Remerciements spéciaux : Merci à Marine, Audrey, Clément, Minsky, Achille, Pierre, Mathilde et Amine, Alias, Jennifer et ChocoFrog pour leur soutien sur Tipee ! Merci à ChocoFrog pour ses retours rapides sur l’avant-première de ce chapitre, ça m’a permis de corriger quelques coquilles !
Chapitre 46 : Amour de Jeunesse
Harry s’éveilla doucement avec la sensation d’émerger d’un rêve merveilleux. Il n’avait pas particulièrement envie d’ouvrir les yeux, alors il s’étira avec paresse dans son lit. Là, sa main partit vers les rideaux et au lieu de rencontrer le tissu épais du velours, il toucha une masse soyeuse et chaude. La masse soupira, Harry Potter hoqueta. Il y avait quelqu’un dans son lit. Le cœur battant la chamade, il se redressa pour découvrir qu’il ne se trouvait pas dans les dortoirs, mais dans une petite chambre étrange et confortable contenant un grand lit à baldaquin et un âtre vrombissant. À côté de lui, enroulé dans un drap mauve, un petit corps se soulevait au rythme d’une respiration. Il rougit furieusement en comprenant de qui il s’agissait, et se tira lentement du lit pour ne pas la réveiller.
La mémoire lui revint, et son cœur s’emballa. Quelle nuit ! Il avait su, dès le début, qu’inclure Luna Lovegood dans leur quête allait donner quelque chose d’improbable et surréaliste. Il n’avait juste pas encore tout à fait l’habitude…
***
Dumbledore et lui s’étaient aventurés dans les couloirs en pleine nuit. Ils comptaient aller réveiller la Serdaigle pour tenter de retrouver le diadème. Sans se presser, ils s’étaient rendus aux alentours du dortoir, croisant une patrouille d’Aurors quelque peu impressionnés de voir Harry Potter et Albus Dumbledore ensemble. Ils se dirent que les deux Sorciers avaient forcément quelque chose de grave à faire, probablement en rapport avec la lutte contre Voldemort, et leur témoignèrent un respect qui désarçonna le jeune homme. Lui, bien que l’objet de leur déplacement soit effectivement important, se sentait très excité par le fait de faire enfin quelque chose. Quand ils s’approchèrent de l’entrée réservée aux Serdaigles, Harry sortit le parchemin magique de sa poche et griffonna quelques mots dessus. Puis, ils attendirent un instant avant de voir la peinture pivoter pour révéler une Luna au regard plus brumeux que jamais.
« Miss Lovegood, navré de vous réveiller, chuchota Dumbledore. Harry me dit que vous pouvez nous aider.
— Hum, hum, je peux toujours. » Bâilla-t-elle en tirant la cape d’invisibilité de la poche d’Harry et en s’y emmitouflant.
Luna portait de grosses chaussures aux pieds, et une longue chemise de nuit légère et bleutée. C’était habituel, tout comme le fait qu’elle prenne la cape de James pour une couverture chauffante. Harry ne s’en émeut pas et c’est la tête de Luna qui commença à marcher pour les éloigner des dortoirs.
« De quoi avez-vous besoin, Professeur ?
— Tu te souviens de la pièce à méfaits dont tu parlais ? demanda Harry.
— Oh, oui, bien sûr ! On vous a volé quelque chose, Professeur ?
— Pas tout à fait, Miss, sourit le vieux Directeur. Mais allons-y, je ne peux m’étendre dans les couloirs à ce sujet. »
La tête de Luna et Harry conduisirent Dumbledore devant le pan de mur où ils avaient eu l’habitude de se donner rendez-vous l’année précédente. Harry se rendit compte qu’il n’avait jamais expérimenté la pièce autrement que pour se battre. D’une certaine façon, il trouva cela assez représentatif de son existence, et cela le chagrina. Pendant que Luna chuchotait à la pierre – sa façon à elle d’invoquer la Salle sur Demande – Albus l’observa avec la curiosité d’un enfant qui allait faire une grande découverte. Puis, les lignes de bois et de métal fendirent le mur pour y incruster une petite porte sobre à l’air vaguement louche, et la blonde se tourna vers eux en souriant légèrement.
« Faites attention, il y a des choses très dangereuses dedans, Professeur.
— Harry me protègera, sourit le vieil homme jouant le jeu. »
Ils pénétrèrent dans la salle avec une certaine appréhension, quand un sifflement strident passa à leur droite.
« Baissez-vous. » avait averti la blonde d’un ton égal.
***
C’est l’odeur âcre et chaude du café qui la réveilla. La sensation la plongea immédiatement de bonne humeur. Elle sourit, les yeux toujours fermés, et s’étira dans tous les sens comme un chat. Elle pensa brièvement à Merlin qui ne lui miaulait pas aux oreilles pour lui réclamer de la bouffe, puis, elle inspira un grand coup en paniquant et se releva d’un bond avant de se précipiter hors de sa chambre. Elle avait dû faire un certain boucan puisqu’elle se cogna au Sorcier qui l’avait rejointe et avait la baguette et les traits tirés.
« Qu’est-ce qu’il se passe ? Quelque chose ne va pas ? »
La tête contre son torse, Jane marmonna vaguement quelque chose d’intelligible avant de se reculer et de reprendre.
« Tout va bien… Je me suis juste laissée désorienter un instant.
— Bien, il rangea sa baguette. Le café est prêt, pour le reste, je ne sais pas si vous avez des choses à manger.
— Ah c’est génial, c’est exactement ce qu’il me fallait, merci ! S’il reste de la pizza, ça fera l’affaire. »
Severus grimaça légèrement, mais se contenta de leur servir une tasse avant de se percher sur un des tabourets du bar. Humant avec plaisir la liqueur noire et attrapant d’un geste absent un des derniers triangles froids de la pizza, Jane l’observa les yeux encore collants de fatigue. Il avait l’air alerte, frais et dispo. Après un instant à le fixer sans trop savoir comment entamer cette conversation, elle tenta une approche plus classique.
« Vous vous êtes lavé ? demanda-t-elle en observant ses cheveux goutter doucement.
— Ça m’arrive.
— Non, mais je…
— J’ai compris.
— Vous êtes prêt et m’attendez, en gros.
— En gros. »
La Moldue avala bruyamment une gorgée de café en aspirant vulgairement le liquide. Elle évitait avec tant de soin de croiser le regard du Sorcier qu’il soupira d’agacement et prit les devants :
« Vous ne vous souvenez de rien, c’est ça ?
— De… pas grand-chose, ouais… Murmura-t-elle en rougissant.
— Vous vous êtes mise contre moi, et…
— Et… ?
— Et…
— Et… ?! Severus, qu’est-ce que j’ai fait ?
— Que pensez-vous être capable de faire ?
— Oh, oh… Vraiment ?
— … Qu’avez-vous en tête ?
— Ah ! Alors, non, ce n’est pas ça. Qu’est-ce que j’ai fait ? Je me souviens à peu près du film…
— De la bouteille, aussi, peut-être ?
— Ah, oui ! Je reconnais que je lui ai mis une belle claque.
— Elle est vide.
— Une branlée, alors.
— Ce n’est définitivement pas le meilleur choix de mots.
— Oh mon Dieu ! Qu’est-ce que j’ai fait ?!
— Vous vous êtes endormie. »
Il but lentement sur sa réplique, mais même la tasse ne parvint à dissimuler totalement le dessin des commissures de ses lèvres qui se redressaient. Jane était passée de l’écarlate au pâle en quelques instants, avant de repartir sur une teinte rosée – sensiblement la même que celle qu’elle avait ingérée la veille.
« … Vous vous trouvez drôle ?
— Oui. Vous êtes du genre à coucher avec quelqu’un dans cet état ?
— Ça m’est déjà arrivé…
— Vous n’auriez pas oublié.
— C’est prétentieux.
— Non, c’est une… »
Il se tut et but une autre gorgée pour clore le débat. Jane arqua un sourcil et lui sourit en hochant la tête.
« Vos silences sont parfois plus sexys et éloquents que vos répliques… »
Il s’étouffa, elle termina son café d’une traite avant d’engloutir sa part de pizza.
« Merci de m’avoir ramenée dans le lit, en tout cas.
— Je ne suis pas un oreiller, tenta-t-il de répliquer sèchement. Allez vous laver, nous avons fort à faire. »
La bonne humeur de Jane retomba immédiatement et elle lui jeta un regard dur avant de tourner des talons et de filer en direction de la salle de bain.
***
Harry se pencha avec délicatesse, ayant l’impression que le moindre de ses os pouvait craquer, que ses battements de cœur pouvaient se répercuter à l’infini dans la pièce magique. Il ne fallait faire aucun bruit, alors il retint sa respiration et dans des gestes trop amples, trop téléphonés, attrapa son pantalon en repensant qu’il avait dû avoir l’air aussi stupide la veille quand il s’était jeté sur le vieux sorcier.
***
Luna n’avait pas haussé le ton. Elle s’était contentée de se baisser souplement à son tour, et proposait le visage de quelqu’un pour qui ce genre de choses était banal. Harry avait bondi d’un geste souple que ses années d’entraînement de Quidditch et les mois de Défense Contre les Forces du Mal avec Snape avaient contribué à forger. Il avait plaqué sans ménagement son Directeur et avait eu le temps de sentir le courant d’air frais frôler ses cheveux indisciplinés. Levant à peine les yeux pour tenter de voir ce qui les avait attaqués, Harry entendit à nouveau ce drôle de sifflement et perçut le mouvement de Luna :
« C’est FINITE, Oui ?! » Cria-t-elle à la chose qui protesta en sifflant, avant de virevolter dans tous les sens dans une courbe furieuse.
Un gros « crack » les fit sursauter et Luna hocha la tête en fronçant les sourcils d’un air sévère qu’il ne lui connaissait pas.
« Elle a toujours besoin de faire son intéressante… »
Les deux Sorciers se relevèrent, l’air un brin hagard. Harry ouvrit la bouche pour demander des explications, mais son amie le devança.
« C’est toujours comme ça ! Elle cherche toujours à trancher des têtes en faisant les bruits les plus sinistres. C’est usant, et de mauvais goût s’il en est…
— Elle ?
— La hache ! Là, regarde ! »
Elle pointa du doigt une grosse hache normande dont la lame était profondément enfoncée dans une sorte de vieille armoire branlante. Du sang gouttait lentement du fil, et il semblait à Harry qu’elle continuait de gémir menaçante.
« Je l’ai toujours connue comme ça. Il suffit simplement de lui lancer un bon sortilège. Mais de façon autoritaire, vous comprenez ? Ce genre d’armes ne comprend que la force, de toute manière…
— Oui, c’est effectivement très logique… » Murmura Albus, tandis qu’Harry, qui pourtant était habitué aux pensées de son amie, trouvait cela tout de même particulièrement tiré par les cheveux.
« Ne marchez pas sur cette dalle ! Elle n’aime pas ça et vous le fait savoir.
— Comment ? se piqua de curiosité le vieil homme.
— Professeur, coupa Harry. On a quand même quelque chose d’important à faire ici.
— C’est vrai, Harry Potter, survivre à la salle des méfaits serait déjà pas mal. »
Harry secoua la tête, il n’aimait pas quand elle l’appelait comme ça. Cela sous-entendait souvent qu’elle allait lui donner une leçon politique, ou qu’il était dans une posture d’Élu, ou pire : qu’il venait de dire quelque chose qu’elle trouvait stupide. Il allait répliquer quand Luna étendit ses bras, ouvrant la cape d’invisibilité pour qu’on voie sa tête et deux mains dépasser. Là, elle pointa l’ensemble de la pièce, et la réflexion du jeune homme se coinça dans sa gorge. Oui, effectivement, il s’agissait déjà de survivre à l’endroit.
La salle ne semblait avoir ni de fond ni de plafond. C’était une série de monticules d’objets, de meubles, de choses dans tous les sens plus ou moins ordonnée en rangées, mis là par des générations et des générations d’élèves, de visiteurs, de surveillants, de professeurs. La pièce était plutôt calme, même si de nombreux ronronnement d’objets magiques, de créatures probablement cachées, de toussotements étranges, de tintements, de coups frénétiques, de grincements, de raclements s’élevaient de temps à autres. Malgré tous ces étranges bruits, on pouvait très bien converser à voix haute et distinguer différents types de son. Les couleurs et les odeurs étaient quant à elles toutes aussi variées, donnant le tournis aux nouveaux arrivants. Ni Harry, ni Albus ne savait où regarder en premier, et chacun jetait des coups d’œil comme des enfants émerveillés et lâchés dans une version cauchemardesque de la boutique des Weasley. Il sembla bien à un moment au jeune homme qu’une flamme vrombit au loin, derrière une drôle de calèche sans attelage, et Luna se contenta de hocher la tête comme pour signifier qu’il interprétait bien l’origine du feu.
« Heu…, balbutia-t-il. C’est vraiment dangereux, ici ?
— C’est la salle des méfaits. Je ne sais pas si elle s’appelle vraiment comme ça, mais toute chose volée, toute preuve de crime arrive forcément ici. Je te l’ai dit, c’est là que je retrouve toujours mes affaires quand on me les cache.
— Non, mais… La hache et le truc genre souffle du dragon, c’est quand même…
— Oh, ce n’est rien ! Tu devrais voir le squelette qui fume la pipe, il est marrant.
— Il y a des cadavres dans cette salle ?! s’étrangla Albus.
— Poudlard n’est pas un lieu pour les enfants, Professeur, je pensais que vous le saviez. » Lui rétorqua la Serdaigle très sérieuse.
Comme pour confirmer son propos, une longue plainte émana d’une drôle de boîte à taille humaine. Harry frissonna, ne sachant pas s’il n’avait pas plus peur de cet endroit que de la Chambre des Secrets.
« Que cherchez-vous, alors ? les relança-t-elle.
— Nous pouvons parler librement ici, Miss Lovegood ? Vous êtes certaine qu’aucune oreille malveillante n’entendra notre conversation ?
— Ah si, elles entendront. Mais aucun secret ne sort jamais de cette pièce. À moins qu’elles ne vous appartiennent, ou ayez une quelconque prétention à leur sujet… répliqua-t-elle sibylline.
— Ce qui me semble logique, acquiesça Albus, avant d’ajouter soucieux : Et heureusement resolvable.
Harry les regarda un long moment, avant de comprendre que ses deux alliés partageaient une certaine intelligence matifiée de folie. Il accepta l’idée de renoncer à tout comprendre, et hocha la tête pour signifier qu’il était prêt à partir en quête de l’objet. Dumbledore jaugea un long moment la Serdaigle dont la tête flottait toujours, et se racla la gorge.
« Nous recherchons le diadème perdu de Serdaigle.
— Ah bon ? Ce n’est pas la salle des objets perdus, pourtant… Il a été volé ?
— Oui… répondit du bout des lèvres le vieil homme.
— Oh ! Et pas par quelqu’un d’agréable, à ce que je vois. C’est pour ça que vous m’emmenez, parce que je suis une Serdaigle. Oui, c’est évident… Bien, que devons-nous chercher réellement ? Un bijou ? Une preuve ? Un trophée ? Un artéfact ?
— Qu’entendez-vous par là, Miss Lovegood ?
— C’est très simple, Professeur. Selon ce que l’objet est aux yeux du criminel, il ne sera pas caché de la même façon. »
Harry et Dumbledore échangèrent un bref regard, et à la grande surprise du cadet, le Directeur explicita sa demande :
« Nous chassons un morceau de l’âme de Voldemort… »
***
Jane et Severus arrivèrent dans la ruelle qui bordait l’immeuble où vivaient Élise Smith et Colin Barnes. Après que les couleurs et les lignes du décor se soient stabilisées, le Sorcier planta son regard dans celui de son amie pour la sonder. Il la tenait fermement contre lui, comme il avait en avait pris l’habitude et il la laissa s’éterniser un instant de plus dans ses bras. Elle avait peur. Manifestement Jane se doutait des réponses qu’on allait lui apporter, mais elle avait peur des conséquences. Snape se recula doucement, accompagnant les mains de la jeune femme qui glissaient sur ses bras avant de s’accrocher aux siennes. Il les serra brièvement, et la lâcha en hocha la tête.
« Vous êtes prête ?
— Je ne sais pas, je devrais peut-être l’appeler pour vérifier qu’elle est bien à la maison… ?
— Nous sommes un 24 décembre, il y a des chances.
— Et si elle était en train de faire des courses ?
— Elle reviendra.
— Ou qu’ils avaient décidé de fêter Noël ailleurs ?
— Vous vous défilez. »
Jane soupira et se gratta la tête d’un air embarrassé. Elle inspira un grand coup et se dirigea vers l’interphone de l’immeuble d’un pas décidé. Avant d’appuyer, elle retint son index et se tourna vers lui :
« Vous… Vous êtes certains que vous voulez rester ?
— Ils pensent déjà que nous sommes ensemble.
— Certes, mais ça ne ferait que…
— Vous voulez que je m’en aille ?
— NON ! Non, je crois que… »
Jane rougit et leva les yeux au ciel, comme agacée contre elle-même.
« J’ai peut-être besoin de vous.
— Il n’y a pas de honte à avoir, Jane… Vu l’homme que je suis, c’est tout à fait normal. »
Il lui sourit et ça l’amusa assez pour que son regard s’éclaire légèrement. Puis, elle se rembrunit et remisa ses interrogations féministes loin derrière sa nouvelle angoisse. Elle pressa le bouton, et le carré métallique finit par répondre avec la voix d’Élise.
« Oui ?
— Salut maman… Heu… Ben, c’est Jane, ta fille.
— JANE ! Je suis si… Attends, que se passe-t-il ? Tu vas bien ? Un problème ? Je t’ouvre, monte tout de suite ! »
Une sorte de bourdonnement libéra la porte d’entrée qui s’ouvrit légèrement, invitant à la franchir. Severus s’empara de la poignée pour faire le portier à sa jeune amie qui n’eut pas d’autre choix que de rassembler son courage et monter. Heureusement, Élise n’avait pas dévalé les escaliers pour arriver à leur rencontre, cela leur laissa tout le loisir de s’observer à travers la glace de l’ascenseur. Ils se fixaient tous deux, sans rien dire, et Jane se demanda si on pouvait pratiquer la Legilimancie avec un miroir.
« Oui.
— Je vous avais dit…
— C’est une habitude.
— Ce n’est… »
La porte avala sa réplique, et la mine réjouie de la mère de Jane les cueillit. Élise sourit tendrement à sa fille avant de repérer Severus et d’hausser les sourcils si hauts qu’ils disparurent derrière sa frange. Elle gloussa et élargit son sourire, alors que l’espion comprit le cheminement mental de la mère. Il allait ouvrir la bouche, mais elle avait déjà tourné les talons en attrapant Jane par la main pour la tirer dans le salon.
« Ma chérie ! Ça fait si longtemps ! Je ne m’attendais pas à ce que tu viennes. Enfin, que vous veniez ! À l’improviste, en plus ? Quelque chose se passe ? Une bonne nouvelle, j’ai envie de croire ? Asseyez-vous. Colin n’est pas là, il est toujours en train de faire les courses. On voulait se faire quelque chose en amoureux, mais… Si vous voulez rester… Je m’emballe, attendez, vous voulez boire un thé ? Un café ? Quelque chose ? Oh ! Raconte-moi tout, ça fait un an que je ne t’ai pas vu ! Tes cheveux poussent drôlement vite ! Et t’as l’air fatiguée, tu sais. Tu prends des vitamines ? Tu ne vois vraiment pas assez le soleil. Tu travailles sans doute trop… »
Le flot était incessant. Jane se laissa asseoir sur le canapé, Severus la rejoint sans mot dire, la fixant en espérant qu’elle se ressaisisse et interrompe sa mère, mais la jeune femme ne semblait pas en avoir le courage. Élise se mit à faire des allers-retours entre la cuisine et le salon pour leur servir quelque chose, tout en continuant son monologue. Comme l’année précédente, un gigantesque sapin richement décoré s’élevait dans leur dos, et la grande baie vitrée ouvrait sur un Londres grisailleux et froid matinal. Le fait de ne pas se sentir totalement étranger dans la pièce dérangea profondément Severus qui pressa discrètement son genou contre celui de Jane pour qu’elle retrouve ses esprits. La jeune femme tressaillit et secoua la tête sévèrement. Alors qu’Élise continuait de babiller, Jane se racla la gorge :
« Heu maman… ? MAMAN ? Viens te poser deux minutes, je… J’crois qu’il n’y a pas trente-six manières d’aborder la question. »
La mère jeta une œillade perçante aux deux comparses, et sourit malicieusement.
« Eh bien… ! Tu en as mis du temps, j’aimerais bien que tu apprennes à me dire les choses, plutôt que je doive te faire craquer. Alors, c’est pour quand ? »
Severus cilla. Il avait beau l’avoir vu en filigrane dans l’esprit d’Élise, il restait interdit face à la question posée aussi directement. Jane pinça les lèvres et après l’avoir observé lui, se lança :
« Non. Ça n’est pas du tout ce que tu crois. Je suis là… Je suis là pour papa. »
Le sourire de l’aînée se fana, et ses sourcils se froncèrent d’inquiétude. Élise prit une place en face d’eux en fermant lentement les yeux. Comme si elle s’y était préparé des années auparavant, elle inspira longuement, et murmura :
« Il fallait bien que ça arrive un jour… »
***
Harry attrapa sa cravate et la passa négligemment autour de son cou sans pour autant la nouer. Il avait l’air débraillé, mais ça n’était guère important, il se sentait bien. Il tira sa baguette et murmura un sort pour voir l’heure qu’il était. Il étouffa un petit cri quand il se rendit compte qu’il était déjà 10h passées. Abandonnant l’idée d’un réveil en douceur, il se précipita sur le lit.
« Luna ? Luna ? appela-t-il en secouant son épaule. Réveille-toi ! On va manquer le train du retour ! Luna ? Luna il faut qu’on se lève, qu’on s’habille et qu’on… Merde, on est vraiment à la bourre.
— Hmm… Tu es soudain pressé… »
Harry leva les yeux au ciel et attrapa ses chaussures qu’il tenta d’enfiler, mais son talon écrasa l’arrière de l’une d’elles, et il dut donner un coup de poing dans le cuir pour le redresser. D’une autre main, il attrapa les affaires de la Serdaigle et les lui lança.
« Pardon, mais on est vraiment à la rue, là…
— Nous ne sommes plus dans la salle sur demande ? » Demanda-t-elle d’une voix ensommeillée.
Harry sourit et au lieu de lui répondre se contenta de lui lancer sa cape d’invisibilité. Malgré la fatigue, Luna l’attrapa avec une certaine dextérité et observa le tissu miroitant un court instant avant de planter son regard dans celui du Survivant. Très sérieuse, elle lui demanda :
« Tu as honte de moi ?
— Au contraire. Mais t’as pas envie qu’on te demande pourquoi t’es en chemise de nuit aux côtés d’Harry Potter… On va te cribler de questions. »
Elle se redressa, les draps glissant sur sa peau et la dévoilant, faisant tant rougir Harry qu’il aurait pu devenir le nouvel emblème de sa maison. Haussant les épaules, la blonde passa la chemise de nuit et s’enroula dans la cape.
« Je les criblerai de réponses, en ce cas…
— Et tu diras quoi ?
— La vérité : qu’Harry Potter et Albus Dumbledore m’ont sortie du lit pour que je les aide à trouver un bijou dans une pièce pleine de bordel…
— Ça n’est pas toute la vérité, non plus…
— Oh, je peux bien taire les états d’âme de Voldemort…, commença-t-elle en abaissant lentement la cape sur sa bouche. Ou le corps à corps d’Harry Potter… »
***
Combien de temps avaient-ils erré dans cette immense salle étrange ? Ils avaient pris la décision de se séparer et chacun avait décidé d’inspecter une rangée. De temps à autre, quelqu’un faisait une remarque sur une drôle de découverte, et c’est ainsi qu’ils apprirent que la pièce était pleine d’armes et de livres dangereux, d’objets venus du passé ensorcelés et de squelettes d’animaux. Harry croisa même le portrait peint d’un homme brun magnifique qui lui rappela vaguement la description d’un livre Moldu. Alors qu’il se perdait dans les reflets d’un étrange miroir qui semblait le montrer plus âgé qu’il n’était réellement, Harry sentit une drôle de sensation sourde étreindre ses entrailles. Son cœur s’emballa, pulsant durement dans sa poitrine au point qu’il en eut le tournis. Son reflet se tourna vers la droite, et bientôt, l’original l’imita.
Entre une colonne de chaises brisées et un amoncellement d’anneaux de but de Quidditch – probablement ensorcelés, le regard d’Harry fut attiré par un buste de marbre à l’allure grotesque. Il était coiffé d’une perruque colorée et mal-peignée et le jeune homme passa instinctivement les mains dans ses propres cheveux désordonnés. Son cœur continua de battre avec frénésie. Il sentit même l’énergie autour de lui se densifier, comme si le simple fait d’avoir une meilleure circulation sanguine suffisait à améliorer la perception de son environnement. Un fourmillement au bout de ses doigts le poussa à les bouger. Il se sentait presque inconfortable, gêné physiquement. S’approchant lentement du buste, presque respectueusement, Harry sentit les frissons s’intensifier. Quelque chose s’agita doucement en lui. Était-ce de l’excitation ? La résultante de la profusion de magie autour de lui ? Un ricanement s’échappa de ses lèvres, le sentiment de suffisance le gagnait. Au front de l’improbable buste aux cheveux bleus brillait une superbe couronne faite d’or blanc et piqué d’un énorme saphir étincelant.
Il avança instinctivement la main vers l’objet ne pressant pourtant pas l’allure. Il était intimement convaincu d’être face au diadème de Serdaigle et n’avait aucune envie de briser la magie de sa découverte en se précipitant. Les fourmillements dans ses doigts augmentèrent, se diffusant doucement dans ses phalanges et son bras, remontant, serpentant en direction de son cœur. Un puissant sentiment de satisfaction s’empara du jeune homme. C’était tout à fait normal, presque évident, qu’il trouvât l’objet. La sensation de propriété le grisa, le troublant momentanément. Était-ce parce qu’il était satisfait de posséder désormais un morceau de l’âme de Voldemort ? D’avoir, en quelque sorte, une ascendance invisible sur son ennemi ? Il ne s’aperçut pas immédiatement que son index et son majeur frôlaient les arrêtes brillantes du bijou. Il cligna des yeux quand ses doigts glissèrent contre le saphir pour en caresser les contours, apprécier de la pulpe toutes les facettes ouvragées. La pierre était douce et chaude au toucher. Elle semblait vibrer très légèrement, comme douée de vie. Harry inspira de panique en se rendant compte que les pulsations de son cœur battaient le même rythme, et rompit tout contact visuel avec l’artefact.
« PROFESSEUR ? LUNA ?! JE L’AI ! »
Ses deux comparses déboulèrent après quelques instants, essoufflés et pour Albus, un étrange chapeau à grelots fiché sur la tête.
« Professeur, qu’est-ce que…
— Aucune importance, Harry. Où est-il ?
— Ici, c’est bien cela, n’est-ce pas ? »
Le jeune homme désigna le diadème, sans pour autant oser le toucher à nouveau. Albus s’approcha avec prudence, les grelots sur son chapeau tintant légèrement tandis qu’il se penchait. Il fixait une inscription gravée sur le rebord qu’il lut à voix haute :
« « Tout homme s’enrichit quand abonde l’esprit » Oui, c’est bien cela, Harry, bravo ! Comment l’as-tu trouvé ?
— Je… Heu… J’ai vu un éclat, et voilà, éluda-t-il. Luna, c’est à toi que cela revient, je crois ?
— Pourquoi pas…
— Non ! coupa brusquement Dumbledore avant de retrouver sa bonhommie et de faire sonner ses grelots en souriant. L’honneur revient à celui qui l’a trouvé. Fais attention, cependant. Ne le touche pas directement, on ne sait jamais. »
Ce disant, il agita sa vieille main racornie en guise d’avertissement, et Harry tira de sa poche son vieux mouchoir taché. Comme un policier sur une scène de crime, il s’empara du diadème en couvrant sa main du tissu.
« C’est en le prenant simplement que vous vous étiez brûlé, Professeur ?
— Non, c’est en cherchant à le détruire. C’est pour cela que nous allons y aller plus doucement avec celui-ci…
— Celui-ci ? releva Luna en levant lentement sa baguette pour la pointer vers eux.
— Merde… se maudit Harry, avant de balbutier. Heu, Luna ? Qu’est-ce que…
— Baissez-vous, elle est à nouveau d’attaque. »
Le tintement des grelots accompagna l’étrange hurlement furieux de la hache ensanglantée. Les deux Sorciers obéirent alors que Luna projetait un sort doré contre l’arme. La lame para la première attaque, la seconde, mais la troisième la toucha à la poignée et elle sembla dévier de sa trajectoire pour se ficher dans un long coffre de pierre. Sur le cerclage d’un verrou qui fermait une quantité de chaînes massives, plus exactement. La Serdaigle allait frapper une nouvelle fois la hache pour faire bonne mesure quand Harry lui attrapa rapidement le poignet pour l’arrêter.
« Harry Potter, vous m’entravez, s’agaça la bonde.
— Ouais… Et toi Luna Lovegood tu libères des trucs je crois… »
Il était devenu pâle et étira l’index de la main qui tenait le diadème dans la direction de ce qui semblait être en réalité un très vieux tombeau de granit. Le couvercle pivota très lentement. Les grelots du Directeur s’ébrouèrent.
« Il est temps pour nous de laisser les secrets reposer en paix, murmura-t-il baguette pointée.
— Je… Je crois que c’est le terme… »
La voix d’Harry monta légèrement dans les aigus quand une main décharnée agrippa le rebord et qu’un râle sinistre accompagna une odeur terrible de décomposition.
« MAIS, YA QUOI D’AUTRE DE DANGEREUX DANS CETTE ÉCOLE ?! hurla le jeune homme.
— JE NE SAIS PAS, JE N’EN SUIS DIRECTEUR QUE DEPUIS QUARANTE ANS ! »
***
La mère et la fille s’observaient déjà depuis plus de cinq minutes sans rien dire. Les mains serrées sur ses genoux, Jane tremblait de plus en plus, le corps entièrement tendu et cherchant des réponses. Quant à Élise, la douleur et la honte se lisaient sur ses traits. Severus qui n’était pas devenu espion simplement parce qu’il portait la marque se sentit gêné d’une telle profusion d’émotions pour des choses aussi… banales que celles qu’il avait lues dans l’esprit de la mère. Dans la cuisine, la bouilloire électrique cliqueta, signe que l’eau était à bonne température et le Sorcier se leva souplement. Jane frissonna et lui jeta un regard suppliant, mais il leva une main apaisante :
« Je vais servir le thé, cela laissera à tout le monde l’occasion de trouver le courage de se lancer. »
Il s’éloigna, et Élise hocha la tête doucement, avant de demander :
« Que veux-tu savoir, exactement ?
— … Tout. Qui est mon vrai père ? Pourquoi tu ne m’as rien dit ? Pourquoi… Tout, maman. Je veux tout savoir.
— Pourquoi maintenant ? murmura Élise, d’un ton légèrement désespéré.
— … Une… Une journaliste américaine m’a contactée. Elle cherchait à retracer le parcours de pa… William pour un papier. Elle m’a trouvée, et… Elle m’a dit que… Eh bien qu’il était mort il y a pas longtemps et j’ai compris que tu m’avais menti. Pis, quand elle a parlé de ses autres gosses adoptés, j’ai pensé que…
— Que tu n’étais pas de lui ? Pourquoi ?
— Parce qu’apparemment il ne pouvait pas avoir d’enfant, maman. C’est ce que la journaliste m’a dit, et c’est pour ça qu’elle voulait savoir qui j’étais, pourquoi j’avais son nom alors que… Ben il avait refait sa vie. »
Severus trouva sans peine la boîte à thé et les boules nécessaires pour commencer à remplir la théière. Il n’avait pas particulièrement besoin de rester davantage dans la cuisine, mais il préférait écouter les mensonges de Jane de là où il était. Elle parlait d’une voix chargée d’émotion dont l’incertitude pouvait facilement être prise pour de la difficulté à évoquer cet épisode. La fable était plausible, beaucoup moins nébuleuse et incroyable qu’un vague fantôme d’adolescente aux connaissances des tabloïdes terriblement exactes. Son entraînement d’espion lui portait toutes les hésitations de ton, les pauses respiratoires, les mouvements et frottements de tissus témoins de gestes de gêne et d’inconfort. Mère et fille n’en menaient pas large, et tandis qu’il chercha à dénicher des gâteaux ou quoi que ce soit d’agréable à manger – le sucre et le chocolat avaient bel et bien des vertus calmantes, il le savait – il pinça des lèvres à la nouvelle question de Jane.
« Pourquoi tu m’as menti ? »
Qu’était le plus important pour elle ? La vérité sur ses origines ? Le fait qu’on l’ait manipulée ? Chipant un spéculos dans la boîte qu’il avait pu trouver, Severus grignota le bout sableux en réfléchissant à la question. Il n’était pas bien certain de comprendre pourquoi Jane vivait si mal cette affaire. Les faits étaient simples, les conséquences aussi. Poudlard était sans défense, fin de l’histoire.
« … Parce que la vérité était trop complexe ou sordide pour une petite fille.
— Je ne suis plus une petite fille.
— Et que par la suite il ne semblait pas nécessaire de revenir là-dessus. Tu n’as jamais trop posé de questions sur William. Un peu, vers l’âge où tous les enfants apprennent les noms des grands-parents et le principe des arbres généalogiques, mais… ça n’a jamais été important pour toi.
— Parce que… Parce que tu m’as dit qu’il était mort, d’un cancer… du pancréas ! s’énerva Jane. Putain, pourquoi ces conneries, en fait ?! Tu pouvais pas juste me dire que vous étiez divorcés, ou…
— Mais nous n’étions pas divorcés, Jane. »
Severus prétexta de trouver un plateau pour porter tout son attirail, et resta davantage dans la cuisine. Il avait été très surpris la première fois qu’il avait rencontré Élise et Colin, que les deux ne partagent pas le même nom, et que la mère et la fille si. Peu assuré quant aux mœurs Moldues, il n’avait alors rien dit. Il trouva un plateau où une affreuse tour Eiffel était grossièrement peinte dessus avec le traditionnel « I love Paris » écrit, et disposa les tasses, le miel et le sucre.
« … C’est… C’est… C’est débile. Je comprends pas.
— Je pense que si, murmura Élise, lasse. Qu’il soit mort de quelque chose de tragique était plus simple à comprendre et moins douloureux.
— Pour moi ou pour toi ?
— Pour nous deux.
— C’est ça…
— Jane… Est-ce que tu peux au moins ne pas m’enlever le fait que j’ai sincèrement pensé à ton bonheur ?
— En me faisant croire que mon père était mort ? Non, pire : en me faisant croire qu’un mort était mon père, et c’est qui mon père, hein ? Le facteur ?
— CA SUFFIT ! »
La mère avait haussé le ton et frappé du plat de la main la table basse. Severus prit un autre spéculos et le laissa fondre sur sa langue en inspirant doucement. Attendant le bon moment pour revenir.
« Tu crois que je t’ai menti par plaisir ?!
— Je crois que tu l’as fait par égoïsme, surtout.
— OUI ! OUI SI C’EST CE QUE TU VEUX ENTENDRE !
— CE N’EST PAS CE QUE JE VEUX ! JE VEUX LA VÉRITÉ ! POUR UNE FOIS, DIS-MOI LA VÉRITÉ !
— TRÈS BIEN ! Très bien ! Tu veux une discussion de femmes ? Très bien ! »
Severus entendit Élise se lever et s’approcher de Jane. Un instant, il se tendit, craignant stupidement pour son amie, quand il perçut vaguement Jane s’étrangler et le bruit d’un briquet précéder un soupir. Élise ouvrit une des fenêtres de la baie vitrée, et se mit à fumer avec colère.
« Depuis quand tu…
— Je fumais quand j’ai appris que j’étais enceinte de toi, coupa la mère d’un ton dur. Oui, je t’ai menti sur ça aussi, oui, je fumais. Et pas que des clopes. Moi aussi je traînais avec d’autres artistes, tu n’es pas la seule à t’amouracher de mecs paumés et grunges ou de types sinistres vaguement satanistes. Sauf qu’à l’époque c’était des hippies et des rockeurs, et que la drogue, le sexe et le reste n’avaient rien à voir avec aujourd’hui. Non, j’étais pas encore avec William. Je te parle d’avant, avant ta naissance, okay ? »
Elle souffla encore, et Snape entendit Jane en allumer une également et la rejoindre en silence.
« Je travaillais sur le livre qui m’a fait connaître…
— « L’architecte de mes nuits ? »
— Celui-là même… Même si c’est un livre pour adultes, tu sais que je n’aime pas dire n’importe quoi dans mes romans, je veux que mes personnages soient convaincants. À cette époque, je me suis mise à fréquenter la fac d’Arts Appliqués, et à côtoyer un peu les étudiants de l’école d’Architecture qui n’était pas loin… Londres, dans les années 80 était… Ah… ! Tu n’as vraiment pas idée, ma fille… ! J’ai jamais autant bu, jamais autant baisé qu’à cette époque. »
Severus avala de travers le spéculos, et tenta de couvrir sa quinte de toux.
« C’est là-bas que j’ai rencontré William et Colin. Ils étaient amis, et on l’est devenu peu à peu tous les trois…
— Oh… Heu… Tous les trois… les trois ? s’étrangla Jane.
— C’était bien avant la question du Sida, et de toutes vos pudibonderies. C’était en 1982. Hall et Oates chantaient « Maneater », Les Clash nous excitaient tous sur le rythme sensuel de « Should I Stay or Should I Go » et on dansait encore sur « Start Me Up » des Stones… Le sexe n’a jamais été aussi libéré et présent qu’à cette époque.
— Libéré ? On parlait à peine de l’homosexualité, et on avait une vision du Sida très homophobe, justement… reprit Jane, agacée.
— Sauf qu’on baisait sans se poser de question. Du moment qu’on était consentant ça restait de la fête, une éternelle fête.
— Et vous avez festoyé ensemble, c’est ça ? Genre, tous les trois, quoi…
— Tu vas me juger, Jane ? Tu crois que je pense naïvement que tes études avec tes amis ont été chastes ? Je te rappelle que j’ai dû une fois venir vous chercher avec Diane, Lucy et Dimitri alors que vous étiez tous…
— D’accord, d’accord, coupa Jane en jetant un coup d’œil en direction de la cuisine. Vous étiez assez bons amis pour… Avoir confiance et avoir envie de vous amuser.
— Ah tout de suite, tu te fais moins juge, hein… ? Ce n’est arrivé qu’une fois, j’ai vraiment craqué sur William à l’époque. On a fini par se mettre ensemble, par s’installer, tu vois ? Lui et Colin ont monté une étude tous les deux. Elle existe toujours d’ailleurs, ça non plus on n’a jamais pu régler ce problème…
— Quoi ?
— Tu comprendras. On a fini par se marier avec William. Tout se passait bien à l’époque, on emménageait dans une petite maison de banlieue, on essayait d’avoir un enfant, on s’était endetté pour payer tout ça et commencer à être des adultes responsables…
— À vingt-trois, vingt-cinq ans, c’est ça ?
— C’est ça. Mais à l’époque, Jane, c’était normal. On vivait intensément jeune, et…
— Quand est-ce que ça a merdé ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
— À ton avis ? »
Severus n’arrêtait pas de changer les tasses de place, les cuillères de place, de manger un spéculos, d’en remettre sur le plateau, d’en manger un autre, de rougir, de se concentrer, d’hésiter à s’en aller.
« Le bébé de l’amour n’est pas venu, et ça a foutu la merde, c’est ça ? soupira Jane.
— Tu t’attendais à quelque chose de plus original ? Non ma fille, c’est aussi banal que ça. Ça a commencé à peser, je me suis mise à en faire une obsession, lui aussi. William en avait marre de rentrer et de ne faire que ça. Ça, c’est essayer de t’avoir.
— J’avais compris…
— C’était devenu ingérable notre couple. On s’engueulait, on couchait ensemble, je faisais un test, et on recommençait. C’était horrible, une des pires périodes de ma vie. Je… Je parlais beaucoup à Colin de tout ça, il était notre plus proche ami, tu vois ?
— Oui. Je crois que je vois totalement. Et t’es tombée enceinte…
— Évidemment… Une fois aura suffi. Tu peux être certaine que dans ces cas-là, une fois est suffisante pour te mettre vraiment dans l’embarras… Au début, je me suis dit que c’était super, tu vois ? Que ça allait calmer les choses, ce qui a été le cas.
— Jusqu’à ce que William apprenne la vérité… Comment il l’a su ?
— Il… Il a eu un problème et a dû être opéré des testicules. Une torsion qui l’a conduit à l’hôpital et après un check-up…, Élise soupira et jeta sa cigarette. Les médecins lui ont dit qu’il était stérile. Mais ce n’était pas du tout une conséquence de cet événement, tu vois ?
— Oh que oui… Et lui qui avait une gamine de quoi… Quelques mois, c’est ça ? Ça a dû jeter un froid… »
Elles revinrent se poster sur le canapé. Élise hocha doucement de la tête et regardant sa fille avec honte.
« Je suppose qu’il n’y a aucune bonne façon de prendre une telle chose. William est entré dans une colère noire. Évidemment… Évidemment, il avait tout de suite compris qui était ton vrai père.
— Évidemment, murmura Jane. Tu peux le dire, maman, je pense qu’il est temps.
— C’est…
— C’est moi. »
Deux gros sacs de courses posés sur le sol, l’écharpe et le manteau encore correctement boutonnés, Colin Barnes était rentré chez lui un 24 décembre dans l’idée de faire un somptueux poulet braisé, et faisait finalement face à sa fille. Sa fille. Jane Barnes.
***
Harry pressa le pas, cherchant à éviter au maximum de croiser des Aurors dans les couloirs, des élèves, ou n’importe quoi qui lui demanderait pourquoi il n’était pas déjà à la gare de Pré-au-Lard. Un instant, il se demanda s’il n’allait pas tout simplement foncer là-bas pour prendre le train au vol, mais à ses côtés, bien que dissimulée par la cape, marchait une Luna dans une toute petite chemise de nuit. Une vraiment toute petite chemise de nuit. Une décidément trop petite chemise de nuit.
***
Luna s’était écriée de stupeur, alors que la main décharnée retenait un pan de son vêtement. Au bout de la main, une créature hideuse et puante aux formes vaguement humaines tentait de l’attirer à elle. Ce n’était pas un Inferus, cela ne se pouvait. Ce n’était pas une goule, elles étaient inoffensives. Alors qu’était-ce ?! Harry attrapa Luna par la taille et la tira à lui comme Luke tira Leia pour la tenir face aux Stormtroopers. La créature refusa de lâcher la chemise de nuit qui se déchira sous la tension. La Serdaigle se retrouva cuisses nues mais la chose tomba à la renverse sous sa propre inertie.
« PROFESSEUR ! IL FAUT QU’ON SORTE D’ICI !
— PAR LÀ ! »
Le vieil homme et les grelots répondirent de concert et Harry s’élança, en tenant toujours son amie proche de lui. Luna se laissait entraîner et en profita pour jeter quelques sorts pour couvrir leurs arrières.
« Tu es sûre de ce que tu fais ?
— Cours vers ton destin Harry Potter… À moi les détails. »
Peu convaincu, il accéléra le pas en continuant de la tirer à lui. Quand il entendit un terrible grondement derrière et un léger hoquet, il grinça des dents :
« Les détails grossissent avec toi, apparemment…
— Ce n’est pas le moment de faire dans l’humour gras, Harry. Cours. Vite. »
Il fronça les sourcils, mettant beaucoup de temps à comprendre où elle voulait en venir, mais quand le cri agonisant de la hache lui parvint, mêlé à un grondement animal, au râle de la créature, et à une forte odeur de brûlé, Harry sut qu’il lui fallait obéir.
« MAIS C’EST QUOI CETTE ECOLE ?!?
— LÀ ! SAUTE HARRY ! ATTENTION ! »
Par réflexe, il obtempéra en attrapant Luna qui passa ses bras autour de lui rapidement. Un instant ils se sentirent suspendus dans les airs et contemplèrent non pas le sol dallé, mais une sorte de gouffre d’où vrombissaient des flammes écarlates et des hurlements sinistres. Ils se sentirent immédiatement attirés vers les profondeurs de cet enfer, quand la voix puissante de Dumbledore s’éleva, et qu’une sorte de main invisible les porta tout en douceur au-dessus de cette fournaise. Par chance, ce qui les poursuivait sembla craindre également cette vision cauchemardesque et ils purent sortir de la Salle sur Demande sans encombre. La porte les vomit presque avec agacement, comme énervée du foutoir qu’ils avaient provoqué et disparut lentement dans une plainte d’agonie.
Se relevant avec naturel, et rajustant la cape d’invisibilité, Luna les observa d’un air excité.
« C’était une belle aventure ! Si ta vie ressemble toujours à ça, Harry, tu devrais songer à l’écrire…
— C’était… C’était dingue, qu’est-ce que c’était que ça à l’entrée ? Putain, j’ai bien le… Oui ! Il est toujours là, soupira Harry en brandissant le diadème.
— Pour la faille vers le centre de la terre, je crois que c’est moi, j’ai couru sur la dalle que Miss Lovegood avait pourtant identifiée comme dangereuse… Mais ce n’est pas l’important, l’important est que vous soyez tous les deux sains et saufs et qu’on ait tout récupéré.
— Qu’est-ce qu’on fait maintenant Professeur, on le détruit ?
— Pas immédiatement, je vais demander l’assistance de Severus cette fois… Nous verrons cela après Noël, si je le lève ce soir après tout ce qui s’est passé…
— Que s’est-il passé ?
— Rien qui ne vous concerne pour l’heure les enfants, sourit Dumbledore en secouant son nouveau chapeau plein de grelots.
— Et ça c’est quoi, en fait ?
— Ça ? Oh… C’était à moi quand j’avais votre âge… Mais le bruit énervait mes collègues de chambrée, je crois… Et je l’ai… perdu. Je suppose qu’il a été en réalité « égaré » ici par un de mes camarades. Je suis content de l’avoir retrouvé. »
Luna hocha la tête et remit en place un grelot en souriant.
« Il est vraiment très beau et vous va très bien, Professeur.
— Je trouve aussi. Merci pour votre aide à tous les deux. Harry, nous nous verrons…
— Attendez, vous allez venir, tout de même demain ? Je sais qu’il y a plus important que Noël, mais…
— Je passerai sans doute, car il n’y a rien de plus important, surtout pour vous. Mais j’ai effectivement fort à faire. Je pense en avoir isolé un autre, et il est urgent que je planifie son extraction. Celui-ci devrait nous donner beaucoup plus de fil à retordre, termina Albus d’un air préoccupé. Mais laissez les inquiétudes d’un vieil homme là où elles ont leur place.
— Sur ses épaules ? proposa Luna.
— Tout à fait, Miss, et pas sur les vôtres. Prenez du repos, le train part tôt demain, n’oubliez pas ! »
Il s’en était allé d’un air guilleret, le diadème soigneusement enveloppé dans le mouchoir et le dissimulant sous son couvre-chef improbable. L’observant tous deux, Harry et Luna étaient restés seuls. Le jeune homme allait faire demi-tour pour retourner à son dortoir quand il vit son amie chuchoter à nouveau au pan de mur.
« Qu’est-ce que tu fais ?
— Je négocie.
— Tu veux y retourner ?
— Non, mais je veux bien retourner me coucher.
— Justement, tu… »
Des entrelacs, cette fois-ci plus délicats étaient alors apparus, dévoilant une petite porte aux formes rondes et accueillantes. Luna la passa, ravie, remerciant la Salle, et Harry hésita. Quels genres de monstres ou d’aventures à sensations fortes il allait trouver là-dedans… ?
***
Colin regarda sa fille avec gravité, les yeux embués de larmes. Un lourd silence s’installa, et Colin reprit les sacs pour les porter à la cuisine. Ils se croisèrent avec Severus, mais n’échangèrent pas un mot. Les deux hommes entreprirent de ranger en silence les victuailles, remettant le thé à réchauffer, avant de retourner dans le salon tous les deux, apportant un peu de réconfort à chacun. Colin se posta près d’Élise et lui prit délicatement la main, tandis que Severus s’assit maladroitement à côté de Jane, croisa les jambes en regrettant amèrement de jouer les figurants. Colin inspira, pendant que Jane servait le thé sans pour autant cesser de le fixer, ce qui manqua de les conduire à la catastrophe. Severus lui prit doucement les affaires des mains et décida de s’en charger, en inclinant la tête.
« Je suis ton père…, commença l’architecte.
— Tu l’as toujours été pour moi, murmura Jane émue.
— Je sais, je veux dire que… Tu es de moi. Et la décision de te mentir a été prise par nous deux. Je ne dis pas que ça a été la plus intelligente, seulement à l’époque, on ne voyait pas bien comment faire.
— Qu’est-ce qui s’est passé ?
— William a…, sa mère s’arrêta, se mordant la lèvre en inspirant longuement. Le temps n’avait toujours pas effacé cette histoire.
— William s’est vengé. Il a copieusement insulté Élise, pour commencer… Il… ne lui a pas fait de mal physiquement. C’est à moi qu’il a cassé la gueule, en fait.
— Ton nez ce n’est pas à cause du Cricket, alors ?
— Si, mais ça n’a rien arrangé. Il s’est tiré surtout avec tous les papiers. Ceux de la baraque, ceux de l’étude, tout… Il a tout laissé en plan. Et surtout… »
La tasse de Colin trembla sous l’effet de la colère, et Élise évita de regarder son compagnon ou leur fille.
« Il s’est surtout gardé de libérer ta mère, et a dépensé des sommes folles en leurs deux noms – ou même au mien avec l’étude – pour nous faire payer.
— « Libérer »… ?
— Smith n’a pas divorcé pour que votre mère ne puisse jamais se remarier, qu’elle ne puisse jamais se séparer de lui. Jamais refaire sa vie. Qu’ils ne puissent jamais dire que l’enfant n’était pas de lui… Qu’ils ne puissent jamais être la famille qui aurait dû être la sienne. »
Severus avait la voix rauque et dure, et il regardait le couple sans laisser transparaître la moindre émotion. Il était facile pour lui de comprendre les motivations de William Smith, il aurait fait probablement la même chose… Quoi qu’à son âge, il aurait peut-être même envisagé de massacrer…
« Oui. Et le monde de l’Architecture est très particulier, de nos images dépendent nos carrières, compléta Colin. J’étais baisé si je voulais vivre avec elle…
— Mais… attends ‘pa, vous vivez ensemble, et lui était vivant. Dans le milieu ils doivent bien savoir qu’il y a un souci quand même ? Qu’ils sont séparés, ou un truc dans le genre ?
— Dans la Haute Londonienne, peut-être… C’était il y a trente-deux ans, Jane. Lui a pu refaire une réputation aux USA, et moi j’ai fait profil bas.
— Pourquoi ? Tu aurais pu faire carrière, en fin de compte toi aussi.
— Et laisser Élise élever seule mon enfant ? Avec des dettes et des imbroglios juridiques liés à notre relation ? On te fait boire quoi dans ton école de star pour que tu oublies qui je suis ?! Et ne t’avise pas de croire que tu n’es qu’une responsabilité. Moi, ça m’allait en fin de compte. J’aimais déjà cette sulfureuse auteure d’érotisme depuis des lustres… Peu importe qu’on doive se battre, elle en valait la peine. Et un seul regard sur toi m’avait suffi à savoir que toi aussi.
— … Et… Et toi, maman ? demanda Jane la voix enrouée.
— Moi quoi ? Est-ce que je regrette ? Certainement pas ! Nous avons été très heureux tous les trois. Assez pour qu’on oublie presque totalement cette histoire… Je suis désolée qu’on ait dû te mentir, on ne voulait pas que tu te sentes rejetée, ou mal-aimée, justement. Nous ne voulions pas que tu croies que tu étais un accident… »
Jane remua et Severus comprit qu’elle se retenait de faire remarquer qu’elle l’était justement. Il se tut, prenant doucement sa main dans la sienne et la leva légèrement, l’invitant à se lever pour qu’elle aille à leur rencontre.
« Est-ce si grave que ça, Jane ? demanda Élise inquiète. Si grave que tu aies cru tout ce temps que tu étais la fille de William ? »
La jeune femme hésita, échangeant un bref regard avec son ténébreux compagnon et secoua la tête.
« Je ne sais pas… Mais je comprends, murmura-t-elle. Vous étiez vraiment…
— … jeunes ?
— Oui, et dans la merde surtout… Je crois qu’il n’y avait rien d’autre à faire. »
Severus se leva en prétextant vouloir se laver les mains et les laissa seuls tous les trois. Les sanglots ne tardèrent pas à fuser alors qu’il quittait à peine la pièce et il inspira longuement, décidément peu à l’aise avec ce genre de situations.
***
Ils avaient pu repasser l’un et l’autre dans leur dortoir respectif et récupérer leurs affaires. Ils déboulèrent presque ensemble dans le parc de Poudlard et Harry pesta en voyant la longue pente descendre jusqu’au village de Pré-au-Lard.
« On n’y sera jamais à temps…, se lamenta-t-il.
— Qu’importe, si nous ratons le train nous irons en balais, ou à dos de Sombrals…, proposa Luna qui semblait adorer cette idée.
— Mais oui ! Accio Éclair de Feu ! »
Il tendit la main en direction des airs et tout en jetant quelques sortilèges de rétrécissement et d’allègement à leurs paquetages qui n’avaient pu être acheminés à temps par les elfes. Luna replaça machinalement le radis qui pendait à son oreille – dans le mauvais sens, et scruta les airs, peu convaincue.
« Tu n’as jamais songé que quelqu’un d’autre puisse avoir un autre Éclair de Feu à Poudlard ?
— Je le saurais, quand même… » S’amusa Harry avant qu’un vrombissement ne le coupe et qu’un superbe balai se fiche dans sa main.
Il écarquilla les yeux en voyant la poignée tressée d’un fin tissu écossais pourpre.
« Merde, c’est pas le mien… Mais à qui… ?
— Rends-le Harry, je pense que la personne n’a pas envie de se voir voler un objet aussi beau. Il est quelle heure ? Tu as peut-être le temps d’appeler le tien… ?
— Mais ? Mais comment on renvoie un balai ? Il faut le monter pour…
— Rentre retrouver ton propriétaire. » Ordonna Luna en caressant le manche avec tendresse.
À la grande surprise du jeune homme, l’artéfact obéit et fila en direction de la tour où il avait manqué de s’écraser lors de son premier cours de vol.
« C’est dingue… Tu… tu fais vraiment des trucs…
— Je suis surprise que cela continue de te surprendre, s’amusa-t-elle en lui lançant une œillade qui le fit rougir.
— « Accio Éclair de Feu de Harry Potter » ! Je suis très surprenable comme garçon, répondit-il en l’enlaçant avec tendresse.
— Et parfois surprenant. Au vol ?
— Au vol ! »
Ils sautèrent de concert quand l’objet déboula en sifflant, comme heureux qu’on le sorte de sa remise. Ils l’enfourchèrent et tandis que Luna tenait fermement Harry, les mini-valises dans les poches, ce dernier se coucha sur son balai avec une grande appréhension, portant pour la première fois quelqu’un.
« YOUHOU ! » Cria Luna de joie en lâchant les mains pour mieux se sentir libre.
Les entrailles d’Harry se contractèrent de peur et il attrapa une des mains de la blonde pour la remettre sur son torse. Ils filèrent droit vers la gare où le Poudlard Express les attendait, la fumée épaisse s’élevant en de grosses volutes préparatrices.
« Tu veux que je remette la cape ? murmura Luna à son oreille.
— Certainement pas ! À moins que tu préfères que je la mette moi, cria-t-il amusé.
— Non, je n’ai pas honte d’être avec toi… J’en suis même plutôt heureuse.
— Moi aussi ! » ria-t-il, incertain quant au fait que le vent n’avait pas emporté sa réplique.
***
Severus revint auprès d’eux quand il sentit qu’ils en avaient terminé. Il n’avait rien appris, il n’était d’ailleurs pas là pour ça. Jane leva des yeux rougis vers lui et lui sourit.
« Je vous ai gardé un spéculos. » Murmura-t-elle en lui poussa un petit bâtonnet et une nouvelle tasse de thé fumant.
« Merci, sourit-il. Il va falloir…
— Restez avec nous, proposa Colin.
— Heu… Ce soir nous sommes déjà pris en fait par un truc de l’école et…
— Je parlais de ce midi Jane. Et puis, vous pourrez nous dire un peu comment vous, vous allez. »
C’était une situation complexe, difficile de dire qu’il leur fallait rentrer immédiatement, difficile d’expliquer que Severus pouvait avoir mieux à faire… Difficile de trouver une parade décente à cette situation. Un instant, Jane regretta son choix de venir ici. Elle se tourna vers son ami, et le sonda du regard, il esquissa un sourire rassurant.
« Je n’ai pas particulièrement faim, puisque j’ai commencé dans la cuisine, mais cela serait avec plaisir… Si Jane en a envie, évidemment. »
Cet ajout tira un regard de connivence aux deux parents, et Jane déglutit en demandant à pouvoir se rafraîchir. Elle s’éclipsa si vite que Severus crut un instant avoir dit quelque chose de mal. Instinctivement, Colin comprit son malaise et secoua la tête :
« Montez, elle doit être allée dans sa chambre. Si elle vous hurle dessus, c’est qu’elle a besoin d’être seule, mais je pense… Je pense que non. Nous allons commencer à faire à manger.
— Vous êtes certain que…
— Non. On ne l’est jamais. Mais le courage ne doit pas être une qualité dont vous manquez, je pense. Merci, par ailleurs, d’être venu pour l’aider dans cette épreuve. »
Snape allait répliquer quelque chose quand il préféra se taire et bondit presque sur ses jambes pour prendre l’ascenseur qui l’amenait à l’étage des chambres à coucher. Il retrouva facilement son chemin, se dirigeant vers la pièce où il avait eu tant d’heures pour songer au passé… Et au présent. Il cogna doucement à la porte, et ouvrit sans trop attendre de réponse pour voir Jane sursauter et chercher à éviter son regard. Il se retint de lever les yeux au ciel et se contenta d’approcher en silence, prenant les épaules de la jeune femme entre ses mains avant de l’attirer doucement à lui. Elle resta un moment à lui faire dos, avant qu’elle ne finisse par pivoter et plaquer son visage contre son épaule. C’était incroyable le nombre de façons différentes qu’elle pouvait avoir de pleurer. Il avait fini par comprendre ce qu’un sanglot silencieux signifiait :
« Il n’y a pas de honte à avoir, Jane. Vous pouvez être… bouleversée par tout ça. »
Elle rit entre ses larmes, tremblant un peu nerveusement et leva un regard sérieux, bien qu’embué.
« Je sais que vous n’aimez pas les effusions. Et vous devez être en train de regretter d’être venu. Ou de vous dire que je me mouche dans votre cou.
— Contre mon torse serait plus exact. Mais vous le prenez pour votre propriété depuis quelques heures…
— Ouais… C’est con, toute cette histoire pour juste… Merde, murmura-t-elle en se tapant le front contre son torse. Une bête histoire de cul, et paf !
— Une histoire de… cul, qui dure depuis plus de trente ans, cela dit. Arrêtez de me frapper, vous allez vous faire mal. »
Il avait dit cela très sérieusement, mais Jane partit à rire. Elle s’écarta et le fixa derrière les larmes qui devinrent des larmes d’amusement, et rit, rit sans pouvoir s’arrêter. Severus se pencha, inquiet, et lui tint le visage entre ses mains pour plonger dans ses pensées à la recherche de la moindre chose indiquant une attaque, quelque chose. Mais il n’y avait rien de grave. Il sourit légèrement en lisant dans son esprit. Elle avait juste trouvé sa réplique prétentieuse et amusante. Jane s’assit sur son lit et redevint peu à peu sérieuse, tandis qu’il l’observait, toujours debout.
« Et maintenant ? Qu’est-ce qu’il va se passer ? Je vais devoir partir, c’est ça ? Vous quitter ?
— Nous quitter, Jane ? » Demanda lentement Severus en commençant à comprendre le nœud véritable de son problème.
Ils se fixèrent un instant, sans qu’il n’ose aller au bout de sa question. Elle se mâchouilla la lèvre, inquiète.
« Je ne veux pas partir.
— Albus vous a dit que vous pouviez rester.
— Mais je ne sers plus à rien.
— Si la Communauté Sorcière ne se composait que de personnes utiles, Potter aurait enfin débarrassé ma vie.
— Je suis sérieuse, Severus ! Mon sang ne vaut rien, il ne sert à rien ! Tout ça c’est très bien pour maman et… papa. Ouais ! Mais mon sang n’a aucun intérêt.
— Il n’en a jamais eu. »
Il s’accroupit près d’elle et l’observa le regard perçant, les mâchoires légèrement contractées.
« Votre sang ne m’a jamais intéressé. Je pensais m’être fait comprendre quand je vous avais expliqué combien cela n’avait jamais eu la moindre importance pour moi.
— Je ne parlais pas… bredouilla Jane en rougissant.
— Moi je parle de ça. Quant à la guerre, sang ou pas, une fois en dehors de l’école, vous ne serviez pas à grand-chose. Vous avez été plus utile comme Professeure, que comme réserve d’hémoglobine prestigieuse. Du reste, la seule fois où votre sang a été en jeu, j’ai dû décapiter votre prétendant… »
Il se releva et lui tendit la main d’un geste impérieux qui leur rappela un bref instant cette fameuse nuit. Elle l’attrapa et se pressa un brièvement contre lui en secouant la tête.
« Vous les tuerez tous ?
— Je suis un assassin, Jane, c’est ce que font les assassins.
— C’est un peu… rude.
— Je ne suis pas aussi conciliant que William Smith. »
C’est cocasse, j’ai un faible pour ton Snape et ta Luna… ça devient compliqué là… :p
Bon franchement, c’était génial, quel bon moment j’ai passé à te lire. Merci pour ce chapitre, ça fait du bien.
Jape avance bien, j’suis contente :p
Evidemment, hâte d’avoir la suite. Prend ton temps pour bien la bichonner. Cette histoire est vraiment merveilleuse.
« Jape », je m’en remets pas. J’ai l’impression d’être une histoire officielle, ou un auteur officiel avec un nom de couple donné par une superfanbase. Mais, hey, j’ai quand même une super fanbase. Comme ça va me manquer quand je vais passer à LCDC qui n’est pas du tout un gros fandom T.T
Bref, merci beaucoup, je suis très surprise de l’accueil réservé au chapitre, je ne pensais pas qu’il toucherait autant les gens. J’avais peur d’être maladroite sur les relations entre les uns et les autres, j’ai même hésité pour Harry et Luna (avant de me rappeler que ce sont des gosses de 16 ans dans un même lit #FautPasDeconner).
Merci beaucoup, vu que je dois rattraper mon retard pro (et qu’il n’y a pas deux fériés dans la semaine pour justifier que j’en branle pas une), je pense qu’il va falloir attendre début juin pour la suite. Notamment, parce que le chapitre qui vient encore après est si crucial (genre autant que celui de la grosse révélation) que je dois savoir comment les imbriquer les uns et les autres.
Bref, je me dis qu’on entre doucement dans la dernière phase. Il doit rester 15-20 chapitres grand max ?
J’ai à la fois hâte et pas hâte d’en finir…
Oh je comprends, j’ai ressenti ça quand j’ai décidé de tuer mon tout premier personnage de JDR forum ^^ Je ne regrette rien aujourd’hui haha
Les deux couples sont touchant en fait. ^^ Bon grosse préf pour Jape quand même… ils sont mignons, c’est bizarre à dire de Snape cela dit.
Quant à « histoire » et « auteur » officielles…
Soyons claire : l’histoire n’est pas officielle (mais le pourrait clairement vu sa qualité), l’autrice que tu es est tout ce qu’il y a de plus officielle et authentique. Tu ne peux pas te dire que tu n’es pas autrice officielle avec les pépites que tu nous ponds et je ne parle pas uniquement d’ALM (ni LCDC évidemment).
Pour LCDC, poste-là sur Wattpad également ? Je pense que tu as de fortes chances d’attirer des fans de l’univers en question (je sais pas si je peux dire duquel il s’agit alors du coup… je précise pas), qui sont très nombreux quand même. Enfin je sais pas, tu verras comme tu gèreras.
Mais sérieusement, moi qui n’aime ni l’univers d’HP ni l’autre, tu me hype avec tes deux récits (et je n’ai que le 1e chapitre de LCDC)
Puis tu m’a hype aussi avec ton texte pirate, alors que je suis pas une grande fan de pirate…
En fait tu peux me faire aimer tous les univers j’crois, je pense que ta grande force c’est l’écriture des personnages, ils sont fouillés, intéressants, ont vraiment une vie propre quitte à ce que tu fasses perdre du temps sur l’histoire de base et c’est pas grave.
La seule histoire avec laquelle j’ai du mal c’est l’Autopsie de Salton… faut que je m’y remette. 🙂
J’essaie de faire un Severus aussi gris que possible (beaucoup ont trouvé sexy la dernière phrase de ce chapitre alors… Alors qu’en fait, c’est clairement celle d’un mec assez violent, mais bon.).
Merci pour le commentaire sur ma qualité. Petit à petit, je commence à accepter l’idée que ça puisse être effectivement un vrai travail de composition. Mais bon.
Pour LCDC, oui, je vais la mettre sur Wattpad et FFnet, mais étrangement, il n’y a pas de fandom actif je crois. Peut-être que c’est une question d’audace, ou je ne sais quoi. Mais l’histoire que David travaille mérite absolument ça, c’est juste génial ce qu’il nous fait vivre et j’ai vraiment, vraiment envie de partager cette profondeur. Ya des thèmes vraiment oufs dedans. Bon, celle-ci sera classée adulte, parce qu’il y aura aussi du sexe, mais bon… On verra. (Si tu peux le dire. J’ose pas trop teaser dessus, parce que j’ai peur de renoncer, ou qu’on y arrive qu’en 2230, mais j’ai finalement bon espoir vu l’avancement d’ALM).
Non, tu n’as lu que le premier ? 😮 Je devrais te passer les trois autres alors ^^ J’en ai que quatre pour le moment, je voulais mener les deux histoires de front, mais c’est trop. Pareil pour Salton, j’dois boucler ça, c’est une originale pour le coup et ça serait con que je passe à côté. Bref, ya du boulot de partout.
Ne te force pas d’ailleurs à son propos, c’est un travail stylistique très brut, très sale. Et les personnages n’ont rien d’attachant. Dans le meilleur des cas ils sont pathétiques, sinon ils sont assez écœurants par leur moralité.
Quoi qu’il en soit : merci pour ton soutien <3
Oh mais la phrase de Severus et le personnage sont sexy… mais je le détesterais profondément irl. On peut se permettre de fantasmer dessus car il n’est qu’un personnage. Ce n’est pas parce qu’on en fait un fantasme qu’on en veut réellement ^^
Pour LCDC : les scénars de ce type le mérite très souvent. Quant aux autres chapitres, c’est comme tu le sens, je peux attendre leurs sorties officielles :p (même si c’est dans longtemps).
Alors pour Salton : si je vais la lire, il me faut juste un esprit plus dispo. Et j’ai bien capté direct que c’était un travail stylistique… et c’est justement pour ça que je veux le lire. Et clairement, ça serait con de passer à côté car en plus c’est original 😉 Et que les personnages ne soit pas attachants mais pathétiques et écoeurants… et bah ça change un peu de d’habitude. Ca bouscule un peu la zone de confort… ça fait pas de mal en somme.
En tout cas, bon courage. 🙂
Totalement. Je pense que moi aussi. Je le trouve trop violent et étouffant en fait. Il n’y a que dans une histoire que ça peut matcher sans trop de dommages x’D
Tu me dis pour LCDC, tu te doutes que le prochain chap’ est directement la bataille. Pour les scènes de cul, j’espère que j’arriverais à en faire quelque chose. L’exercice (proposer un récit adulte dans tous les sens du terme) me plaît bien.
Concernant Salton, Estelle m’a fait remarquer qu’il y avait trop de contractions (je crois que sur les derniers chap’ je fais un effort), mais il faut que je reprenne de toute façon la trame pour voir où ça me mène. J’ai une idée plus vague encore que pour ALM, et c’est pas peu dire vu qu’à la base, la première intrigue tenait en une phrase x’D
Merci beaucoup <3