Un mot rapidement : Je suis loin d’avoir terminé le prochain, d’autant que le travail est ultra intense, je me lance dans trop de projets pros pour arriver à tenir – toujours avec le gnome dans les pattes. Qui marche, d’ailleurs, à même pas 11 mois au moment où je publie ce chapitre. Comme quoi, certaines choses avancent, et d’autres stagnent. J’espère que vous apprécierez ce chapitre, crucial pour la dernière partie de cette histoire. Prenez soin de vous et ne foncez pas tête baissée dans ce déconfinement, on est loin d’en avoir terminé !

 

 

Chap 56 : L’erreur de Lucius Malefoy

 

« Maître… ?»

Abernathy observa Voldemort avec une légère appréhension. Ce dernier venait de s’interrompre dans son explication et regardait dans le vague. L’immense Sorcier frissonna soudain, avant de froncer les sourcils qu’il n’avait pas. Il observa autour de lui, cherchant des yeux une sorte de réponse, croisa le regard de Nagini qui ne l’aidait pas davantage et reporta son attention sur les notes éparpillées devant eux. Ils étaient dans le grand salon des Jedusor, le cercle des plus fidèles réunis autour de la table, scrutant un plan du Londres Moldu et lisant des centaines de notes d’observation. Sur un papier déchiré et jauni on pouvait aisément lire des heures listées, ainsi que des annotations « Facteur Moldu », « Garçon à casquette », « Facteur Moldu ». Abernathy n’osait pas appeler de nouveau le Seigneur des Ténèbres, mais son corps trahit néanmoins sa pensée.

« Poursuis, ordonna Voldemort d’une voix distante.

— Heu… Eh bien nous savons de source sûre que Potter n’est plus là-bas. Il est possible que ses amis, si. Le traître à son sang, ainsi que la Sang-de-Bourbe, probablement. Pénétrer dans la maison des Blacks n’est pas envisageable, il…

— Ne me fais pas perdre mon temps en faits qui sont déjà à ma connaissance. Je sais parfaitement que Warbulga Black a protégé ce lieu. Dumbledore a dû exiger un renfort de sécurité, d’ailleurs.

— Ou Snape. » Glissa Nott avant de regretter immédiatement son propos.

L’assemblée retint son souffle quand le regard enflammé de Voldemort se posa sur le Mangemort. Les fentes de ses pupilles s’étrécirent brusquement, tandis que le Sorcier semblait peser le pour et le contre d’une punition pour citer le nom honnis. Mais quelque chose l’interrompit une nouvelle fois. Une vague de peur mêlée à une honte profonde. C’était étrange, il avait senti l’air se comprimer autour de lui, et une sorte de tournis s’était emparé de son être, le faisant légèrement frissonner. Personne n’avait remarqué, si ce n’est Abernathy, et cet idiot continuait de le scruter avec inquiétude. Voldemort était partagé entre l’envie de comprendre pourquoi Potter avait peur, et l’importance de poursuivre cette réunion.

« Si les deux amis de Potter se trouvent sur place et interviennent, aucun mal ne pourra leur être fait. »

Il avait déclaré ça les yeux dans le vide, encore à mi-chemin entre le manoir et une sorte d’endroit humide et désagréable qu’il percevait au loin. Quelque chose de grave s’était produis, il en était certain. Ses Mangemorts semblaient choqués de sa demande, et ils se tournèrent en direction de Joseph, comme pour demander silencieusement que ce dernier pose la question fatidique.

« Maître…, commença-t-il avec courage. Avez-vous un plan spécifique pour ces deux-là ? »

L’assemblée retint son souffle, s’attendant à une réaction très violente de la part du mage noir, mais il haussa les épaules et marmonna :

« Il commence seulement à réaliser que tout est perdu…

— Maître… ?

— Que dis-tu ?

— Je… je me demandais seulement si vous aviez une idée en tête concernant les amis de Potter, s’il y avait une raison pour que…

— Questionnerais-tu mes décisions, Joseph…?

— Non, Maître. J’essayais de les comprendre.

— Ce n’est pas à ta portée, contente-toi d’exécuter mes ordres. »

La remarque sembla doucher profondément l’égo du Gryffondor et Voldemort s’amusa un instant de cette propension à prendre des risques pour prouver continuellement leur légitimité. Quelle incroyable différence avec Quedver ! Voldemort s’échappa à nouveau de sa réunion, cherchant du coin de l’esprit à comprendre ce qu’il s’était passé. Que pouvait bien faire Potter à cet instant qui inquiétât à ce point ? Il était très certainement entre les mains de Severus, et ce dernier devait l’entraîner durement. Était-ce ça, cette peur ? Snape le poussait-il à aller plus loin que Dumbledore n’aurait jamais toléré ? Le mage noir ricana de plaisir à cette simple idée. Souiller la belle âme du Sauveur…

« Votre priorité est Sirius Black » Reprit-il en toisant ses Mangemorts avec un sérieux terrible. « Aucun de vous ne le tuera, je le veux vivant. Et si les jeunes amis de notre très estimé Élu se trouvent à votre portée, je les veux également. Toute autre personne intervenant, sorciers ou moldus sera totalement à vos baguettes. J’escompte un assaut rapide et brutal. Si des échanges de sorts se font avec la Brigade, sachez que je ne tolérerai aucun échec. Chaque mort sera sévèrement répercutée sur vos familles. Cette mission est capitale. Maintenant, partez ! »

Chacun se leva en silence et s’inclina profondément face à son Maître, quand Voldemort leva la main en direction de son nouveau protégé :

« Pas toi, Joseph. J’ai encore quelque chose à te confier.

— Je vous écoute, Maître.

— J’ai cru comprendre que tu avais déjà combattu contre Black à l’attaque du Terrier et que tu lui en voulais très particulièrement. Laisse-moi terminer au lieu de chercher à me mentir, coupa-t-il rapidement. Je te mets en garde : Black est ma proie, pas la tienne. Du reste, il s’est montré beaucoup plus habile que tu ne l’espérais à la survie. Ne le sous-estime pas une seconde fois. »

Abernathy s’étrangla de rage, mais acquiesça rapidement de la tête, avant de s’incliner et de repartir. Titiller ses Mangemorts a toujours été un plaisir sadique pour Voldemort. Il tenait tout particulièrement à leur rappeler leur place, spécialement à ceux qui étaient les plus zélés. Voldemort, comme Malefoy ou Snape considéraient que l’ego était la pointe la plus dangereuse chez un individu, surtout auprès de ceux s’imaginant exceptionnels quand ils n’étaient tout bonnement qu’à peine au-dessus du Commun. Joseph Abernathy faisait clairement partie de ces gens rongés de désir de démontrer qu’ils pourraient faire de grandes choses, s’ils n’étaient pas entravés par les autres. D’une certaine manière, Severus était comme ça étant enfant, mais à la grande différence d’avec le nouveau jouet du mage noir, Severus s’était considérablement modelé pour être ce qu’il prétendait devenir. Et au grand dam de Voldemort, il avait dépassé toutes ses folles espérances.

***

Snape passa une main délicate sur l’épaule du garçon, les sourcils froncés d’inquiétude. Il dû faire appel à toute sa volonté pour ne pas tirer sa baguette et l’utiliser pour entrer dans l’esprit d’Harry. Quelle plaie que cette Trace qui leur enlevait de précieuses armes ! Jane s’approcha d’eux pour mettre la housse du canapé sous la tête du jeune homme. Cela faisait maintenant deux minutes que Harry s’était évanouit après sa petite scène, tous avaient conscience du fait qu’il pouvait ne pas être celui avec qui ils allaient interagir. Sous ses paupières closes s’agitaient ses yeux qui allaient et venaient à grande vitesse, comme cauchemardant. Severus en était convaincu, la destruction de l’horcruxe avait eu un réel impact physique et psychique sur lui, est-ce qu’il en était de même pour leur adversaire ?

« C’est si terrible que ça… ? » Murmura faiblement Harry en ouvrant doucement les yeux.

L’assemblée soupira de soulagement et chacun se détendit, à l’exception de Snape qui gardait son regard braqué sur le gamin. Se relevant péniblement, Harry lança un pauvre sourire à tous et jeta un coup d’oeil en biais à ce qu’il restait de l’horcruxe. Éventré, le diadème de Serdaigle ressemblait à un vieux morceau de métal usé et noirci par le temps. Il avait enfin l’aspect de son âge, vidé de sa substance magique et la gemme autrefois magnifique avait volé en éclats fichés dans le sol. Autour de l’objet, des traces de brûlure, comme si un feu s’était élevé du centre. Harry cligna longuement des yeux avant de les lever, honteux, en direction de son Maître Occlumens. Il se souvenait parfaitement de ses propos et regrettait amèrement que Snape ait dû prendre la relève. L’homme sembla le comprendre, car il leva la main en signe d’apaisement.

« Il est normal que vous ayez été tenté, Harry. C’est un réflexe de survie de la part du morceau. »

Le jeune homme se racla la gorge qu’il trouva bien plus sèche qu’il ne s’y attendait. Il aurait aimé être rassuré par ces paroles, mais en son for intérieur, il ruminait. Il n’avait pas seulement été tenté par l’objet, il avait senti une réelle proximité avec lui. Harry ouvrit la bouche pour tenter d’exprimer son malaise, puis la referma, incapable de trouver des mots qui n’alarmeraient pas son entourage. Pour dire quoi, d’ailleurs ? Arriver à quelles conclusions ? Une nouvelle fois, Severus comprit parfaitement le problème et anticipa :

« Chercher à vous faire croire que vous alliez en souffrir faisait probablement partie du processus de défense, expliqua-t-il. Il n’y a rien de mal ou de choquant quant à votre attitude. Si vous avez un doute, vous n’avez qu’à vous exercer davantage. »

Cela semblait si simple dit comme ça, et les deux sorciers échangèrent un long regard, comprenant tous deux qu’aucun n’était totalement sincère. Harry grimaça, changeant légèrement de sujet, ne souhaitant pas pousser plus en avant ses déductions.

« J’aurais aimé y arriver, c’est mon devoir. La prophétie dit que…

— La prophétie ne dit rien de votre mission, Harry, coupa Jane. Pas plus qu’elle ne spécifie que vous devez être seul pour l’accomplir.

— Oui, mais elle dit bien que je suis celui qui vaincra le Seigneur des Ténèbres, non ?

— Non. Tu la comprends aussi mal qu’Il ne la comprend. »

Luna s’était approchée et lui tendait à présent une bouteille d’eau en plastique tout en le regardant comme s’il était légèrement stupide.

« La prophétie dit que tu as le pouvoir de le vaincre, c’est très différent. »

À nouveau, le malaise étreignit les entrailles du garçon qui sentit nettement cette fois quelque chose remuer dans son ventre. Il dansa sur ses pieds, n’échappant pas aux yeux attentifs de Severus. Harry n’aima pas du tout sa formulation, pour une raison qu’il était encore incapable de qualifier. Ce pouvoir, la nature de ce pouvoir l’obsédait depuis quelques temps, et il avait beau chercher, il ne comprenait pas. Dans un premier temps, il avait envisagé l’idée que cela soit tout simplement « l’Amour », comme le disait souvent Dumbledore, mais des gens capables d’aimer, il en connaissait assez pour se rendre compte que c’était ridicule. Que le fait qu’il soit attaché à des personnes puisse faire de temps à autres la différence entre lui et Tom, ça, il voulait bien l’envisager. Que cela soit LE pouvoir capable de le vaincre, il n’y croyait pas une seconde. Et plus le temps passait, plus Harry pressentait que cela avait un rapport avec les horcruxes, il n’arrivait cependant pas à comprendre comment.

« La prophétie n’a aucune importance, répliqua Snape en ouvrant une bouteille d’eau. Ce qui compte, c’est ce que nous savons et notre recherche. Il nous reste trois morceaux à récupérer. L’un d’eux serait à l’école, un autre auprès de Lui, il ne reste que cette fichue coupe dont on a perdu la trace…

— Elle était si célèbre que cela ? demanda Jane en s’asseyant sur la table.

— Plutôt, oui… Pourquoi, vous comptez faire des recherches avec votre Gogole ?

— Et pourquoi pas ?! Non, Harry, ne vous foutez pas de moi aussi, je suis très sérieuse, ça ne mange pas de pain de tenter…

Admettons. Dans l’immédiat, il va falloir nous débarrasser du diadème. Une suggestion ?

— On le jette au feu, il doit être vulnérable désormais !

— C’est stupide, Potter, ça reste un objet forgé dans la magie.

— On le jette à l’eau, alors, proposa Luna comme si c’était parfaitement logique.

— Vous formez vraiment un couple…

— C’est pas si con, en fait. En rentrant, on peut très bien le balancer dans la Tamise…

— De grâce, ne vous y mettez pas.

— Et vous proposez quoi au juste ? L’enterrer serait prendre le risque qu’il soit découvert pas un détecteur de métal… On peut moyennement le recycler…

— Il ne représente plus une menace, mais notre Ennemi ne doit pas être capable de le retrouver.

— La Tamise me semble être une bonne option, je Le vois mal aller la sonder pour remonter un vieux truc cassé. Détendez-vous Severus, on a fait le plus dur concernant le diadème, ce n’est pas comme si nous…

— Chut ! »

Il se redressa d’un bond en tirant sa baguette et se cachant derrière la porte d’entrée. D’instinct, Luna et Harry l’imitèrent, tandis que Jane saisissait au hasard une bouteille de bière brisée laissée à l’abandon. Chacun opta pour un poste d’attaque, Jane en première ligne, quand la porte coulissa lentement. La jeune femme n’eut pas le temps de réagir, que l’intrus suffoquait dans les bras de Severus, qu’il venait de passer en clef et qu’il maintenait fermement serrés autour de sa gorge.

« Merde, murmura la Moldue, je crois qu’il est des miens, pas la peine de le…

— Un petit somme ne lui fera pas de mal. »

Il le reposa au sol sans grande délicatesse et renifla de dégoût.

« Ainsi qu’un bain. Partons d’ici. Vous aviez assuré que la planque était désertée !

— Le bruit de la destruction l’a peut-être attiré ? À moins que ça ne soit un espion déguisé en vagabond. »

Harry s’approcha de l’homme à terre et fouilla les poches de son manteau informe. Il secoua la tête négativement.

« Aucune trace de baguette, rien d’anormal. Il avait juste ça dans la poche et ça. »

Il montra un poing américain et une vieille montre rectangulaire et fine, probablement le cadran d’une montre de créateur qui avait perdu son bracelet.

« L’arme pourrait nous être utile, suggéra Severus.

— Non, laissez-le. C’est son seul moyen de défense, et je ne tiens pas à l’accabler plus qu’il ne l’est déjà.

— C’est gentil, ça, Professeur…, sourit Luna en jetant un regard triste à l’inconnu.

— C’est adorable, singea Snape. Est-ce qu’on peut déguerpir avant de rameuter tous les paumés du coin ? »

Ils ne se firent pas prier et levèrent le camp en vitesse, prenant soin d’emporter avec eux les restes de l’horcruxe pour le jeter comme promis. Dans le train de retour, ils furent bien silencieux, chacun aux prises avec ses pensées. Severus et sa crainte d’être rattrapé par le Ministère et/ou Voldemort. Luna et sa peur de voir Harry succomber à ses épreuves. Jane et sa peur de ne pas arriver à les aider, et enfin Harry et sa hantise de ne pouvoir vaincre Voldemort. Quand ils arrivèrent à Londres, crottés et encore humides de leurs péripéties en campagne, ils détestèrent plus encore cette ville protéiforme et étouffante, jusqu’à ce qu’ils rejoignent les berges de la Tamise non loin d’un agréable troquet. Là, Harry jeta les morceaux avec un geste étonnamment négligeant et il leur sembla à tous que leur fardeau s’allégeait déjà. Jane se retourna en soupirant :

« Je vous offre à boire, décida-t-elle en désignant d’un coup de tête le bar.

— C’est une mauvaise idée de s’exposer ainsi.

— Suivre la même routine est bien plus louche, contra Luna.

— Elle a raison, venez, on va boire quelque chose de chaud et après on avisera pour la suite.

— Votre recherche Gogole, c’est ça ? On fait quoi ? On boit un chocolat chaud et on pianote sur un clavier ?

— Primo, c’est Google. Deuxio, je vais plutôt me faire un irish-coffee vu le temps et l’heure, et Tertio, vous avez une meilleure idée pour trouver cette coupe ?!

— Non, concéda Severus. Notre vieux Directeur n’a jamais dit s’il avait des pistes.

— Aux dernières nouvelles, c’était Lui qui la possédait, se rappela Harry, en entrant dans le café. Quant à savoir s’il l’a avec Lui…

— Qu’est-ce qu’il en ferait, d’après vous ? Il boirait dedans ? Il l’afficherait en public ?

— Non, l’objet est corrompu, maintenant. Et même si une bonne partie de ses troupes n’a pas les connaissances requises pour déceler… sa teneur…, moi, Lucius ou sa défunte cousine on aurait senti que c’était important. Quoi qu’elle, je n’en suis pas certain, à dire vrai.

— Ah, maintenant, c’est évident qu’elle ne décèlerait pas grand-chose, grinça Jane. Un irish-coffee, deux chocolats chauds et…

— Deux irish-coffees, merci. Coupa Severus. Ne faites pas cette tête Harry, vous n’allez pas boire de l’alcool à chaque fois.

— Non, ce n’est pas ça, je me disais que Mal-votre pote blond n’y verrait que du feu, lui aussi.

— Votre haine à son égard vous aveugle.

— Et votre mépris de mon intelligence ne vous rend pas plus clairvoyant, répliqua le jeune homme du tac-à-tac. Vous vous souvenez du journal… ? »

Il eut un silence pensif qui tomba sur eux tandis que le serveur apportait les boissons en les accompagnant de petits pains chauds au jambon. Luna en prit un et mordit dedans en souriant.

« C’est vrai que… l’Ennemi a tendance à semer ses affaires personnelles un peu partout, marmonna-t-elle.

— En fait, je pensais surtout au fait que Lucius a tenu l’objet en main sans même comprendre de quoi il s’agissait. »

Jane reposa son énorme verre fumant dans un « poc » qui éclaboussa la table. Au même moment, Severus s’étouffait avec le sien. Ils s’observèrent un bref instant avant d’hocher la tête.

« Luna a teeeeellement raison, commença la Moldue.

— Vous arrivez à la même conclusion que moi. »

Severus aurait bien volontiers répondu à la place un « Je vous aime » très sincère, mais il connaissait maintenant que trop bien l’affection de la jeune femme pour Star Wars sans qu’il ne risque un « Je le sais ». Du reste, Severus avait autre chose à penser qu’une déclaration hasardeuse dans un café paumé.

***

Un tollé s’éleva dans la chambre Ministérielle. Parmi les récriminations fusaient quelques noms d’oiseaux assez imagés pour tirer un léger sourire à Lucius Malefoy. Il toisait la salle avec suffisance et calme tandis qu’une bonne partie des sorciers l’accusait de pactiser avec les idées de l’ennemi.

« Messieurs, allons ! tempéra Croft en levant ses deux mains parcheminées. Allons, allons ! Un peu de tenue. Vous vous trouvez sous les vénérables voûtes du Ministère, représentant le peuple Sorcier de Grande-Bretagne, montrez-vous-en dignes !

— Comment voulez-vous que qui que ce soit de sensé garde son calme devant une pareille suggestion, Monsieur le Greffier ?! s’étrangla Sirius Black en levant un doigt accusateur. Vous-Savez-Qui lui-même approuverait une telle mesure ! Ce sont des propos de Mangemorts !

— COMMENT ?! Tenez-vous donc, Lord Black ! Les mots ont un sens, et votre désapprobation de la ligne politique de Lord Malefoy ne doit en aucun cas vous faire oublier votre décence. »

Quand une nouvelle explosion de hurlement retentit, Lucius eut toutes les peines du monde à contenir un ricanement de mépris. Les Sorciers avaient si peur de leur époque que toute allusion à l’ancienne les angoissait au point qu’il ne fallait pratiquement jamais y faire référence.

« Je comprends votre questionnement, Lord Black, tempéra le blond dans une brève accalmie. Et vous avez tout à fait raison d’interroger les motivations d’une mesure aussi exceptionnelle. Mais il ne s’agit, je vous l’assure, que de proposer une aide aux Nés-Moldus qui…

— UNE BAGUETTE DIFFERENTE ?! le coupa Sirius hors de lui. À quel moment ont-ils besoin d’une baguette différente ? Qu’est-ce que vous entendez par là, si ce n’est un morceau de bois bridé ?!

— Il n’est pas question de brider quoi que ce soit, mais d’aider les jeunes gens d’origine…

— ILS N’ONT PAS BESOIN DE CETTE AIDE ! Un Né-Moldu n’est pas plus incapable qu’un Sorcier ! Comment pouvez-vous…

— Il faut tout de même admettre, Lord Black, qu’ils n’ont pas les mêmes connaissances du monde magique que les Sorciers de sang et, de fait, sont amenés à commettre des erreurs qui peuvent blesser leurs confrères, glissa une sorcière de petite taille d’un air tout à fait sérieux.

— Avez-vous le moindre exemple pour soutenir une idée aussi stupide ?!

— Oh, oui… Il me semble que Miss Granger, que vous connaissez bien, s’était mise en tête de vaincre à elle seule un troll des cavernes, à l’âge de 11 ans, et a mis en danger ses deux camarades pour cela…

— Et en quoi brider sa baguette aurait changé quoi que ce soit, Malefoy ?!

— Lord Black ! Vous oubliez les convenances !

— Laissez, Monsieur le Greffier, j’accepte entièrement la colère de Lord Black, même si elle se trouve dirigée contre la mauvaise personne. Si Miss Granger avait eu connaissance d’une baguette moins puissante, peut-être aurait-elle fait preuve d’un peu plus de précaution et ne serait pas partie à la chasse aux trolls. Les élèves sont connus, en particulier certains de certaines maisons, pour être de vraies têtes brûlées se battant dans les couloirs et cherchant les ennuis. Limiter leurs baguettes les pousserait à davantage de prudence, de mesure et de travail. Il ne faut pas oublier qu’ils intègrent une société dont ils ne connaissent rien et qu’il est impératif pour eux d’adhérer aux coutumes et codes de…

— Foutaises ! Hermione est la gamine la plus douée de sa génération, bien mieux notée que certains Sang-Purs trop gâtés. Elle n’a jamais eu besoin qu’on lui apprenne à s’intégrer ni…

— Que Miss Granger soit une chance pour notre Société, personne ne le conteste. Qu’elle soit un exemple de réussite d’intégration non plus. Mais vous ne pouvez nier que si elle avait été correctement accompagnée, elle n’aurait pas développé une fâcheuse tendance à vouloir prouver qu’elle est apte et cela, au mépris du danger. N’a-t-elle pas risqué, en seconde année, de mourir face à un basilic, uniquement pour prouver sa théorie ?

— Elle voulait seulement vérifier que…

— Toujours lors de cette seconde année, n’a-t-elle pas fondé une association de libération des elfes de maison, et cela, contre l’avis de ces derniers, occasionnant de nombreux troubles au sein de l’école ?

— Vous grossissez les traits et ça n’a strictement rien à voir avec une baguette, il s’agit d’engagements….

— La Chambre apprécie que la jeunesse s’engage, voire s’enflamme, pour des sujets qui leur semblent importants. C’est le propre de leur âge et nous sommes tous ici conscients qu’on ne forge pas un caractère citoyen puissant sans quelques convictions. Cependant, Lord Black, il ne faut pas que cela soit aux dépends de la quiétude d’un lieu d’apprentissage, ni contre des traditions et une culture multiséculaire. Du reste, Miss Granger est un exemple connu, mais je peux présenter à la Chambre bon nombre d’autres Nés-Moldus ayant pris des risques inconsidérés… »

Un léger brouhaha s’éleva pour protester doucement. C’est qu’il était déjà midi passé et que les Ministres, Lords, Secrétaires et autres fonctionnaires n’aimaient pas retarder leur déjeuner outre mesure. Cela faisait déjà quatre heures qu’ils débattaient passionnément et beaucoup n’étaient plus en âge de garder une telle attention. La seule idée d’égrener des noms durant des heures interminables suffit à rallier tous les représentants à une cause commune : en finir et aller manger. Lucius ne fut donc pas surpris d’être une nouvelle fois interrompu, cette fois-ci par un Monsieur Croft un peu embarrassé :

« Cela ne sera pas nécessaire, Lord Malefoy, à moins que vous ne souhaitiez, par écrit, faire parvenir ces cas à la Chambre. Il semble manifeste que les esprits s’échauffent et qu’une pause serait plus que bienvenue. Pourquoi ne pas reprendre cette discussion cet après-midi lors d’une session extraordinaire ? À moins que… Ah oui, Mr. Dufresne a tout à fait raison, se coupa-t-il en fixant un sorcier qui agitait des dossiers. Certains d’entre-nous sont déjà appelés pour ratifier des nouvelles mesures de sécurité sur le Chemin de Traverse. Je… je vais étudier la possibilité d’un meilleur moment, rassurez-vous.

— Vous avez pleinement ma confiance, Monsieur le Greffier, du reste, sourit Lucius. J’ai pu dire l’essentiel à la Chambre qui, je le crois, est tout à fait apte à réfléchir, puis à prendre sa décision à partir de ces quatre heures de débat…

— Tu appelles au vote bien tôt, Lord Malefoy ! gronda Sirius.

— PAIX, Milords ! Mangeons d’abord, nous fixerons une date et une heure pour le vote de cette proposition plus tard, inutile de raviver les passions. LA SEANCE EST LEVEE ! »

Dans un bruissement de capes, claquement de bottes et séries de commentaires sur le repas à venir, la Chambre se vida de ses occupants. Lucius passa l’embrasure de la salle avec un léger sourire, Sirius l’attrapa par le bras discrètement et le tira légèrement en arrière :

« Personne n’est dupe, siffla-t-il. Ce que tu fais nous précipite tous vers un abîme dont même ton fils ne pourrait en sortir. Tu crois qu’il a quel avenir dans l’Angleterre que tu lui dessines ? »

Lucius se dégagea d’un geste sec de l’étreinte du Maraudeur avant de répliquer en remuant le moins possible des lèvres :

« Tu t’inquiètes de l’avenir de mon fils, quand le gamin qu’on t’a confié reste introuvable… ? Quel est l’avenir de Potter, au juste ? Être caché jusqu’au moment opportun ? Servir d’appât ? De bouclier ? Dis-moi, Black, qu’est-ce que toi tu lui offres comme avenir ?»

Sirius pâlit brusquement et s’apprêta à répliquer quand ils furent coupés dans leurs messes basses par l’arrivée d’un jeune garçon drapé de noir et au regard aussi froid que celui du blond.

« Lord Malefoy, s’inclina ce qui semblait être son nouveau secrétaire, Maître Andosgolt requiert votre présence à la Banque, séance tenante.

— Parfait. Tu m’excuseras, Lord Black, mais mes fonctions m’obligent à m’en aller. »

Sans attendre de réponse de l’intéressé, il tourna les talons et se dirigea droit vers les cheminées du Ministère. « Séance tenante » était une formulation bien plus polie que l’intention gobeline. Ce qui signifiait qu’à l’instant où il avait reçu l’information, Lucius était déjà en retard pour son rendez-vous. Quand il arriva à Gringott, les mots manquaient pour qualifier son retard. Du moins, selon le prisme d’un Gobelin, car pour Lucius Malefoy, jamais Sorcier n’avait filé autant ventre à terre face à une telle sommation. Il n’avait aucun rendez-vous de prévu avec le grand notaire et une seule affaire était actuellement en souffrance avec son service : l’héritage de Bellatrix. Nul doute que sa défunte belle-sœur avait une petite fortune à transmettre, et peut-être quelques babioles de magie noire. Mais rien qui ne justifiât l’intervention d’Andosgolt en personne. Ceci expliqua l’empressement du blond à obéir.

Quand il traversa la grande allée qui menait au guichet central, Lucius sentit son excitation se fondre avec un sentiment qui semblait refuser à le quitter : la peur. Qu’allait-il apprendre qui potentiellement le mettrait en danger ? Il voulut chasser cette idée de son esprit, mais le guichetier pointa du doigt la grande porte derrière lui, sans même lui laisser le temps de s’annoncer, signe que tous avaient leur attention rivée sur lui. Lucius ne se départit pas de son air pincé et d’un mouvement souple de cane, contourna le guichet, avant de se porter devant la porte qui le séparait des couloirs des grands maîtres. Un tintement léger, comme celui de quelques pièces qui tombent dans un bol en or, s’éleva et un mince espacement apparu entre les deux battements. Malefoy fronça les sourcils et s’y glissa comme un voleur, l’impression désagréable de n’être qu’à peine toléré ici. Il était rare qu’un Sorcier puisse déambuler dans ces couloirs. Cette partie de la banque était réservée aux affaires les plus importantes avec les personnes les plus prestigieuses. Jamais, pas même lorsqu’il avait établi son propre testament, Lucius n’avait été reçu. Son angoisse augmenta d’un cran. Il s’avança dans un couloir sombre pourtant éclairé de grandes torches crépitantes, jusqu’à arriver à un cul de sac nu où rien ni personne n’indiquait quoi que ce soit. Il se sentit stupide.

« Vous êtes en retard, Lord Malefoy. »

Ce n’était ni totalement un reproche ni totalement une constatation. Ce n’était en tout cas pas une question, et quand Lucius se retourna, il croisa le regard inquisiteur de Bunkaltun Andosgolt qui l’attendait devant une porte soudainement apparue. Le Sorcier eut l’intelligence de s’incliner profondément.

« Je vous présente toutes mes excuses, les affaires au Ministère…

— N’ont que peu d’intérêt comparé à l’objet de notre conversation. Entrez, mon temps est précieux, le vôtre va bientôt l’être également. »

Tant d’insultes et de menaces dissimulées en si peu de mots. Lucius connaissait relativement bien les habitudes gobelines pour sentir qu’il y en avait cette fois-ci trop. Était-ce dû à sa position au Ministère ? A la guerre ? Son visage sembla le trahir, car Andosgolt ricana en l’accompagnant dans ce qui était un minuscule bureau étouffant sous les livres de comptes. Il laissa le Sorcier poireauter debout devant une chaise tandis qu’il ouvrait avec lenteur un morceau de vélin portant, Lucius le reconnut, le sceau de la famille Lestrange.

« Nous, Maître Bunkaltun Andosgolt, Notar des Regordens, avons reçu mandat pour être l’exécuteur testamentaire de Bellatrix Vega Lestranges, née Black, morte le 24 décembre 2017. Lord Lucius Licinius Malefoy, en votre qualité d’époux de Madame Narcissa Cassiopée Malefoy, née Black, et dépositaire de l’autorité familiale acceptez ledit leg. L’acceptez-vous ?

— Je l’accepte… » Lucius n’avait pas voulu murmurer cela. Pourtant, quand le gobelin lui donna le morceau de vélin pour le lire, il se sentait étrangement inquiet. Ses yeux se posèrent sur les mots couchés par sa belle-sœur, et il fronça les sourcils.

« Je… je ne comprends pas, commença-t-il. Il n’y a rien d’exceptionnel.

— Vous attendiez-vous à quelque chose de spécial ?

— Non, mais… c’est vous qui vous chargez de me transmettre son héritage, je pensais qu’il y avait quelque chose…

— Souhaitez-vous visiter la chambre forte pour vérifier notre inventaire ?

—  Je suppose… »

Avec un Gryffondor, ce genre de conversation aurait tout droit mené à une impasse dans laquelle l’héritier aurait simplement expliqué qu’il avait toute confiance dans les services gobelins. Heureusement pour lui, Lucius était tout ce qu’il y avait de plus éloigné d’un Gryffondor, et il comprit qu’Andosgolt voulait en réalité le mener à la chambre. Il reposa brutalement le testament qui affichait une simple ligne « Je lègue tout à ma sœur, et à la descendance que je n’aurai jamais. », et s’empressa de se lever pour suivre le notaire. Sans même repasser par le hall d’entrée, ils rallièrent les trains souterrains qui les amenèrent dans les voûtes les plus sécurisées. Il s’agissait d’un endroit où les coffres des plus grandes familles et institutions se côtoyaient, ainsi que quelques inconnus et moins inconnus qui avaient les moyens de s’offrir les services gobelins. Lestranges, bien que n’étant pas l’héritière Black, avait pu obtenir un coffre moyennant une somme colossale débloquée par sa sœur. Lucius se souvint soudainement de cette affaire qui le faisait remonter bien des années en arrière, quelques temps avant la chute de Voldemort. Sa belle-sœur était venue un soir, très excitée, pour réclamer à sa cadette une aide financière conséquente. Lucius, qui n’avait jamais eu son mot à dire concernant la façon dont sa femme dépensait sa dot – dont il lui avait rendu l’entière propriété en guise de cadeau de mariage, n’avait jamais su combien avait été prêté, ni trop pour quelle raison Bellatrix tenait absolument à obtenir un coffre dans cette aile-là. Sans doute n’acceptait-elle pas totalement la perte du prestige Black ? Il n’eut pas l’occasion de s’appesantir sur ces questions quand ils arrivèrent devant la porte du coffre et qu’Andosgolt la déverrouilla d’un geste compliqué des doigts. Lucius, qui était tout à fait habitué à celle de la famille Malefoy, était pourtant légèrement excité de connaître la raison de tous ces mystères. La porte coulissa enfin, et le Sorcier écarquilla les yeux.

« C’est une plaisanterie… ?

— Veuillez entrer, je vous prie, la sécurité réclame de refermer la chambre le temps de l’inspection. »

Il n’y avait pas grand-chose à inspecter. Si Narcissa avait pourvu aux premières dépenses pour ouvrir le coffre, il était évident que l’or des Lestranges avait dû intégralement passer dans le paiement des services de la Banque à mesure des années. Ne restaient dans la chambre que quelques piles de gallions – qui n’impressionnaient certainement pas l’un des hommes les plus fortuné de Grande-Bretagne, une vieille valise que Lucius reconnut comme celle de Bellatrix du temps de Poudlard, ainsi qu’une petite coupe nichée au creux de la roche.

« Vous allez me réclamer des arriérés impayés, c’est cela ? pensa comprendre Lucius en sentant la colère contre sa belle-sœur croître.

— Nullement. Je suis venu vous remettre ceci pour emporter avec vous votre héritage. »

Andosgolt tendit une étoffe de velours noir épaisse et se retourna en direction de la porte pour laisser, semblait-il, à Lucius le temps d’empaqueter les affaires. Le Sorcier étouffa un juron, voyant bien que le tissu ne serait jamais assez grand pour tout emporter, qu’attendait donc ce fichu gobelin ? Après un bref soupir, le blond ouvrit d’un coup de baguette la vieille malle qui renfermait des vieux souvenirs d’école. À sa grande surprise, elle contenait des photos jaunies montrant Narcissa et Bellatrix à différents moments de leur vie, Bellatrix au bal d’Halloween avec Rodolphus Lestranges… Il y avait quelques lettres reçues de sa famille, de sa sœur principalement, puis de son futur mari. Une écharpe élimée de Serpentard était enroulée autour d’un livre que Lucius reconnu comme étant un livre coquin qu’elle avait fait passer en douce à l’école. D’autres babioles s’entassaient, mais rien qui ne justifiait toute cette mascarade. Il se releva prestement et reporta son attention sur les piles de gallions en reniflant de dédain. Sa belle-sœur avait fait un mariage minable. Elle avait épousé Lestranges pour la pureté de son sang, mais ce dernier n’avait pas autant d’or et de talent que n’aurait requis une fille Black. Jamais Lucius n’avait compris le choix de son père dans cette affaire, et il était convaincu depuis le début que Bellatrix avait elle-même choisi son époux. Qui, du reste, vouait une telle dévotion à sa femme, qu’il lui laissait une totale liberté, chose rare et précieuse pour les femmes de son rang.

« C’était peut-être ça, en fin de compte, ce qu’elle voulait… » murmura-t-il pour lui-même en balayant la salle du regard.

Il accrocha ses yeux sur le dernier élément de la pièce : cette ridicule coupe perchée dans une niche très en hauteur. Il tendit la baguette pour l’amener à lui d’un Accio informulé, mais rien ne se produisit. Sur l’instant, Lucius pensa que les gobelins avaient bloqué toute magie sorcière dans les chambres pour des raisons de sécurité, avant de se souvenir qu’il avait ouvert la malle quelques instants plus tôt. Il plissa des yeux, son excitation revenant au galop. S’approchant en tendant la main, il perçut quelques secondes avant de refermer ses doigts sur l’objet un écusson gravé sur le côté de la coupe. Lucius écarquilla les yeux en reconnaissant les armoiries de Poufsouffle, et il tira immédiatement le morceau de velours pour l’en envelopper. Quand il prit l’objet en main pour l’examiner, son esprit repensa immédiatement au diadème perdu de Serdaigle et une alarme s’alluma dans sa tête. Comment Bellatrix avait-elle pu obtenir un tel artéfact ? Un bref souvenir s’imposa à nouveau à lui, celui du soir où elle était venue supplier sa sœur de lui donner de l’argent pour ouvrir ce compte. Il comprit alors qu’on avait donné cette coupe à Bellatrix, on le lui avait confié…

« Lord Malefoy a-t-il pu vérifier l’entièreté de ses nouvelles possessions ?

— O-Oui… bredouilla-t-il, frustré, d’être tiré de sa réflexion.

— Vous avez pu prendre l’entière connaissance de ces dernières ?

— Je ne suis pas stupide, Maître, je vous remercie. »

Le gobelin lui jeta néanmoins un regard qui clamait totalement le contraire et observa le sorcier en train de ressortir, la coupe enveloppée avec soin et glissée dans une poche.

« Je suis dans l’obligation de noter le retrait de cet objet, Mylord.

— Faites. N’est-ce pas ma nouvelle propriété ? »

Une nouvelle fois, Andosgolt lui jeta ce regard, sans pour autant lui répondre. Il ramena Lucius jusqu’au hall de la banque, le laissant à ses pensées. Elles étaient nombreuses et confuses et cette cacophonie mentale lui donnait le tournis. Il transplana presque immédiatement en sortant, pressé d’interroger sa femme à propos de cette fameuse nuit où sa sœur était venue lui demander de l’aide.

Quand il arriva au manoir, Narcissa était aux prises avec un jeune homme qui semblait boire ses paroles tandis qu’une plume à papote griffonnait frénétiquement le moindre mot. Son arrivée parut surprendre le gratte-papier qui eut tout d’abord un air choqué, puis rapidement ravi et il s’écria alors :

« Contre toute attente, alors que Madame Malefoy nous régalait de ses conseils pour recevoir comme il se doit un Premier Ministre, le Ministre de la Justice en personne faisait une soudaine apparition. Avec un costume vert foncé et…

— Qu’est-ce que ce fouille-merde vient faire ici ? coupa brutalement Lucius sans faire cas des mondanités.

— Je… Heu… Enfin… Monsieur le Ministre, je…

— Vous avez oublié l’interview de la Gazette, mon ami ? Jacob et moi avions rendez-vous de longue date, mais nous pouvons tout à fait reporter cela pour convenir à votre planning.

— Faites. J’ai à vous parler, Narcissa. »

Tandis que le jeune Jacob tournait la tête dans un sens et dans l’autre sans comprendre s’il dérangeait ou s’il avait été dérangé, la splendide aristocrate se pencha discrètement vers la plume pour lui faire effacer les derniers instants, et plus particulièrement la vulgarité bien trop naturelle de son mari. Elle se leva avec grâce et sans sembler désarçonnée par le comportement inhabituel de Lucius, raccompagnant le chroniqueur comme la plus parfaite des hôtes. Lorsqu’elle revint dans le salon où se trouvait Lucius encore vêtu de son manteau, elle grinça:

« Mais qu’est-ce qui te prend ?!

— J’ai reçu le leg de Bella, répliqua-t-il à brûle-pourpoint.

— Oh… Qu’est-ce qui peut bien y avoir pour te mettre dans des états pareils ?

— J’espérais bien que tu me l’expliquerais. »

Il la toisa comme s’il l’accusait de quelque chose, et jamais Narcissa n’avait vu sur elle un tel regard. Elle cligna des yeux lentement, puis secoua la tête, très inquiète.

« Je ne comprends pas de quoi tu parles, assieds-toi au moins.

— La nuit où Bellatrix est venue te demander de l’argent pour son coffre…

— Je croyais que nous avions un accord sur la façon dont…

— Il tient toujours ! coupa-t-il sèchement. Je te demande seulement de me dire ce qu’elle t’a dit ! Cissa, c’est de la plus grande importance, j’ai Bunkaltun Andosgolt en personne qui m’a ouvert la chambre !

— … Qu’est-ce qu’il y avait dedans pour justifier cela ?

— C’est ce que je te demande. »

Elle le regarda, choquée, puis se leva vivement avec rage pour lui enlever son manteau.

« Parce que tu crois que je te cacherais quelque chose d’aussi grave que tu sembles le craindre ?!

— Je ne sais pas… Je ne comprends pas ce que j’ai trouvé là-bas.

— Et qu’as-tu trouvé ?

— Je ne sais pas, je comptais sur toi pour…

— Par Circée ! Très bien, très bien ! Elle… elle est venue me voir un soir, elle était très très agitée. » Tenta-t-elle de se souvenir en reposant avec soin le manteau de son mari sur le dossier d’un fauteuil. « Elle n’arrêtait pas de dire qu’il lui fallait absolument mon aide pour ouvrir un coffre dans les chambres spéciales de Gringott.

— Tu lui as proposé de cacher ce qu’elle avait à un mettre dans le nôtre ?

— Évidemment… Mais justement, elle l’a très mal pris, et a été même… disons un peu agressive dans sa réponse.

— Tu as fini par savoir ce qu’il en était ?

— Non ! J’ai laissé tomber, d’ailleurs. Tu la connais elle… elle était un peu spéciale.

— Peut-être plus que tu ne le crois. »

En soufflant cela, il tira de sa redingote la coupe qu’il libéra du morceau de velours, avant de la montrer à sa femme. Narcissa fronça les sourcils, puis écarquilla soudainement les yeux.

« C’est incroyable ! Comment a-t-elle pu avoir une telle chose ?

— Je l’ignore, répondit Lucius en choisissant ses mots avec soin. Mais ce n’est pas le premier artefact de fondateurs que je vois ressortir cette année… »

Il la regarda avec insistance, espérant qu’elle comprenne à demi-mots. Les gobelins avaient une magie très puissante qui pouvait tout à fait contraindre un sorcier de son envergure à se taire. S’il signait une close de silence, il était tenu au silence. Et Lucius ne pouvait, même à Voldemort, révéler le contenu du leg de Dumbledore. Heureusement pour lui, sa femme le connaissait assez bien pour faire un semblant de lien.

« Tu veux dire que récemment, tu en as vu d’autres ?

— Très récemment.

— Quel rapport avec Bella ?

— C’est ce que j’aimerais bien comprendre.

— Et comment aurait-elle pu l’avoir ?!

— Ca aussi, j’aimerais bien en être certain. »

Ils s’observèrent en silence, incertains quant aux possibles dangers auxquels ils s’exposaient. Posant la coupe sur le guéridon en face de l’âtre, Lucius reporta son attention sur le feu, tout en posant des questions à voix haute que son épouse savait destinées à personne en particulier.

« Comment elle a pu l’obtenir ? Depuis quand ? Pour quelle raison gardait-elle un objet de Poufsouffle ? Est-ce qu’on le lui a donné ? Si oui, qui ? Pourquoi ? Pourquoi elle ? Quel est l’intérêt de cet objet ? »

Elle le laissa égrener les pistes, attendant avec une patience infinie qu’il tourne son regard vers elle pour l’inviter dans sa réflexion. Mais il ne se tourna pas. Le soleil se couchait bientôt quand Lucius répétait pour la quinzième fois cette même série. Le dos raide et les jambes fatiguées d’être restée debout pendant plus d’une heure, Narcissa s’ébroua légèrement pour appeler les elfes de maison. Son époux sembla le percevoir, car il se retourna immédiatement :

« NON ! Que personne ne nous interrompe ni n’écoute.

— Soit, mais arrête-toi, en ce cas. Tu n’iras guère plus loin ce soir, je le crains. Tu peux écarter l’idée qu’elle ait trouvé cette coupe toute seule, Bella n’avait rien d’une chasseuse de reliques, ni d’une antiquaire. S’ils étaient plus honnêtes, je te conseillerais bien d’aller voir Barjow et…

— PAR MORGANE ! »

Lucius la regardait, livide, la bouche remuant doucement et les yeux allant et venant, comme s’il réfléchissait intensément. Narcissa s’approcha rapidement, très inquiète, mais il maintint une main tendue devant lui pour l’empêcher d’avancer plus encore.

« C’est Lui, murmura-t-il. C’est Lui qui la lui a confiée… »

La blonde fronça les sourcils sans comprendre, avant d’écarquiller les yeux sous la soudaine révélation.

« Mais… Mais comment peux-tu arriver à une telle conclusion ?

— Barjow et Beurk, tu as mentionné Barjow et Beurk… Juste après Poudlard, Il a travaillé pour eux.

— … Comment le sais-tu ?

— Je sais beaucoup de choses sur sa jeunesse, répondit Lucius en fixant la coupe d’un air songeur. Je connais son vrai nom, après tout, il n’était pas question de ne pas me renseigner un minimum sur l’homme que je sers. C’est d’ailleurs parce que je le connaissais qu’Il… »

Lucius s’interrompit brusquement et son teint devint soudainement cadavérique. Narcissa glapit d’effroi et se précipita vers lui, le croyant foudroyé par une malédiction quelconque visant à protéger un sombre secret. Il chancela presque dans ses bras quand elle le tint, sa tête lui tournant alors qu’un souvenir revint très nettement en tête. Le souvenir d’un vieil objet anodin et inutile. Aussi anodin et inutile qu’un journal intime vierge.

« Lucius ?! LUCIUS ?!? » Hurla sa femme en le voyant tourner de l’œil.

Il se laissa glisser contre elle, s’asseyant à même le sol, tournant son visage contre sa poitrine. Paniquée, Narcissa releva la tête en direction de la porte, prête à appeler l’un des elfes quand la main de son mari enveloppa la sienne.

« Je vais bien. Pour le moment.

— Bon sang, mais que se passe-t-il ?! Vas-tu t’expliquer ?! »

En guise de réponse, Lucius jeta un regard inquisiteur à la coupe et tira sa baguette de sa canne, avant de la pointer directement vers l’objet. Il lança un puissant sortilège de découpe qui détruisit le guéridon sur le champ, et envoya valser la coupe à quelques mètres de là. Narcissa hurla de surprise et de colère.

« MAIS QU’EST-CE QUI TE PREND ?! »

Son mari ne répondit pas, tendant une nouvelle fois la main pour lancer cette fois-ci un sort de feu particulièrement puissant qui embrasa la tapisserie et les rideaux, avant d’être éteint subitement par une Narcissa plus furieuse que jamais. Elle pointa son arme sur son mari, menaçante :

« N’approchez pas.

— C’est bien moi, Cissa. Je voulais juste m’assurer que cette coupe n’en était plus une.

— Qu’est-ce que tu racontes ?! Baisse ta baguette, veux-tu ?! Il est hors de question que tu continues de réduire en cendres ma maison.

— Je n’ai de toute façon pas l’intention de risquer un feudeymon ici, murmura-t-il sombrement.

— Un… ? Pourquoi voudrais-tu… ?

— Tu te souviens de la seconde année de Draco ? demanda-t-il brusquement.

— Oui, très bien, grinça-t-elle à cette anecdote. Tu y as perdu ton elfe et ton poste au conseil d’administration de l’école.

— Oui, et tu te souviens pourquoi ?

— Tu disais que Potter t’avait piégé après l’affaire de la Chambre des Secrets.

— C’est exact. Et c’est d’autant plus un miracle que ce mioche ait pu survire à l’époque. »

Grognant cela, il s’approcha de la coupe et l’attrapa en prenant bien soin de ne pas la toucher autrement qu’avec le velours donné par les gobelins. Foutues bestioles, pensa-t-il. Elles devaient avoir compris ce que c’était… Il jura, faisant le lien avec une nouvelle chose.

« Quoi ? Explique-toi à la fin ! »

Il ne répondit pas, reposa la coupe soigneusement emballée et alla directement se servir un généreux verre de Whisky Pur Feu qu’il vida d’une seule gorgée, avant d’en reprendre un autre aussi sec. Narcissa le regarda, interloquée.

« Je suis certain que c’est Lui qui a donné la coupe à Bellatrix. Et elle n’a jamais dû comprendre ce que c’était. Pas plus que moi à l’époque…, murmura-t-il en pâlissant plus encore. Oh, Narcissa… Si tu savais combien nous avons de la chance d’être encore en vie…

— Qu’est-ce que… ?

— A l’époque, expliqua-t-il du bout des lèvres. Dumbledore a gardé sous silence la vraie teneur de l’affaire de la Chambre des Secrets. Tout au plus ont filtré des rumeurs d’ouverture, de basilic et de combat chevaleresque de Potter pour la survie de la jeune Weasley. Mais personne n’a jamais demandé qui ou quoi avait ouvert la Chambre, et la Presse s’est vite désintéressée de ça avec l’évasion de Black. »

Sa femme le regardait, interdite. Au creux de son ventre, ses entrailles remuaient comme des petits serpents prêts à mordre. Instinctivement, elle comprenait que sa famille avait été, ou était, en grand danger.

« Je crois qu’il n’y a que Dumbledore, Potter et moi qui sommes au courant. Plus quelques membres de l’Ordre, je suppose, mais pas de cette façon… ? Jusqu’à quel point ? Severus, tout du moins. Oui, lui, si on ne lui a rien dit, a dû comprendre bien plus vite que moi. Quel imbécile je fais ! »

Elle se garda bien de lui faire remarquer qu’il était incohérent, l’inquiétude laissant place à une peur panique. Chancelante, elle s’approcha à son tour du bar pour l’accompagner dans ce qui était une inhabituelle débauche alcoolisée en début de soirée. Il poursuivit, toujours se parlant pratiquement à lui-même.

« Ce jour-là, quand je suis venu voir Dumbledore dans son bureau après sa réaffectation, il m’a assuré que le Seigneur des Ténèbres en personne avait ouvert la Chambre. Logique, dans la mesure où il est le seul héritier encore connu de Serpentard. Mais il m’a dit que c’était par l’entremise de son… souvenir. Un souvenir contenu dans un vieux journal intime que Potter avait détruit avec un crochet de basilic. Est-ce que Dumbledore savait ce qu’il me montrait à ce moment-là ? Je l’ignore, Cissa… Il savait en tout cas que j’étais en possession de ce journal avant cela… Potter m’avait vu le glisser dans le chaudron de cette imbécile de Ginevra Weasley à l’époque des enquêtes du Ministère.

— Pourquoi… ? Quelle importance avait ce journal… ?

— J’étais à mille lieues de la mesurer, à l’époque. J’ai seulement voulu me débarrasser de quelque chose me reliant à… eh bien au Seigneur des Ténèbres. Il était hors de question que Weasley trouve ça chez moi.

— En quoi cela aurait pu… ?

— SON JOURNAL, CISSA ! C’ÉTAIT SON PUTAIN DE JOURNAL ! »

Que Narcissa soit choquée par le cri, la vulgarité, ou l’idée même que Lord Voldemort ait eu un journal intime était difficile à déterminer. Cependant, sa mine était suffisamment horrifiée pour que Lucius se morde les lèvres et secoue doucement les mains en signe d’apaisement.

« Je suis terriblement désolé. Je nous ai mis en grand danger.

— Il… il a perdu une fourniture scolaire, et alors ?

— Et alors ? Tu connais beaucoup d’incantations permettant de créer des « souvenirs » dans des objets ? Des souvenirs capables de prendre possession de petites filles, d’ouvrir des chambres mythiques ?

— Je ne te suis pas.

— Non, évidemment. Je parle de quelque chose de trop peu connu, même de quelqu’un d’érudit comme toi. Il n’arrêtait pas de dire qu’il avait repoussé la mort au-delà de quiconque, et des façons de devenir immortel, il n’y en a pas beaucoup à ma connaissance.

— La pierre philosophale…

— Oui, il a bien essayé. Mais je crois maintenant qu’il avait un tout autre plan en tête. Merlin, c’est insensé, même ! Comment se fait-il qu’il n’ait jamais appris ce qu’il s’était passé ? Est-ce que tu te rends compte ? Te rends-tu compte que j’ai donné à l’ennemi un objet très précieux qui m’a été confié et que, par ma faute, il a été détruit ?!

— Précieux à quel point ?

— Bien plus que la prunelle de Ses yeux, littéralement.

— Cesse d’être cryptique, Lucius, je suis terriblement inquiète. Qu’est-ce que tu as fait ?

— Le Seigneur des Ténèbres m’a confié un morceau de son âme et j’ai permis à l’ennemi de le détruire et d’avoir connaissance de ce plan, Cissa. Voilà ce que j’ai fait. »

Un grand tonnerre s’abattit avec fracas sur les somptueux jardins des Malefoy, tandis que Narcissa digérait peu à peu l’information. Elle était effectivement une femme assez érudite pour avoir déjà entendu parler de magie noire très avancée, mais jamais elle n’aurait imaginé que ce que sous-entendait son mari eut été possible. Elle devint aussi blême que lui, et frissonna de terreur.

« Tu es certain qu’Il ne sait pas ?

— Nous serions morts, ou pire. Crois-moi.

— Et tu crois que Dumbledore savait ?

— J’en suis même convaincu : je t’ai dit que la coupe n’était pas la seule relique que j’ai pu voir.

— La coupe, mais…

Ooooh oui, mon amour. Je suis certain qu’il s’agit bien de cela, et que ta sœur t’a fait cette demande juste après qu’elle, et moi, se soyons vus confier ces objets. Et je suis certain que s’il y en avait deux, il y en a sans doute plus. Combien ? Je l’ignore. Est-ce que Dumbledore en avait une idée ? Impossible à dire. Mais il a envoyé Potter dans le grand monde, chaperonné par un des meilleurs sorciers, et traître, de Grande-Bretagne. Et je doute que cela soit pour faire du tourisme. J’ai été aveugle ! pesta-t-il finalement.

— Alors… Alors ils vont pouvoir Le… »

Il releva si vite la tête pour lui lancer un regard menaçant qu’elle en rougit. Supposer même que Voldemort pouvait être défait était une trahison. Elle reprit un autre verre et but en silence.

« Il doit savoir que nous sommes en possession de la coupe, désormais. Il a dû penser à l’héritage de Bellatrix, à moins que les récents événements n’aient trop accaparé son attention.

— Que se passerait-il s’Il venait à y penser ?

— Peut-être voudra-t-Il également le journal, et auquel cas…  Pour l’heure, Il savoure sa victoire et je sais qu’Il prépare une attaque sur Square Grimmaurd. Il n’y a rien à récupérer là-bas, si ce n’est les proches de Potter. Il s’attaque peut-être à lui parce qu’Il a décrypté la prophétie… ? »

Il s’abima un instant dans la contemplation des flammes, l’alcool lui tournait légèrement la tête, mais étrangement, ses pensées étaient parfaitement claires. Soudain, il devint convaincu que la clef de la prophétie était cette information : Lord Voldemort avait fait des Horcruxes, et Harry Potter était à leurs trousses. Tous, autour, n’étaient que des pions dans une partie qu’ils étaient très peu à voir. Lucius passa sa main sur son visage avec épuisement quand il comprit où Dumbledore l’avait placé en l’obligeant à garder le silence sur son leg. Sa famille était à présent en très grand danger, et son fils, son unique fils, était trop loin de lui pour être protégé.