Chapitre 61 : En âme et conscience

Le changement se fit dans la démarche de Draco. Il cessa de glisser au sol avec légèreté et décontraction pour retrouver ce porté beaucoup trop étudié pour être naturel. Son regard gris redevint perçant et le léger sourire de fierté qui avait fleuri sur ses lèvres se mua en un rictus crispé. Neville hocha la tête, tandis qu’ils remontaient quatre à quatre les escaliers pour retrouver Dumbledore.

« La potion a été extrêmement efficace. » Glissa-t-il tandis qu’ils vérifiaient à chaque palier que personne ne remarquait leur manège.

« Nous avons surtout eu de la chance que ça dure assez longtemps… grommela Draco en fronçant les sourcils. Un peu plus et je n’aurai pas pu terminer cette rencontre convenablement.

— Vraiment ? Tu n’aurais vraiment pas été capable de faire semblant de respecter des elfes ?

— Ce n’est pas qu’une question de les respecter, Londubat. Il a fallu savoir quoi dire et faire au bon moment. Tu les respectes et pourtant tu n’y arrivais pas, non ?

— Je voulais dire…

— Laisse tomber, on a un but commun, c’est tout.

— C’est pourtant beaucoup ! »

Dumbledore les surprit en apparaissant dans un des cadres qui bordaient les escaliers. Il passa au travers d’une scène de repas antique, puis sautilla dans une savane aux herbes hautes, avant de reparaître près d’une sorcière en train de lire qui n’apprécia pas tellement l’intrusion. L’ancien Directeur se déplaça sur plusieurs tableaux avant d’ajouter, d’un air plus sérieux :

« Vous pouvez déjà être fiers de vous, Messieurs, vous avez su travailler en bonne intelligence pour le Bien Commun. Indépendamment de vos désaccords. C’est la marque d’une très grande maturité.

— Pour des Gryffondor, sans doute, marmonna Draco, goguenard. Vous êtes les seuls à ne pas avoir compris que les buts sont plus importants que les amitiés larmoyantes…

— Vous avez encore des choses à apprendre, sourit Albus en accélérant son saute-cadres. Retrouvez-moi aux jardins, nous en reparlerons. »

Il les planta sans plus de cérémonie et les jeunes gens accélèrent le pas, prenant bien garde de ne pas continuer cette désagréable conversation. A leur arrivée, Helena Serdaigle flottait assise dans les airs près du grand arbre, lisant un livre bien réel. Neville haussa les sourcils, surpris, mais Draco le coupa dans son élan en s’inclinant en silence. Il passa ensuite devant elle et se posta près du portrait où ils avaient vu Dumbledore quelques jours plus tôt. Le fantôme de Serdaigle sembla apprécier de ne pas être dérangée durant sa lecture et continuant, sans lui prêter plus d’attention.

« Nous sommes là, vieil homme, annonça Draco en perdant patience.

— Oh… je ne suis plus vieux, je suis mort, corrigea Albus en apparaissant. Nous pouvons parler en toute sécurité devant notre éternelle amie.

— Nous l’avons, Professeur, la mission est un succès ! s’enthousiasma Neville.

— Évidemment qu’elle l’est, vous avez fait appel à moi, non ? Quand m’avez-vous vu échouer ?

— Quand tu as dénoncé par erreur l’Armée d’Ombrage sans comprendre que c’était un stratagème de notre part pour nous en débarrasser ?

— Ca n’a finalement pas été un échec, j’ai eu la confiance de Fudge… pour ce que ça m’était utile, d’ailleurs. Et ne dis pas « notre stratagème », c’était trop intelligent pour émaner du cerveau d’un Gryffondor lambda, vous avez forcément reçu l’aide de… »

Draco se tut, se souvenant avec précision du moment où on lui avait suggéré d’en parler au Premier Ministre… Il ferma les yeux et soupira d’admiration. Dans son cadre, Dumbledore souriait en le regardant par-dessus les lunettes en demi-lunes.

« Vous allez commencer à voir les choses sous un autre angle, Monsieur Malefoy. Mais l’heure n’est pas aux épiphanies. Vous pouvez êtes fiers de vous. Mais ne relâchez pas vos efforts, le plus dur reste à faire…

— Oui, il va falloir le détruire, acquiesça Neville.

Les détruire, corrigea une nouvelle fois Albus en les fixant intensément.

— Nous n’en avons qu’un…

— Qu’est-ce que vous nous avez caché ? pâlit brusquement Draco.

— Il y en a un autre à Poudlard. »

L’information fit l’effet d’une bombe. Les deux élèves s’observèrent, muets d’horreur, se demandant comment récupérer le nouvel Horcruxe sans aucune autre potion à disposition. Alors que Draco s’apprêtait à vilipender le portrait comme l’aurait sans doute fait son ancien directeur de maison, Neville reprit à voix haute la liste qu’il connaissait :

« C’est impossible, Sirius ne nous a jamais parlé d’un autre Horcruxe à Poudlard. A moins que la coupe de Poufsouffle n’y soit… ? termina-t-il plein d’espoir.

— Non, il s’agit d’un Horcruxe dont ni Sirius, ni Severus et pas même Harry n’en ont connaissance. En réalité, j’ignorais tout de son existence avant que notre ami ronronnant ne m’en parle. Tom en a fait un le jour où Poudlard a été attaquée… très certainement grâce à ma propre mort, ajouta-t-il d’un air sincèrement désolé.

— QUOI ?! Et où est-il ?

— Dites-nous qu’il n’est pas gardé comme l’était le médaillon.

— Nullement, rassurez-vous. Il est dans la salle des trophées.

— Vous êtes certain qu’il n’a tout simplement pas mis la coupe de Poufsouffle dans la vitrine… ? demanda Neville en fronçant les sourcils.

— Hélas, oui. Il s’est servi de la médaille du mérite magique qui lui a été décernée…

— Oh, comme c’est ironique, chuchota Draco.

— N’est-ce pas ?

— Mais pourquoi en a-t-il fait un ? Ne devait-il pas s’arrêter à 7 morceaux d’âmes ?

— Si, et je pensais qu’il ne ferait que 6 Horcruxes, c’était en tout cas mon raisonnement lorsqu’Harry m’avait posé la question. Pour Tom, le chiffre 7 étant puissant, il intégrait nécessairement le morceau d’âme dont il avait la possession dans ce chiffre. Mais…

— Mais soit vous vous êtes trompé, soit il a changé d’avis…

— En effet. Pour une raison que j’ignore, il a décidé d’en faire un nouveau.

— Difficile de résister à l’envie d’utiliser la mort d’Albus Dumbledore, comprit Draco. Peut-être sait-il que certains sont détruits ? Peut-être veut-il s’assurer de garder ce chiffre intact ?

— J’espère bien que non, soupira le vieil homme en s’appuyant contre le cadre. Il ne pourra de toute façon pas indéfiniment recourir à ce procédé sans être détruit lui-même.

— Que se passerait-il s’il allait trop loin ? demanda Neville.

— … Je suppose qu’il serait proche de l’état dans lequel sont les victimes du baiser du Détraqueur, répondit Dumbledore après un court instant de réflexion.

— On s’en fiche ! coupa Draco en balayant la conversation d’un geste sec de la main. Comment on s’en débarrasse ?

— La plupart des sortilèges ne fonctionnent pas dessus.

Fantastique.

— Mais un Feudeymon marcherait à coups sûrs.

Rien que ça, un Feudeymon… Snape nous avait fait travailler sur une version beaucoup plus soft et facile à maîtriser et il y a eu des blessés graves, même moi je ne me sens pas d’en lancer un sans qu’il ne m’échappe ! Comment fait Potter ? C’est Snape qui s’en charge ?

— Oh, non…, assura tranquillement Dumbledore. Il a l’épée de Gryffondor, avec lui.

— On pourra extrader les Horcruxes et les lui donner pour qu’il s’en occupe, alors ? proposa Neville.

— C’est stupide ! Ca nous mettrait en danger et obligerait Potter à s’approcher d’un peu trop près de Poudlard. Qu’est-ce qu’elle a de particulier, cette épée ? S’il ne s’agit que d’avoir une lame gobeline, je peux nous en procurer une avant le week-end. Il me faudra seulement trouver un mensonge acceptable pour Mère…

— C’est une bonne idée, Monsieur Malefoy, félicita Albus. Mais l’enchantement qui nous intéresse concernant les lames gobelines est celui qui permet à l’arme d’absorber le pouvoir qui ne l’a pas détruit.

— Et… alors ?

— Merde ! s’exclama Neville en s’assombrissant soudain. Vous plaisantez ?

— Absolument pas. A moins que Madame votre Mère n’ait du venin de basilic parmi ses trésors, la mêler à tout ça sera sans grand intérêt. »

Draco jura et se retourna en pestant. Il marcha quelques pas pour se calmer, réfléchissant à l’impasse dans laquelle ils se trouvaient.

« On doit pouvoir faire autrement qu’en passant par Potter, enfin ! Dites-moi, cette foutue Chambre des Secrets, elle renfermait bien un basilic, n’est-ce pas ? C’est comme ça que la lame a pu récupérer les propriétés magiques de cette bestiole, non ?

— Ah, c’est vrai que tu ne sais pas… oui, Harry a combattu et tué le basilic en le transperçant de l’épée de Gryffondor pour sauver Ginny.

— N’importe quoi, commenta Draco agacé. On dirait un mauvais conte de Beedle le Barde : un enfant de 12 ans qui sauve une demoiselle en détresse grâce à une lame magique…

— C’est pourtant ce qui s’est passé, Monsieur Malefoy.

— Ouais, bon… Très bien, il est le héros dont Poudlard à besoin, on le sait. Ce n’est pas mon propos : la dépouille du basilic, vous avez dû la dépecer, non ? Snape a forcément dû récupérer du venin, des écailles, quelque chose pour ses potions ?

— …Non. Il m’en avait fait la demande à l’époque, mais…

— Mais quoi ?! Vous me dites qu’il y a le cadavre d’un basilic dans l’école, qu’il y a forcément le venin dont nous avons besoin sous nos pieds ?! Mais pourquoi par Morgane n’avez-vous pas été récupérer cette fichue bestiole ?!

— Harry avait traversé assez d’épreuves et…

— Et vous ne souhaitiez pas que l’information de l’existence de la Chambre des Secrets ne circule trop, au risque que tous les détails ne soient rendus publics… et la destruction du journal avec, coupa Neville en comprenant soudain. Pourtant, Oaken savait que la Chambre avait été ouverte…

— J’ignorais encore avec certitude à l’époque ce que c’était, bien que m’en suis immédiatement douté… mais personne ne pouvait apprendre ce qu’il s’était passé précisément. J’ai déjà eu fort à faire avec les demandes du Ministère pour la faire rouvrir, et s’ils avaient appris que Harry pouvait…

— Mais ils n’ont pas pu être dupe ! Ils ont dû comprendre que Potter, étant Fourchelangue, était en mesure de passer les barrières. Qu’est-ce que vous avez dit ?

— Que seul l’héritier de Serpentard pouvait s’en charger, et qu’il était désormais détruit. Cela n’a pas été très compliqué d’agiter le nom de Voldemort pour que Fudge ne prenne peur et décide de ne pas creuser davantage. Mais ne regrettez rien, Monsieur Malefoy, si j’avais dû faire autrement, la destruction du journal aurait été rendue publique également et votre famille serait aujourd’hui probablement détruite.

— Et pourquoi ça ? grinça Draco, glacial.

— Parce que c’est votre père qui l’a mis entre les mains de Ginevra Weasley… ignorant de quoi il s’agissait, sans doute. Mais Tom, lui, n’aurait jamais pardonné. »

Draco blêmit terriblement, et il chancela, devant s’appuyer contre l’arbre. Il balbutia :

« Est-ce… est-ce pour ça qu’il a refait un Horcruxe ? Parce qu’il le sait et attend le moment opportun de nous détruire, ma famille et moi ?

— J’en doute. Tom n’a plus autant le contrôle sur ses émotions qu’il ne voudrait le croire. Mais, voyez, Monsieur Malefoy, mes décisions ne sont jamais prises au hasard…

— Cela ne change rien à notre problème, on doit trouver du venin de Basilic, et on a un serpent mort géant avec des crochets certainement encore efficaces sous nos pieds. Comment on accède à cette Chambre sans Harry ?

— Personne ici ne parle le Fourchelangue, en espérant que cela soit bien la seule condition pour entrer… et on ne transplane pas dans Poudlard…

— Sauf les elfes de maison, s’éclaira soudain Neville.

— Quoi ?

— Brillant ! Brillant, Monsieur Londubat ! C’est une idée à exploiter !

— C’est ça votre plan ? Demander à un elfe de nous y emmener et… de juste récupérer un crochet pour détruire deux Horcruxes, dont un que nous devons voler dans la vitrine des trophées de Poudlard… ?

— Oui, c’est tout à fait ça, Monsieur Malefoy.

— Et la vitrine n’aurait pas des enchantements, par hasard… ?

— Non, Monsieur Rusard faisait beaucoup trop nettoyer les trophées en guise de punition pour que nous passions notre temps à enlever et remettre les protections. Et depuis son meurtre, personne ne s’y est intéressé.

— Mais, mais, mais ! Pas même Lui ?!

— Non, ça aurait attiré l’attention sur ce qu’il y avait dedans si ce fait avait soudainement changé, vous ne pensez pas ?

— C’est logique, approuva Neville.

— Ca n’a rien de logique ! répliqua Draco au bord de l’hystérie. C’est imprudent, totalement imprudent de la part du Seigneur des Ténèbres de croire que son objet est en parfaite sécurité ! Comment peut-il faire preuve d’une telle négligence ?!

— En se croyant invincible : Poudlard venait de tomber, il avait tué Dumbledore de ses mains, il créait un nouvel Horcruxe. C’est un péché d’orgueil, c’est fréquent chez les Serpentards… »

Neville observa Draco d’un air entendu, s’amusant de l’expression du blond qui semblait avoir avalé un citron. Draco haussa finalement les épaules d’un air las.

« Soit. Soit… Tu vas convaincre tes amis les elfes, puisque c’est ton idée ridicule, et moi je vais récupérer Sa médaille.

— Vous connaissez le vrai nom de Voldemort ? s’étonna Dumbledore.

— Vous n’arrêtez pas de dire « Tom », je finirai bien par trouver…

— Ah ! se moqua Neville goguenard, tu ne sais pas ce qu’il est, alors… Tu dois chercher Tom Elvis Jedusor. »

Draco fronça les sourcils et fit légèrement la grimace en comprenant lentement.

« C’est un sang-mêlé, souffla-t-il. Son père était un fichu Moldu.

— Comme Severus Snape, ajouta Albus d’un air entendu.

— Ou comme Harry, même si c’était sa mère qui était Moldue…

— Ca suffit, j’ai compris. Et ne me parlez pas de Granger, elle a forcément de la famille Sorcière dans son arbre, vous le savez.

— Si ça peut t’aider avec tes croyances…

— Ferme-la, Londubat, et va voir ton pote Dobby. »

Draco tourna des talons d’un air sombre, laissant seuls Neville et le portrait de Dumbledore qui semblait amusé. Le vieil homme se décala légèrement pour laisser apparaître Phineas Black.

***

Severus n’apprécia pas le regard entendu que lui jeta la vendeuse lorsqu’il entra dans le sexshop. Il ignora superbement son bonjour, les rayons de sextoys et les mannequins de lingerie fine pour se rendre directement à l’étage où il savait que Jane, Harry et Luna l’attendaient. Il fronça les sourcils lorsqu’il passa devant une pièce noire où était projetée un film X, et allait redescendre illico lorsque la main de Jane se posa sur la sienne pour l’attirer à elle. Il voulu insinuer un manque de discernement, mais lorsqu’elle l’amena dans un couloir éclairé d’une petite fenêtre, il comprit. En effet, la lucarne donnait bien sur l’entrée de l’entrepôt, et ils avaient eu tout le loisir de monter correctement la garde.

« Allons-nous en, souffla Harry, gêné du lieu.

— Non, nous sommes en sécurité, ici, répondit Jane. Alors ? » Demanda-t-elle en donnant un signe de tête en direction de Snape.

Il hocha la tête calmement, jetant de temps à autres des regards en direction de la rue.

« Il va falloir contacter Lafayette pour les mettre au courant de notre avancée, ainsi que de notre nouveau lieu de location.

— Je m’en occupe.

— Est-ce vraiment important qu’ils sachent où on couche ? demanda Luna. Si notre piste a déjà été remontée, elle le sera une nouvelle fois. Évitons de laisser nos cailloux partout, vous ne pensez pas ?

— … Elle a raison, concéda Severus. Restez vague. Dites juste que nous avons dû changer de lieu et que nous nous occupons de détruire ce que nous venons de récupérer. Vous avez une idée de l’endroit où nous allons pouvoir aller pour nous occuper de…

— Chaque chose en son temps, coupa Jane. Je vais déjà envoyer un sms, au pire, vous le relirez.

— Dites, là-haut ? Vous êtes très silencieux, mais si vous voulez mater, il faut payer sa place ! cria la vendeuse agacée.

— Est-ce qu’on ne pourrait pas faire ça dehors, franchement ? redemanda Harry.

— Ca me prend deux minutes.

— Pressez-vous.

— Sinon, payons, elle cessera de nous interroger, proposa Luna.

— Calmez vos ardeurs de jeunette, Miss. Vous n’avez certainement pas l’âge de regarder de telles choses, si tant est qu’il y en ait un.

— Ce que vous êtes coincé du cul, Cesare… ! Voilà, j’ai terminé, vous en pensez quoi ?

— Que vous changez décidément bien vite d’avis à mon sujet, lâcha-t-il en la faisant rougir. Montrez-moi ça… »

« Mission réussie, objet sous contrôle. Cache compromise, groupe en mouvement. Contact dès qu’il n’y a plus de mission. »

Hermione regarda le sms d’un air interdit, et papillonna des yeux en les reposant sur le portrait de Phinéas Black qui s’agaça immédiatement :

« Si mon rapport ne vous intéresse pas, Miss, vous pouvez vous passer de son exécution et je me contenterais de le faire à mon héritier, seul.

— Excusez-moi, Monsieur le Directeur. » Tempéra Hermione en donnant du titre pour calmer la peinture. « Je viens d’être notifiée d’une nouvelle importante, et…

— Je doute qu’elle soit aussi importante que ce que j’ai à vous dire ! Lord Londubat, aidé par le futur Lord Malefoy, a récupéré l’objet de vos convoitises. La mission à Poudlard est un franc succès, et Albus tient à vous dire que tout est sous contrôle.

— Qu’est-ce qui ne s’est pas passé comme prévu ? anticipa Sirius qui commençait à comprendre comment fonctionnait Dumbledore.

— Le Seigneur des Ténèbres aurait fait un Horcruxe inattendu que les jeunes gens vont également récupérer et détruire en même temps que le médaillon.

— Comment compte-t-ils s’en charger ? demanda Hermione, préoccupée.

— Albus a été vague, il a seulement dit « qu’ils seront détruits comme le premier l’avait été »… quoi que cela veuille dire, vous n’avez pas à douter de votre ancien Directeur, Miss. Il sait probablement ce qu’il fait.

— Qu’est-ce que ça veut dire… ? murmura Sirius, perdu.

— Que Voldemort a peut-être compris la prophétie… Merci Monsieur le Directeur. »

Phinéas se choqua de se voir congédié par une mineure qui n’avait ni rang ni même l’âge légal de faire de la magie en dehors de Poudlard, mais Sirius se détourna lui aussi de lui sans autre forme de procès, observant Hermione d’un œil critique.

« Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

— Que le temps presse, Sirius. Lis ça, c’est important. Ils sont en grand danger, et les derniers instants sont imminents… »

Elle lui tendit le petit téléphone et alla faire bouillir de l’eau pour se préparer un thé. Sirius soupira en la fixant intensément.

« Je dois contacter Tonks, elle peut peut-être faire quelque chose pour brouiller les pistes au Ministère.

— Elle a sans doute autre chose à faire… les attaques se multiplient sur les Moldus et Sorciers, la Terreur règne, Sirius.

— On doit donner à Harry le maximum de temps ! Réponds-leur, dis-leur que ça avance de notre côté et que nous allons Le vaincre. Dis-leur… »

Hermione hocha la tête et ils s’observèrent en silence. D’une maison pleine de baguettes, de rires et de personnes capables de se soutenir ils étaient passés à deux pauvres âmes qui erraient de concert dans la cuisine ou la bibliothèque de la famille Black. Sirius allait et venait dans la demeure, sa vie rythmée par les cessions toujours plus extraordinaires à la Chambre des Lords, luttant décret par décret contre l’irrésistible ascension de Lucius Malefoy. Les élections anticipées du Ministre de la Magie étaient sans cesse repoussées, tantôt par Black, tantôt par Malefoy qui trouvaient l’un et l’autre un moyen de bloquer l’adversaire dans cette prise de pouvoir. Mais Sirius n’avait ni les connaissances Politiques ni le réseau de Lucius et il perdait du terrain. Au profit d’une ligne autoritaire et liberticide qui semblait pourtant très largement soutenue par l’opinion publique. Lord Sirius Black plaisait : il était séduisant, jeune, dynamique… mais jugé naïf et idéaliste. Il était l’ancien prisonnier qui voulait une ère de paix en pleine guerre… Là où Lord Lucius Malefoy était l’homme providentiel, fort, inflexible, calme et déterminé. Hermione l’avait déjà appelé le « Dictateur » au cours d’une de leurs quotidiennes discussions nocturnes, et Sirius avait alors appris le principe romain qui en découlait. La même Hermione qui ne cessait de lui être vitale grâce à ses recherches juridiques, elle qui savait exactement comment répondre à Malefoy et à quel moment, lui avait permis de tenir bon tout ce temps. Mais la jeune femme pâtissait physiquement de cet enfermement, à passer ses journées, confinée seule dans la bibliothèque, à ignorer sa terreur croissante devant l’absence de nouvelles de Ron, s’interdisant tout désespoir. Hermione qui le portait pratiquement à bout de bras comme elle l’avait fait des années durant avec ses deux autres amis. Magicienne de l’ombre qui voyait son travail être attribué à d’autres, et pourtant profiter à tous… Sirius ouvrit la bouche pour tenter de lui dire quelque chose de sympathique, mais elle pianotait déjà sur le petit téléphone. Il leur servit le thé et se leva :

« Je vais contacter Tonks dans mes appartements. Je préfère que la sécurité soit la plus…

— Tu n’as pas à te justifier, Sirius. Le sms est envoyé.

— Bien, heu… merci. Merci pour tout, Her…

— De rien. »

Elle le coupa un peu plus rudement qu’elle l’aurait voulu et il ne lui en tint pas rigueur. Il comprenait qu’elle puisse en avoir assez. Un bref instant, elle lui rappela Rémus, et il soupira, triste pour son ami qui avait ses propres problèmes. Il remonta dans sa chambre et après avoir jeté une série de sortilèges sur la cheminée, lança une poignée de poudre dans l’âtre. Quand les flammes prirent une teinte anormale, il demanda :

« Lord Black pour l’Adjointe Tonks. »

Et il attendit un instant. En seulement quelques semaines, elle était passée du statut de jeune Auror, ancienne protégée de Maugrey, à véritable soldate inspirante pour ses troupes. Devenant même le bras droit du Chef actuel du Bureau des Aurors. Certains à la Chambre l’appelait même « La main de la Justice », car il se murmurait qu’elle recevait ses ordres directement de Lucius. Mais cela, Sirius n’y croyait absolument pas, pensant connaître suffisamment Tonks pour l’imaginer loyale à l’Ordre, qui n’existait pourtant plus.

« Nous avons deux minutes, pas une de plus. » Le coupa-t-elle dans sa rêverie quand elle apparue soudain au milieu des flammes.

« Harry et les autres sont poursuivis par des baguettes du Ministère.

— Et qu’en sais-tu ?

— Nous sommes toujours en contact discret, j’ai reçu l’information aujourd’hui. Ils ont dû quitter leur planque en urgence pour une autre, dont ils taisent la location par peur de fuites éventuelles. Est-ce que tu sais qui est à leurs trousses ?

— Le Ministère cherche à les récupérer pour les mettre en sécurité. L’ordre a été donné par mon supérieur.

— Robards ?

Malefoy, corrigea Tonks d’un air entendu. L’ordre a été donné de les ramener sans encombre au Ministère pour leur éviter d’être pris par une escouade de Mangemorts.

— Tu sais très bien qu’il agit sur ordres de Voldemort, s’agaça Sirius. Le Ministère est le dernier lieu qui serait sûr pour Harry.

— Square Grimmaurd est bien pire, contra-t-elle. Tu y as perdu Ron Weasley.

— Tu étais tout autant sur place que moi !! s’indigna Sirius en se levant de sa chaise.

— Parce qu’Hermione a eu l’intelligence de nous contacter pour qu’on vienne. Que se serait-il passé si cela n’avait pas été le cas ? Vous seriez morts tous les trois ? La maison serait tombée aux mains des Mangemorts, et ses secrets avec ? »

Sirius lui lança une œillade furieuse et la pointa d’un doigt accusateur :

« Je ne te demande que de brouiller les pistes que reniflent les chiens du Ministère. Harry court un grave danger à cause de Malefoy et…

— Harry est en danger car il a choisi de fuir au lieu de rester se battre à nos côtés. Sa disparition nous cause des problèmes dont tu ne sembles pas saisir la gravité. Que crois-tu que les gens pensent de l’issue de la guerre quand celui qui est officiellement la personne destinée à Le vaincre se terre ?

— … Harry est parti sur ordre de Dumbledore, et…

— Je le sais. Mais Dumbledore est mort, et la guerre prend une tournure de plus en plus difficile. Tu as les chiffres chaque jour à la Chambre, Sirius. Les morts et disparitions sont en train de dépasser celles de la première guerre. Harry doit rentrer et montrer qu’il y a de l’espoir, il doit…

— Ne me sers pas la propagande de ton Chef-Mangemort ! tonna Sirius. Harry ne doit rien à personne. Il a une mission cruciale qu’il mènera à terme et il reviendra quand le moment sera opportun, pas quand le Ministère voudra l’enfermer et ne le ressortir que pour quelques séances photos. Tu crois que je ne comprends pas la manœuvre de Malefoy à son sujet ?! Mais dans quel camp tu es, au juste ?! »

L’Aurore le considéra gravement.

« Oui, je crois que tu n’as rien compris, Sirius. Tu continues de te comporter comme un Gryffondor de 16 ans. Les Serpentards sont tes ennemis pour la vie, peu importe à quel point on peut avoir besoin d’eux… ? Il ne s’agit pas de camp, il s’agit de gagner une guerre.

— Alors c’est ça « la main de la Justice », eh ? Si tu ne veux pas nous aider, je n’ai pas d’autre choix que de considérer que tu n’es pas digne de confiance. Tu diras à Rémus que je suis désolé de m’éloigner par la même de lui, sa loyauté envers toi m’empêcherait de pouvoir le contacter.

— … Ton absolutisme ne vaut pas mieux que celui des Mangemorts, souffla Tonks, glaciale. Tout mort qu’il soit, Dumbledore avait compris qu’on pouvait faire confiance à Malefoy.

— Tout mort qu’il soit, Dumbledore se fichait bien de l’après-guerre pourvu qu’on ait détruit Voldemort, contra Sirius d’une voix rude. Sauf que moi je ne fais pas que me battre pour le présent. J’espère offrir un avenir à Harry.

— S’il se fait tuer parce qu’il est dans la nature, ça risque de ne pas arriver…

— Si c’est le cas, c’est que tes collègues l’auront retrouvé et vendu à leur vrai maître. Et Rémus seul ne suffira pas à protéger le bureau des Aurors. »

Hermione ouvrit la bouche derrière la porte de la chambre. Elle écoutait avec grande attention la conversation, attentive à la moindre information utile pour le groupe. Jamais elle n’aurait cru entendre Sirius menacer ainsi son amie et épouse de son meilleur ami, mais il semblait que la situation devenait incontrôlable. Elle pianota à nouveau sur le téléphone et laissa la conversation entre Sirius et Tonks mourir sur ces menaces à peines voilées. Sirius avait raison de se méfier des décisions de Malefoy et de son utilisation du bureau des Aurors, il avait vu très clair dans son jeu et Hermione partageait avec lui la conviction qu’un autre combat serait à mener une fois Voldemort tué… mais elle comprenait aussi la loyauté de Tonks qui tentait de défendre le plus grand nombre de personnes en soutenant la seule figure d’autorité valable face aux Mangemorts… Mais Sirius qui peinait à accepter de confier Harry à Snape, alors que ce dernier avait clairement prouvé son allégeance, ne pouvait certainement pas faire confiance à un homme qui avait réussi à échapper à la justice et qui, lui, avait déjà tenté de tuer une enfant de onze ans, et de mettre en danger toute une école pour ses propres ambitions. Hermione hocha la tête, c’était presque impossible de faire confiance à Malefoy… encore heureux pour eux qu’il en existât deux.

***

Draco passa le couloir aux armures, une désagréable impression d’être observé. Il avait en horreur ces ornements aux formes humanoïdes qu’il soupçonnait d’être en réalité habités d’âmes magiques. Rien ne disait dans les livres de Poudlard que les armures ne soient animées d’une volonté propre, mais il s’était toujours imaginé qu’elles faisaient partie des yeux et des oreilles des Directeurs, ce qui expliquait sans doute comment Dumbledore semblait absolument tout savoir. Et ce n’était pas le grincement sinistre qu’elles produisaient à son passage qui allait le rassurer. Il hésitait à entrer directement dans la salle, se demandant si cela n’allait pas paraître suspect qu’il y aille soudain après sept années d’études à Poudlard.

Draco s’y était rendu lors de ses premiers jours à l’école, cherchant des yeux les noms de ses ancêtres, ravi de s’approprier un lieu qui l’impressionnait tant. Il y avait également défié en duel Harry, lui donnant rendez-vous dans cette salle, avant de refermer le piège sur lui pour le faire punir. A ce souvenir, le blond grimaça, se traitant mentalement d’enfant attardé. Sa jalousie envers Potter l’avait poussé à faire une quantité de caprices et de coups qui ne lui avaient rien valu d’autre qu’une profonde solitude. Et Harry s’en était toujours sorti. A la vérité, la seule chose dont il avait su tirer fierté et plaisir au cours de ces sept années, était bien uniquement de son fait, à lui. Rien à voir avec Potter, certainement pas grâce à son père, rien à voir avec la guerre… Et le rappel de ce quelque chose qu’il avait à défendre le fit franchir le seuil de la salle d’un air décidé.

La pièce était baignée de la lueur de la lune d’hiver perçant à travers l’immense fenêtre gothique qui s’élevait sur le mur latéral. Les rayons de l’astre se reflétaient dans un étrange lustre de cristal sans bougies qui projetait alors la lumière sur les baies vitrées et les trophées, médailles, écussons, plateaux et coupes qui s’entassaient depuis des siècles à Poudlard.

Depuis la fondation de Poudlard, les récompenses s’étaient multipliées, à des rythmes inégaux, variant en fonction des époques, des Directeurs, mais aussi des personnes vraiment exceptionnelles. À la réflexion, Malefoy se rendit compte que Dumbledore n’avait jamais attribué aucune récompense de la sorte à qui que ce soit, pas même à Harry lors du Tournois des Trois Sorciers. Il fronça les sourcils, se demandant si le trophée n’aurait pas dû se trouver dans une des vitrines, comme certains autres d’édition précédentes, mais il comprit alors que le vieux Directeur envoyait ici un signal fort : le retour de Voldemort n’était en rien une victoire. Et ce pour personne. Les idées progressistes et larmoyantes du mage l’énervaient toujours, mais Draco devait lui reconnaître le mérite d’avoir été un fin politicien… et probablement l’artisan le plus important de la chute du Mage Noir.

Son attention se reporta sur les vitrines, alors qu’il parcourait des yeux les différentes récompenses en espérant tomber plus ou moins par hasards sur celle qui cherchait. Il n’y avait pas d’enchantement dans la salle, mais il savait qu’un Accio serait inutile vu la nature de l’objet. Il allait probablement devoir revenir plusieurs fois pour passer en revue…

« Tu essaies de trouver une récompense que tu pourrais obtenir facilement pour laisser ton empreinte dans cette école… ? »

Draco ferma un instant les yeux, agacé et inquiet. Il avait bien senti qu’il était observé, et il fallait que cela soit ce curieux de Zabini… Qu’allait-il lui répondre ? Il les rouvrit pour les poser sur son comparse qui le fixait calmement avec une expression d’ennui qu’il savait feinte et savamment étudiée.

« Tu me suis beaucoup en ce moment, commença-t-il, lentement.

— Tu fais beaucoup de choses étranges en ce moment…

— Ce moment est étrange. »

Ils s’observèrent en silence, immobiles, laissant deux à trois bons mètres entre eux tandis qu’ils essayaient l’un et l’autre de deviner leurs pensées. Blaise s’anima et s’approcha, laissant un doigt glisser négligemment le long d’une vitrine tandis qu’il avançait.

« Que cherches-tu, ici ?

— …

— Très bien. Est-ce que cela a un rapport avec tes escapades avec Londubat ?

— …

Soit. Pour quelqu’un qui, d’ordinaire, adore qu’on lui porte de l’attention, tu es bien secret ces temps-ci… »

Draco rougit légèrement. De honte, principalement, d’être perçu comme une sorte de diva en mal de reconnaissance, et, c’était plus complexe à le déterminer, de gêne. Zabini était à présent à sa hauteur et le scannait de ses yeux d’amande parfaits. Il pinça les lèvres avant de sourire légèrement.

« Je finirai bien par comprendre… je devine toujours.

— Je vais finir, moi, par penser que je t’obsède.

— Qu’est-ce que tu fais ici ? »

Draco lui répondit par un sourire moqueur, que Blaise lui rendit immédiatement. Cette conversation n’aurait donc pas lieu. Peut-être qu’elle ne pourra jamais être menée, d’ailleurs… Le blond fit une légère moue en balayant la vitrine qui était à leurs côtés du regard, puis haussa les épaules.

« Je cherche une médaille donnée à un type.

— Pourquoi ?

— Pour la récupérer.

— C’est pour Londubat ?

— Pas lui exactement, mais c’est quelque chose que nous faisons ensemble.

Ensemble ?

— Ca implique aussi le portrait d’un Directeur récemment décédé.

— Ah ! »

Blaise sourit légèrement en prenant appui sur la vitre. Draco cilla en le voyant faire, surpris de déceler du soulagement. Zabini était terriblement plus expressif que d’ordinaire, et cela le fit prendre une grande décision.

« Je ne peux pas t’expliquer, je le ferai quand je serai certain que cela ne te mettra pas en danger… ou que cela ne mettra pas en danger ma mission.

— Tu parles comme un espion, chuchota Blaise du bout des lèvres. Avec une intéressante façon de hiérarchiser les dangers.

— Va-t’en, s’il te plaît, répliqua Draco en détournant les yeux pour chasser les propos du Serpentard. Fais comme si tu ne m’avais pas vu.

— Mais je t’ai vu. A qui appartenait cette médaille ?

— … Un certain Tom Jedusor.

— Un né Moldu ? Un Sang-Mêlé ? Intéressant… Accio médaille de Tom Jedusor ! »

Il ne se produisit évidemment rien, et Draco ne cessa pas de fixer Blaise avec insistance pendant les quelques minutes durant lesquelles le Serpentard attendit que l’objet vienne à lui. Zabini sourit alors très largement.

« Vraiment intéressant… Est-ce réellement une médaille que tu cherches ?

— Oui. Ca a la forme d’une médaille, répondit Draco d’un air entendu. Je ne peux t’en dire plus, soit tu t’en vas, soit tu m’aides à la trouver.

— En quelle année était scolarisé ton Jedusor, au juste ?

— Heu… je ne sais pas, se rendit compte Draco qui ignorait tout de Voldemort. Avant que Dumbledore ne soit Directeur, je crois… ?

— Il a eu le poste fin années 70, répondit Blaise, surprenant son comparse. Le gars que tu cherches est encore en vie ?

— Oui, et il était élève après la guerre contre Grindelwald.

— Bien, ça réduit le champ des possibles. Tu vas partir sur cette vitrine, désigna-t-il du doigt. Et moi celle-ci. On se rejoindra à mi-chemin. On devrait normalement tomber dessus. »

Draco s’exécuta, lisant nom après nom les gravures sur les récompenses. Certaines étaient si patinées par le temps qu’il se demanda combien de fois leur propriétaire les avait tenues entre les mains pour se remémorer la gloire passée. Beaucoup de récompenses de Quidditch, quelques récompenses pour comportement studieux, une ou deux inventions au sein de l’école, mais rien…

« LA ! Je l’ai. Tom Elvis Jedusor, une belle médaille pour « Service rendu à l’école » en 1962… c’est pas la date approximative de l’ouverture de la Chambre des Secrets, au juste… ?

— …

— C’est qui ton Jedusor ? Quel service il a rendu à l’école ? »

Draco ne répondit pas et fixa la médaille en argent. Elle semblait complètement inoffensive vue d’ici et il manqua de faire une grave erreur en avançant directement la main. Ce fut Blaise qui le rattrapa au vol, sans s’en rendre compte.

« Attends, tu vas commencer par m’expliquer ce qu’il se passe, tu es bien étrange. »

Draco repoussa doucement sa main en tirant une étoffe de soie de sa veste, puis il ouvrit la vitrine d’un simple coup de baguette et s’empara de la médaille qu’il enveloppa immédiatement. Devant tant de précautions, Blaise s’apprêta à reposer ses questions quand Draco leva une main impérieuse pour le faire taire. Il allait tourner des talons quand Zabini lui attrapa le poignet :

« Non, attends. Tu ne peux pas partir comme ça… »

Draco soupira et s’approcha de lui, assez pour lui murmurer à l’oreille :

« Tom Elvis Jedusor est une anagramme. Mais c’est aussi le vrai nom de… »

La main de Blaise se serra soudain autour de son poignet, sans même qu’il n’ait eu à terminer sa phrase. Le Serpentard était terriblement habile avec les mots et les lettres, assez pour comprendre en un éclair une incroyable évidence. À présent, la main tremblait légèrement et Draco recula son visage pour l’observer, pratiquement nez à nez. Jamais il n’avait plongé ses yeux d’aussi près dans ceux de quelqu’un d’autre et se retrouver avec une telle intimité avec Blaise, pour cette raison-là, le troubla. Il sentit au fond de lui que la fin était très proche. Son souffle se bloqua dans sa gorge alors que Zabini écarquillait les yeux, le fixant avec une peur réelle. Draco ouvrit lentement la bouche pour répondre à la question muette quand un ricanement le ramena brutalement dans la réalité :

« C’est pour ça qu’on te voit pratiquement plus à la salle, Draco ? Pour que tu puisses faire des Gryffondorneries avec Zabini ? »

Draco tressaillit et voulu s’écarter vivement de son collègue, mais Blaise le maintient fermement par le poignet et se contenta de se retourner calmement en direction d’une Pansy Parkinson qui jubilait. Il lâcha sa prise et croisa les bras avec flegme :

« Tu as l’air très renseignée sur ce que font les Gryffondors entre eux…

— Et toi pas du tout gêné d’être pris sur le fait.

— Quel fait, Parkinson ? Celui de tenir une conversation de laquelle tu es exclue ? grinça Draco en feignant l’ennui.

— Vous savez très bien ce que je veux dire. Les deux « meilleurs amis », eh ? C’est quoi la prochaine étape, Draco ? Aller sauver ta demoiselle en détresse au fond d’un lac ? »

Elle semblait satisfaite de sa répartie, car elle éclata de rire. Draco fronça les sourcils, mais Blaise fut le plus rapide. Il répliqua, aussi glacial que les eaux dudit lac :

« Tu crèves de n’être la demoiselle de personne, Parkinson. De n’être que la détresse de tes géniteurs. Va promener tes fantasmes ailleurs. »

Le sourire de Pansy mourut soudainement, avant de revenir de plus belle :

« Tu devrais te méfier, Blaise, ce genre d’amitié ne réussit jamais à celui qui est dans l’ombre… Il y en a un qui doit amèrement regretter d’être « le meilleur ami » d’Harry Potter, ça serait dommage de… »

Elle les planta sur cette menace à peine voilée, et Draco s’écarta vivement de Zabini. Le brun ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais son ami secoua la tête.

« Elle a raison sur un point : tu te mets inutilement en danger, et tu ignores combien. Retourne avec eux. » Ajouta-t-il en quittant la salle.

« Tu m’as fait une promesse, Malefoy !

— Justement, si tu veux qu’elle se réalise, ne suit pas le même destin que Weasley. »

***

Ron regardait le vieux Directeur d’un air incrédule :

« Comment ça, « m’endormir et me mettre à l’eau parce qu’il tient à moi » ?! En quoi ça serait logique ?! »

Albus observa le jeune Gryffondor d’un air amusé. Il était le seul à avoir du mal à accepter cette idée. Gabrielle, la sœur de Fleur Delacourt, Cho Chang ou encore Hermione avaient tantôt sourit, tantôt rougit devant l’annonce qui leur avait été faite. Mais Ron, lui, restait interdit. Albus l’observa longuement et répondit :

« Chaque champion tient à une personne en particulier, et parce qu’il ou elle voudra la sauver, il est important de…

— Non, mais ça j’ai très bien compris, coupa Ron en rougissant des oreilles quand il s’en rendit compte. Je veux dire, M’sieur le Directeur, que je suis surpris que Harry…

— Tu es son meilleur ami, moi ça ne me surprend pas, s’amusa Hermione. T’sais, il était anéanti quand toi et lui… »

Elle laissa sa phrase en suspend en voyant l’expression de son ami, comprenant alors toute l’étendue de sa gêne : Ron se sentait terriblement coupable pour l’attitude qu’il avait eue avec Harry, et d’apprendre qu’il était malgré tout la personne à laquelle il tenait le plus renforçait ce sentiment de culpabilité.

— Cette manie de se sentir redevable alors que tu es clairement un atout qui a tant à offrir…

— F… Fermez-la. »

Ron était tendu en direction de Lord Voldemort qui était revenu dans sa cellule fouiller son esprit. Un grand festin à peine entamé fumait encore sur le bureau que le Mage Noir avait fait porter. Voldemort pinça les lèvres et répliqua :

« Il y a un étrange sentiment contradictoire dans ce souvenir… Tu es jaloux. Pas de Potter, pour une fois. D’un autre. Un benêt, si je comprends bien ton opinion. »

Ron baissa sa garde mentale brièvement, soulagé que la discussion ne s’oriente pour une fois plus sur Harry et livra sans guère de résistance le nom de Viktor Krum, soulagé de pouvoir se reposer un bref instant.

« Ah ! Champions, riches, célébrités… tous te passent devant, hein… ? Que crois-tu qu’ils aient fait après la deuxième tâche, d’ailleurs ? »

Une puissante colère s’empara de Ron qui releva les yeux de défi, et Voldemort profita de cette erreur pour replonger dans ses souvenir. Le jeune homme l’entendit caqueter dans son esprit :

« Et maintenant qu’elle est seule avec un ancien prisonnier, si riche, si charismatique… Un homme adulé par tous… ?

— FAUDRAIT SAVOIR ! Hurla mentalement Ron de toute sa rage. Sois je suis un atout à ne pas négliger, soit je suis un raté qui ne peut rivaliser avec qui que ce soit !

— Ah ah ! Tu es clairement un guerrier, Ronald Weasley. Tu es clairement un homme fort à l’esprit brutal et plein de vie, je le sens… Mais peuvent-ils voir ce que je perçois de toi… ? Peuvent-ils comprendre ta valeur comme je la comprends… ? »

Une voix féminine, celle d’une Hermione sensuelle et éthérée termina :

« Peuvent-ils aimer ce que j’aime de toi ? »

Ron donna un grand coup en avant de sa main enchantée, son poing heurta le bouclier que Voldemort avait dressé par réflexe.

« Si seulement j’avais plus d’hommes comme toi…, murmura-t-il. La guerre se terminerait vite. Tu aurais le temps de la sauver, et tu pourrais la protéger…

— Quand Harry te détruira, il n’y aura plus besoin de la protéger de qui que ce soit, répliqua Ron entre ses dents.

— Oh… oh, comme tu te trompes, mon jeune ami. Comme tu te trompes en pensant que je suis ton véritable ennemi. »

Voldemort leva le menton de Ron et l’obligea à croiser une nouvelle fois les yeux, le jeune homme eut la bêtise de soutenir son regard dans un ultime défi. Les couleurs dansèrent une nouvelle fois autour d’eux et pièce laissa place à un tout autre décor.

Ron se trouvait pratiquement allongé sur le sol, reculant lentement, la main qu’il avait perdue le faisant souffrir atrocement. Sur son bras et ses doigts brûlés, le sortilège noir continuait de progresser, alors qu’il tentait de l’endiguer. Un trait vert fila dans sa direction, mais au lieu d’être dévié, il entendit le cri terrifié de sa mère, et le murmure mourant de son frère.

« Pourquoi suis-je mort, Ronald… ? »

Ron cligna des yeux, des larmes perlant aux cils alors qu’il n’arrivait pas à se détourner du cadavre de Percy. Il était de retour dans cette maudite nuit. Cette soirée qui avait viré au drame en un clin d’œil. Sa mère pleurait au-dessus du corps de son fils qui venait de se sacrifier pour lui, et lui restait pétrifié.

« Serait-il mort si Harry Potter n’avait pas été des vôtres… ? » Susurra Voldemort en avançant lentement vers lui.

« Ce sont vos Mangemorts qui l’ont tué.

— Mais non sous mon ordre. Jamais je ne me serais risqué à m’attaquer à une famille de Sang-Pur, Ronald. Tu sais quelle valeur j’attache à cela.

— Même si nous sommes des traîtres à notre sang ?! cracha le jeune homme, se tenant sa main de fer comme s’il revivait l’événement.

— Les Sang-Purs avant tout autre. Tu ne serais pas encore en vie s’il en était autrement. Je n’ai jamais ordonné cette attaque. C’est Bellatrix qui est venue chercher Potter. Et que faisait Harry Potter pendant que ton frère se faisait tuer ?

— Il était en train…

— Que faisait Harry Potter pendant que la femme de ton frère se faisait attaquer ? »

L’image d’un Harry en train de festoyer au repas pendant que Ron et sa famille restaient dans le jardin, tombant les uns après les autres sous l’horrible caquètement de Lestrange lui tira un haut le cœur. Il beugla, furieux :

« Ce n’est pas du tout ce qu’il s’est passé !

— Non ? N’a-t-il pas choisi la liste des invités, le lieu, les festivités ? N’a-t-il pas, de lui-même, décidé de vous mettre en danger plutôt que d’accepter l’idée de faire un humble repas dans sa propre maison ?

— Nous étions heureux de faire Noël avec lui, nous…

— Et vois comment vous avez été remerciés. Vois ce qu’il coûte d’être ami avec Harry Potter ! »

Comme des couteaux de lancer, un à un les souvenirs assaillirent le jeune homme. Les moqueries de Malefoy, les dangers de la pierre Philosophale, le jeu d’échecs et le coma qui avait suivi, la sœur de Ron et son corps glacé ; Hermione, étendue, pétrifiée, l’infâme Croûtard se tortillant contre lui, sa jambe cassée par la gueule d’un chien animagi. Les images venaient d’elles-mêmes, sans que Ron ne puisse les empêcher. Intactes, telles qu’elles s’étaient réellement passées. Avec la plus grande des malices, Voldemort lui rappela les faits. Et ils lui rongeaient l’esprit comme le maléfice l’avait fait de sa main. Ron voulu se détourner des images, mais son épuisement était à son comble, sa rage croissante. Il revit l’humiliation de sa robe rose pour le bal du Tournois des Trois Sorciers, tandis que Harry recevait une belle robe achetée par sa mère. Il revit l’humiliation d’avoir été obligé de prendre la cavalière que Harry lui avait trouvé, celle de voir une nouvelle fois son meilleur ami briller. Il vit Harry s’éloigner de lui et d’Hermione, devenir un étranger concentré sur sa quête, insensible à la souffrance des autres.

« Toi qui as tant de potentiel. Toi que personne ne voit à sa juste valeur, te rends-tu compte que tu auras été serviteur durant toute ta vie, Ronald ? Comprends-tu seulement que je t’offre le pouvoir de t’affranchir ? Le pouvoir d’être bien plus que ce que tu voyais dans le miroir… ? »

Les images s’arrêtèrent soudain, Ron se trouvait face au miroir du Risèd, la main posée contre son reflet. Il ne tenait pas la coupe de Quidditch, n’était pas un Préfet-en-Chef. Il avait une trentaine d’années, il était grand et fort, un Sorcier bien bâti au regard dur et assuré, à la barbe impeccable qui lui donnait l’air d’un guerrier de vieux contes. Sa main argentée était poing serré alors qu’il tenait de sa main droite une baguette neuve. Ses robes étaient parfaitement ajustées et derrière lui se tenait sa famille. Toute sa famille. Aucun ne manquait à l’appel, Percy lui-même était en vie. Ron voulu protester, dire que cela ne pouvait être réel puisque son frère était présent, mais son reflet eu un sourire charmeur, avant qu’une Hermione aussi magnifique que sensuelle ne se détache du fond et ne vienne à se coller à lui.

« Tu peux avoir bien plus que leur vie, Ronald. Tu peux avoir leur respect. Leur âme. »

***

 Severus attrapa Jane par la taille et la colla à lui, avant de glisser son visage contre son cou. Jane devint soudain écarlate, écarquillant les yeux et balbutiant, incapable de regarder Harry et Luna qui marchaient devant eux sans se soucier de ce que les deux adultes faisaient.

« Il y a peu de chance que des hommes louches nous suivent parce que nous sortons de ce sordide endroit, n’est-ce pas ? murmura Severus en les faisant avancer enlacés.

— … Très peu.

— Mettez-les à l’abris, je m’en charge.

— … On se retrouve à Brick Lane.

— ALLER ! »

Il la repoussa violemment en avant et Jane attrapa les deux mains de ses anciens élèves, se mettant soudain à courir. Harry et Luna n’eurent pas besoin d’explication pour comprendre. Severus se retourna derrière eux et jeta un informulé qui entrava immédiatement le premier poursuivant. Une série de pop sonores se fit entendre et cela confirma ses doutes : sa propre baguette était bien surveillée par le Ministère. Aux deux hommes louches qui le suivaient s’ajouta soudain un homme et une femme, qui déboulèrent cette fois habillés de blanc, le visage dissimulé par un masque.

« Hé hé… on me fout la Brigade au cul… Voldemort ? » Osa-t-il l’appeler pour la toute première fois.

Sa marque le brûla brièvement et il sut que son Maître comprendrait alors qu’il avait été retrouvé. Il fonça en avant en direction de ses assaillants, mais au lieu de les combattre fila en direction du sexshop, jusqu’à s’engouffrer dans par la porte d’entrée. La vendeuse cria de surprise, attrapant maladroitement par réflexe une arme cachée sous son comptoir.

« Baissez-vous, aucun bruit ! » Lui ordonna-t-il en montant quatre à quatre les marches qui menaient à la salle de cinéma. Il ne prit pas la peine de vérifier que la petite obéissait, et entra dans la pièce uniquement éclairée par ce qui semblait être le début d’un très mauvais film X. Les spectateurs ne s’intéressaient pas le moins du monde à lui, il longea les rangées pour aller se poster au premier rang, se retournant lentement vers l’entrée, baguette pointée. Il observa les alentours, repéra l’espace entre l’écran et le mur, et les quelques mètres qui le séparaient de l’entrée de la salle. Il aurait tout le temps de jeter quelques sorts, filer, et… Les Brigadiers déboulèrent bruyamment, faisant sursauter les hommes déjà pleinement happés par l’intrigue principale. L’un d’eux qui se révéla être un ado se leva brusquement, le pantalon glissant à ses chevilles, et balbutiant vainement les mains en l’air :

« Je savais pas ! Je savais pas ! »

Les Brigadiers pointèrent leur baguette dans sa direction pour le menacer et le pauvre Moldu s’évanouit aussitôt. Severus leva la sienne, prêt à frapper lorsque tous seraient assez avancés dans la pièce pour qu’il puisse les piéger. La troupe passa lentement en revue les spectateurs qui les regardaient interloqués :

« Mais qu’est-ce que c’est que c’bordel ? Qui êtes-vous au juste ?

— Pour qui vous prenez-vous ?! On a payé pour…

— La ferme !

— C’est un scandale ! Nous sommes des adultes dans notre bon droit, nous !

— Ferme-la, le Mol…

Je connais un moyen de te faire taire, ma cochonne… »

La réplique du film coupa net le Brigadier dans sa répartie qui tourna vivement son masque sur l’écran avant, semble-t-il, de se choquer durablement face à ce qu’il voyait. Snape inspira lentement pour rester concentré sur son plan et ne pas se perdre en moqueries inutiles, remerciant mentalement les Moldus et leur société d’obsédés de lui offrir une telle diversion. Les trois Brigadiers s’approchaient de l’écran, ahuris, échangeant des regards à d’incompréhension à travers le masque. Les dialogues du film avaient laissé place à une série de gémissements et de bruitages qui ne laissaient aucun doute quant à la solution trouvée par l’acteur pour réduire au silence sa partenaire.

D’un geste discret de la baguette, Severus lança un sort d’engorgement au premier qui glapit d’inquiétude devant l’énormité de son membre. Il en profita pour bondir derrière l’écran, le contournant, jeta un second sort à la suivante, la pétrifiant, tandis que les acteurs rivalisaient à présent de vocalises. Un dernier coup de baguette et Severus rendit le son de la machine assourdissant, emplissant la pièce de « Ooooh yeah ! » et de « Fuck Yeah ! » stridents. Il se précipita sur la porte, la referma d’un geste sec, la réduisit à la taille d’un minuscule trou de souris et monta sur le rebord de la fenêtre. Quand le quatrième Brigadier, celui qu’il avait en premier lieu entravé dans la rue, arriva par les escaliers, Severus fondit sur les carreaux dans une ombre noire et disparut dans les airs. Jones se précipita au cadre, scrutant la rue et les toits, sans succès. C’était la deuxième fois que Snape et Potter leur échappaient, et cette fois ils allaient devoir en informer le Ministre de la Justice…

Jane ne cessait de regarder en direction des tourniquets, tandis que Harry surveillait les quais. Luna semblait fixer une grande publicité de parfum avec le blond musculeux qui avait déjà attiré son attention plus tôt, mais elle siffla soudain pour attirer l’attention d’un Severus essoufflé et décoiffé qui fendait pratiquement la foule. Jane fonça droit sur lui, et il eut à peine le temps d’écarter les bras et d’écarquiller les yeux qu’elle l’enlaça.

« Qui était-ce ? murmura-t-elle contre sa mâchoire.

— Ministère. Je vais bien.

— Je me doute, se recula-t-elle. On doit trouver un autre endroit.

— On doit surtout avancer, précisa Harry en jetant un regard entendu au veston de Severus. Nous n’aurons jamais le temps de quitter la ville pour la campagne, où pouvons-nous… ?

— Qui irait chercher refuge dans un endroit qu’il déteste ? coupa Luna en l’observant.

— Brillante, Miss… Elle relève décidément le niveau pour vous deux. Comment se rend-t-on dans le Surrey ?

Dans le Surrey ?! On va louer une voiture. Jamais on ne s’en sortira par les transports, surtout avec ces mecs aux fesses.

— Ils vont nous tracer par votre nom et…

— Cesare, sérieusement ? Tu crois vraiment qu’on ne peut pas payer en cash et voyager sous des alias encore de nos jours ?

— Et votre permis, vous allez faire comment pour… »

Jane lui sourit mystérieusement et tira de son sac une carte qui fit siffler d’admiration l’ancien espion.

« Et c’est lequel de vos amis qui vous a déniché ça ? Et pourquoi, d’ailleurs ?

— Ca peut être utile selon les moments… Quand on est une femme qui vit seule à Londres, faut savoir se protéger d’absolument tout le monde. On va reprendre le métro dans l’autre sens, on sortira dans quatre stations. Là, je trouverai une agence de location.

— Vous… Tu n’as rien laissé à l’appart’ que tu as loué ?

— Non. J’ai préféré faire comme si la mission allait mal se passer. Je sais que nous sommes en fuite perpétuelle, je ne suis pas stupide.

— Ca, je le sais. »

Elle lui répondit par un sourire radieux tandis qu’ils montaient dans les rames, légèrement rassurés par la relative maîtrise de la situation. Une fois que le métro se remit en marche, Jane les amena dans un espace où tous les quatre pouvaient s’asseoir correctement. Luna sauta sur un des sièges en prenant la main de Harry et en l’obligeant à prendre place à ses côtés, Jane et Severus durent en faire de même.

« Que s’est-il passé ? demanda finalement Harry d’un air aussi détaché que possible.

— Ils ont pu remonter notre piste. Comment ? Sans doute à cause… de moi. »

Jane arqua un sourcil et posa sa tête sur son épaule dans un geste intime qui le mit mal à l’aise. Severus regarda autour de lui et vit que personne ne leur prêtait attention. Il s’attendait pourtant à ce que d’autres Sorciers soient en train de les espionner. Sans doute était-ce la réflexion de Jane, car elle n’osait se détendre elle-même.

« J’ai peut-être… tué quelqu’un là-bas. »

Harry ouvrit la bouche, choqué, articulant silencieusement un « peut-être », tandis que Jane releva la tête et fixa le schéma du métro au-dessus d’eux. Seule Luna ne paraissait ni surprise ni affectée par la réponse. Elle poursuivit à leur place :

« Auraient-ils pu surprendre votre conversation ?

— Non, tout est resté secret. Et je préfère qu’ils se concentrent sur l’idée d’avoir pu nous retrouver que… et Il est au courant également.

— Mais comment… ?

— Là aussi j’ai fait en sorte qu’Il se sache, répondit-il tranquillement.

— Qu’as-tu en tête ? demanda Jane en acceptant de le regarder, enfin.

— Sa colère va les ralentir. Il ne va pas apprécier cet échec, et je n’ai pas l’intention de laisser mon ancien camarade croire que je vais retenir mes coups. C’était un avertissement de ma part.

— Sa femme l’a déjà tellement mis dans la merde…, répondit Harry avec une certaine délectation.

— On ne va pas plaindre un type qui n’a pas hésité à mettre en danger des enfants, quand même. Si ? De toute façon… »

Mais Jane s’interrompit en fronçant les sourcils, surprise d’arriver à capter dans le métro alors qu’ils filaient rapidement. Elle mit soudain la main devant sa bouche en fixant l’écran du smartphone, avant de le tendre à Severus.

« Ils ont avancé aussi là-bas, expliqua-t-il pour Harry et Luna. Très bien avancé, mais… »

Il se tut à son tour et observa Harry intensément. Ce dernier s’agita sur sa chaise et tendit la main pour pratiquement arracher le téléphone de celles de Snape. Il poussa un juron quand il termina de lire le sms.

« C’est impossible ! C’est une putain de catastrophe ! Est-ce qu’Il sait ? Est-ce qu’Il a compris ? Mais dans quelle merde nous sommes…

— On descend, coupa Jane. Reprends-toi, on loue la caisse, tu t’énerveras dedans. »

L’agent d’accueil au garage locatif sembla hésiter un long moment devant la vieille photo de Jane la montrant avec d’épais cheveux mal coiffés, les yeux cernés de noir et bon sang ! un percing au nez ?! Il fixait le portrait d’une jeune femme d’à peine 20 ans et avait devant lui une trentenaire active et responsable qui le regardait avec méfiance.

« Bon, vous vous décidez, oui ? s’énerva Severus. C’est elle. Je peux attester qu’il s’agit de la même femme, maintenant donnez-nous ces fichues clés ! »

L’argument qui n’en était certainement pas un sembla faire mouche, car le pauvre garçon les tendit en balbutiant des excuses, incapable de résister au ton autoritaire de l’homme en noir. Ils montèrent tous en voiture et bientôt se retrouvèrent dans les bouchons. Le silence régnait dans l’habitacle et Severus jeta un coup d’œil à Jane quand ils arrivèrent au feu qui précédait l’entrée sur la voie rapide. Ses mains tremblaient sur le volant et Severus posa la sienne sur sa cuisse :

« Il n’y a pas de pont pour aller dans le Surrey » Glissa-t-il d’un air entendu.

Jane embraya et démarra en trombe quand le feu passa au vert. Snape alla retirer sa main quand elle s’en saisit et la serra longuement.

« Bon, maintenant on doit aller où, Harry ? » Demanda-t-elle en regardant le jeune homme à travers le rétroviseur central.

« Little Whinging, un quartier résidentiel un peu…

— Plan-plan pour les gens plan-plan. Je vois où c’est, j’ai eu un ex qui… »

Severus sourit d’un air moqueur.

« Harry, tu peux demander à Hermione des précisions sur la façon dont ils pensent détruire l’Horcruxe ? Ca me paraît très bizarre cette histoire, reprit-elle, rapidement.

— Oui, attends que j’attrape… Ah ! Il y a un autre sms : « Poison Ivy et Fouine ont trouvé le moyen d’entrer dans la tanière du Serpent – elle a écrit ça avec une majuscule. Objets bientôt pacifiés. » Attendez… elle parle de la Chambre, là, comment comptent-ils y entrer ?

— Nous avons notre mission, ils ont la leur. Concentrez-vous sur ce que nous devons accomplir et méditez.

— Vous pensez que je vais encore…

— Harry, coupa Luna, tendue. Je crois que tu sais mieux que personne ce qu’il va se passer.

— Quant à la Chambre des Secrets, poursuivit Snape, ce n’est plus votre problème. »

***

Draco était en retard, et cela ne lui ressemblait pas. Londubat lui avait fixé une date une heure précises pour se retrouver dans les jardins de Serdaigle, et à présent qu’il voyait la lune monter haut, il se demanda si le Serpentard ne s’était pas fait attraper, ou bien n’avait tout simplement pas…

« Je suis là, annonça la voix légèrement essoufflée du blond. Parkinson et les autres me surveillent plus que jamais. »

Neville soupira et jeta un œil entendu à Dobby qui semblait surtout très impressionné par l’endroit.

« Tu as cru que je vous avais trahi et que la médaille était entre leurs mains… ?

— Non, je m’inquiétais.

— Peuh. Tu mens mal, se moqua Draco. Et tu fais bien de te méfier. Mais je l’ai ici. Vous êtes prêts ?

— Dobby va vous mener, Messieurs, mais Dobby ne va pas rester dans cet endroit maudit. On raconte des choses terribles sur la Chambre des Secrets, Messieurs.

— Ce n’est pas grave, je te l’ai dit, c’est déjà une énorme aide que tu nous app…

— De quelle nature ? coupa Draco en fronçant les sourcils.

— Dobby ne sait pas. Mais Dobby vous met en garde, Messieurs : la Chambre est faite pour tuer.

— Ceux qui ont un sang impur, corrigea Malefoy en relevant le menton. Londubat et moi n’avons rien à craindre, nous faisons partie des Sept sacrés.

— Dobby vous met juste en garde, Messieurs. Si vous voulez bien prendre la main de Dobby… »

L’elfe semblait apeuré, mais déterminé, un trait de caractère que Draco commençait à respecter chez lui. Après tout, n’avait-il pas bravé son père pour tenter de sauver Harry ? Depuis longtemps, l’elfe était très engagé dans la lutte contre Voldemort, et Draco dû reconnaître qu’il était normal que ces créatures se sentent concernées par l’issue de la guerre… Il marmonna, plus froid qu’il ne l’aurait souhaité :

« Merci de ton aide. »

Dobby se contenta de lui faire un grand sourire et ils transplanèrent immédiatement. La sensation n’avait rien de comparable avec le sort des sorciers. L’impression d’être morcelé était remplacée par celle d’être évaporé en poussière. La différence était minime, mais Draco put la percevoir nettement, avant que ses pieds ne se reposent droits sur un sol de dalles humides.

Immédiatement, une forte odeur de mousse et de chaires en décomposition leur sauta aux narines. Dobby grimaça de concert, avant de secouer négativement la tête. Il murmura, comme souhaitant ne pas réveiller quelque chose :

« Appelez-moi quand vous voudrez rentrez. Si elle vous en laisse la possibililté… »

Il disparut aussitôt sur ces paroles sybilines qui firent frissonner Draco malgré lui. Plantés seuls au milieu de la Chambre des Secrets, Draco et Neville faisaient face aux ténèbres les plus complètes.

« Qu’a-t-il voulu dire ? murmura à son tour Neville en cherchant à voir au travers du noir.

— Je l’ignore, peut-être une superstition d’elfe. Lumos ! »

Harry avait déjà décrit à Neville, Ron et Hermione l’aspect de la salle principale de la Chambre des Secrets et cela ne correspondait en rien à ce qu’ils avaient sous leurs yeux. Devant eux se dressait un gigantesque mur percé d’une porte encadrée de deux serpents menaçants. Draco renifla, agacé :

« Ne devait-il pas nous éviter ce genre de désagréments en nous faisant transplaner à l’endroit même de la Chambre ?

— Je ne sais pas… répondit lentement Neville en examinant les serpents. Harry avait parlé d’un porte gardée par deux serpents entrelacés qu’il fallait ouvrir en parlant le fourchelangue… Là, il semblerait que la porte soit déjà ouverte…

— Ou bien il ne s’agit pas de la même porte. Sors ta baguette, nous n’allons pas ignorer les avertissements de Dobby. »

Neville s’exécuta et fit jaillir une petite lueur de sa baguette, ils avancèrent ensuite prudemment et la porte se referma derrière eux dans un bruit de raclement de pierre morbide. L’odeur de décomposé se fit plus forte et ils eurent la désagréable impression d’être observés à travers les ombres.

« Il n’y avait qu’un seul basilic, n’est-ce pas… ?

— D’après Harry, oui, mais qui sait ce que renfermait la Chambre DES Secrets ? Après tout, personne n’a jamais rien su de son existence ni de ce qu’elle renfermait avant que…

— Ca, coupa Draco en ricanant, c’est uniquement parce que personne n’a jamais compris la devise de Poudlard. »

Neville tourna sa tête sans comprendre dans sa direction et Draco releva un sourcil intrigué :

« Granger ne vous avait jamais fait la remarque ? Draco dormiens nunquam titillandus ça veut dire…

Ne chatouillez jamais un dragon qui dort, termina Neville. Oui, je sais, j’ai lu l’histoire de Poudlard, comme tous les élèves en deuxième année.

— Sauf que tous les élèves de deuxième année n’ont pas de connaissance des langues latines, ricana Draco. En Latin, le mot dragon se dit draco. Mais c’est un dérivé du mot grec drakon.

— Comment se fait-il que tu connaisses des langues anciennes, comme ça ?

— Mère estimait cela essentiel pour la maîtrise des sortilèges. C’est comme ça qu’on peut en créer, d’ailleurs. C’est surprenant que Lady Londubat ne t’ait jamais obligé à avoir un précepteur… Quoi qu’il en soit, drakon peut tout autant être traduit par dragon… ou serpent. La devise de Poudlard dit explicitement que l’école a un « serpent qui dort » en son sein. »

Neville arrêta d’avancer dans le corridor qui ne semblait plus finir pour l’observer, interloqué. À présent que le blond le lui disait, il lui semblait impensable que qui que ce soit ait pu manquer une telle information, Dumbledore…

« Je crois juste que l’hypothèse d’avoir un serpent caché, voire un basilic, terrifiait tout le monde, ajouta Draco en comprenant son malaise. Peut-être même cette devise a-t-elle été comprise comme étant la métaphore du conflit avec Serpentard, qui, trop chatouillé sur ses positions, s’est éveillé et a brisé la bonne entente des fondateurs ?

— C’est…

— Peu probable, acquiéça Malefoy en se méprenant sur la réaction de son comparse. Puisqu’en réalité, c’est Serpentard qui a choisi cette devise. Le mythe autour de la création de la Chambre des Secrets doit d’ailleurs découler directement de ça, rumeur lancée par les premières personnes à avoir compris ces mots tels que je les comprends. Sinon, comment aurions-nous pu imaginer une telle chose ? Serpentard n’a pas quitté Poudlard en fanfaronnant à propos de son plan secret, cela aurait été stupide et dangereux. Il a sans doute laissé cet indice pour ses héritiers, afin qu’ils accomplissent sa vengeance ? Son œuvre ?

— Tu es…

— Brillant, je sais. Tu ne dois pas être habitué à fréquenter quelqu’un qui réfléchit autrement qu’avec ses émotions, son estomac, ou bien uniquement via des livres. »

Neville hocha la tête, concédant ce point. Il sourit brièvement et ajouta :

« Tu es peut-être quelqu’un de plus intéressant que tu ne voulais bien nous le montrer, murmura-t-il. Quel dommage que tu aies tant tenu à nous masquer ta réelle personnalité.

— Il n’y a qu’un Gryffondor pour ne pas comprendre que ce qu’est une personne est l’exacte arme à retourner contre elle.

— C’est très juste, Draco Malefoy. »

Draco s’arrêta net en entendant cette réplique. La voix n’était pas celle de Neville et elle sembla lui transpercer l’âme. Il se tourna en direction du Gryffondor, mais ne vit que la pierre autour de lui. Éberlué, il regarda devant, derrière, pour se rendre compte qu’il était seul dans un long couloir qui n’avait ni début, ni fin. L’odeur de pourriture était toujours présente et il ne percevait aucun bruit, si ce n’est l’écoulement lointain de gouttes et une sorte de pulsation cardiaque qui semblait traverser le sol. Aucune trace de Neville et Draco sentit la panique monter lentement en lui.

« Londubat ?! cria-t-il, incertain.

— Londubat ?! répéta la voix en se moquant.

— Je vois… Qui est là ?

— Qui est là ? Londubat ?! »

Draco continua d’avancer lentement, la baguette dirigée droit devant lui, sa nuque baignée d’une légère pellicule de sueur froide qui commençait à lui glacer le sang. Cette voix… il avait l’impression de la connaître et elle faisait ressurgir en lui une sorte de terreur infantile. Où était le Gryffondor, bon sang ? Depuis quand ne marchaient-ils plus côtes à côtes ? Il s’arrêta et respira profondément, se repassant mentalement ce qu’il venait de se passer. Il fit demi-tour et couru soudain, mais le couloir semblait interminable. Là, une conviction s’imposa à lui : ils étaient au milieu d’un piège de la Chambre. Exactement comme l’elfe avait tenté de les avertir.

« Très bien, murmura Draco en cherchant à se persuader qu’il était dans un des cours de Snape. Jouons-la comme un vrai Serpentard, alors.

— Mais tu n’es pas un vrai Serpentard… »

« Tu n’as jamais été à ta place. »

Neville chassa d’un geste de la main ce que l’étrange voix venait de lui dire. Il courait depuis maintenant cinq minutes en sens inverse sans retrouver ni l’entrée, ni Draco. Impossible d’entendre le blond marcher et parler, et chaque appel se soldait par des moqueries de la part de la voix. Il ferma les yeux et marmonna :

« Je vais encore devoir ma vie à Severus Snape, j’ai l’impression…

— Tu n’en as pas assez d’être l’éternelle demoiselle en détresse ?

— Qu’est-ce que tu es ?

— Et toi ? Un Gryffondor, vraiment ? Toujours la peur au ventre, toujours besoin de te planquer dans les jupes d’un autre. »

« La ferme ! cria Draco en sentant qu’il s’y prenait de la mauvaise manière. Si tu essaies de me faire perdre mon sang-froid, tu peux d’ores et déjà…

— Seuls les serpents ont le sang-froid. Et toi tu bouillonnes comme un enfant pris au piège dans ses petits draps. Tu t’agites dans ton lit, aux prises avec tes cauchemars et tu paniques. Où est le haut ? Où est le bas ? Sens-tu l’étau qui se resserre ? Tu dois sortir, vite.

— Il n’y a pas de sortie, ce couloir n’existe pas.

— Ce couloir n’existe pas, se moqua la voix en geignant comme un enfant. Le serpent qui le parcourt à tes trousses non plus n’existe pas… »

Le sifflement caractéristique qu’il entendit derrière lui le fit frissonner et, immédiatement, il se mit à courir pour lui échapper. Il ne pouvait y avoir deux basilics dans une seule et même Chambre, se pouvait-il que Harry n’ait pas vraiment tué la créature… ? Neville accéléra, jusqu’à débouler dans une immense salle voûtée qui abritait une statue titanesque d’un sorcier aux cheveux et à la barbe longue. Le souvenir de la description de Harry lui revint en mémoire et il regarda immédiatement aux pieds de la statue pour constater que le cadavre attendu du basilic n’y était pas… Il ferma immédiatement les yeux quand le sifflement redoubla d’intensité.

« Il est impossible que le monstre soit encore en vie, cria presque Draco, incapable de calmer sa peur. Qui le commanderait, hein ? Un vieux piège mental destiné à chasser les non-parleurs ?

— Tu réfléchis trop, ce n’est pas ce qu’on demande à un bon serviteur, s’énerva la voix. Tu réfléchis trop et regarde où ça te mène ! »

Draco hocha la tête en direction de la statue de Serpentard qu’il avait devant lui et se retourna lentement. Il porta machinalement la main à la poche de son veston qui contenait la médaille de Jedusor et ricana.

« À me battre conte toi, répondit-il. »

Du couloir dont il venait de sortir se détacha une ombre vivante qui prit corps. Une silhouette encapuchonnée glissant sur le sol comme il l’avait vue faire des années auparavant dans la forêt interdite. Draco frissonna de tout son être, serrant fermement sa baguette tout en espérant ne pas se tromper.

« Est-ce la Chambre ou l’Horcruxe qui se défend ? demanda à voix haute Neville comme si Draco pouvait l’entendre. Dumbledore nous avait bien mis en garde contre cette éventualité.

— Dumbledore, Dumbledore ! railla la voix. Tu es l’homme de Dumbledore, alors ?

— Non, Harry l’était, corrigea tranquillement Neville en se tournant enfin vers la voix. Et je ne suis pas Harry.

— Tu n’es pas l’Élu. » Ricana une silhouette sombre qui se détacha du couloir baigné de ténèbres.

Neville hocha négativement de la tête et rangea sa baguette tranquillement. Il eut une brève bouffée de reconnaissance envers Severus qui les avait décidément bien préparés, et répondit :

« Non, et je n’ai pas à l’être. Ne prends pas la grosse tête à jouer les héros.

— Comme si tu en étais capable ! »

La silhouette rejeta la tête en arrière pour rire et Neville pu voir son double le scruter avec malice, son regard moqueur surplombé d’une cicatrice en forme d’éclair. Se voir ainsi lui tira une sorte de frisson dans le ventre. Il s’observa un bref instant, ne sachant quoi répondre au double qui le fixait goguenard.

« Terrorisé, tétanisé… exactement comme lors de l’attaque, sussurra le double. Et tu es tombé, incapable de te défendre alors même que Harry, lui, faisait ce qu’il y a à faire. En seras-tu un jour capable ? »

Avant même que Neville ne puisse répondre, le double leva la baguette et cria « Avada Kedavra » dans sa direction. Neville ferma les yeux brusquement avant de les rouvrir avec stupeur. Derrière lui, Dean Thomas, en robes de Mangemorts, était allongé les bras en croix.

« Ce… ce n’est pas un des leurs…, murmura Neville incertain.

— Et si c’était le cas ? Et si tu n’avais pas le choix ?

— Harry n’est pas comme ça.

— Harry a déjà tué.

— Je ne suis pas Harry.

— Tu devras tuer. »

Neville déglutit, observant le corps de l’illusion de son ami.

« Je te fais peur ? »

Draco inspira profondément et abaissa sa baguette, puisant dans le rationnel pour nourrir un semblant de courage.

« Oui. Il faudrait être fou ou stupide pour ne pas avoir peur de vous.

Vous ? Je suis seul. Je te terrifie au point que tu me vois pluriel ? »

La silhouette leva ses mains pour retirer lentement le capuchon qui la coiffait, et Draco recula instinctivement d’un pas. En face de lui, son double ouvrit la bouche dans une reproduction parfaite et ironique de son ébahissement.

« Oh… Pas de Seigneur des Ténèbres ?! Tu ne saurais te tenir face à lui. Tu es un faible. Un faible rongé par la peur.

— J’ai peur… d’être un Mangemort ? demanda Draco, surpris de ce dénouement. Au cours de Snape je croyais avoir fui…

— Tu fuis ton potentiel, Draco ! cracha le double. Tu fuis tes responsabilités ! Tu fuis l’inévitable ! Crois-tu vraiment que tu vas rester encore longtemps le seul à ne pas être marqué ?

— Blaise…

— Oh, Blaise… Oui, Blaise… Blaise ton ami, c’est ça ? Blaise qui n’est pas marqué, mais qui est tout autant un tueur que moi.

— Blaise n’a jamais…

— Blaise sait survivre ! Blaise est un vrai Serpentard, c’est bien pour ça que tu l’aimes tant, hein Draco ? »

Le blond cilla, incapable de trouver une réplique à la hauteur. Son double-Mangemort poursuivit :

« Blaise prendra la marque quand il n’y aura plus d’échappatoires, et il n’y en aura plus quand tu seras obligé d’en faire de même…

— Je refuse de…

— Tu obéiras à ton père. Tu lui obéiras comme il obéit au Seigneur des Ténèbres. Vous lui obéirez parce que vous savez ce qu’il se passera si vous ne faites pas ce qui est attendu… »

Neville secoua doucement la tête, cherchant du regard une solution, une aide. Il reporta son attention sur son double et le considéra gravement :

« Je ferai ce qu’il y a à faire, murmura-t-il avec conviction. Ce qu’il faut pour gagner cette guerre. Mais je sais que je n’aurai jamais à porter le poids qu’Harry porte lui-même.

— Tu en es sûr… ? répliqua, goguenard, son double.

— Non. Sinon tu ne serais pas là. Sinon, je n’aurai pas si peur. Est-ce donc ça le piège de la chambre ? Sombrer face à ses peurs ? Ne pas les dépasser… ? C’est trop Gryffondor pour Salazard Serpentard, c’est vraiment étrange.

— Crois-tu pouvoir me dépasser, vraiment ? Crois-tu que tu pourras échapper à ce destin ?

— Oui, répondit Neville après réflexion. Je parviendrai à faire ce qu’il faut sans devenir ce que je crains. J’y arriverai.

— Oh, vraiment ? Devoir tout sacrifier, avoir du sang sur les mains, prendre le risque de mourir, es-tu certain d’arriver à ne pas devenir ce symbole que tu crains tant ?

— Sûr, non. Mais j’en ai l’ambition, du moins. »

Neville tourna la tête pour chercher Draco des yeux, et quand il revint fixer son double, ce dernier n’était plus là. Il se trouvait face à la Statue de Serpentard, et à ses pieds, Draco était en train de pleurer, penché sur le sol. Il gémissait et fixait le sol, comme s’il se trouvait quelque chose.

« Maman… murmurait-il.

— Oh maman, maman… Ma jolie maman ! pleurnicha son double. Si seulement j’avais le cran de prendre la marque pour te sauver. Ma maman qui se fera tuer à cause de toi…

— LA FERME ! LA. FERME ! Je ne veux pas être Mangemort, je ne peux pas le devenir !!

— Alors tu perdras tout, absolument tout… »

Draco se leva et pointa sa baguette en direction de Neville, le menaçant très clairement. Le Gryffondor leva les mains en signe d’apaisement, mais son comparse hurla de plus belle :

« ASSEZ ! ASSEZ de tes mensonges et des illusions !

— Tu as raison Draco, cesse de te mentir : tu es trop lâche pour sacrifier ton existence pour sauver les autres. Tu la feras tuer parce que tu es lâche.

— Je… la lâcheté serait de… de prendre cette marque. Mon père… »

Neville ouvrit la bouche et comprit immédiatement le problème du blond. Il bondit sur lui, lui arrachant sa baguette des mains. Draco se débattit violemment, l’insultant, l’accusant de vouloir le détruire.

« Ouvre les yeux, Malefoy ! Ce n’est pas ce que tu crois ! Tu n’es pas un Mangemort, tu n’as pas la marque !

— Je n’ai pas le choix, sinon Il la tuera !

— Il la tuera quoi qu’il advienne, répondit Neville sans être certain du sujet. Voldemort tue les gens, les Mangemorts tuent les gens, c’est pour ça que tu te bats, que tu es là pour le vaincre ! Draco, tu as déjà fait ton choix, il n’y aura aucun retour en arrière : tu ne seras jamais Mangemort. Aide-moi à détruire les Horcruxes ! »

Neville tira de sa poche le médaillon de Serpentard et le leva bien haut. Draco sembla le voir un bref instant et une lueur de conviction revint dans son regard.

« Tu pourrais le Lui apporter, sinon… ? proposa le Draco-Mangemort en souriant. Il te pardonnerait tout. Pardonnerait à ta famille, l’épargnerait…

— Je…

— Ressaisit-toi Malefoy ! le ramena brutalement Neville dans la réalité. L’Horcruxe se défend, il joue de nos peurs ! Ce n’est pas la Chambre le problème, ce sont ces saloperies, aide-moi à les détruire !

— Mais si je les détruis, Il traquera…

— Si tu les détruis, Il sera à nouveau mortel. Et on le détruira. Tu as ma parole, Malefoy que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour Le détruire. »

Disant cela, il lui sembla qu’un écho se faisait dans la pièce, comme si son double-Elu avait prononcé les mêmes paroles. Neville frissonna, reconnaissant-là que sa peur avait un fondement : il était bel et bien loin du petit garçon grassouillet et empoté qui avait franchit les portes de Poudlard… Et Malefoy était loin du petit con arrogant qui voulait tout faire comme papa. Il fallait détruire les objets, et vite… ! Mais il n’y avait aucune trace du basilic… seulement cette chambre glacée et puante.

« Par Merlin, l’odeur ! Malefoy, concentre-toi sur l’odeur de cadavre ! Laisse tes peurs, nous les vaincrons, concentre-toi sur l’odeur de cadavre !

— Ma mère…, commença Draco en fixant le corps sans vie de Narcissa.

— Non, c’est beaucoup plus dégueulasse que ça, plus vieux. Malefoy, le cadavre du basilic est juste là, nous devons briser l’illusion, aide-moi ! Bats-toi par Merlin ! Bats-toi à mes côtés !

— Jusqu’où comptes-tu trahir, Draco ? menaça le double. T’allier à un Gryffondor et puis quoi ? Aider Potter ? Trahir le Seigneur des Ténèbres… ? Détruire son bien le plus précieux ? »

A ces mots, Draco fronça les sourcils, entendant un drôle d’éco au loin. L’écho de la voix de Neville. Le double sembla se rendre compte qu’il avait fait une grave erreur car il balbutia presque :

« Il te détruira, Il vous détruira tous avant même que vous ne parveniez à vos fins… Vous détruisez ses Horcruxes et après ? Crois-tu pouvoir lui tenir tête baguette à la main ?

— Ce n’est pas la Chambre qui se défend, murmura Draco.

— C’est ce que je me tue à te dire ! Tu m’entends, maintenant Malefoy ? Détourne-toi de tes peurs, nous allons le faire ensemble ! »

Draco cilla et le regarda pour la première fois dans les yeux. Son double vociférait :

« Ne l’écoute pas ! Ses promesses sont vaines ! Il ne peut absolument pas…

— Que m’as-tu promis ? demanda Draco, lentement.

— Je ferai tout pour te permettre d’être libre, Malefoy. Pour nous permettre à tous de Le vaincre.

— J’ai ta parole ?

— Tu as ma parole. Nous nous battrons ensemble, nous perdrons nos proches ensemble… mais nous Le vaincrons aussi ensemble. Sors la médaille et vois enfin le seul cadavre de cette pièce ! »

Draco tourna la tête dans la même direction que Neville et vit l’énorme corps du serpent encore suintant. L’illusion de son double avait disparue, laissant les deux jeunes gens seuls face à un monstre dont la décomposition avancée empuantait toute la Chambre des Secrets.

« Qu’est-ce que c’était… ?

— Les Horcruxes, rien qu’eux.

— Il n’y avait pas de pièges ? Pas de dangers ?

— Techniquement, si, répondit Neville en s’avançant pour détacher un crochet du monstre. Mais nous les avions apportés avec nous. Je suppose que la magie de ces lieux n’a fait que renforcer leur pouvoir…

— C’était…

— Très convaincant, je sais. Comme dans le labyrinthe de Snape.

— C’était bien pire, nous n’étions pas en plein cours. Là, c’était réel… »

Draco sembla perdu un bref instant, et Neville lui donna une tape sur l’épaule.

« Ressaisis-toi. Ne laisse pas ta peur te dominer, c’est terminé.

— Comment… comment fais-tu pour être aussi calme ? Qu’as-tu vu ?

— L’inévitable. »

Draco le considéra gravement et posa la médaille au sol, à côté de l’autre Horcruxe. Neville hocha la tête en lui souriant avec chaleur.

« On fait ça à trois, prévint Neville en levant l’arme au-dessus du médaillon.

— TROIS ! »

***

Jane gara la voiture de location à l’endroit même où Vernon Dursley garait la sienne. Cette image serra le cœur de Harry qui jeta sans le vouloir un regard noir à Snape. L’ancien Mangemort resta silencieux et ouvrit la portière rapidement. La maison était toujours inoccupée, la porte d’entrée fermée et barrée par un ruban de Scotland Yard. Jane et Severus s’arrêtèrent au perron, laissant Harry leur ouvrir la marche. Le jeune homme arracha le ruban et chercha dans un des pots creux dégarnis de fleurs une petite clé d’argent qu’il glissa dans la serrure.

Harry s’attendait à retrouver l’intérieur impeccable du foyer Dursley et s’immobilisa devant le chaos des meubles renversés, des cadres photos jetés au sol et brisés.

« Bellatrix, murmura Severus la gorge sèche. Elle cherchait un portrait de toi…

— Et elle a dû retourner la maison, en vain. »

Jane leva un sourcil interrogateur en direction de Severus qui secoua négativement la tête. Luna s’avança et se dirigea vers le placard sous l’escalier qu’elle ouvrit d’un geste surprennament sec. Elle contempla longuement la paillasse qui avait servi de lit à un Harry trop naïf pour être malheureux. Jane resta silencieuse, une sourde colère montant en elle. Severus avait connaissance de cet endroit, il avait vu assez de souvenirs d’un petit Harry tentant de calmer lui-même des terreurs nocturnes en serrant fort une couverture élimée contre lui. Il repensa à sa propre mère qui avait su le garder d’un tel destin, et le souvenir de Lily le hanta brutalement. Pouvant pratiquement l’entendre hurler dans ses oreilles devant ce que son fils avait dû vivre.

« Ouaip…, lâcha Harry, amère. J’ai passé dix ans dans cette chambre.

— Chambre… ? grinça Jane. Tu appelles ça…

— Et maintenant qu’ils sont morts, coupa Luna d’une voix froide. Ils ne pourront plus payer pour leur crime.

— Ils ont payé, répliqua Severus avec brutalité. Je me suis personnellement chargé de Petunia.

— Ils ne méritaient pas ce que Bellatrix et toi avez fait, contrat Harry.

— Tu as trop bon cœur, Harry, murmura Jane en colère. Ce qu’ils t’ont fait…

— Ne méritait pas ce qu’ils ont subi. Vous savez Professeur, le monde est plein d’enfants qui traversent bien pire. Je ne sais pas quelle enfance vous avez eu, mais Luna a perdu sa mère, Severus a dû…

— Ne me mêlez pas à ça, et surveillez tous votre langage. Vos émotions vous poussent à vous dévoiler. Nous sommes là dans un but précis, commençons.

— Non, maintient Harry. Je sais que ma mère serait de mon avis, elle aurait été…

— Elle aurait été horrifiée de ce qui vous serait arrivé et aurait veillé elle-même à ce que votre tante paie, cher. Elle aurait sans doute accepté que je m’en charge en fermant les yeux sur ma sentence.

— Jamais… maman était…

— Votre mère était aimante et douce, mais elle comprenait plus que tout les gens. Elle ne m’a jamais jugé lorsqu’elle a appris pour mon père. Ne demandez pas à vos proches de faire preuve de la même noblesse de cœur que vous voulez vous imposer, nous n’avons pas à jouer les héros, n’essayez pas de nous rendre plus vertueux que nous le sommes.

— Luna, tu… ? demanda Harry avec espoir.

— Je te comprends. Et je comprends aussi leur réaction. Tu as besoin de pardonner à ta famille, car c’est le chemin que tu as choisi de vivre, car c’est ainsi que tu vis, Harry. C’est aussi de cette façon que j’avance, le rassura-t-elle en prenant doucement sa main. Mais tout le monde n’est pas miséricordieux.

Certainement pas moi, glissa Severus entre ses dents. Où voulez-vous faire ça ? »

Harry balaya du regard le salon qui était retourné, puis il leva les yeux en direction des escaliers.

« Dans ma chambre, ça me semble tout indiqué.

— Ah, ils ont fini par vous en donner une, alors…, grinça encore une fois Jane.

— Oui, quand les lettres marquaient comme adresse « dans le placard sous l’escalier ».

— Adresse inscrite par un sort, n’est-ce pas ?

— Oui, d’après le Directeur, il n’en avait jamais rien su.

— Foutue magie, et personne de mon genre n’avait remarqué quoi que ce soit ?!

— Quelques maîtresses, répondit Harry en montant à l’étage. Mais ça n’a jamais été suivi de quoi que ce soit. Mon oncle et ma tante avaient réussi à convaincre le corps enseignant que j’étais bizarre et que j’étais globalement problématique. Et puis j’ai fini par en prendre l’habitude et par comprendre qu’il ne servait à rien de…

— Faire confiance à des adultes, termina Severus en prenant soudain conscience de quelque chose de crucial à propos de Harry. Ce qui explique pourquoi vous n’aviez pas été touché de mon traitement…

— Je voyais bien que vous me haïssiez, mais vous n’étiez tellement pas le premier à… voilà. Tiens, ils n’ont touché à rien. »

Snape hésita à dire quelque chose à Harry mais Luna le dissuada d’un signe de tête. Ils pénétrèrent dans une chambre pratiquement vide où un lit miteux trônait. Une chambre avec une fenêtre qui semblait avoir eu des barreaux à une époque. Jane s’exclama :

« Ils sont sérieux ?! Vous avez vraiment été… ?

— En deuxième année. Pour que je ne retourne pas dans « cette école de fous ». Et Dobby qui m’empêchait d’avoir mes lettres pour que je crois que personne ne m’aimait et que je n’ai plus envie d’y retourner. Il voulait me protéger à cause de la Chambre mais…

— Mon Dieu, Harry… Tu as été si malheureux…, murmura Jane éberluée.

— Oui, pauvre petit garçon adoré d’un monde tout entier, au compte en banque garni et entouré d’amis qui l’aimaient jusqu’à donner leur vie…

— Sev… Cesare !

— Il a raison, sourit Harry. J’ai eu une enfance autrement plus heureuse que la sienne… ou encore celle de Tom. Je n’ai pas à être plains.

— Vous plaisantez ?! C’est typiquement le genre de discours d’enfants maltraités que…

— C’est terminé, coupa Harry. Mon passé est derrière moi, il ne me reste qu’à me battre pour me construire un avenir. »

Ces mots mirent Severus profondément mal à l’aise qui ne put s’empêcher de fixer le lit plutôt que le jeune garçon. Jane s’en rendit compte et fronça les sourcils, incapable de percer ce mystère. Harry chercha dans le sac l’épée de Gryffondor qu’il leva devant eux.

« Aller, il est temps. Cela risque de me toucher une nouvelle fois, donc je vais me mettre dos au lit, d’accord… ? Et puis nous attendrons que nos amis de l’école se soient chargés des deux autres, j’ai peur que…

— Que cela soit de plus en plus difficile ? demanda Severus.

— Ça l’est. Le journal ou la bague ne m’avaient rien fait, le diadème était douloureux mais j’ai le pressentiment que…

— Nous aurions peut-être dû nous coordonner pour que les trois soient détruits en même temps, songea Luna à voix haute. Tu ne dois pas être le seul à ressentir cela, et il y a peu de chances qu’Il ne sache pas compter.

— C’est juste, mais c’est trop tard. Quand vous serez prêt, Harry. »

Snape dévoila la coupe et la posa au sol. Il s’écarta légèrement du garçon qui secoua la tête :

« Faites-le. Je n’ai pas envie que ça recommence comme la dernière fois.

— Affrontez vos peurs.

— Je m’en charge, bondit Luna. Nous sommes tous là pour faire notre part. Et puis j’ai pleinement le droit de Lui rendre la pareille, après ce qu’il nous fait subir.

— Tu as raison, à trois…

— TROIS ! »

***

Une cacophonie de hurlements indistincts avait résonné à ses oreilles. Trois voix du même timbre hurlaient, maudissaient, menaçaient, suppliaient. La puissance du cri conjoint lui vrilla les tympans et le fit chanceler, avant que la sensation douloureuse d’avoir le crâne qui se fendait sous un coup brutal d’une lame ne lui fasse tourner la tête. Il bascula dans les ténèbres, se prenant la tête à deux mains, hurlant terriblement à son tour tandis qu’il sentait chaque parcelle de son être brûler comme autant de supernovas explosant dans l’univers. L’impression même de mourir et de se faire néant fit éclore un vent de panique qui poussa son cœur dans ses derniers retranchements. Il avait déjà ressenti cela quelques jours auparavant, l’étrange sentiment d’être aux portes de la mort, et il pouvait presque voir qu’il s’apprêtait à les traverser. Les voix se brisèrent soudainement, mourant dans d’atroces borborygmes et mises en garde qui lui étaient toutes destinées. Vaguement, il entendit la voix douce d’une jeune fille l’appeler, et celle, grave et soyeuse de son ancien serviteur s’inquiéter pour lui. Où était-il ? Il était incapable de le dire. Il se savait juste mourant. Et c’était impossible. Il sombra totalement dans l’inconscience.

Il ouvrit soudain les yeux, et il mit un instant avant de se rappeler qu’il était dans les cachots de la demeure Jedusor, en train d’explorer l’esprit de Ronald Weasley. Ce dernier était à genoux, le menton reposant contre sa poitrine, inconscient. Voldemort se releva péniblement, tirant sa baguette avec rage et lui attrapa les cheveux pour relever son visage à sa hauteur :

« Tu vas me dire, siffla-t-il avec difficulté. Tu vas me dire… »

Il s’engouffra brutalement dans son esprit, avec un mot en tête, un mot qu’il hurlait aux souvenirs, guettant les échos, jusqu’à ce que là, dans un coin enfoui profondément, il déniche ce que le jeune homme avait tant cherché à lui dissimuler. La voix de Sirius Black lui parvint à travers le brouillard :

« … finalement, s’il n’avait pas tant détesté ton père, nous n’aurions jamais eu le journal et Dumbledore n’aurait rien su des plans de notre ennemi.

— J’aurais pu perdre Ginny, rappela le Ron de l’époque.

— Oui, et nous la guerre. Maintenant, nous avons une chance. Infime, mais une chance de Le vaincre. »

Le souvenir s’effondra sur lui-même, Voldemort se retirant. Le mage noir recula de quelques pas, tournant la tête de gauche et de droite. Son cœur, cet organe pathétique qui trahissait le commun cognait dans sa poitrine, le faisait atrocement souffrir. Brûlant dans ses veines comme un poison, son sang pulsait, sous les coups erratiques de la pompe qui s’emballait. Une étrange sensation de froid s’empara alors du dos de Voldemort, une sorte de frisson qui lui prit les reins et remonta lentement, dévalant sur son ventre pour lui tordre les entrailles, lui rappeler qu’elles étaient, elles aussi, des viscères palpitantes. Le froid se propagea dans ses bras, engourdissant ses mains, glaçant jusqu’à ses doigts qui ne sentaient plus la caresse de sa baguette. Voldemort la levant lentement et constata, avec un terrible effroi, qu’elle tremblait. Légèrement, presque imperceptiblement, sa baguette et sa main toute entière étaient secouées d’un léger tremblement. Il se tourna vivement vers Ron qui l’observait à présent avec un regard perçant et lucide. Le jeune Gryffondor esquissa un rictus qui lui tordit la bouche et ricana, goguenard :

« Personne n’est immortel. »