Comme deux années plus tôt, il sentit la végétation se refermer derrière lui, faisant éclater un sentiment d’oppression dans ses entrailles. Mais il n’était plus le petit garçon de quatorze ans, il n’était plus le champion infortuné et involontaire du Tournois des Trois Sorciers. Harry regarda autour de lui, et constata qu’il était seul dans un grand couloir de plantes. Il soupira de soulagement, et inspira profondément en fermant les yeux. Il tenait sa baguette avec fermeté, sans pour autant se crisper dessus comme il l’avait fait lors de la troisième tâche. Un bref sentiment de peur l’étreignit, quelques souvenirs revenant en flash, et l’espace d’un instant, il se surprit à avoir peur que cela ne se termine comme au Tournois… Mais Voldemort était déjà de retour… Et le jeune-homme avait une certaine confiance en Snape, même s’il n’osait trop se l’avouer.

Ses grands yeux verts scrutèrent les branchages, et cela lui confirma la nature de la plante : aussi dense et infranchissable que celle du premier labyrinthe. Il hocha la tête, réfléchissant un instant, au lieu d’avancer droit, patientant. Les feuilles frémissaient, mais elles ne semblaient pas décidées à l’avaler. Il n’y avait pas particulièrement d’air, ni de bruit. Harry tendit l’oreille, et il ne parvenait pas à déceler la présence des autres élèves. Curieux, pour une zone pourtant relativement petite et densément peuplée. Snape avait dû mettre un sort, ou quelque chose comme cela.

« Homenum revelio. »

Harry avait murmuré cela, regardant aux alentours les effets de son sort, en vain. Est-ce qu’il n’y avait personne ou est-ce que cela était bloqué également ? Il avança, prudemment, le long du couloir. Il allait falloir accélérer s’il voulait arriver au centre le premier. Le voulait-il d’ailleurs ? Une brève accélération de pouls lui fit comprendre que oui. Il avança un peu plus vite, débouchant sur une sorte de terre-plein rectangulaire complètement fermé. C’était un cul de sac, son chemin menait à un cul de sac… Si c’était une métaphore qui lui était destinée, elle n’était pas très drôle, surtout si…

Harry s’approcha, ébahit par ce qui se dressait devant lui. Il avait à peine cligné des yeux, qu’une grande pierre tombale, semblable à celle du cimetière la fameuse nuit avec Voldemort, était apparue. Il maudit Snape pour son sens de l’humour. Quand il passa une main fébrile sur le granit, sur le nom qui était inscrit, il eut un étrange sentiment qu’il chassa en contournant la sculpture pour tenter de trouver un indice. La tombe appartenait à un certain « Harry James Potter », et le faisait mourir un certain 31 halloween, seize ans plus tôt. Ça n’était pas là à son arrivée, le sorcier en était certain, et il se demanda si ce n’était pas une projection de son esprit. Fronçant les sourcils, il tendit sa baguette :

« Riddikulus »

Mais rien ne se produisit. Ce n’était donc pas un Epouvantard… Le garçon cligna des yeux en se rendant compte qu’il avait un instant supposé qu’il puisse avoir peur d’être mort depuis longtemps. Qu’est-ce que Snape leur faisait faire, quel rapport avec les Forces du Mal ? Harry regarda la tombe sans comprendre, se rappelant qu’il avait été prisonnier de l’ange des années plus tôt.

« Les forces du Mal sont nombreuses, diverses, toujours changeantes. Elles prennent racines dans ce qui nous entoure et en nous-mêmes… » Avait dit Snape ?

Un mouvement se fit à sa droite, comme une forme bougeant en arrière-plan. Harry donna quelques coups de la pointe de son pied dans le sol de la tombe, et se rendit compte qu’il était aussi meuble qu’il en avait l’air. Il pointa sa baguette directement dessus et après une détonation, découvrit une sorte de trappe en pierre piquée d’un anneau de métallique. Il le tira, et la trappe s’ouvrit, délivrant un relent de moisissure et d’humidité qui le surprit. Dessous s’enfonçaient d’étranges escaliers. Où menaient-ils ? Harry amorça un geste pour descendre, puis se ravisa. Il chuchota la formule adéquate, et un gigantesque cerf argenté s’enfonça prudemment dans les profondeurs de la terre. Quand le sorcier comprit qu’il n’y avait aucun danger, il l’accompagna.

Ils débouchèrent tous les deux dans une sorte de grande grotte souterraine qui tremblait légèrement tout autour d’eux, comme si une myriade de créatures grattait un peu partout. Harry éclaira de sa baguette l’endroit qui était dallé par des blocs lisses et parfaitement taillés. Mais où est-ce qu’il pouvait bien se trouver, ce n’était tout de même pas… ?! Quand il entendit une sorte de sifflement qu’il connaissait depuis sa plus tendre enfance, il ferma instinctivement les yeux, tandis que son Patronus s’ébrouait. Impossible, il ne pouvait pas y avoir de Basilic ! Comment Snape arrivait à faire ça ? Qui lui avait donné l’autorisation ? Le cerf frappa de ses sabots immatériels sur le sol, et cela ramena Harry à la réalité. Laisser sa peur et sa rage s’exprimer était le meilleur moyen de rester coincé ici. Les yeux fermés, il tendit l’oreille, prêt à entendre les promesses mortelles de la créature, mais il n’entendit que des ricanements sifflants. Il y en avait trop pour que cela ne soit qu’un seul reptile, Harry se risqua à ouvrir un œil, et cela lui confirma son impression : face à lui rampaient une dizaine d’énormes serpents noirs qui sifflaient avec rage dans sa direction. Il crut entendre un rire familier se moquer de lui, mais le jeune homme n’osait pas regarder en direction de la source.

Ils ne semblaient pas faire cas du Patronus, et le sorcier abaissa stupidement sa baguette, pensant avoir à faire avec une illusion. Lorsqu’un des serpents lui sauta au visage, Harry cria et se détourna assez vite pour que la créature ne le fouette que de sa queue, et retombe au sol, plus furieuse que jamais.

« Tu vas mourir… Humain, siffla-t-elle avec hargne.

— C’est ça… Diffindo ! cria Harry, son sort décapitant net le serpent.

— C’est un parleur ! C’est un parleur ! s’exclamèrent les autres, en s’enroulant sur eux-mêmes de terreur.

— Et c’est un lanceur de sorts. »

Harry leva la baguette, mais les serpents détalèrent. Quand il l’abaissa, les plus malchanceux brûlèrent sous le souffle du sort incandescent qu’il venait de lancer. Le jeune homme grimaça quand l’odeur âcre de leur chair brûlée lui parvint aux narines, et il se sentit un instant prit de nausée. Il n’avait pas hésité une seconde, et c’était cela qui le pétrifiait.

« Harry ! Harry ! Par Merlin, merci ! Je sais pas ce que tu leur as dit, mais ça semblait faire effet… ! »

Le Gryffondor regarda dans la direction de la voix, et leva à nouveau la baguette, reculant le pied droit, se mettant en position d’attaque.

« Heu… Harry… C’est moi, Hermione… Est-ce que tu peux éviter de me cramer, moi aussi ?

— Quelle est la première chose que tu m’aies dite quand on s’est rencontré ? » Lui demanda-t-il avec brutalité.

La jeune femme se releva, elle était apparemment tombée au sol, et l’un de ses genoux saignait. Elle jeta un sort dessus, et sans même accorder le moindre regard à son ami, lui répliqua :

« Heu, je sais plus, moi… Que t’étais Harry Potter, et que j’avais tout lu à ton sujet, non ?

— … Ouais. Ouais, je crois…

— Comment ça, tu crois ? Harry ! Ta question ne sert à rien si tu ne peux pas la vérifier, enfin ! »

Le rouge et or sourit, et se rendit compte qu’il était soulagé, alors il abaissa la baguette. C’était forcément la vraie Hermione pour lui dire un truc pareil. Il ne savait pas depuis combien de temps il était là, mais finalement, l’avoir auprès de lui faisait beaucoup de bien. Et… Il ne voulait pas être obligé de devoir se battre contre une illusion de son amie.

« Sinon, la prochaine fois, demande à la personne de lancer son Patronus ! Non seulement ça te permet de savoir si elle est assez bonne pour pouvoir le faire, mais en plus, tu peux vérifier si c’est vraiment elle… Enfin, si tu connais la forme, évidemment. Où sommes-nous ? Moi j’étais dans une sorte de parc, il ressemblait à celui de mon enfance, et quand je suis montée sur le toboggan et que j’ai glissé, je me suis enfoncée dans le sol. Et puis après… J’ai entendu les serpents, et toi…

— Je ne sais pas, on dirait une reproduction de la Chambre des Secrets. Mais il n’y a pas la statue de Serpentard, c’est très étrange.

— Peu importe, on va sortir de là, tu es descendu comment ?

— Par ces escaliers, mais… »

Il s’était retourné, et se tut immédiatement. Naturellement, la structure avait disparue, et il ne restait plus qu’eux, coincés dans cette drôle de grotte aux murs noircis par le feu magique.

« Ca continue par là, viens ! »

Elle lança un sort, et une sphère de lumière se détacha de sa baguette pour avancer devant eux. Le couloir devenait de plus en plus étroit, et le plafond descendait lentement, à un point tel qu’ils durent continuer à quatre pattes. Hermione s’était placée devant Harry, et ce dernier le regretta, s’il lui arrivait la moindre chose, il ne pourrait pas la protéger.

« J’espère que ça ne va pas continuer comme ça, sinon, nous allons devoir ramper. Ca va, derrière ? » Lui demanda-t-elle d’une voix forte.

Harry sourit, quel sot, la protéger elle

« Ouais, impec, je suis juste en train de déchirer ma chemise, mais tout va bien.

— C’est pas grave, tu verras quand on sortira, ça te donnera un air de héros. Attends, ça remonte. Qu’est-ce que… Oh… Oh non…

— QUOI ?! »

La sorcière continua d’avancer, baguette en main, et le brun l’entendit même murmurer un sort de protection. Harry pesta quand il sentit ses mains coller à un truc gluant, il jeta un regard par terre et comprit le problème : la terre humide était recouverte d’une fine pellicule blanche et collante. De la soie d’araignée.

« Harry, tu crois que Snape…

— Chut. »

Un grondement tout autour d’eux l’avait fait s’arrêter net. Ça grattait de plus belle, et le sorcier en était certain, il y avait des créatures non loin. S’approchant de son amie, assez pour passer sa tête par-dessus sa hanche, Harry fixa le bout du boyau qui s’élevait vers le haut, sans pourtant voir la moindre lumière. Hermione ne bougea pas, gênée par la posture. Mais Harry lui lança un regard déterminé, et montra un chiffre avec ses doigts. Puis, il pointa sa baguette en direction du haut, et se colla contre son amie qu’il attrapa par la taille. La jeune femme pointa la sienne à son tour, et passa son bras autour des épaules du Survivant. Le tremblement autour d’eux se faisait plus pressant, comme si les créatures ne supportaient plus d’attendre. Hermione hocha la tête avec résolution, et quand le brun abaissa le dernier doigt, ils crièrent de concert « Defodio ! » « Elasticus ! » et une grosse explosion ouvrit une brèche béante vers la sortie, tandis qu’ils furent projetés en avant par un saut incroyable. Au moment où le pied d’Harry quittait le sol pour les porter, un souffle lui fouetta le mollet, et il entendit le cliquetis d’une paire de mandibules se refermer dans le vide.

Le sort les projeta avec une force incroyable, les vomissant de la terre, et les faisant valser à deux-mètres au-dessus de la surface. Comme au ralenti, Harry eut le temps de voir une clairière tapissée de toiles, et de cocons, et quelques ombres descendre des arbres qui bordaient la zone. Il termina sa course aérienne contre une sorte de gros œuf entoilé qui remuait frénétiquement. Quoi que ce soit qui était emprisonné dedans, c’était encore en vie.

« RECULEZ ! RECULEZ BANDE DE SALOPES OU JE VOUS CRAME ! »

Hermione aida Harry à se relever, et lui lança un regard amusé.

« Ca, c’est Ron… RON !  cria-t-elle dans la direction de son ami.

— Hermione, NON ! » Tenta de l’avertir Harry.

Mais la jeune fille s’ébroua dans la direction des insultes, pour découvrir son ami aux prises avec deux énormes Acromentules. Lorsqu’il vit la Gryffondor, le roux lui sourit, et se détourna de ses ennemis, déconcentré. Le Survivant jura, c’était précisément ce qu’il voulait éviter. Il pointa sa baguette vers l’une des araignées, et la fit exploser, mais il n’eut pas le temps de réagir pour la seconde qui transperça d’une de ses pattes le bras du garçon et le mordit férocement. Ron poussa un hurlement de douleur qui fit tressaillir son meilleur ami, et le paralysa momentanément. C’était pas le moment ! Hermione réagit plus rapidement, et lança un autre sort pour faire lâcher prise la créature. Des bulles de bave commençaient à éclater autour de la bouche de leur compagnon, tandis qu’il était secoué de convulsions.

« Non, non, merde ! C’est pas vrai, je n’ai rien pour le soigner ! Hermione ! Fais quelque chose !

— Je sais pas ! Je sais pas ! » Paniquait-elle.

Harry regarda autour d’eux, et d’autres formes s’approchaient en vitesse, les pattes gigantesques passant autour de leur abdomen, fondant comme des charognards sur leur victime, les horreurs se précipitaient sur eux pour les dévorer. Dans ses bras, Ron devenait plus blanc à mesure que les secondes passaient. Le Survivant blêmit, sa main droite glissant le long de sa baguette à cause de la peur, il regarda tout autour de lui, passa en revue les sorts qu’il connaissait, mais aucun pour stopper un poison. Ça, c’était plutôt le rôle d’une potion ou d’un… Harry jeta un regard noir à un cailloux empêtré dans une toile, puis hurla en désespoir de cause :

« Accio béozard, ACCIO BEOZARD !!

— Harry, vite ! Elles arrivent !

— JE SAIS ! J’ai vu. »

Il arma sa baguette et lança un autre sort de feu sur un des cocons, qui s’embrasa et qui poussa une sorte de beuglement inhumain. Il espérait que ça l’était… Et très vite, les autres s’embrasèrent, et tout autour d’eux, la soie se rétracta, devenant d’immenses flammes qui les encerclaient et qui maintenaient les bestioles en respect. La chaleur de l’endroit devenait insupportable, et Ron ne bougeait plus. Harry sentit son cœur s’arrêter, quand les flammes s’écartèrent pour laisser passer une sorte de balle dans sa direction. L’Attrapeur la saisit au vol et l’enfonça dans la gorge de son ami. Une araignée plus téméraire que les autres sauta par-dessus le brasier et se dressa sur quatre de ses pattes arrière pour les menacer. Elle se prit un sort de découpe lancé par réflexe par Hermione. Dans ses bras, Ron s’ébroua, toussant et crachotant, reprenant un peu de couleurs.

« C’est bon ! On dégage, ON DEGAGE ! »

Harry attrapa son ami, et le bascula sur son dos. Il étouffa un gémissement sous l’effort, plia les genoux, mais se redressa. Du coin de l’œil, il vit une forme taper dans ses mains comme pour le féliciter. Hermione ferma leur marche par un autre sort qui acheva de cramer la zone, et ils s’enfoncèrent dans les bois à une allure dangereusement réduite.

« Des Acromentules ?! Le mec nous a mis des Acromentules ?! s’énerva le brun.

— … C’est… C’est de ma faute… murmura Ron.

— Économise-toi, on va trouver un endroit où se reposer.

— … Et en plus je vous ralentis… »

Harry ouvrit la bouche pour répliquer, mais il ne trouva pas les mots. Il ne les trouva pas, car c’était vrai, et il se détesta de le penser. Ron se faisait plus lourd, mais il n’était pas question de s’arrêter comme ça. Les bois étaient épais, sombres, menaçants. Comme s’ils étaient dans la Forêt Interdite… Ce qui expliquait peut-être les araignées… Qu’est-ce que Snape avait fait ? Il n’arrêtait pas de se poser la question, mais il pressentait qu’il connaissait, en réalité, la réponse.

« Là, Harry, ça sera parfait, il y a un cours d’eau, il va pouvoir boire. »

Le brun ne protesta pas, bien qu’il trouvât que l’idée soit mauvaise. Mais il ne pourrait pas porter éternellement quelqu’un comme ça. Il reposa Ron avec toute la douceur dont il était capable vu sa fatigue physique, et repris son souffle avec difficulté. Il avait un instant fermé les yeux, et quand il les rouvrit, son regard émeraude était plus dur que jamais. Harry leva sa baguette et projeta des sorts de bouclier de zone un peu partout autour d’eux, rejoint par Hermione qui l’aida à monter ce camp improvisé.

Ron se pencha en direction du ruisseau, mais la jeune femme l’arrêta :

« Tu ne sais pas si ce n’est pas empoisonné. Attends. »

Elle transforma une feuille en une petite souris qu’elle poussa à boire, et cette dernière obtempéra sans manifester la moindre réaction négative. Elle hocha la tête, et retransforma la créature en végétal.

« Et si ça avait été empoisonné, ‘Mione, tu aurais tué une innocente créature…

— Ouais, mais toi, t’aurais survécu. »

Ses deux amis regardèrent Harry avec gravité. Il ne plaisantait pas et restait debout, alerte, comme s’attendant à autre chose.

« Tu devrais boire, Harry, l’intima son amie.

— Ca va aller. Il ne faut juste pas traîner ici. Tu as dit que c’était de ta faute, Ron, tu voulais dire quoi… ?

— … Je sais que c’est fou, mais je crois qu’elles étaient là à cause de moi, tout à l’heure un truc bizarre m’est arrivé, on aurait dit que c’était lié à mon passé.

— Oui, moi aussi j’ai eu ça, et Harry m’a dit qu’il avait été dans la Chambre, c’est ça ?

— … Oui. Mais ce ne sont pas des illusions. Et nous ne sommes pourtant pas dans la vraie forêt. Comment pourrait-on trouver un centre s’il n’y a pas de labyrinthe… ?

— Tu deviens incohérent, mec.

Au contraire. Je connais Snape. Enfin… Je crois que je commence. Ça n’est pas matériel.

— J’ai manqué de crever ! Tu peux me dire en quoi c’est une illusion ? »

Harry lui jeta un regard agacé en guise de réponse, et continua de scruter par-delà la rivière.

« Je n’ai pas dit que c’était une illusion, Ron. Je dis que Snape n’a pas fait ça. Je crois que c’est nous. Je crois que ce sont nos esprits…

— C’est impossible, je n’ai jamais lu quoi que ce soit qui parle d’une magie telle que…

— Hermione ! Arrête. Ce n’est pas parce que tu ne l’as pas lu, que ça n’existe pas ! » Lui répliqua le brun avec une brutalité qui la choqua.

Ses meilleurs amis fermèrent la bouche avec effroi, troublés par l’attitude du Survivant. Le corps tendu, baguette fermement tenue, il regardait entre les arbres qui se dressaient à quelques mètres d’eux. Il ne ressemblait pas à un adolescent de seize ans, mais à un homme prêt à tout pour s’en sortir. Sa réponse avait douché son amie qui s’était instinctivement rapprochée du roux. Si les colères de Harry étaient devenues rares, elles ne semblaient pourtant pas perdre en intensité, et le sorcier regardait fréquemment dans la même direction, hésitant à y aller.

« N’y pense même pas. » Lui ordonna Ron en tentant de se relever.

Harry lui jeta un regard perçant, avant de lui sourire avec gentillesse :

« Je n’ai pas l’intention de vous laisser tomber.

— Mais tu aimerais…

— Ron… Le jeu est fait comme ça.

Le jeu ? C’est un jeu pour toi ? J’aurais pu mourir et c’est un jeu pour toi ?! Qu’est-ce qui te prend ? Harry Potter veut prouver qu’il aurait pu remporter le Tournois des Trois Sorciers, c’est ça ? Et c’est quoi la suite ? Tu sautes par-dessus la rivière et tu nous laisses, tu… »

Il fut coupé par un cri perçant. Il provenait de l’autre côté du cours d’eau, et avant que le trio ne puisse réagir, un jeune homme blond sortit de la rangée d’arbres, pour se précipiter vers la rivière. Il se retourna, marchant à reculons et tomba, alors même qu’il lançait des sorts qu’Harry savait être clairement de catégorie 3. Face à un Draco Malefoy manifestement terrorisé se dressait une silhouette encapée qui glissait sur le sol comme un Détraqueur.

« Pourquoi il ne lance pas un Patronus ? C’est bien la preuve que c’est…

— Parce que ce n’est pas un Détraqueur, c’est bien pire… » Répliqua Harry en armant la baguette.

Il la pointa dans la direction de Draco, et lança une série de cordes qui s’enroulèrent autour du blond, puis il tira avec force.

« Putain, aidez-moi au moins ! »

Hermione et Ron se précipitèrent près de leur ami, et tirèrent avec lui. Le Serpentard poussa un autre cri comme celui qu’ils avaient entendu et fut violemment extirpé en arrière alors que l’ombre noire fondait sur lui. Il traversa la rivière dans un bruit d’éclaboussures puissant, et arriva à leurs pieds, trempé, le regard inquiet. Il se redressa avec souplesse et se retourna en direction de l’autre rive. L’ombre avait disparue.

Draco soupira, avant de tressauter et de pointer la baguette dans leur direction.

« Super, maintenant, il nous menace…

— Ne vous avisez pas de bouger.

— On ne fera rien dans l’immédiat. À quoi ressemble ton côté, c’est la forêt, c’est ça ?

— … Ca ne se voyait pas Potter ?

— Pourquoi t’as pas lancé un Patronus ? Tu peux le faire, au moins ?

— Oh, ferme-la Weasley, tu ne sais même pas de quoi tu parles. C’était pas un Détraqueur.

— Je sais. Je n’en reviens pas que tu aies pu faire incarner ça

— Je t’interdis d’en parler, Potter. J’suis très sérieux. »

Ron et Hermione regardaient les deux garçons sans comprendre, une conversation muette avait lieu entre eux, et ils semblaient en être exclus. De quoi avaient-il sauvé le Serpentard ? Et quand est-ce que ça prenait fin ?

« T’as ma parole. Ça reste entre toi et moi. » Harry lui tendit la main, et le blond eut un rictus goguenard. Avant de la lui serrer, il regarda méchamment Ron :

« Finalement…

— As-tu vu une sorte de centre ? Ça ne ressemble pas du tout à un labyrinthe.

— Incroyable, Granger, t’arrives à poser une question stupide tout en tirant une déduction hautement brillante… Si je l’avais trouvé, je ne serais pas là, et je ne vous le dirais de toute façon pas. Et… Non, cela ne ressemble pas à un labyrinthe en effet… Sauf si tu considères que nos esprits entremêlés en dressent un.

— Ne lui parle pas…, commença Ron.

— Je suis arrivée à la même conclusion, coupa Harry. Je ne vois pas comment sortir de ça.

— Eh bien peut-être ne pas fréquenter d’autres têtes vides, pour commencer.

— Arrête, Malefoy, j’te jure que je vais…

— Retourne-toi ! À qui ça appartient, ça ? »

Derrière eux ne se trouvait plus la forêt pleine d’Acromentules, mais de grands buildings gris qui s’élevaient jusqu’au ciel. Entre deux bâtiments sans âme se dessinait une petite ruelle étroite et plongée dans la pénombre.

« Ça doit être moi… C’est Moldu.

— Super. Au moins nous n’allons pas risquer…

— A terre ! »

Harry avait hurlé cela alors qu’un immense voile noir fondait dans leur direction dans un râle morbide. Là, c’étaient des Détraqueurs, il pouvait le sentir. La rivière avait elle aussi disparue, et l’ombre qui poursuivait Draco se mit à glisser dans leur direction, bientôt rejointe par des…

« C’est impossible, elles ne peuvent pas être là ! Non, non non ! C’est pas logique !

— La ferme, Weasley, foncez !

— Si on va droit devant, on tombe dans la névrose d’Hermione, on…

— Me fais pas un cours, Potter, nos esprits se mélangent et sont TOUS à nos trousses ! Restez ici si vous voulez, mais j’ai pas l’intention de crever. »

Il s’élança dans la ruelle, rapidement suivit par Harry qui se retourna après coup pour vérifier que ses amis leur emboitaient le pas. Derrière, les créatures arrivaient à grande vitesse. Face à eux, une sorte de ville fantôme pleine de ruelles et d’immeubles gris.

« Spero Patronum ! cria le Survivant

— Aide-le Malefoy !

— Certainement pas. Vous ne saurez rien à ce sujet.

— Par Merlin ! C’est pas le moment de faire ton Serpentard ! lui hurla le brun.

— Au contraire, Potter. Et tu vas perdre la guerre si tu ne finis pas par comprendre.

— Hein ? »

Harry s’arrêta stupidement l’espace d’un instant, et Draco en profita pour bifurquer dans une autre voie. Il lança un sort sur de gros conteneurs qui s’animèrent et firent claquer leur couvercle comme des mâchoires.

« L’enfoiré ! » Jura Ron en faisant un léger détour.

Hermione repoussa les poubelles furieuses, pendant que Ron leur faisait prendre une autre ruelle. Harry gardait son Patronus en place, et tentait de maintenir les Détraqueurs en respect. Il jeta un regard perdu à leur arrière, et constata que l’ombre qui suivait Draco jusqu’ici était partie. Le Survivant écarquilla les yeux et ouvrit la bouche sous le coup de la compréhension, au loin, baguette pointée vers lui, la forme continuait de le pourchasser. Mais il n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit à ses amis que le crissement de pneus le tira de sa réflexion, et il n’eut que le temps de s’écarter avant qu’une voiture folle ne lui fonce dessus.

« Oh non, c’est horrible, c’est horrible ! » Gémit Hermione en s’arrêtant, paralysée.

L’esprit de la jeune fille avait dressé un tableau morbide : des corps gisaient partout au sol, des voitures s’encastraient dans des vitrines de magasins, des gens se jetaient du haut des immeubles en feu. On n’entendait que des hurlements, et… Des sortilèges. Beaucoup de sortilèges, jetés dans tous les sens. Hermione était donc terrorisée par la guerre. Elle avait peur que cela n’affecte dramatiquement les Moldus.

Ron ne pouvait le comprendre, mais cette scène psychique était probablement la plus dangereuse de toutes, car Hermione y projetait toutes les forces de leurs ennemis… Draco avait eu l’intelligence de… Harry secoua la tête pour ne pas y penser, et attrapa les mains de ses amis.

« Il faut sortir de ça ! On doit trouver un endroit où on sera en paix.

— Mais ça n’arrête pas ! On va aller où ensuite ?! Dans un de tes délires ?

— On n’a pas le choix, il faut qu’on s’arrête et qu’on pense à autre chose, il faut qu’on souffle pour enrayer ce bordel !

— Par là, alors ! Rentre dans la banque.

— Quoi ? Mais pourquoi ?!

— HARRY, FAIS CE QUE JE TE DIS ! »

Ils passèrent les portes vitrées de l’édifice, et Hermione fonça au fond sans qu’ils ne comprennent pourquoi. Le tac-tac-tac des Acromentules sur les dalles du hall principal fit frissonner violemment Ron. Le râle des détraqueurs s’approchait, et le hurlement des gens en train de mourir prenait une ampleur de plus en plus insupportable. La Gryffondor les fit passer derrière les comptoirs, mais elle glissa de peur quand une araignée grimpa le long d’une colonne de marbre pour lui barrer la route. Ron jeta un sort sur la créature qui fit un bond de deux mètres en arrière. Hermione se releva et continua de courir, jetant des sorts derrière elle. Ron lui prit le poignet à temps pour lui éviter de percuter de plein fouet un homme en scooter qui s’écrasa contre un distributeur de billets. Le Patronus de Harry tremblota quand ce dernier vit les Détraqueurs s’écarter pour laisser place à une nuée de serpents furieux, suivis de la forme.

« DÉPÊCHEZ-VOUS, ON DOIT ARRÊTER ÇA ! »

Il se refusa à regarder, il savait ce qui le poursuivait. Hermione pointa une grande porte blindée et jeta un sortilège qui fit coulisser la poignée à une vitesse incroyable. La porte s’ouvrit lentement, et les sorciers redoublèrent d’allure. Ron rejeta une nouvelle Acromentule.

« VITE ! HARRY, VIENS !!

— ENTREZ ! DÉPÊCHEZ-VOUS ! ENTREZ !

— OUI ! MAIS VIENS VITE !

— ALLEZ-Y !! »

Un Détraqueur se dressa entre Hermione et la porte, et Harry envoya le cerf ruer sur la créature. La jeune fille se glissa dans le coffre, rejointe par Ron, et elle se retourna vers l’Attrapeur avant de pâlir.

« OH… MON DIEU, HARRY DERRIÈRE TOI…

Je sais… »

Le brun donna un coup de baguette et referma le coffre sur ses amis, avant que Ron ne puisse se retourner, et voir ce qu’il y avait. Le Gryffondor s’ébroua, alors qu’il entendait la voix d’Hermione hurler derrière la porte blindée et frapper à grands coups. Il lança une série de sorts d’une rare violence contre ses assaillants et redoubla d’allure. Il devait impérativement sortir d’ici, et les éloigner. Quand il repassa dans le hall, il croisa ce qui le poursuivait, et la projection ricana en le voyant :

« Alors il t’arrive de ne pas être stupide.

— Va te faire foutre, Harry. » Se répondit-il.

Il parvint à repasser les portes de la banque, mais au lieu d’atterrir dans une rue Moldue, c’était un vieux cimetière qu’il connaissait bien. Aucune trace d’un élément mental provenant de Ron, ou d’Hermione, et cela le rassura. Il avait visé juste. Mais il sentait derrière lui qu’un autre sorcier se mouvait. Il aurait tant préféré que cela soit Voldemort en fin de compte. Harry secoua la tête, il ne fallait pas penser à ces choses. Pas penser du tout. Il se rua sur la grande pierre tombale surmontée de l’ange avec la faux. Derrière lui, la forme avançait, et ricanait, lui parlant semblait-il, mais le Survivant se refusait à écouter. Il caressa doucement le nom sur la pierre, c’était le sien, et non pas celui du père de Jedusor. Harry ferma les yeux, si fort que de grosses larmes perlèrent et qu’il eut momentanément la tête qui lui tournait. Il fallait penser à autre chose.

Son double continuait de l’invectiver, et le jeune homme mit ses mains sur ses oreilles pour ne plus l’entendre. Il pensa à Square Grimmaurd, à cet été. Il repensa à son anniversaire, au rire de Sirius. Il passa en revue les pièces de la maison. Le jardin était faiblement éclairé, comme lorsqu’il y passait ses soirées avec son parrain. Sa chambre était en bordel, et il fallait la ranger, il ne l’avait d’ailleurs pas fait avant de partir… Il y avait la bibliothèque… Et puis . Cette douce chaleur, et ces rires. Les rires qui provenaient de cette pièce pleine de monde. Il y avait l’odeur d’un pot-au-feu en train de cuir, l’odeur d’alcools raffinés qui se dégustaient. Il reconnut la voix grave de Snape, bientôt suivie par le rire de Jane. Qu’est-ce que l’homme en noir avait dit encore ? Harry sourit, il aimait bien entendre son Professeur rire à cause du Maître des Potions, c’était un son rassurant. Il sentit des grands bras puissants le prendre et l’enserrer avec tendresse, c’était Sirius. Il n’était plus dans le cimetière, il était chez lui, dans sa cuisine, et c’était l’heure de passer un merveilleux moment. Harry souriait de plus belle, et ouvrit lentement les yeux, un profond sentiment d’allégresse le berçant.

Mais quand il le fit, c’était pour voir le visage grave de Snape qui lui jetait un de ces regards insondables. Harry était assis au sol, sous le saule pleureur, non loin des cabanons des maisons. Les autres élèves le regardaient avec curiosité. Ron et Hermione étaient là, aussi, et lui jetaient un regard lourd de reproches. Instinctivement, Harry chercha Draco des yeux, et constata que le blond l’observait avec un rictus goguenard qui lui confirma qu’il n’avait pas rêvé.

« Levez-vous, Monsieur Potter.

— Est-ce que… Est-ce que c’est terminé… ?

— Oui. Vous avez été capable de tenir les quatre heures entières. Peu d’entre vous l’ont fait.

— Personne n’est blessé ?

— Parce que tu t’y…

— TAISEZ-VOUS ! Monsieur Weasley, nous nous passerons de vos commentaires. Non, Monsieur Potter, tout le monde va bien, soyez rassuré. Tout le monde a été soigné, si c’est votre question.

— C’était donc réel…

— Oui, buvez ceci. »

L’homme en noir lui tendit une potion qui puait le souffre, et Harry la prit sans hésitation. Quand il termina de la boire, il regarda Snape avec une certaine inquiétude, et l’espion lui répondit, comme s’il lisait dans son esprit :

« Oui, cela aurait été plus sage de vérifier que c’était bien moi. Mais trêve de paranoïa, je vous ai poussé loin cette fois. Et vous m’avez donné plus que vous n’en avez jamais été capable. »

Il avait murmuré la dernière phrase de telle sorte que seul Harry entende. L’Attrapeur se releva, chancelant, et garda les yeux au sol, incapable de regarder ses amis en face.

« Est-ce que vous avez retrouvé vos esprits, tous ? Bien. Comme certains l’ont compris, ce labyrinthe était un piège mental. Les murs n’étaient que vos projections, et oui, Miss Granger, oui, se regrouper faisait bien entrer en collision vos imaginaires, et ne faisait que rendre la zone plus dangereuse.

— Genre, c’est pour nous sauver que tu es parti… Hein ? demanda Ron avec venin.

— J’ai pensé à ça, mais j’ai pensé aussi à ce que moi je… Enfin, merde, sois pas con pour une fois, j’ai pas envie d’en parler.

— Vous perdrez votre temps en ressentiments inutiles en dehors de mon cours.

— Combien sont restés jusqu’au bout, Professeur ? demanda une élève de Poufsouffle.

— 12. Et seuls trois ont pu ressortir par le centre. Dont le gagnant.

— C’était quoi votre histoire de centre, Professeur ? Il n’y avait aucun mur.

— C’était la pièce que l’on allait dresser et imposer au jeu.  C’est par là qu’on cassait le mécanisme et qu’on sortait, expliqua Harry.

— C’est exact, et la première à l’avoir compris est Miss Dwight de Serdaigle. Mais le premier à avoir pu accéder au centre est Monsieur Draco Malefoy. C’est lui le gagnant du… Jeu, comme vous dites, Potter.

— Et je suis le troisième, c’est ça ?

— C’est ça. »

Le soleil avait décru dans le ciel, et le temps commençait à se rafraîchir. Un léger vent se leva, et les fit frissonner. Le Survivant peut-être plus que les autres. Un tintement s’éleva de la grande horloge de la porte, et Snape hocha la tête.

« Le cours est terminé. Je vous conseille vivement de méditer sur celui-ci, et de vous préparer pour le prochain… Monsieur Potter, un mot, s’il vous plaît. De toute façon, Monsieur Weasley est trop occupé à ne rien comprendre à la guerre pour qu’il soit de bonne compagnie, ce soir. »

Ron allait répliquer une insulte dont il avait le secret, mais Hermione l’attrapa par le bras et le tira vers lui en direction du château. L’espion jeta au roux un regard plein de dédain, et se retourna en direction de Harry. Restés seuls, l’espion leva la baguette et un voile tomba sur les structure, les dissimulant. Le jeune homme se sentait mal à l’aise, il était soulagé quelque part de rester avec l’homme, de ne pas avoir à s’expliquer tout de suite auprès de ses amis… Mais…

« Ne le faites pas. Ne vous justifiez pas, l’interrompit l’aîné dans ses pensées. S’ils ne comprennent pas, c’est qu’ils ne sont pas prêts. Vous aviez bien fait de partir seul, vous avez fait une erreur en restant avec la fille.

— Vous nous voyiez ?

— Évidemment ! Comment je pourrais surveiller qu’il ne vous arrive rien de grave, sinon ?

— Et vous pouviez voir nos… Nos… Nos…

— Vos terreurs ? Oui. La vôtre est intéressante, Monsieur Potter. Très intéressante.

— Je crois qu’Hermione l’a vue. J’ai peur qu’elle pense que je suis… Enfin, vous avez vu comment elle m’a regardée après quand je suis sorti ?

— Votre amie fait ce qu’elle peut pour vous assister, mais n’est pas en mesure de comprendre pleinement ce que vous avez à faire. Mais je doute qu’elle pense que vous soyez maléfique. On craint rarement ce que l’on est déjà, ajouta Snape songeur.

— Ah bon… ? J’aurais pourtant cru que vous entre tous, auriez dit l’inverse.

— On craint ce que l’on croit être, Potter. Et ne vous aventurez jamais sur ce terrain avec moi, répliqua avec dureté le sorcier.

— Je crois être quelqu’un de mauvais ? Ou je crois d’être obligé de devenir… Attendez, j’ai peur d’être transformé par tout ça, n’est-ce pas ?

— Je ne suis pas psychomage, Potter, c’est à vous de me le dire. Mais je ne m’intéresse pas à ça. J’ai vu votre centre. Si vous avez mis plus de temps que Monsieur Malefoy y arriver, votre projection était pourtant très nette. Vous vous êtes entraîné cet été en Occlumentie ?

— Ah, il s’agissait bien d’un truc dans le genre, hein ? Vous avez quelque chose avec l’esprit…

— Potter ! Un guerrier est autant un corps qu’un esprit. Ne l’oubliez jamais.

— C’était quoi le centre de Malefoy ?

— Vous avez déjà connaissance d’une de ses peurs, ne poussez pas, Potter !

— Vous savez ce que c’était ?

— Non. Je ne suis pas certain en tout cas… Et je ne tiens pas à le savoir.

— Vous mentez, se moqua Harry en souriant. Vous ne voulez simplement pas l’obtenir de moi.

— Pourquoi suis-je présent dans votre pièce, Potter ? »

Snape lui avait posé cette question pour détourner la conversation, évidemment. Et Harry sourit de plus belle. L’homme ne le regardait pas, il se contentait d’observer les vitraux de la Grande Salle qui luisaient joyeusement, à mesure que le soleil se couchait. Le garçon le regarda, et hésita. Il pouvait lui mentir… Mais bien qu’il affectât de s’en moquer, Severus semblait accorder de l’importance à la réponse.

« J’aime bien quand vous la faites rire. On dirait que vous le faites volontairement…

Je vois.

— Mais cela peut rester à mes yeux une illusion mentale si vous voulez, Professeur.

— Bon appétit, Monsieur Potter. »

***

Ministère de la Magie, 19h44,

« Je ne vous ai pas remercié, Lord Malefoy. »

Le Ministre de la Magie et Lucius Malefoy marchaient dans le grand hall, pratiquement désert à cette heure, comme ils en prenaient de plus en plus l’habitude ces derniers temps. Le blond savait de quoi Scrimgeour parlait, mais il marqua un arrêt dans sa déambulation, et se retourna lentement pour afficher un air d’interrogation polie :

« Monsieur le Premier Ministre, je n’ai pas souvenir d’avoir fait autre chose que mon devoir…

— Je parlais de votre gestion de la Presse. Merci de nous avoir évité les cancans de la Gazette. J’ai ouïe dire que vous aviez accordé du temps au nouveau canard… ?

— Ah ! Oui, tout à fait. Je sais que les lectrices de la Gazette rêvent de savoir si mon catogan s’attache avec une liane de velours ou de cuir, mais les circonstances ne se prêtent absolument pas à ces légèretés. Quand bien même il nous est difficile de nous exprimer envers nos concitoyens… Le Veritascriptum se veut plus « sérieux », plus « politique », m’a expliqué la jeune journaliste. Je me suis permis d’exprimer notre engagement dans la lutte contre les Mangemorts et Vous-Savez-Qui, tout glissant les prochaines mesures que vous avez prises, Monsieur le Premier Ministre.

— Voilà pourquoi je tenais à vous remercier… J’aurais préféré Monsieur que Weasley soit en mesure de mener cette crise, mais…

— Le jeune Weasley, n’est-ce pas… ? Perceval, c’est cela ?

— Oui, Percy Weasley. Compétent, serviable, méthodique. C’est un bon assistant, mais sa gestion de la communication n’est pas… Eh bien… Je suis plutôt soulagé que vous ayez décidé de prendre un poste au Département de la Justice, vous vous montrez habile pour le représenter.

— Nous faisons tous de notre mieux, Monsieur le Ministre. Et les circonstances sont si exceptionnelles…

— Oui… Oui. Je ne m’attendais pas à… »

Mais Scrimgeour s’arrêta dans sa phrase et jeta un regard intense à l’homme qui avait été déclaré non-coupable du chef d’inculpation « d’association avec des Mangemorts ». Longtemps, l’Auror qu’il était avait été convaincu que s’il y avait une famille maléfique, c’était bien les Malefoy… Mais de voir leur patriarche s’impliquer autant dans la lutte juridique – fût-ce à l’éducation – depuis le retour du mage noir… Lucius inclina la tête dans un mouvement élégant d’un homme pardonnant tout.

« Monsieur le Premier Ministre, permettez-moi de parler franchement : c’est tout à fait normal que vous soyez surpris par mon travail. Nous ne nous connaissions que de réputation, et vous, comme moi, avons dû pendant des années tenir des rôles particuliers. Vous êtes devenu Ministre de la Magie parce que vous aviez été l’un des plus grand Aurors de notre temps… Et que vous n’êtes ni mort, ni fou. Si vous m’aviez accordé votre confiance dès notre première rencontre, je n’aurais jamais pu développer le respect que j’ai actuellement pour votre force et votre jugement. Et c’est d’un homme fort dont nous avons besoin dans ces temps de guerre. »

L’ancien Auror grimaça légèrement, comme mal à l’aise avec cette idée. Mal à l’aise d’aimer la flatterie, peut-être ? De faire preuve d’un orgueil propre à tous les vétérans… ? Lucius changea de jambe d’appui pour étouffer le sourire qui menaçait de poindre. Il prenait grand plaisir à voir Rufus dans une telle situation. Finalement, le Ministre décida de changer de sujet, trop incertain quant à la réaction à obtenir :

« Et votre interview paraîtra quand ?

— Demain, sans doute ?

— N’est-il pas anormal de ne pas avoir de copie sur votre bureau dès ce soir ?

— Oh… La journaliste m’a affirmé que le Veritascriptum ne mangeait pas de ce pain et souhaitait rester neutre. Ce qui en fait à l’heure actuelle un excellent medium, si vous voulez mon opinion à ce sujet…

— C’est peut-être bien, en effet. Vous avez ma confiance, Lucius. S’il s’avère qu’elle est justifiée, j’espère pouvoir compter sur vous à l’avenir… Peut-être aurons-nous à nouveau besoin de votre sens de la formule.

— Cela serait pour vous servir un café, Monsieur le Premier Ministre, que je le ferais si cela nous permettait de gagner cette guerre, répliqua le blond en s’inclinant.

— Si vous en avez fait autant avec la journaliste, nul doute qu’elle a dû être conquise, se moqua Rufus en souriant pour la première fois sincèrement au Mangemort.

— Extatique serait le mot. Je ne crains pas le papier de demain. »

Ils étaient arrivés aux abords d’une grande cheminée ouvragée. Le Ministre de la Magie prit une poignée de poudre de cheminette dans une vasque en argent, et la jeta dans l’âtre vrombissant :

« Madame doit vous attendre, je suppose ? Il est inutile que je vous propose un verre de brandy… ?

— Cela aurait été avec plaisir, Monsieur le Premier Ministre, mais mon épouse est en effet très tatillonne sur l’heure du repas. Et… Je ne tiens pas particulièrement à l’affronter sur ce terrain.

— Je comprends…  Eh bien à demain, Lord Malefoy !

— Excellente soirée Monsieur le Premier Ministre. »

L’ancien Auror jeta la poudre dans le feu, et s’éclipsa dans un crépitement de bois. Resté en arrière, Lucius regarda autour de lui, et jeta à son tour de la poudre. Il franchit le brasier, et fut emporté dans un espace vibrant de cheminées et de flammes de toutes les couleurs.

Quand il arriva à destination, il sortit d’un pas leste, et sourit à sa femme qui l’attendait devant, comme il pouvait lui arriver. Il n’y avait personne dans le petit salon, Narcissa avait allumé quelques bougies et était vêtue d’une très belle robe cintrée bleu-azur, avec un grand châle blanc nacré qui lui tombait sur les creux des bras, et dans le bas du dos. Lucius lui sourit de plus belle lorsqu’il vit qu’elle avait noué ses cheveux en boucles ramenées sur le côté, jouant ainsi sur leur longueur, chose qu’elle ne faisait qu’en de rares cas…

« Bonsoir, mon époux. »

Lucius étira plus encore son sourire, et s’approcha d’elle doucement. Il passa dans son dos, déposant une série d’ombres de baisers dans son cou.

« Bonsoir, mon épouse. »

Narcissa soupira et penchant la tête sur le côté, dévoilant sa nuque en frissonnant. Lucius cligna lentement des yeux, ravalant son dépit quand à devoir mettre un terme à cela, et l’embrassant délicatement sous l’oreille. Elle sembla comprendre son dilemme, car, elle expira franchement.

« Vous n’avez fait que transiter, c’est cela… ?

— Je suis désolé. Je ne pensais pas que tu aurais…

— Vous n’avez pas à vous excuser, Lord Malefoy. Le devoir avant tout.

— Narcissa…, supplia-t-il. Épargne-moi au moins ce ton guindé.

— Guindé ? N’est-ce pourtant pas ainsi que l’on doit s’adresser à quelqu’un de votre rang ? N’aies-je donc pas Lord Lucius Malefoy, de la Noble et Ancienne maison….

— Je dois aller Le voir. Je reviens au plus tôt, je te promets que je me ferai pardonner. »

Sa femme se retourna et le considéra avec gravité. Elle n’était pas de celles qui faisaient des caprices, et Lucius la savait d’une remarquable patience. Narcissa n’aimait pas le voir rentrer si tard en ces heures. Et le jeu auquel il jouait – et que son épouse avait éventé avec une incroyable rapidité – était dangereux. Elle le savait, et son inquiétude allait croissante.

« Je suis en colère.

— J’ai cru comprendre. Tu ne me vouvoies qu’en public, ou quand tu m’en veux particulièrement.

— Je t’en veux surtout de… Oubliez ça, Lord Malefoy, allez faire votre rapport, votre devoir, peu importe. Votre épouse vous attendra. »

Lucius cligna des yeux à plusieurs reprises, jamais Narcissa n’avait réagi de cette manière, et il n’aima pas qu’elle lui parle comme s’il était un tyran avec elle, et un serviteur avec…

« Lady Malefoy, j’espère bien que mon épouse m’attendra à mon retour, dit-il avec brutalité. Car c’est là sa place. Lorsque Madame ma femme est en colère, elle se doit d’attendre que je rentre pour me le faire payer. » Termina-t-il avec un clin d’œil discret.

Cette phrase grotesque tira un léger sourire à sa femme, ce qui éclaira brièvement son visage. Lucius déposé un bref baiser sur ses lèvres, et murmura :

« Je te promets d’être rapide.

— Il me plaît de savoir que tu me crains peut-être plus que… »

Mais elle ne termina pas sa phrase, cette conversation allait trop loin. Même pour un aussi grand manoir. Lucius hocha la tête et se dirigea vers son cabinet privé et transplana directement.

Il arriva aux abords du manoir Jedusor, et s’autorisa un instant pour ajuster sa tenue. Il vérifia s’il avait toujours l’enveloppe donnée par Miller dans son manteau, et ganta ses mains. D’un geste impérieux de la canne, il fit ouvrir les grilles et remonta le long de l’allée mal entretenue du domaine. Quel gâchis… Pensa-t-il en dépassant une sorte de rosier qui ployait sous son poids et semblait s’étouffer dans toute cette noirceur. Les herbes étaient hautes et les traverser n’était jamais un moment que le blond appréciait : ce genre de végétation était propice aux serpents. Lucius serra brièvement les dents et se décida à passer la porte sans s’annoncer. C’était inutile, le Maître devait savoir qu’il était là.

Quand il arriva dans le vestibule, il tendit l’oreille en direction des cachots et un silence lui répondit. Il s’autorisa un bref sourire de satisfaction. Il préférait parler au Maître lorsque sa belle-sœur ne se trouvait pas dans les parages. Lucius ricana dans les ténèbres et monta directement les escaliers. Il se dirigea instinctivement vers la grande salle à manger où Voldemort avait pris l’habitude de rester prostré des heures, et s’arrêta sur le seuil, le souffle coupé. La porte était grande ouverte, dévoilant une salle vide. Le grand fauteuil dans lequel se lovait son Maître avait repris sa place en bout de table. Où pouvait bien… ?

« Tu ne viens pas me saluer, Lucius… ? »

Le Mangemort avala péniblement sa salive et se dirigea vers la voix sifflante. Elle semblait provenir d’un bureau attenant à la salle à manger, et lorsqu’il y pénétra, il y découvrit l’homme chauve penché sur une table garnie de notes diverses et de livres ouverts. Lucius s’inclina profondément, une drôle de sueur froide descendant le long de sa tempe.

« Mon Seigneur…

— As-tu des nouveaux éléments à m’apporter, Lucius ? »

Le Seigneur des Ténèbres ne lui accordait aucun regard, tournant de ses longs doigts les pages d’un grimoire à la reliure épaisse. Lorsque le Mangemort mit trop temps au goût du Fourchelangue à répondre, ce dernier ferma sèchement l’ouvrage, et planta son regard carmin dans celui de son serviteur. Malefoy étouffa un soupir de soulagement lorsqu’il glana le titre du livre, et mit un genou à terre.

« Oui, Mon Seigneur… J’ai tissé des liens étroits avec un des archivistes du Département des Mystères…

— Tu as toujours été très doué pour t’attirer les grâces des faibles, Lucius.

— Et cela paie aujourd’hui, Maître. »

Le blond dévoila l’enveloppe, et l’ouvrit délicatement. Voldemort grimaça devant son aspect malmené et tâché de graisse, mais quand Lucius tira des morceaux de parchemin, ses pupilles se rétractèrent si violemment qu’il n’avait plus que deux fines fentes noires au milieu d’un océan grenat.

« Est-ce… Est-ce l’ouvrage que tu m’as promis, Lucius ?

— La partie que mon contact a pu copier. » Répondit l’aristocrate en tendant les documents à son Maître qui les lui arracha presque des mains. « Il y a du superflu, car je ne tenais pas à ce qu’il comprenne ce que je cherchais précisément, mais il y a une partie d’éléments de réponse. Je l’espère, Mon Seigneur.

— Je l’espère également, Lucius… Pour toi. »

Voldemort lui tourna le dos et disposa les fragments sur son bureau. Écrits dans une langue que peu étaient capables de parler, et plus encore de lire, les textes traitaient d’un domaine qui fascinait particulièrement le Mage Noir depuis l’attaque du Ministère.

« Je peux le déchiffrer, parfait. Ton contact a fait un travail de transcription remarquable : le Fourchelangue n’est pas aisé à écrire. S’est-il demandé pourquoi tu cherchais ce genre de textes… ?

— J’ai prétendu m’être mis au défi de comprendre, afin de marcher dans les pas de… »

Lucius se tut lorsque Voldemort ricana avec un dédain qu’il ne chercha pas à dissimuler.

« Tout n’y est pas, Lucius… Mais je vais pouvoir interpréter d’autres mots, encore. Tâche de récupérer la suite sous peu, je ne peux plus attendre… Maintenant, laisse-moi étudier ces documents.

— Oui, Maître. »

Lucius s’inclina et se recula de quelques pas, avant de tourner les talons et de redescendre. Il avait été extrêmement rapide, et se mêlait à ses réflexions morbides une certaine satisfaction à retrouver Narcissa aussi vite. Mais son allégresse mourut à l’instant même où il croisa le visage blafard de Bellatrix, qui lui lança une œillade incroyablement mauvaise.

« Encore toi. Qu’est-ce que tu lui as amené, cette fois ?

— Je suis, moi aussi ravi de vous revoir, ma chère belle-sœur.

— LA FERME ! Je sais ce que tu fais. Je n’arrive pas encore à lui faire entendre raison, mais je ne vais pas te laisser faire. »

Elle avait pointé sa baguette en direction de son cou et le regardait par-derrière ses mèches folles. La Sorcière semblait au bord de l’hystérie et si elle avait toujours été agressive, même avec Lucius, jamais elle ne l’avait menacé. Décidément, personne ne réagissait normalement ce soir. Lucius reboutonna son manteau avec lenteur, et lança un sourire cruel à la brune :

« Serais-tu en train de remettre en question l’ordre de priorité de notre Maître, Bella… ? Et que comptes-tu faire ? Me jeter un sort, ici ? A l’heure actuelle, il est déjà en train de travailler sur les textes que je lui ai transmis, crois-tu qu’il apprécierait que tu le déranges… ? »

Elle sembla pâlir derrière sa tignasse, et le bout de sa baguette s’abaissa légèrement, mais elle la pointa directement sur la pomme d’Adam de son beau-frère, le regard plus furibond que jamais.

« Tu le rends faible, murmura-t-elle si bas qu’eux seuls pouvaient l’entendre. Tu le pousses à avoir peur de cette prophétie… Mais moi je ne suis pas dupe, Lucius. Tu nous as trahi.

— Oh, vraiment ? chuchota-t-il à son tour en écartant de son index la baguette menaçante. Dans ce cas, vas le lui dire… »

Il s’écarta théâtralement, montrant l’escaliers qui menait à l’étage, mais elle ne lui accorda aucun intérêt. Bellatrix restait concentrée sur lui, et sa baguette se replaça devant ses yeux.

« Nous avons perdu une année entière à chercher cette chimère… Je refuse de perdre une de plus à la traduire…

— Toi, peut-être. Le Maître, en revanche, a une autre lecture du danger auquel il s’expose. Et je crois qu’il a raison d’être prudent… C’est peut-être parce que je comprends cela qu’il m’accorde autant sa confiance, Bella… »

Bellatrix étouffa un juron et lui lança une œillade meurtrière, avant de tourner les talons. Elle glapit, et à mi-chemin revint en arrière, souffla sur sa mèche folle pour la virer de là, et repointa son arme en direction du blond :

« Je ne te laisserais pas nous arrêter, Lucius. Je n’ai rien à perdre, moi. Je n’ai pas peur.

— Au contraire, Bella, tu as tout à perdre… »

Il se décala et ouvrit la porte, puis, sans même lui lancer un seul regard, l’avertit :

« Tu devrais avoir peur de perdre cette guerre. »