avant de se raviser en comprenant qu’il n’avait pas lui-même la réponse. A dire vrai, depuis le début la rentrée, il avait tenté d’éviter de regarder Cho en face. La Mort de Cédric étant encore bien trop présente dans la mémoire, il ne voulait pas fixer la jeune fille, au risque d’y lire une quelconque accusation.

Mais lorsqu’elle était venue à La Tête de Sanglier, ce samedi-là, il n’avait pu s’empêcher de ressentir du soulagement. Elle n’avait pas peur de lui, et ne le tenait pas responsable de la mort de son ex-petit ami. Cho s’était même montrée très intéressée par le projet, et, comme l’avait déjà fait remarquer Ron en lui donnant des coups de coude complices : elle ne l’avait pas lâché du regard.

Cela s’était confirmé par la suite, lorsqu’à leur première réunion, la Serdaigle avait échoué dans la réalisation simple d’un sort, sous prétexte qu’Harry venait de l’encourager. Depuis lors, Ron le qualifiait de tombeur, et le garçon ne se dépêtrait pas de sa gêne et de son étrange bonheur.

« Je ne sais pas, Répondit-il finalement. C’est compliqué, en fait.

— Elle ne vous plaît pas ?

— Si, si ! Elle est très belle, elle est intelligente, douée… Elle est super forte au Quidditch en plus ! S’enthousiasma-t-il. Mais… Mais je ne crois pas qu’elle m’aime, vous savez.

— Pourquoi ça ? Vous pensez ne pas mériter d’être aimé, peut-être ?

— Ce n’est pas tellement ça. Disons que l’année dernière, elle en aimait un autre. Alors je me dis que…

— Que vous n’êtes que le second choix ?

— Oui, c’est ça. Avoua Harry piteusement.

— Et vous, Harry, vous avez des sentiments pour elle ?

— Je crois… Enfin, l’année dernière, oui, elle m’obsédait beaucoup.

— Vous obsédait ? A ce point ?

— Non ! Je veux dire que j’y pensais souvent. Je pensais beaucoup à elle, et…

— J’ai compris, ne vous en faites pas. Vous ne savez juste plus si vous l’aimez, ou non.

— Voilà ! Disons que je n’ai pas eu à penser à ces choses-là depuis mon retour, avec la mort de Cédric… Avec Voldemort, et Ombrage…

— Laissez tout ceci de côté. Cela n’a rien à voir, nous parlons de cette jeune fille.

— Eh bien, je ne sais pas, Miss. Comment savoir ? Comment on sait que l’on est amoureux de quelqu’un ? » Demanda le jeune homme avec un air candide.

La Moldue haussa un sourcil, et fit la moue, incapable de lui répondre. Ses propres expériences étaient diverses, et ne risquaient pas de l’aider. Après tout, une fois adulte, on commençait souvent par être physiquement attiré par quelqu’un… Elle se voyait mal expliquer à un adolescent de quinze ans que les hormones, l’attraction sexuelle, et les manifestations physiques étaient des signes qui aidaient à mettre sur la voie.

Elle pensa un instant lui faire le couplet sur les papillons dans le ventre, la boule dans la gorge, et tout le champ lexical allant avec, mais, plus elle y réfléchissait, plus elle ne parvenait à se souvenir elle-même d’avoir jamais ressenti une telle chose. Jane avait déjà été amoureuse, de façon très variée d’ailleurs. Son premier amour, avait été totalement dévastateur, et, après deux intenses semaines de roucoulades, la séparation lui avait donné l’impression qu’elle ne s’en relèverait jamais. Puis il y avait eu le second, puis le troisième, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’elle comprenne qu’avoir des sentiments pour quelqu’un et du désir, ne constituaient en rien l’essence du véritable Amour.

Mais allez expliquer ça à un gamin qui rougit à l’idée qu’une fille lui sourit !

Finalement, elle opta pour la réponse la plus neutre, et la moins engageante qu’elle trouva :

« On le sait généralement dès le premier baiser, Harry. Ces choses-là se sentent. »

Cette réponse eut le mérite de faire rougir jusqu’à la cicatrice le Survivant, qui sembla paniqué à l’idée d’embrasser un jour quelqu’un. Jane leva les yeux au ciel, se disant que, définitivement, se battre contre des mages noirs n’apportait pas pour autant la maturité. Elle lui resservit un jus de citrouille et précisa sa pensée :

« Vous verrez bien. Peut-être qu’elle sera suffisamment intéressée, et vous aussi, pour que vous puissiez répondre à cette question. Peut-être pas. Qu’avez-vous à perdre de toute façon ? »

Ce soir-là, Harry ne ferma pas l’œil de la nuit, se demandant s’il était ou non amoureux de Cho, s’il était ou non moral d’essayer de l’embrasser alors que Cédric… Ou s’il ne se faisait tout simplement pas des idées.

Au petit matin, une violente migraine lui vrillant les tempes, et de lourdes poches entourant ses yeux brûlants de fatigue, Harry Potter se dit qu’il ne comprenait rien aux filles, et que Ron ne lui était pas d’une grande aide. Peut-être qu’un homme adulte… ?

Bien loin des considérations sentimentales, et autres épanchements purement chimiques, Lord Voldemort attendait avec une certaine impatience le nouveau rapport de son Mangemort le plus dévoué : Lucius.

Cela faisait des mois que le Mage Noir ourdissait un plan dans le but d’acquérir la prophétie, et des mois que ses fidèles échouaient à s’en emparer. Aucun ne semblait prendre cette tâche avec le sérieux qu’elle méritait, et Voldemort – qui n’était pas réputé pour sa patience, ni sa mansuétude – en venait à être profondément irascible et imprévisible. Ses hommes évitaient de passer du temps plus que de raison au manoir Jedusor, craignant tous d’être tenus pour responsables des échecs à répétition de Malefoy.

Seul Severus, son énigmatique et taciturne Maître des Potions, ne semblait guère ému par l’ambiance glaciale qui tombait peu à peu sur leur repère. A dire vrai, Snape ne semblait jamais être ému par quoi que ce soit. Et Lord Voldemort ne parvenait toujours à estimer si cela était le signe d’un manque total d’émotions, ou bien la preuve ultime que l’homme n’était pas de confiance.

Mais pour l’heure, Severus semblait être le seul de ses fidèles à être utile. Après chaque réunion de l’Ordre du Phoenix, il revenait, la bouche chargée d’informations, qui jusqu’ici, s’avérèrent exactes. Et le Potionniste bénéficiait d’un surplus de confiance de la part du Fourchelangue, depuis qu’il l’avait informé de l’emplacement de cette fameuse prophétie. Ce qui, en l’état, constituait le principal avancement pour l’armée des Ténèbres. Mais cela était bien peu pour satisfaire le Maître de ces lieux, qui s’impatientait, l’index tapotant furieusement sa baguette, devant le retard que prenait Lucius.

Vers vingt-deux heures pétantes, la porte de la salle de réception grinça, puis coulissa lentement. Le Mage Noir se redressa, avide, sur son gigantesque fauteuil, pour déchanter aussitôt devant la trogne terrorisée de Queudver, qui lui apportait un plateau d’argent, garni d’un verre et d’une bouteille de vin raffiné. L’Animagus repartit sous les cris stridents de son Maître, et les quelques sorts lancés au hasard dans sa direction pour l’intimer à le laisser seul.

Voldemort avait en horreur les déceptions.

A vingt-deux heures quarante, la porte grinça une nouvelle fois, et le Seigneur des Ténèbres brandit sa baguette pour la pointer en direction de l’impudent qui osait le déranger. Si un sort ou deux fuitaient, et que Lucius se trouvait être son visiteur, il goûterait alors la pleine mesure de son impatience !

Mais ce n’était pas la tête blonde, au port altier qui passa l’embrasure, mais la face burinée par les cicatrices et le vice de MacNair qui se présenta. L’homme ne portait pas son masque, ni ses vêtements de Mangemort. Il arborait une robe maculée de boue et de cendres, ses bottes étaient râpées par les kilomètres qu’elles avaient foulés, et sa cape s’élimait en de nombreux endroits. Pour couronner le tout, il empestait la sueur, l’humidité, et la viande décomposée.

Il s’avança droit vers son Maître, l’échine courbée et le pas pressé, puis embrassa copieusement le pan de la cape de Voldemort, avant de débiter, haletant sous l’émotion, la raison de sa présence :

« Mon Seigneur ! La tâche que vous m’avez confiée, est accomplie ! »

Cette simple nouvelle, qui en temps normal n’aurait valu qu’un vague assentiment de la part du Lord Noir, déclencha une certaine allégresse chez celui-ci. Après toutes ces soirées passées à n’entendre que le récit pathétiques d’échecs non moins pitoyables, un de ses Mangemort se présentait ENFIN à lui, pour lui annoncer qu’il avait été capable d’obéir à un ordre.

Voldemort siffla de contentement, et daigna poser son regard écarlate sur son serviteur qui hésitait désormais quant à l’attitude à adopter. A l’autre bout de la pièce, le grincement timide du bois leur annonça qu’ils n’étaient plus seuls. En effet, légèrement hésitant, s’avançait Lucius Malefoy, paré de son masque, et de ses riches atours de Mangemort. Il s’arrêta à mi-parcours, s’inclinant profondément, et s’apprêtant à s’éclipser discrètement lorsque son Maître l’interpella :

« Reste, Lucius ! Susurra-t-il. Reste, et apprends de ton ami.

— Mon Seigneur… ? Questionna poliment MacNair qui n’était pas au fait de la mission principale de leur cercle.

— Raconte Walden. Raconte donc à Lucius ce que tu viens de me dire.

— Comme vous le désirez, Maître. » S’inclina plus profondément l’homme.

Puis, il se redressa, la poitrine gonflée d’orgueil, et jeta à Malefoy un sourire empreint d’une certaine malveillance. Il était manifeste que le serviteur était absolument ravi par la tournure des événements. Pour la première fois, un Mangemort pouvait prendre le pas sur ce noble bien trop prétentieux à son goût.

Prenant une voix grave, et goûtant chaque mot de son récit, il répondit :

« Vous m’avez assigné cet été la délicate tâche d’aller parlementer avec les géants des contrées nordiques. Et je m’y suis rendu, selon vos désirs, chargé des cadeaux que vous avez si généreusement proposé à cette horde de barbares. Mais je n’étais pas seul. Loin de là. Comme vous l’aviez prévu, Maître, l’hybride qui sert de Garde-Chasse à Poudlard est arrivé peu après moi. Il portait, selon ses dires, la promesse de la main tendue de Dumbledore. Mais ces braves géants ont sitôt fait de le débouter, à grands coups de claques, devant ce que nous, nous avions à proposer. Ils ont naturellement accepté de se battre à nos côtés au moment venu. Honorant ainsi leurs ancêtres, et toutes autres croyances païennes qui leurs sont chères. Quoi qu’il en soit, Mon Maître, la mission que vous m’avez confiée est un succès. »

Il prononça ce dernier mot en regardant Malefoy avec un air mauvais. Le blond déglutit péniblement, comprenant alors que le retour du serviteur était probablement la pire chose qui pouvait lui arriver dans sa situation.

« C’est très bien Walden… Félicita Voldemort lentement. Tu es un exemple pour tous mes fidèles serviteurs, n’est-ce pas Lucius… ?

— Oui, Mon Seigneur. Se contenta d’ânonner le chef de la famille Malefoy, pâlissant derrière son masque.

— Un exemple que tu t’es empressé de suivre, n’est-ce pas ? Redemandant le Mage Noir en plissa des yeux.

— … Maître… Balbutia le blond d’une voix éteinte. C’est à dire que…

— Tu as donc bien réussi à te débarrasser de ton vieil ennemi traître à son sang, n’est-ce pas, Lusssiusss ? S’agaça le Fourchelangue.

— … C’est que la salle est parfaitement gardée, et que Weasley…

— Es-tu en train de me dire que tu te présentes une nouvelle fois devant moi les mains vides ? Gronda Voldemort

— Non, Maître…

— L’as-tu avec toi ?!

— Non, mais…

— Alors, tu as échoué ! ENDOLORIS ! »

Le masque du Mangemort glissa de son visage, pour révéler toute la douleur et la terreur que le noble héritier pouvait ressentir à ce moment précis. Il tomba au sol, son corps convulsant sous les effets de la malédiction. Crachotant, suppliant, hurlant, il ne réussit qu’à attiser plus encore la rage qui dominait le sorcier.

« FAUT-IL QUE JE ME DÉPLACE MOI-MÊME ? Vociférait alors Voldemort, incapable de contenir sa colère. SUIS-JE ENTOURÉ DE TELS INCAPABLES QUE JE SOIS OBLIGÉ DE M’EN CHARGER ?!

— Non, Mon Seigneur, vous pouvez me confier cette tâche, et… Interrompit MacNair d’une voix mielleuse.

— ASSEZ ! DEHORS ! HORS DE MA VUE MISÉRABLES RAMPANTS ! DEHORS, OU JE POURRAIS DÉCIDER DE VOUS TUER TOUS LES DEUX ! »

Les deux serviteurs s’en furent, l’un en claudiquant, n’en revenant pas de sa chance, sous les tirs écarlates et dorés de leur Maître qui lançait à tout va dans leur direction tous les maléfices qui lui venaient à l’esprit.

Seule, Nagini resta auprès du Lord Noir, se faufilant jusqu’à lui, tentant d’apaiser ses tourments. Lorsque la salle fut pratiquement détruite, le mobilier pour la plupart éventré, le terrible mage reprit sa place, en même temps que son souffle, sur son immense fauteuil épargné. Son serpent s’enroula autour de son bras, sa langue susurrant des mots d’allégeance.

« Oui, ma belle… Je sais que je ne peux compter que sur toi… Toi, tu ne me décevras pas. »

***

Jeudi 18 décembre, Salle sur Demande, 19h,

L’entraînement touchait à sa fin, et ne devait reprendre qu’une fois les vacances de Noël passées. Chacun se félicita, et se souhaita de bonnes vacances et de joyeuses fêtes, s’ils ne se voyaient pas d’ici là. La salle commença à se vider, et Harry sourit de satisfaction.

Ils avaient énormément progressé ! Neville lui-même parvenait à désarmer ses adversaires d’un simple mouvement de poignet désormais. Il lui avait simplement fallu un peu d’encouragement et de confiance en soi. Harry soupçonnait d’ailleurs chez son ami une puissance profondément enfouie sous des couches de peur et de comparaison avec ses parents. En effet, il n’ignorait pas, contrairement aux autres élèves, que les Londubat avaient été torturés jusqu’à la folie par Bellatrix Lestrange, la cousine de Sirius. Régulièrement, le garçon allait leur rendre visite à Sainte-Mangouste, sans que ses parents ne le reconnaissent. Depuis, il était éduqué par sa grand-mère qui, d’après le peu que laissait entrevoir ce timide Gryffondor, le comparait sans cesse à son Auror de père.

Alors qu’il s’apprêtait à rejoindre ses amis, Harry remarqua que Cho Chang restait en arrière, aux abords d’un immense miroir recouvert de photographies représentant les personnes disparues. Il hésita un instant à la laisser seule, jusqu’à ce que Ron se décide à tirer Hermione par la manche pour l’emmener à l’extérieur de la salle. La jeune fille protesta, mais le suivi néanmoins.

Désormais seuls, Cho et Harry scrutaient en silence les visages qui leur souriaient depuis le papier glacé. Au bout d’interminables minutes, la Serdaigle brisa le silence d’une voix enrouée :

« Tu sais… Je n’arrête pas de me dire que s’il avait connu tout ce que tu nous apprends, il ne serait peut-être pas… »

Comprenant qu’elle faisait référence à Cédric, Harry sentit un désagréable frisson glacial lui remonter le dos. Il n’aimait pas en parler, encore moins devant elle. La brune fixait la photo de l’ex-champion de Poudlard les yeux embués de larmes, et le garçon commença sérieusement à regretter d’être resté auprès d’elle. Sentant qu’il devait dire quelque chose, il toussota, avant de tenter de prendre une voix rassurante :

« Tu sais, Cédric savait tout cela. Il était champion, ne l’oublie pas ! Seulement… Voldemort était… Plus fort.

— Mais toi, Harry, toi tu as survécu ! Lui rétorqua-t-elle en se tournant vers lui, la bouche entre-ouverte et les yeux luisants.

— Heu… Oui. Mais c’était un coup de chance, tu sais. Je m’en suis sorti parce que j’ai eu de la chance, c’est tout.

— Mais pourquoi lui n’a pas eu la même chance alors ? S’exclama Cho dans un glapissement qui gêna profondément le jeune homme.

— Ben… Je sais pas… »

Cela ne sembla pas être la réponse escomptée, car la brune fondit en larmes, devant un Harry Potter radicalement désemparé. Les épaules de la fillette tressautèrent, témoignant de son intense chagrin. Mais, au lieu de s’enfuir pour se réfugier aux toilettes, comme il avait vu d’autres filles faire, Cho resta plantée là à sangloter.

Harry paniqua, et fit alors la seule chose qu’il pensa à faire : il se pencha vers elle, et l’embrassa.

Cela eut le mérite d’arrêter les gémissements de la Serdaigle. Mais au lieu d’apaiser ses pleurs, cela les intensifia. Si la brune pressait ses lèvres contre celles d’Harry avec désespoir, son corps n’en restant pas moins tremblant sous l’émotion. Le garçon la prit maladroitement dans ses bras, tout en ne comprenant pas ce qu’il pouvait bien faire mal.

Bouche contre bouche, ils restèrent là, mêlant salive et larmes, tandis que le Gryffondor s’interrogeait intensément sur ce qu’il pouvait bien ressentir. Ce fut Cho qui rompit le baiser, en lui souriant largement, avant de partir en courant comme s’il l’avait blessée.

Pantelant, perdu, incapable de dire ce qu’il s’était passé, Harry resta un instant seul dans la Salle sur Demande à se repasser la scène en boucle. Fronçant les sourcils, il attrapa soudainement son sac, et se dirigea droit vers la seule personne à ses yeux capable de lui expliquer tout ceci.

Après avoir dû frapper deux fois brutalement, Jane Smith lui ouvrit, surprise de le trouver devant sa porte. Avant même qu’elle ne put lui demander la raison de sa présence, le garçon l’interrompit, implorant :

« Vous m’avez dit que je pouvais venir si j’en ressentais le besoin.

— Oui, oui, évidemment ! Lui répondit-elle désarçonnée. Heu, entrez donc. »

Elle s’effaça pour lui laisser la place, et referma la porte derrière lui. Fixant le jeune homme qui semblait quelque peu paniqué, Smith sentit que quelque chose de grave s’était passé. Elle l’invita à s’expliquer :

« C’est arrivé… » Murmura le Gryffondor livide.

La Moldue pâlit brusquement, et dû s’asseoir dans son fauteuil pour ne pas tomber. Elle lança de nombreux coups d’œil à la porte, angoissée, avant de se rappeler à l’ordre.

« Qu’est-ce qui est arrivé, Harry ? De quoi parlez-vous ? Demanda-t-elle craignant le pire.

— On s’est embrassé. »

Jane soupira de soulagement, rejetant la tête sur le dossier du fauteuil. Un instant, elle avait cru qu’Harry était venu lui dire qu’il avait rêvé de Voldemort s’emparant de la prophétie. Mais cela était impossible, le jeune Potter ignorait tout de son existence. Elle s’autorisa à respirer à nouveau, et considéra son ancien élève sévèrement. Pour l’Attrapeur, il s’agissait clairement d’un événement grave.

Après quelques secondes de silence, elle se leva, et alla lui servir le traditionnel verre de jus de citrouille. Puis elle reprit sa place, et arqua un sourcil, l’invitant à raconter. Harry tripotait nerveusement le coin d’un des coussins qui ornaient le sofa. Il gardait les yeux résolument baissés, évitant de croiser le regard, moqueur imaginait-il, de la jeune femme.

« On était… Heu. Seuls. Et… On s’est embrassé.

— La fille dont vous parliez la dernière fois, c’est cela ?

— Oui.

— Et comment cela s’est-il passé ?

— Mal. »

Ah. Pensa Jane. L’avait-elle frappée ? Avait-il tenté de lui enfoncer sa langue dans la gorge au risque de la faire vomir ? Avait-il tournoyé comme un moulin frénétique, tel un mollusque doué de vie comme cet imbécile de Travis en sixième année… ?

« C’est moi qui l’ai embrassé. Je ne sais pas ce qu’il m’a pris ! Geignit le Gryffondor en ramenant Jane dans le présent. Elle pleurait, à propos de Cédric, et me demandait pourquoi moi j’étais en vie et pas lui, et… J’ai paniqué ! J’ai paniqué Professeur ! Je ne sais pas ce qu’il m’a pris de l’embrasser ! S’alarma-t-il.

— Ce n’est pas un crime, Harry. Vous avez simplement cru que c’était ce dont elle avait besoin.

— Elle est restée exprès en arrière, elle m’attendait, et regardait une photo de Cédric ! Pourquoi a-t-il fallu qu’elle m’en parle ? »

Jane haussa un sourcil à la mention de la photographie, se demandant bien à quel endroit les deux jeunes gens pouvaient bien se trouver pour y faire face. Mais elle ne dit rien à ce propos, et se concentra sur l’angoisse de son ancien étudiant.

« Peut-être qu’elle se raccroche à vous parce que vous êtes tout ce qu’il lui reste de lui… ? Proposa-t-elle en craignant qu’il ne le prenne mal.

— Je sais pas, elle m’a embrassé, elle aussi en retour. Furieusement, même. Mais elle n’arrêtait pas de pleurer. Et après, elle m’a souri, et s’est enfuie.

— Je ne peux absolument pas répondre à sa place, vous devriez lui en parler, je pense.

— Hors de question ! Je n’ai pas envie de remettre ça sur le tapis, c’était suffisamment humiliant.

— Et vous ? Enchaîna Jane du tac-o-tac. Qu’avez-vous ressenti ? »

Pour toute réponse, le garçon fit une grimace exhaustive. Il baissa la tête plus encore, la rentrant dans ses épaules, et soupira las.

« C’était… Humide. Gênant, et humide. »

Jane se retint de justesse de lui dire que la plupart des premières fois risquaient de lui faire le même effet, et hocha la tête en silence. Elle vida son verre d’une traite en contenant un hoquet de dégoût, et tenta de le rassurer autant que possible.

« Attendez le retour des vacances. Vous aurez tous les deux le temps nécessaire pour faire le tri dans ce qu’il s’est passé. Je suis certaine que cette demoiselle ne vous a pas accompagné sans raison dans ce baiser. Faites-vous confiance un peu, Harry. Et si cela reste… Humide et gênant, comme vous dites, c’est que peut-être vous n’avez pour elle pas d’autres sentiments que l’amitié. »

Le Gryffondor acquiesça par automatisme, loin d’être convaincu, et sortit de ses appartements pour rejoindre ses amis aux dîner.

Il ne parla que peu pendant le repas, ruminant pour l’essentiel ce qu’il s’était passé. Même lorsque Ron tenta de lui tirer les vers du nez, certain que son ami avait dû mettre son nouveau pseudonyme à l’honneur, Harry ne pipa mot. Il remonta prestement se coucher, bien avant que les autres étudiants ne rejoignent les dortoirs, et se glissa sous ses couvertures, comme pour tirer un trait sur cette étrange journée.

Il trouva difficilement le sommeil, ses pensées entièrement tournées vers Cho et sa question : Pourquoi avait-il eu plus de chance que Cédric ? Il finit par sombrer lentement vers un cauchemar qui reprenait ce thème pour le torturer mentalement. Peu à peu, il entendait la fillette lui hurler que c’était de sa faute, qu’il s’était servi de Cédric comme d’un bouclier. Qu’il n’était qu’un lâche qui n’avait pas hésité une seule seconde à abandonner le Poufsouffle dans le cimetière. Il entendait le rire glacial de Voldemort au moment de sa renaissance, puis son doigt se poser sur son front, à l’endroit même de sa cicatrice, se délectant de la souffrance que cela lui infligeant.

La brûlure grandit dans son esprit, jusqu’à ce qu’il se sente totalement happé par le néant, et ne sombre indéfiniment. Il eut l’impression de se perdre dans le vide, le sol l’attirant inexorablement à une vitesse prodigieuse. Mais au moment de l’impact, il ne sentit que la froideur de dalles de marbres, et le frottement de ses écailles au sol.

Il glissa lentement jusqu’à une porte, la magie coulant dans ses veines et pulsant à un rythme endiablé. Une fois le portique passé, il darda l’air de sa langue fourchue pour le goûter avidement. Sa proie était ici, seule, et à sa merci.

Harry continua de ramper au sol, jusqu’à ce que l’odeur qui le guidait lui emplisse les narines. Là, il se redressa pour faire face à la nuque rousse d’un homme d’une quarantaine d’années. Lorsque le malheureux se retourna, et hurla, il le frappa violemment au visage de ses crocs empoisonnés.

Harry se réveilla au son de son propre hurlement qui faisait écho à celui de sa victime. Le corps tremblant sous les effets du cauchemar, et la chemise détrempée par la sueur lui collant à la peau. Le Survivant mit un instant avant de se souvenir où il était. Il sauta par-dessus son lit, et tira ses rideaux d’un geste brusque.

Voyant que ses sorts de silence avaient empêché Ron de tout entendre, le garçon hésita un instant à le réveiller pour l’avertir. Mais si ce n’était qu’un rêve ? Il secoua la tête, convaincu, mais laissant néanmoins son ami dormir.

Il retourna directement à la porte de Smith, et tambourina violemment à celle-ci, jusqu’à ce que la Moldue ouvre, visiblement furieuse et en robe de chambre.

« Potter ! Mais qu’est-ce que…

— Dumbledore, vite ! » Répliqua le garçon.

Devant sa pâleur, elle ne se le fit pas dire deux fois et lui emboîta rapidement le pas. Ils coururent en direction de la gargouille qui menait au bureau du Directeur.

« Smarties » Annonça Jane essoufflée.

La statue pivota, pour dévoiler les escaliers, et tous deux se précipitèrent à l’étage. Ne prenant même pas la peine de frapper poliment, Jane ouvrit avec fracas la porte, pour tomber sur son Directeur, tranquillement installé au coin du feu, vêtu d’une robe de chambre rose pâle parsemée d’étoiles, et lisant un livre.

Le Sorcier, devant l’inquiétude de sa nouvelle protégée, en laissa tomber l’ouvrage, et se tourna directement vers Harry.

« C’est Monsieur Weasley, il a été attaqué par le serpent ! » Cria presque le garçon à bout de souffle.

Albus Dumbledore se leva, alerte, et ordonna à un portrait de faire en sorte que l’on retrouve à temps le pauvre homme. Il se dirigea ensuite vers une autre toile, et demanda à ce que la famille Weasley soit prévenue, et se prépare à venir à Poudlard. Enfin, il se tourna vers la Moldue :

« Jane, allez chercher Severus, vite ! »