Remerciements aux tipeur : Merci à Marine, Audrey, Clément, Minsky, Achille, Pierre, Mathilde et Amine, Alias, Jennifer, ChocoFrog et Leithian pour leur soutien inaliénable sur Tipee ! Un merci tout particulier à ChocoFrog qui malgré son emploi du temps de malade, arrive à me relire !

Avant-propos : Vous avais-je déjà dit que j’en avais marre de cette histoire et que je pensais que je faisais n’importe quoi ? Que ça sonnait mieux dans ma tête quand je l’ai conçue ? Non ? Bon, ben voilà. Mais rassurez-vous, je n’ai pas l’intention d’arrêter, je veux au contraire la terminer. En tous les cas, merci pour votre soutien, ça m’aide énormément !

Rappel des faits : Nous sommes toujours dans la pochette temporelle du 25-26 décembre. C’est la merde, Voldemort et Lucius avancent leurs pions, Dumbledore continue de jouer outre-tombe, et notre groupe de résistance tente de s’organiser. Heureusement, nous sommes dans une histoire fondamentalement positive qui s’avère être à la base une romance. Que pourrait-il arriver d’horrible à nos protagonistes en dehors de la mutilation et des morts ?


 

Chapitre 52 : L’héritière

 

Il avait faim. En temps normal, il se serait dirigé vers ses appartements, mais cela lui était impossible. Quand le bruit avait atteint son paroxysme, il s’était terré sous le grand chêne sous le conseil de la dame glacée, et il avait attendu… attendu… attendu… Sa maîtresse finirait bien par venir le chercher, non ?

Non. Jane n’était pas venue. Pas plus que l’homme en noir.

Il y avait eu beaucoup de hurlements, le château lui-même avait semblé trembler sur ses fondations. Merlin avait entendu des hurlements humains, et puis ceux, plus terrifiants encore, de hurlements d’animaux contre nature. Il y avait eu l’odeur du sang. L’odeur de la mort. La froideur des ombres qui volaient autour de Poudlard. Oh, oui ! Merlin pouvait les voir, Merlin pouvait les sentir ! Les Détraqueurs ne s’intéressaient pas aux animaux, mais eux les craignaient pour ce qu’ils étaient : le néant. Il se risqua néanmoins à chercher à ressortir de sa cachette, et ce fut pour faire une terrible découverte.

Quand il passa l’angle des jardins, il tressaillit en voyant une immense forme sombre passer devant lui sans le voir. Son premier réflexe fut de bondir à la suite de l’homme en noir, mais son instinct l’ordonna de se tenir à distance. Quelque chose n’allait pas, ce n’était pas son ami, c’était quelqu’un d’autre qui prenait les ombres pour compagnes. Quelque chose d’autre, même. Il suivit cette ombre jusqu’à l’embrasure d’une arche, observant la forme déambuler librement entre les vitrines étincelantes où reposaient des coupes et des blasons gravés de noms ayant fait la renommée de Poudlard. Dans le fond de la salle, la forme s’arrêta et un grincement sinistre annonça qu’elle venait d’ouvrir une des vitrines. Merlin n’osait entrer directement dans la pièce, sa curiosité n’allant pas jusqu’à risquer sa vie. Qui que ce soit, quoi que ce soit qui était là, il lui semblait qu’une interruption aurait signé sa mort. Merlin ne demanda pas son reste et retourna en direction des jardins, attendant que Poudlard redevienne sécurisée.

Le chat l’ignorait, mais il lui faudrait alors attendre encore des heures, durant lesquelles le château serait la proie d’un nouvel assaut.

Tremblant, épuisé, affamé, il finit par ressortir du jardin, inquiet du silence anormal qui régnait en ces murs. Jamais, pas même lorsque les élèves étaient absents, n’avait-il perçu Poudlard aussi silencieuse, aussi vide de vie qu’à cet instant. Prudemment, il descendit en direction des cachots, espérant gratter à nouveau la porte de l’un ou l’autre de ses amis. Il y avait du mouvement en bas, de grandes personnes drapées dans des robes d’un blanc étincelant et au visage masqué allaient et venaient. Le frisson caractéristique des sortilèges lancés dans la Grande-Salle lui apprit qu’il fallait redoubler de discrétion. Quand il arriva enfin à la hauteur des appartements de Jane, il s’arrêta, interloqué : la porte était ouverte. Il allait s’y précipiter quand une autre silhouette drapée en ressortit, tenant les affaires de sa maîtresse : valises et pyjamas floqués aux couleurs du chevalier noir, livres et DVD Moldus. Quelque chose n’allait pas. Se fondant derrière une armure, il attendit patiemment que la chose ressorte et dépose dans le couloir les objets qui détonnaient dans leur environnement.

«  Qu’est-ce que c’est que tout ce merdier ? s’agaça une voix de femme derrière le masque impressionnant.

— Ce qu’il reste de la Prof, là… tu sais, celle qui faisait cours sur les Moldus.

— Quel zèle…, se moqua la voix en fourrageant dans les affaires et extirpant les chaussons wookie.

— Je m’attends presque à pire chez le concierge ou encore…

— Oublie la piaule de Snape. On vient de l’inspecter, il n’y avait rien d’intéressant dedans. Ce mec était aussi mort dans sa vie privée qu’il n’en avait l’air…

— Ou bien a-t-il tout emporté… ?

— Auquel cas il savait pour l’attaque… je ne lui souhaite pas que le Département arrive à ces conclusions. Pas s’il veut rester en vie… Qu’est-ce qu’on fait de tout ça ?

— Ministère. Robards exige que nous listions les objets et les restituions aux héritiers, s’il y a lieu.

— Ouais… Mais le concierge n’en avait probablement pas, et Snape et Smith ne sont pas morts à ce que l’on sache…

— Ça sera au Ministre d’en décider, je suppose ? Qu’est-ce qu’on en a à foutre, franchement ? Rien de dangereux dans tout ça, de la camelote populaire, c’est tout…

— Hum… note tout de même qu’il y a ce drôle d’engin, là…, la femme désigna le smartphone de Jane.

— Un outil pour son cours, sans doute, le Service des détournements de l’artisanat Moldu se chargera de regarder ça. Notre domaine, c’est le combat. Allez, hâtons-nous ! Il y a encore de la paperasse à faire… quel temps perdu en efficacité, bon sang…

— Ça rassure les bureaucrates et les défenseurs des droits, haussa des épaules sa comparse. »

Le collègue attrapa la caisse de bric-à-brac et s’en alla avec, la femme sur les talons. Resté seul, Merlin ne sut quoi penser de ce qu’il avait peiné à comprendre. Il avait cru reconnaître le nom de sa maîtresse, le nom de l’homme en noir et après ? Ils avaient touché à ses affaires, et puis… ? Il sortit de sa cachette et se faufila dans les appartements désormais vides et ouverts de Jane. Point de feu, ou de Maîtresse en train de lire sur le canapé, point de gamelle pleine ni de Severus prêt à le gratouiller. D’ailleurs, où était son bol ?! Il fureta partout, jusque sous le lit, en vain. Un léger rire le fit sursauter. Il connaissait ce rire, il l’avait entendu à quelques reprises… Où était-il ?

«  En haut, Merlin ! Dans le cadre ! »

Le chat frissonna, les poils de sa queue se hérissant. Encore quelque chose de magique ! Pourquoi seules les choses contre nature lui parlaient parfaitement ? Il releva la truffe et le vit : arrivant lentement d’un champ de bruyères qui encadrait des ruines celtiques, le grand mage blanc s’avançait d’un air guilleret, drapé d’une belle robe mauve et bleutée parsemée d’étoiles. Si Merlin avait déjà pu constater le goût particulier du Directeur en matière de vêtements, ça n’était rien comparé à ce portrait. Quand il arriva aux alentours du cadre, le chat cligna des yeux, s’attendant à le voir en ressortir :

«  Navré mon jeune ami… Je ne peux rien pour te nourrir. Et il va te falloir quitter ces lieux, je le crains. Je suis mort, est-ce que tu comprends ? »

Oui, d’une certaine façon, oui. Mais Merlin trouva cette affirmation étrange, puisque le vieil homme était toujours dans le mur à lui parler. Il décida de s’asseoir et de le fixer longuement avec désinvolture. Peut-être qu’à force de le battre froid, il obtiendrait les réponses qui lui importaient : où était sa gamelle ?!

«  J’ai bien peur que Miss Smith ne reparaisse pas. Pas plus que Severus… Tu es… tu es seul ici, désormais. Bien que je puisse être ton ami, si tu le désires. »

Merlin bâilla. Un ami aurait déjà apporté quelque chose à manger. Il tourna la tête, se désintéressant de la peinture.

«  Je peux t’aider à retrouver quelqu’un qui prendrait soin de toi, si tu le désires… quelqu’un de généreux et de tout à fait disposé à la gâterie. »

Le chat arrêta immédiatement son inspection des appartements et revint dans le champ de vision du portrait, la queue haute pour marquer son intérêt.

«  Bien, il va falloir suivre mes indications alors… »

C’était quelque chose de très particulier que de s’aventurer dans Poudlard sous les conseils d’une peinture qui parle ! Comment le vieil homme était entré dedans ? Ça, Merlin n’en avait aucune idée, mais il comprit néanmoins qu’il ne le verrait plus autrement. Lentement, avec beaucoup d’endurance, Dumbledore le fit monter les marches menant à son ancien bureau. Merlin avait déjà vu sa Maîtresse passer l’horrible gargouille qui en gardait l’entrée, mais la sculpture lui faisait trop peur pour qu’il essayât de se faufiler à son tour. Pourtant, il allait bien falloir qu’il la franchisse s’il voulait trouver de quoi manger, d’après la croûte bavarde. Ils arrivèrent devant la créature qui fixait de ses yeux de pierre le chat peu assuré, Albus s’était perché sur le tabouret d’une blanchisseuse qui en profitait pour prendre sa pose dans un coin du cadre.

Un gros drap dans une main et un pain de savon dans l’autre, Albus frottait le tissu contre les rouleaux qui baignaient dans le bac, sa barbe rejetée sur son épaule pour ne pas trembler dans l’eau moussue.

«  Ça va être la partie délicate. Normalement, il faut donner le mot de passe. Horace a décidé de choisir «  Carpe Diem » , mais… tu peux difficilement le prononcer, n’est-ce pas ? »

Merlin tenta de miauler quelque chose, mais ne produisit qu’un bruit similaire au babillement d’une mouette. La gargouille ne bougea pas pour autant, et Albus soupira.

«  Je m’en doutais un peu, murmura-t-il en plongeant à présent le linge dans un bac d’eau claire. Hum, essayons un peu plus fort : CARPE DIEM ! »

La gargouille tourna sa tête vers le portrait, mais n’esquissa aucun autre mouvement. Merlin miaula de plus belle, montant dans les décibels et Albus tordit le linge brutalement, dépité :

«  Oui, je pourrais tout à fait prévenir Horace, mais je préfère qu’il ne m’imagine pas mêlé à cela… Il croit encore que mon portrait ne s’est pas encore créé, et… Ah ! Quelqu’un vient ! »

Dumbledore jeta le linge sur la corde peinte dans le fond de la toile et s’y cacha. La petite blanchisseuse pépia avant de reprendre prestement sa place. Dans les couloirs, le pas lourd d’un homme qui profitait grassement de la vie se fit entendre, et Merlin sentit que c’était sa chance. Il se coucha sur le côté, aux pieds de la gargouille, feignant d’en rechercher l’affection et frottant sa tête contre la pierre désagréablement froide.

Légèrement essoufflé, Horace Slughorn arriva dans le couloir avec une certaine appréhension. Il était déjà entré dans le bureau de Dumbledore, naturellement, mais il n’arrivait toujours pas à accepter l’idée que c’était désormais le sien. Il se redressa instinctivement à ce rappel, bombant torse et bedaine, avant de hausser les sourcils hauts en voyant Merlin. Ce dernier ronronna et commença à se frotter contre la gargouille, jouant les pudiques qui voudraient bien qu’on s’intéresse à eux.

«  Qui es-tu… ? Tu n’es pas la chatte de Rusard, en tout cas… »

Horace grimaça légèrement, se souvenant de la fin de cette pauvre carcasse. Greyback était un monstre qui choquait jusque dans ses rangs. Merlin miaula.

«  Tu es à un élève ? Quelle tristesse qu’on t’ait abandonné ici… ? Tu as un nom ? »

Le chat s’approcha doucement et commença à se frotter au pantalon de velours de son Maître temporaire. Quand il ronronna, Horace éclata d’un rire gras :

«  Ah ! Qu’importe, tu as le sens de la survie, on dirait ! Nous te trouverons un nom, mais peut-être souhaites-tu que l’on te trouve avant tout de la nourriture ? »

Il le prit dans ses bras et Merlin s’y lova avec complaisance. Le chat jeta un regard à la peinture de la blanchisseuse, mais il n’y avait aucune trace du vieux Directeur. Il espéra pouvoir lui faire autant confiance que sa Maîtresse l’avait fait avant lui… d’ailleurs, qu’était-il advenu de sa Maîtresse ?!

«  Carpe Diem ! Tu verras, j’ai de l’excellent ananas confit, et si tu n’aimes pas cela, je ferai monter un elfe pour qu’il te satisfasse ! »

***

Sirius s’était levé péniblement, chancelant, et d’une voix absente leur avait demandé un instant. Dans la cuisine, la petite troupe épuisée décida d’ajourner ce simulacre de réunion. Harry aida ses amis à s’installer, tandis que Jane se mit en quête de trouver un meilleur repas que du pain rassis. Resté avec elle, Severus se repassait mentalement les discussions de ce début de soirée.

Cherchant dans le garde-manger en pierres de quoi cuisiner, Jane inspirait profondément pour contenir sa colère croissante. Quand elle se retrouva à nouveau sans robinet d’eau face à l’évier, un tas de pommes de terre sous le bras et un truc qui ressemblait à de la viande dans l’autre, elle craqua :

«  Vous allez m’aider, oui ?! »

Severus cligna des yeux et les leva vers elle :

«  Calmez-vous, il suffisait de le demander. »

Jane reposa si violemment son paquetage sur la paillasse que le morceau de viande frappa de l’os et rebondit, terminant sa course dans l’évier. L’homme en noir pinça des lèvres et hocha doucement la tête :

«  Bien… Dites-le.

— Allez vous faire foutre. »

Jane se retourna lentement et martela d’un index pointu sur la poitrine de son ami chaque mot comme s’ils étaient des stylets qui pouvaient le transpercer.

«  Allez. Bien. Vous. Faire. Foutre. »

Severus attrapa son poignet avec fermeté et elle essaya de se dégager, mais il la maintint près de lui. Elle leva sa seconde main, mais il l’emprisonna de la même manière. Quand elle trembla de rage en serrant les dents, il inclina la tête et posa son front contre le sien.

«  Je suis désolé, Jane. Mais il fallait partir.

— Allez…

Je sais. Mais vous ne pouvez comparer la vie de plusieurs élèves, d’éléments clés et…

— Taisez-vous. Vous ne pouvez pas comprendre.

— C’est vrai. Mais je ne m’inquiète pas pour lui.

Moi si ! tenta-t-elle de se dégager. Qui va lui donner à manger ? Qui même peut entrer dans ma piaule puisque seuls Minerva, vous et Albus aviez mon mot de passe ?!

— Le nouveau Directeur le pourra et…

— ET EN ATTENDANT ?! Vous l’imaginez, coincé dans…

— Jane ! Il n’était pas dans vos appartements ! »

Elle releva la tête, son nez touchant celui de Severus et loucha presque en tentant de croiser son regard.

«  Qu’est-ce que vous…

J’ai vérifié. Quand je suis allé vider mes appartements, je suis passé dans les vôtres. Il n’y était pas. Il a dû sortir ce matin quand je suis parti chercher Albus. »

Jane soupira longuement de soulagement, se détendant à cette annonce. Sans doute Merlin avait-il rallié une fois encore les jardins de Serdaigle où il aurait très bien pu éviter le chaos de la bataille. Elle ferma un instant les yeux et écarta ses bras pour forcer Severus qui tenait toujours ses poignets à en faire de même. C’est quand il la sentit contre lui, la tête posée sur son épaule, qu’il comprit ce qu’elle attendait. Il les referma sur elle.

«  J’aurais peut-être dû vous le dire directement, concéda-t-il après réflexion.

— Peut-être, oui…

— Maintenant que vous êtes rassurée, pouvez-vous arrêter d’être infecte avec moi ou…

— Je le suis, là ? »  S’amusa-t-elle en redressant le menton et le fixant.

Dans ses bras, le visage tendu vers lui, elle semblait au contraire tout à fait réconciliée, et Severus blêmit en entendant du bruit dans les couloirs. Jane souffla un «  merci »  et lui vola un baiser si furtif qu’il crut l’avoir rêvé. Quand la porte s’ouvrit sur Harry qui revenait avec son échiquier, Severus se tenait droit comme s’il était fait de pierre, et Jane cherchait à présent quelque chose pour éplucher ses pommes de terre. Harry mésinterpréta la tension qui régnait dans la cuisine et suspendit son geste, reposant l’échiquier derrière lui.

«  Ah… désolé. Je pensais que vous vouliez toujours le jeu, mais… De toute façon, vous avez raison Professeur, autant faire à manger.

— C’est Jane, Harry. Mais oui, je veux bien de l’aide pour l’eau et le reste. Et si vous vous ennuyez, Severus, sachez que personne ne vous en voudra de nous aider également… »

Comme frappé par la réplique, il tressaillit et leva sa baguette pour faire venir à lui les légumes qui s’épluchèrent à sa seule volonté. L’une après l’autre, les pommes de terre se dandinaient tandis que la peau filait à toute vitesse rejoindre un tas qui se formait lentement sur la table. Jane arqua légèrement un sourcil en le regardant faire, une moue légèrement amusée se peignant lentement sur son visage.

«  N’en prenez pas l’habitude… »  murmura-t-elle en regardant son ami.

Harry ne comprit pas un traître mot de l’échange, mais il vit les joues de son Maître Occlumens légèrement rosir. Il amena à lui un grand chaudron et invoqua de l’eau qu’il fit placer sur l’âtre.

«  Black n’a toujours pas d’elfe… ? s’agaça Severus pour retrouver contenance.

— Non. Je n’aime pas trop cette idée, et quand on est tous les deux, il n’en a pas besoin… Et quand il est seul, il peut se débrouiller.

— Certes, mais quand il faudra organiser des événements mondains, il va lui falloir quelqu’un.

— Quels événements ? C’est la guerre et…

— Et quoi, Harry ? le coupa Jane et éminçant rapidement quatre gros oignons. Vous croyez que l’Élite s’arrête soudain de danser sur le toit du monde ? À quoi serviraient les soldats, si ce n’est à se faire tuer entre les petits fours et le champagne… ?

— C’est… Mais il ne va pas recevoir des gens ici, genre… heu…

Des probables Mangemorts ? Bien évidemment que si, Potter ! Vous êtes agile, en fin de compte, Jane, ajouta l’homme, en la regardant faire.

— Ce ne sont que des oignons, lui sourit-elle. Pour en revenir à votre question, Harry : oui, Sirius va devoir jouer le jeu de sa caste et c’est pour cela que Severus n’a pas envie de vous savoir ici.

— Entre autres, confirma-t-il. Où sont vos amis ?

— Ils terminent d’aménager ma chambre et l’ancienne de Sirius, justement…

— Et Black ?

— Il s’est enfermé dans l’ancienne chambre de son frère… quand je pense que j’avais les initiales R.A.B sous le nez pendant tout l’été…

— Ce ne serait pas la première fois que quelque chose d’évident vous échappe.

— Vous l’avez connu… ? demanda brutalement Harry en fourrageant dans le buffet pour trouver des herbes sèches.

— Précisez.

— Le frère de Sirius. »

Severus releva les yeux de ses pommes de terre et s’empara d’un couteau à large lame. Il reporta son attention sur son office, laissant la lame glisser si rapidement sur les aliments que le ballet de ses mains en devenait hypnotique. Harry et Jane se laissèrent captiver par les gestes assurés et précis du Maître des Potions, et quand il eut fini, Severus frappa d’un coup sec sur la planche à découper du manche du couteau, et les pommes de terre se fendirent d’une multitude de dés parfaitement taillés. Harry hoqueta, et Jane siffla, impressionnée. Severus coula un regard dans sa direction qui la fit rougir et il jeta négligemment les dés dans un gros fait-tout qu’il invoqua et qu’il plaça sur le feu à la place du chaudron d’eau. Leur tournant le dos, il fixait la nourriture, attendant qu’elle se dore lentement.

«  Oui, dit-il après un long silence. J’ai connu Régulus Black. Il était d’un an notre cadet, et faisait partie de ma maison. Et, oui, Potter, je l’ai également connu en tant que Mangemort, puisque cette question vous brûle les lèvres.

— Je suis désolé de vous ramener sans cesse à cela…

— C’est ce que je suis, vous n’avez rien à excuser. Régulus était un bon élève, pas aussi brillant que son frère, mais travailleur. Effacé, mesuré, éduqué pour remplacer l’héritier que les Black avaient renié… l’aura en moins, sans doute.

— Pro… Monsieur, vous voulez dire que Sirius…

— Oui, Potter, je concède à votre Parrain un certain charisme que n’avait pas Régulus, et cela change beaucoup pour une famille. Sa mère n’a jamais digéré sa défection en partie à cause de cela… Régulus n’était pas…

— Régulus était le fils prodige, Snape, tu le sais tout aussi bien que moi ! »

Ils ne s’étaient pas rendu compte que Sirius était de retour, le visage fermé et les vêtements légèrement couverts de poussière. Harry se décala vers Jane pour laisser de la place à son Parrain qui agita une baguette pour faire revenir quelques verres.

«  Tu bois beaucoup, lui fit remarquer son filleul.

— Et toi tu parles trop, répliqua l’Animagus d’une voix lasse. Je ne sais pas pourquoi tu parles de mon frère, Snape, mais…

— C’est moi qui ai demandé, intervint Harry avant que cela ne dégénère.

— Et je le connaissais mieux que toi, je pense…, ajouta Severus en retournant les pommes de terre d’un geste vif.

— Ah vraiment ? Tu savais qu’il avait trahi, peut-être ?

— Je savais qu’il n’était jamais venu à une réunion, qu’il était probablement un déserteur, ou qu’il avait déplu au Seigneur des Ténèbres au point qu’il n’en meure. Toi ? Que savais-tu en dehors du silence honteux de ta famille ?

— Je t’interdis…

— Attendez, attendez, les interrompit Jane en s’approchant de Severus avec ses oignons. Aucun de vous n’était certain de la mort de Régulus ?

— Non. »

Les deux hommes avaient répondu de concert et Harry et Jane échangèrent un bref regard interloqué. Jane fronça les sourcils et jeta les oignons dans le faitout.

«  Mais… Mais Severus, Vol-muche n’avait-il pas connaissance de ce fait ?

— Impossible à dire. Régulus nous a été présenté comme quelqu’un qui ne reviendrait pas, et personne ne questionne le Seigneur des Ténèbres dans ce cas.

— Seriez-vous en train de dire que Régulus serait mort de la main de…

— Il est peut-être mort dans la caverne, coupa Harry en tordant sa lèvre inférieure entre son pouce et son index. En fait… Il est même possible qu’il n’ait pas pu survivre aux inferis…

— Mais… Mais un Mangemort disparaît et tout le monde s’en fiche ? se choqua Jane.

— Un jeune marqué de 17 ans, péniblement correct à la baguette, vaguement potable en potions, et moins utile que sa propre cousine… ? Vous pensez que le Seigneur des Ténèbres a une affection particulière pour ses esclaves ? »

Severus partit à rire d’un rire glacial et sans joie qui les pétrifia tous. Sirius serra les dents à s’en faire éclater l’émail, mais resta stoïque face à l’affront. Pour autant qu’il haïssait viscéralement Snape, il ne pouvait que lui concéder le point.

«  Il a certains favoris, nuança Harry en fixant gravement son Maître Occlumens.

— Potter, le fait que vous vous trouviez de temps à autre dans l’esprit particulier de cet être ne fait pas de vous son psychomage. Il n’a de respect que pour lui-même, et Regulus Black n’était que le fruit d’un ancien nom. Si Lestrange ne s’était pas mariée, je peux vous assurer que le petit n’aurait été qu’une ombre parmi les ombres.

— Et toi qui n’étais rien…, siffla Sirius.

— Te voilà en train de parler comme ta folle cousine, coupa net Severus avec malice. Mon nom n’a peut-être aucun intérêt à vos yeux, mais mes mains m’ont hissées là où d’autres n’ont pu prétendre…

— Vous devriez mesurer votre sémantique, Severus. D’une part, parce qu’aucun de nous n’a envie d’entendre parler de la politique «  du mérite »  de Volmuche, et d’autre part, parce que cela devient tendancieux. En plus d’être hors sujet.

— Soit, coupa court Severus d’un air tendu. Mais restons-en là pour la mort de Black, cela nous importe peu… en l’état, j’aimerais davantage savoir si tu as cherché le médaillon. »

Il avait dit cela en observant ostensiblement les traces de poussière sur les vêtements de Sirius. Secoué par les dernières révélations, Sirius s’était éclipsé dans la chambre de son frère pendant une grosse heure. Il serra les dents et secoua la tête.

« Non, rien du tout. J’ai retourné la moindre couverture, la moindre pierre un peu creuse… Il n’y est pas. Peut-être n’a-t-il jamais été là, d’ailleurs…

— Merde ! pesta Harry. Pour le détruire, il devait forcément l’avoir à proximité, quelque chose doit nous échapper… réfléchissez ! On a nettoyé de fonds en combles cette baraque l’année dernière… Quoi qu’on n’ait pas touché à la crypte ou… Oh, putain

— Par Circée, Black, tu vas le reprendre sur son langage, à la fin ? s’étrangla Snape.

Ferme-la. Qu’est-ce qu’il y a Harry ?

— On est cons… Mais on est juste trop trop cons… !

— Vous êtes trop dur avec vous-mêmes Potter, un «  trop »  est de trop.

— Chut, attendez ! Sirius ? Où est-ce qu’on a mis le sac où on a jeté tous les trucs bizarres du nettoyage ?

— Tout a été détruit, tu penses bien qu’on n’allait pas simplement jeter les affaires…

— NON ! C’est impossible ! s’ébroua le jeune homme en bondissant sur ses pieds. On pouvait pas tout détruire… Oh, mais quelle bande d’abrutis on fait ! On n’a vraiment plus rien ?

— Calme-toi, Harry ! Je ne crois pas, non. Les seules choses qui échappaient à notre nettoyage sous vide finissaient entre les mains de Kreattur, mais j’ai tout récupéré quand je l’ai vu chiper des…

— OUI ! Sirius ! Il prenait quoi ? Il les mettait où ?

— Harry, expliquez-vous ! demanda Jane d’une voix blanche.

— C’est… c’est si bête ! Le médaillon ! Quand on a tout nettoyé, avec Hermione on s’est retrouvé à vider un vaisselier, même qu’il y eu des accidents. À un moment, on a déniché un médaillon impossible à ouvrir, on l’a jeté en pensant que c’était peut-être dangereux et…

— Vous plaisantez, Potter ? siffla Severus en se redressant menaçant.

— Non… non, Professeur…, répondit le jeune homme qui perdit quelques années de bravoure au visage. Je suis très sérieux, je crois qu’il a été ici.

— Mais… vous aviez dit qu’il avait un «  S »  de gravé dessus… Harry ? demanda Jane éberluée. Vous n’avez quand même pas jeté un truc qui puait le Serpentard à plein nez ?!

— Et j’aurais deviné comment ? contrat-il. Vous croyez que j’avais dans l’idée qu’on aurait un truc à Tom chez nous ? Oh, par l’enfer, qu’est-ce qu’on fait… ?! »

Harry retourna sur sa chaise, nauséeux, prenant sa tête entre ses mains. Sirius fixa longuement l’âtre en réfléchissant, et Severus agita sa baguette pour se servir un verre de Whisky. Seule Jane restait à les observer, les bras ballants, secouant la tête de temps à autre, comme n’en revenant pas de leur imbécillité.

«  … On peut demander à Kreattur s’il sait où est ce truc. »

Sirius semblait répugner à cette idée, mais il les fixait d’un air résolu. Snape reprit une lampée en la laissant glisser lentement le long de sa langue, avant d’acquiescer.

«  C’est la seule option. Tu sais que tu ne peux annuler le don, n’est-ce pas ?

— Le don ? demanda Jane intriguée.

— J’ai donné Kreattur quand Harry s’est installé. Il était hors de question qu’il soit une menace pour nous, et… de toute façon, nous nous détestions. Il est sous la responsabilité de Dobby, pour ce que j’en sais.

— Pauvre Dobby, il devait déjà s’occuper de Winky…

— Voilà qui nous arrange, cependant, Potter. L’adoration qu’a cet elfe pour vous, pourrait nous aider. Dans une certaine mesure. Kreattur se doit d’obéir au nouveau Directeur désormais…

— … qui semble être sous les ordres de Volmuche.

— Pourquoi vous l’appelez «  Volmuche » , Jane ?

— Pourquoi pas ? Vous l’appelez bien «  Tom » , non ? Et c’est autrement moins révérencieux que ce lourdingue «  Seigneur des Ténèbres » . Harry, si vous êtes proche de Dobby, il va falloir trouver quelque chose à faire, on a trois horcruxes identifiés dans la nature, si je comprends bien…

— Quatre, voire cinq, coupa Harry. Le serpent en est un, et Dumbledore pensait qu’une coupe appartenant à Poufsouffle était également dans la balance…

— Bon. Nous savons ce qu’il nous reste à faire, alors : sécurité, recherche, investigation… en espérant que Volmuche n’ait pas eu vent jusqu’ici de cette entreprise…

Volmuche ? Qui est… Non ! Ne me dites pas que c’est… »

L’hilarité de Ron qui venait de débouler les coupa tous et la tension se défit instantanément dans la cuisine. Un instant sur la défensive, le conciliabule se détendit et adopta instinctivement une posture qui ne prêtait plus à l’élaboration de plans. Jane esquissa un sourire, incapable de ne pas trouver le nom ridicule en fin de compte et bientôt, les jeunes gens qui revenaient de leurs installations éclatèrent d’un bruyant rire qui fit un étrange bien aux adultes. Sirius esquissa un bref sourire et se contenta de leur servir une nouvelle fois un verre. Severus, quant à lui retourna à sa gamelle à présent prête, se fermant totalement à leur petite troupe.

 

***

« Veritascriptum, édition du 26 décembre 2017,

Une rentrée repoussée

Il n’y a pas de mot pour décrire l’horreur que nous avons ressentie à la rédaction en apprenant la terrible nouvelle. Aujourd’hui encore, il nous est pénible d’exprimer l’entière émotion qui étreint toute la communauté, mais il est de notre devoir au Veritascriptum, comme ailleurs, de relater les faits. Alors que le pays se remettait à peine des actes effroyables ayant eu lieu à Godric’s Hollow dans la nuit du 31 octobre et après l’attaque barbare survenue au « Terrier » dans la nuit du 24 décembre dernier, les Sorcières et Sorciers de Grande-Bretagne étaient en droit d’espérer fêter dignement Noël, mais les Forces du Mal semblent en avoir décidé autrement.

Dans l’après-midi du 25 décembre, Poudlard, l’école que nous avons tous connue, l’école qui voit nos enfants grandir, a été le théâtre d’un assaut sans précédent. D’après nos informations prises au sein du Ministère, Vous-Savez-Qui a mené une attaque frontale contre Poudlard, et plus précisément contre son Directeur. […] »

Lord Voldemort grimaça légèrement en lisant cette absurde phrase. Le ressentiment envers Dumbledore resurgit immédiatement, bien que son meurtre aurait dû étancher définitivement toute haine à son encontre. Et pourtant non, même dans la mort, il semblait que le vieil homme le nargue, lui rappelant qu’il avait été le seul à être un opposant crédible aux yeux du grand public. L’idée même qu’il ait déplacé une petite armée pour s’en prendre uniquement à son ancien Professeur le hérissa de plus belle. Il avait pris Poudlard. Elle lui appartenait. Il l’avait purgée ! Il avait enfin purgé ses murs de la racaille que son ancêtre avait expressément désiré voir chassée. Et si Harry Potter lui avait une nouvelle fois échappé, Voldemort n’avait au contraire qu’un délicieux goût de victoire aux lèvres… Il reprit sa lecture.

 

« Gazette du Sorcier, édition spéciale du 26 décembre 2017,

Le phénix ne chantera plus

Au nombre des victimes de cette barbarie se compte malheureusement Albus Dumbledore, vainqueur de Grindelwald, qui, d’après nos sources, serait mort au combat contre Vous-Savez-Qui en personne en défendant l’école. Au cours d’un duel que nous relatons au mieux d’après les éléments à notre disposition (voir pages 4 et 6) […] »

Jane avala de travers son café et crachota dans un bruit infect qui tira une grimace écœurée à Severus.

« Vous êtes…

— Je vais vomir.

— Vous lisez la Gazette en même temps, murmura Sirius qui peinait à se réveiller. Vous vous attendiez à quoi ?

— C’est pathétique. Le récit du combat, réellement ?! Cette Skeeter est…

— Ce n’est pas pire que les inepties racontées par Oaken dans le Veritascriptum, le passage sur le sauvetage de l’école est… »

Harry soupira, relevant les yeux vers l’assemblée, comme cherchant un mot assez fort pour exprimer un profond sentiment d’épuisement face à la rhétorique des journalistes. Jane secoua la tête en affichant une moue indignée, Luna retourna d’un quart le Chicaneur qui faisait un dossier complet sur les Détraqueurs et Ron présenta une corbeille de fruits à Neville et Hermione avant de lui adresser un pauvre sourire. Dans un geste impatient, Severus tourna lui-même la page du journal que tenait Harry pour l’intimer à poursuivre. Lui avait bien l’intention de terminer l’examen de ce torchon par-dessus l’épaule du garçon.

«  […] Le Chef du Bureau des Aurors, Gawain Robarts a annoncé que la Brigade d’Intervention Tactique d’Elite a été déployée en opération spéciale pour la première fois depuis sa création. En effet, malgré les récents accrochages rapportés en off entre le Ministre de la Justice et le Premier Ministre, la Brigade a pu démontrer toute son efficacité en étant opérationnelle en moins d’une demi-heure, repoussant les assaillants et sauvant pas moins de 11 enseignants et une vingtaine d’élèves, dont Harry Potter, mis sous haute sécurité. Grâce à la formidable force de frappe de la Brigade, le bilan – pour l’instant provisoire – ne fait état que de 8 morts, dont 5 chez le corps enseignant. Si Lord Malefoy, Rufus Scrimgeour, ou Robarts se refusent à toute déclaration officielle concernant ce décompte-là, nous savons pourtant de source sûre que les forces ennemies ont été amputées de pas moins d’une vingtaine d’éléments […] »

Voldemort plissa des yeux à ces lignes et releva légèrement la tête de sa lecture. À l’autre bout de la table, lisant la Presse tout en sirotant un vin raffiné qu’il avait probablement apporté lui-même, Lucius Malefoy sentit l’attention de son Maître se porter sur lui, et eut le bon goût de s’interrompre pour croiser le regard.

«  De «  source sûre » , hein… ?

— Maître ?

— Ce Oaken en sait beaucoup sur l’assaut.

— Il fait son travail.

— Et tu fais admirablement le tien… Ils te mangent dans la main.

— N’est-ce pas le but que nous poursuivons depuis votre retour, Maître ? Il ne faudra guère plus de temps pour que l’opinion se range définitivement à notre cause… Poudlard sera un pivot parfait. »

Le Fourchelangue inspira longuement, observant son plus fidèle Mangemort avec une grande attention. Malefoy avait toujours été dévoré d’ambition, et ses récentes positions au Ministère servaient évidemment leurs projets, mais pour autant que Voldemort trouvât le plan de son subalterne parfaitement maîtrisé, une part de lui répugnait à compter sur un autre Serpentard… Peut-être le plus Serpentard d’entre tous, se dit en son for intérieur le Mage Noir avant qu’une brève pensée tournée vers le Traître ne l’effleure et ternisse son humeur. Voldemort secoua le journal avec impatience, et retourna à sa lecture, Lucius l’observant discrètement.

«  Également sur les lieux, conformément à la récente alliance entre les forces de l’Ordre du Phénix et celles de la Brigade, l’ancien Auror Alastor Maugrey, tombé au cours de l’assaut, sera prochainement honoré à titre posthume par le Directeur du Bureau des Aurors, en présence du Ministre de la Magie et du Ministre de la Justice. Alastor Maugrey, plus connu sous le nom de «  Maugrey Fol’Oeil »  était réputé pour […] »

Jane lâcha le journal d’un air dépité et se leva pour reprendre du café. Severus haussa un sourcil dans sa direction pour lui demander un éclaircissement. La jeune femme pointa de la tasse le canard en soupirant :

«  Il me sortait par les yeux, j’vais pas dire le contraire, mais écrire de telles saloperies sur son dos, c’est franchement dégueulasse… !

— Rémus m’a dit qu’il s’était battu seul contre la meute de Greyback…

— Tu as eu de ses nouvelles et tu n’avais rien dit ?! s’écria Harry en reposant brutalement son exemplaire du Veritascriptum.

— Calme-toi, vous dormiez encore…

— Moi pas, contra Severus, et je couchais dans le salon, j’aurais su si Lupin nous avait contactés par poudre de…

— Ma chambre de Lord dispose de sa propre cheminée, Snape. Cela fait partie de quelques privilèges de Chef de Maison qui m’évitent d’ébruiter les conversations que j’estime privées. »

Il eut un terrible silence glacial après cette sommaire déclaration. Harry déglutit légèrement en observant Sirius, comme s’il cherchait à percer les mystères de cette phrase, et Severus ricana en lui jetant un regard mauvais. Jane allait ouvrir la bouche, mais Harry fut le plus rapide :

«  Severus Snape est de notre côté, et il l’a assez prouvé comme ça, il me semble ! »

Sirius et Harry s’affrontèrent du regard, jusqu’à ce que l’ancien espion ne brise cette muette dispute en laissant éclater son amusement.

«  Laissez tomber, Potter. Il n’aura jamais totalement confiance en moi, je n’aurai jamais confiance en lui. Et je ne peux que lui donner raison de filtrer ses conversations. J’aurais fait la même chose.

— Parce que vous êtes parano, s’agaça Jane.

— Parce que je suis pragmatique. Je ne peux reprocher à Black de réfléchir de temps en temps.

— Est-ce que Tonks va bien ? coupa court Neville.

— Oui, mieux que bien : elle sera décorée elle aussi, pour ce que je sais.

— Ça ne figure pas dans l’article…

— Peut-être que si vous finissiez de le lire, Smith…

— Pas la peine de me chercher moi sous prétexte qu’on vous empêche de vous en prendre à lui, Severus ! siffla Jane en esquissa un rictus goguenard.

— Après la cérémonie d’enterrement d’Albus, il y aura une cérémonie militaire. Nous y sommes conviés, une fois encore, ajouta Sirius en regardant Harry.

— Il faudra vous passer de votre Sauveur pour cette partie.

— Ça n’est pas à toi de décider où il peut se rendre, Snape !

— Vu ta propension à risquer sa vie en mondanités inutiles, je pense être…

— JE SUIS TOUJOURS LÀ ! cria Harry pour couvrir la dispute qui montait. Et jusqu’à preuve du contraire, j’ai mon mot à dire !

— Non, tu es encore mineur, Harry et jusqu’à cet été, il te faudra supporter les décisions de ton tuteur légal.

— Et ce, même si elles risquent votre vie. La loi est admirable. »

Severus et Sirius se toisèrent et Jane soupira.

«  C’était autrement plus simple quand Albus vous tenait tous les deux… Où sont Molly et Arthur quand on a besoin d’eux… ?!?

— Les Weasley restent sous couverture pour l’instant, le Terrier est l’objet d’une surveillance très rapprochée de la part du Ministère, répondit Sirius en se détournant de sa Némésis.

— Les expériences de papa ! s’écria Ron en plaçant son moignon chromé devant sa bouche.

— Pas d’inquiétude, rassura Sirius amusé, cela fait un moment qu’il les a déplacées. Depuis la nomination de Malefoy, si tu veux tout savoir… Arthur n’avait aucune envie que leur haine aille jusqu’à…

— Les reverrons-nous aux funérailles ? se mêla pour la première fois Luna.

— L’enterrement… répéta sombrement Sirius. Si celui de Maugrey est dangereux, que dire de celui de Dumbledore… ? »

Sirius jeta un regard inquiet à Snape qui inclina la tête lentement et tourna une nouvelle page du journal que lisait Harry. Tout en survolant le discours de Lucius à propos de la lutte contre Voldemort, il réfléchissait. Quand il arriva au point qu’Oaken rappelait la chance que la Grande-Bretagne avait de pouvoir compter sur ses Lords, il expira sèchement par le nez.

«  C’est même pire. Et tu y seras attendu, Black. Malheureusement, vous y serez attendu aussi Potter… Ni Scrimgeour ni Malefoy ne se passeraient d’une photo en votre compagnie.

— Et si on prétextait sa sécurité ? proposa Neville.

— Je serais vu comme un lâche, répliqua Harry que l’idée n’enchantait guère.

— Ça serait le moindre des maux… »

L’assemblée regarda Severus sans comprendre, il venait de rejeter le journal sur une page en particulier où s’étendait en gros titres :

«  Poudlard, quel avenir pour nos enfants ?

Dans quelques jours auront lieu les funérailles d’Albus Dumbledore et cela pose une question essentielle à l’orée de la rentrée scolaire : quel avenir pour l’école de Sorcellerie Poudlard ? À l’heure actuelle, ni le Premier Ministre ni le Secrétaire délégué à l’éducation, ni le Conseil d’Administration de l’école n’ont de réponse à fournir à cette terrible question : qui pour succéder à Albus Dumbledore et à Minerva McGonagall ? Bien entendu, au Veritascriptum, nous avons fait notre enquête et il nous apparaît très probable que le choix se portera sur Horace Slughorn, anciennement Directeur de Serpentard et Maître des Potions, sorti de sa retraite cette année par Dumbledore lui-même. Quant au poste de Sous-Directeur ou Sous-Directrice, le mystère reste entier. Toujours selon nos sources, de nombreux Professeurs seraient morts ou portés disparus depuis l’attaque et cela entraîne à la fois des questions concernant le renouvellement de l’équipe enseignante… mais aussi des questions de sécurité intérieure. Rappelez-vous : au sein même de l’équipe se trouvait notamment un ancien Mangemort reconnu, proche de Dumbledore, et tout à fait à même de […] »

Voldemort leva son regard brûlant sur Lucius qui ne se cachait plus d’attendre sa réaction. Lentement, un sourire satisfait s’étira sur les lèvres du Mage Noir et le blond s’autorisa un nouveau verre.

«  C’est ton idée, n’est-ce pas… ?

— Oui. Mettre les ressources du Ministère à votre disposition pour la traque du Traître me semblait être utile. Severus Snape n’aura rapidement plus de travail, plus d’argent, et plus d’endroits où se cacher…

— Mis à part leur Ordre pathétique…, cracha Voldemort.

— … également mis sous ma tutelle. Maître, Snape ne pourra plus se montrer en public où que ce soit et…

— Et s’il venait à lui léguer quelque chose ? »

Lucius eut toutes les peines du monde à ne pas ciller. Le testament de Dumbledore était au cœur de toutes les interrogations au Ministère. On avait dépêché une mission auprès des Gobelins de Gringott pour qu’ils ouvrent et attestent de l’authenticité du document. Pour l’heure, le parchemin était entre leurs doigts crochus et personne ne se risquerait à critiquer leur rapidité d’exécution. En temps normal, le Ministère s’arrogeait généralement le droit de l’ouvrir et de faire exécuter les dernières volontés du défunt par un quelconque secrétaire juridique. Parfois, le Ministre de la Justice pouvait faire le déplacement… Mais vu la notoriété du mort, Lucius Malefoy avait invoqué un vieil accord entre la nation Gobeline et Sorcière, exhumant une ancienne habitude, fermant toute possibilité de le soupçonner d’être intervenu dans l’opération. Malefoy ne doutait pas que Dumbledore lèguerait des choses à Harry Potter, et devoir lui rendre visite se montrerait risqué, pour ne pas dire soupçonnable. Les Gobelins lui offraient la légitimité parfaite… en plus d’empêcher toute contestation potentielle de la part…

«  Cela serait surprenant, répondit-il lentement en choisissant ses mots avec soin. Pas totalement impossible, mais surprenant. Je ne vois pas ce qu’un vieil homme pourrait donner à un paria…

— Qui sait ? Dumbledore avait des idées parfois originales, et il compte peut-être sur Severus pour protéger Potter…

— Si c’est le cas, le Veritascriptum ne tardera pas à parler d’enlèvement, je le crains.

— Hum-hum… Potter aura toujours la Trace, n’est-ce pas ?

— Oui, Maître. Toute magie à proximité de sa baguette sera très aisément détectée. Même celle d’un… elfe de maison, serait repérée. »

Lucius hésita à évoquer l’incident avec Dobby, mais Voldemort ne releva pas l’allusion, il semblait au contraire se concentrer entièrement sur la traque qui se dessinait pour son ancien serviteur. Il releva finalement la tête.

«  Tu as pensé à tout, Lucius…

— Je m’efforce d’être à la hauteur de votre futur règne, Mon Seigneur.

— Cesse de me flatter ! Quand les Gobelins rendront leurs conclusions ?

— Ce soir, sans doute.

— Et comptes-tu exécuter toi-même l’office, ou Scrimgeour se déplacera ?

— Je pensais m’en charger, Maître. Je conseille à notre Premier Ministre de faire preuve de prudence, il serait logique qu’il soit la cible d’attaques et…

— C’est en effet logique, coupa Voldemort d’un air entendu. Quant à Potter… Ils ne le garderont guère longtemps auprès d’eux… à moins que Black ait l’intention de se battre ?

— J’en doute, Maître. Je souhaite l’amener sur mon terrain. Il reste une figure trop aimée pour qu’on le laisse jouer les nobles guerriers, et occupé à des choses de la Politique, l’isolement du garçon n’en sera que plus vivace.

— Je l’espère.

— Puis-je me permettre de vous demander quel stratagème se dessine à vous, Maître ?

— Non, tu ne le peux. Je n’ai guère plus besoin de toi, tu peux te retirer. »

Malefoy inclina poliment la tête et replia le journal qu’il lisait, le déposa avec soin sur la table, s’inclina une nouvelle fois et s’en alla comme le ferait un courtisan. Ces manières agaçaient Voldemort pour qui le cruel rappel de son absence d’éducation aristocratique était cuisant. C’était une des raisons pour lesquelles il avait tant pris sous son aile à l’époque le jeune et détestable Severus Snape. Lui qui était un sang-mêlé, sans le sou, sans nom, sans envergure autre que celle qu’il s’était donnée à force d’intelligence et d’intrigue. Du reste, Snape ne s’embarrassait d’aucune cérémonie, et… Voldemort repoussa le journal avec raideur. Ce Oaken offrait toute une page pour rappeler l’historique de son ancien Mangemort. Sous ses yeux écarlates se coulaient plus de vingt lignes diffamantes, quoi que certaines vraies…

«  […] par Dumbledore, mais serait-il possible que le vieux Directeur se soit trompé ? Ou bien aurait-il fait preuve de complaisance vis-à-vis de certaines inclinations de son protégé pour la Magie Noire ? Rappelons que Severus Snape est connu pour avoir longuement brigué le poste de Professeur de Défense Contre les Forces du Mal et qu’il l’a obtenu l’année même où Poudlard – réputée imprenable – a été attaquée ? […] »

Severus termina sa lecture à voix haute en observant l’assemblée. Sur le visage d’Harry et de Neville se lisait une rage scandalisée qui lui réchauffa davantage le cœur qu’il ne l’aurait cru. Il jeta un coup d’œil instinctif à Jane et toussota en la voyant livide.

«  Vous commencez à comprendre que la mise en bière d’Albus est le cadet de nos soucis…

— Comment peuvent-ils écrire un truc pareil, siffla Neville qui perdait son calme. Après ce que vous avez enduré pour…

— N’en faites pas un mélodrame, c’est finement joué de la part de Malefoy, coupa Snape.

— Malefoy ? Pourquoi lui ? demanda Hermione.

— Parce qu’il faut bien un coupable, un traître, c’est plus excitant… et ça permet de lâcher les chiens sur quelqu’un de dangereux pour Vous-Savez-Qui, expliqua Ron en repoussant son bol de céréales.

— Ils pensent que vous allez me chaperonner, comprit Harry. Tu vois, Sirius ! C’est pour ça qu’il est impératif que l’on se fasse confiance au moins entre nous…

— De la même manière que tu leur fais confiance pour la mission secrète, Harry Potter ? »

Sirius tressaillit une fois encore, il détestait que la jeune Lovegood prenne ce ton, et la réaction de son filleul lui confirma qu’il n’en pensait pas moins. La remarque aurait pu déclencher une réaction vive de la part des jeunes Sorciers, mais Luna savait y faire et Hermione hocha la tête.

«  Oui, elle a raison, c’est impossible de nous demander une confiance aveugle à tous. Au moins nous savons qui vous êtes, Pro-Monsieur Snape, et…

— Non, vous ne savez pas, se moqua Severus en les fixant tour à tour. Mais ça n’est pas nécessaire pour savoir que Potter a besoin de moi. Chacun son rôle. »  Ajouta-t-il en fixant Sirius d’un air entendu. «  Certains sont nés pour parader dans les salons, et d’autres pour se battre… »

Sirius inspira profondément et jaugea Harry et Severus du regard avant de terminer d’une traite son café et de se lever.

«  Soit. Mais tu as intérêt à…

— Je ne suis pas Pettigrow. »

Sirius serra légèrement les dents et hocha une nouvelle fois la tête, concédant ce qui était alors inconcevable vingt ans plus tôt : oui, Severus Snape était bien plus digne de confiance.

***

Quand on le dérangea en plein repas pour lui dire qu’il était convoqué par Bunkaltun Andosgolt, Lucius essuya les commissures de ses lèvres avec sa serviette de table et prit congé de son épouse. Il se dirigea immédiatement vers la cheminée de son cabinet, et jeta sans sommation de la poudre dans l’âtre. Maître Andosgolt – bien que le titre soit inexact – était une sorte de notaire gobelin en chef. C’était donc lui que Lucius avait indirectement mandaté pour examiner et faire exécuter le testament d’Albus Dumbledore. Et c’était lui qu’il devait alors rencontrer dans une des salles prévues à cet effet de la banque de Gringott. Lucius Malefoy, bien que suprématiste, ne faisait pas partie de ces Sorciers à considérer les Gobelins comme des sous-êtres. Bien au contraire.  Cette tolérance, pour ne pas dire respect, expliquait pourquoi il ne s’offusquait pas d’être convoqué, et pourquoi il s’était hâté d’interrompre toute activité pour se retrouver assis dans un immense fauteuil de cuir moelleux, faisant face à l’être le plus suspicieux dont il lui ait été donné de croiser le regard. Si celui écarlate de Lord Voldemort était difficilement soutenable, le regard noir de Maître Andosgolt était si perçant, si empli d’intelligence et de perspicacité qu’il semblait à Lucius que le Gobelin était capable de percer son âme tout entière. Severus lui-même n’aurait pu lui cacher ses secrets, se fit mentalement comme réflexion le Ministre de la Justice.

Désormais silencieux depuis une ou deux minutes, Bunkaltun Andosgolt tapotait un énorme et épais parchemin d’une longue tige d’or surplombée d’un Gallion gravé. De temps à autre, le petit être relisait le testament, avant de fixer à nouveau son regard inquisiteur sur le Mangemort. Il fallut toutes ses années de Serpentard, toutes ses compétences d’homme politique et tout le talent inné d’un Malefoy à Lucius pour affecter une respectueuse indifférence.

« Nous sommes heureux que le Ministère ait décidé de faire appel à notre chambre pour cette affaire, finit par énoncer Andosgolt d’une voix gutturale aux consonnes très prononcées. Il est de bon augure qu’en cette période un Lord de votre envergure renoue avec certaines traditions. »

Lucius inclina la tête lentement et posa ses deux mains sur le pommeau de sa canne.

« Le Premier Ministre connaît les dangers de sa position, et j’ai préféré assurer à tout le monde un traitement impartial, efficace et irréprochable. À présent que vous connaissez les principaux bénéficiaires du legs de Dumbledore, vous devez approuver plus que jamais ce choix. »

Si Lucius soupçonnait bien Albus d’avoir donné quelque chose à Potter, il comprit au sourire méprisant d’Andosgolt qu’il était bien loin du compte. Voilà toute la raison du mystère et du décorum autour de ce fichu bout de papier : le Gobelin se délectait d’être au courant de choses qui échappaient à la connaissance du blond. Des choses qui lui auraient été utiles, manifestement.

« En faisant appel à nous, vous avez également choisi de vous en remettre totalement à notre jugement et à nos lois, Lord Malefoy. Il sera impossible au Ministère d’interférer d’une quelconque façon dans l’opération de transmission, bien que vous soyez tout à fait autorisé en votre qualité de Ministre de la Justice à y assister… Au Ministère, ou à quiconque. »

Lucius ne put empêcher ses sourcils de légèrement se froncer. Andosgolt le perçut, car son sourire moqueur s’élargit. Que lui cachait ce maudit comptable ? Qu’est-ce qu’il y avait dans ce bout de papier qui soit si particulier… ?

« Je pense que quelqu’un de votre envergure a bien compris que tel était mon but. »  Flatta Lucius avec complaisance.

Andosgolt ricana légèrement, ce qui paracheva d’irriter Malefoy.

« Oui, oui, Monsieur le Ministre, il était évident qu’il est dans votre intérêt d’avoir une application stricte et exacte du testament… enfin, que la moralité de l’opération ne soit pas remise en cause… car, pour ce qui est du legs…

— Je vous écoute ! pressa Lucius avec une impatience qu’il ne contenait plus.

— Vous avez connaissance du sortilège qui vous intimera à la plus grande discrétion.

— Oui, oui, je connais le sceau.

— Alors, voyez par vous-même. »

Le Gobelin tourna le parchemin dans sa direction et Lucius en parcourut avec grande attention le contenu. Ses yeux s’agrandirent, pour finalement s’écarquiller tant, qu’Andosgolt préféra dissimuler son rire moqueur derrière une quinte de toux.

« C’est… avez-vous les…

— Albus Dumbledore a pourvu à toutes les nécessités, et nous pouvons certifier que tout est en règle.

— C’est insensé, impossible, balbutia Lucius.

— Pas pour un Ordre comme le nôtre qui avait l’habitude de travailler avec Albus Dumbledore. Le Ministère compte toujours assister à la remise du legs ?

— Oui. Oui, bien entendu.

— Signez ici, là, et apposez votre sceau à cet endroit, Lord Malefoy. Mes hommes se chargeront de contacter Lord Black afin d’organiser une rencontre.

— Et pour…?

— Nous sommes neutres, Lord Malefoy, mais pas mal informés. Nous trouverons bien le moyen de les contacter eux aussi. Nous en avons terminé. »

C’est légèrement sonné que Lucius serra la « main d’or »  du Notaire. Il se leva prestement et prit pratiquement la fuite jusqu’à la cheminée la plus proche. Il cracha presque sa destination aux flammes et les enjamba. Quand il arriva dans le petit cabinet de son manoir, Narcissa l’attendait drapée dans une belle mousseline. Elle se recula en voyant l’expression de son mari, et Lucius n’offrit aucune explication, et fracassa de sa canne la lampe art-déco qui se trouvait à sa droite. Quelque chose de très important lui avait échappé et Dumbledore avait compté sur sa soif de pouvoir pour protéger ses dessins. À présent, il n’avait pas d’autre choix que d’appliquer le testament, et devait protéger son secret. Si d’aventure le Seigneur des Ténèbres apprenait ce qu’il savait et qu’il avait dû lui taire, lui et sa famille…

« Qu’y a-t-il, mon aimé ? »  Balbutia Narcissa dont l’inquiétude ne cessait de croître.

Pour seule réponse, Lucius hurla et abattit une nouvelle fois sa canne sur un objet en verre à sa portée. Le vieil homme l’emportait jusque dans la tombe.

***

Jane affrontait Severus en silence dans la cuisine au cours d’une partie d’échecs abondamment commentée par Ron. Ce dernier tentait d’inculquer à Jane quelques bonnes stratégies, et la Moldue soupirait de mauvaise grâce, détestant de voir un des rares moments d’intimité qu’elle avait eu avec Severus se transformer en leçon tactique. Elle repoussa sa énième tasse de café et se leva en pestant :

«  Aaaah ! C’est bon, j’en ai marre, jouez donc à ma place, Ronald. On verra si c’est si facile de le battre ! »

Le jeune garçon regarda tout d’abord timidement l’homme en noir, avant de se décider à prendre place. Snape pinça légèrement des lèvres.

« Si j’ai bonne mémoire, vous avez vaincu l’échiquier de Minerva à onze ans, Monsieur Weasley…?

— Ouais, mais j’avais Harry et Hermione pour m’aider.

— Non, contra Harry qui commençait à tailler des poireaux pour faire le repas du midi. On a juste joué le rôle des pièces, c’est Ron qui nous a permis de gagner.

— Bah… j’ai eu de la chance, alors.

— Ne minimisez pas vos réussites, Monsieur Weasley. Minerva était une redoutable joueuse d’échecs. »

Jane murmura face à l’âtre le mot « était », et un terrible silence s’empara d’eux. Severus hocha la tête et ajouta :

« Une collègue précieuse et pour certains, une amie. »

Ces simples paroles délicates apportèrent un peu de baume au cœur à la petite troupe. Hermione, Neville et Luna n’étaient pas dans la cuisine. Hermione tentait de trouver une parade à la loi sur le don à l’éducation au milieu d’épais et vieux livres de Droit, et Neville et Luna surveillaient les environs, conformément aux ordres donnés par Severus. À tour de rôle, un duo devait monter la garde et vérifier les protections. À l’exception notable de Jane qui devait se contenter d’ouvrir l’oeil. Sirius, lui, était enfermé dans sa chambre près de sa cheminée à tenter de contacter divers membres de l’Ordre et quelques connaissances depuis la fin du petit déjeuner. L’Animagus cherchait à trouver un moyen de rentrer en contact avec Dobby, malgré les mesures de sécurité prises par le Ministère à Poudlard. Mais en attendant les obsèques de Dumbledore, le château était devenu une sorte de tombeau gigantesque et imprenable.

Pour tromper l’ennui et faire retomber légèrement les tensions, Jane avait proposé qu’ils jouent à quelque chose, et Severus n’avait accepté que les échecs, sous prétexte que ce qu’ils y apprendraient serait utile. À le voir réfléchir très longuement entre chaque coup face à un jeune homme de vingt ans son cadet, Jane ricana en comprenant que Severus allait peut-être devoir s’incliner.

« Il va falloir s’occuper de cette main, commenta Harry en voyant son ami avoir encore le réflexe de vouloir l’utiliser pour prendre sa tasse.

— Maugrey n’avait pas dit qu’il voulait voir ça avec les Gobelins ? demanda Jane en mâchonnant un bout de pain.

— Il l’a peut-être même déjà fait. C’est à Black de se charger de ça, il est le seul, avec Potter, à avoir les moyens de solder l’affaire. Smith, vous mangez tout le temps, vous le savez…?

— Mes cigarettes sont avec le reste de mes affaires, Severus… Vous vous souvenez ?

— Et alors ? Vous faut-il à ce point quelque chose à la bouche ? »

Jane haussa les sourcils en le regardant et Severus leva lentement son regard de l’échiquier pour comprendre la gêne qu’il semblait percevoir à travers la pièce. Ils croisèrent le regard et l’homme en noir retourna brusquement à sa partie, les joues légèrement rosies.

« C’est… le manque de nicotine, expliqua Jane, hilare.

— Vous avez laissé vos cigarettes et Merlin là-bas ? tenta de rebondir Harry qui n’était pas certain d’avoir compris l’allusion.

— Et mon sac, et mes livres, mon portefeuille, mon smartphone…

— VOUS AVEZ QUOI ?! s’ébroua Snape en faisant le lien soudain.

— J’ai obéi à votre ordre, rectifia Jane d’un air entendu.

— Et vous avez pensé au fait qu’ils lisent vos messages et…

— On se calme, Severus, rassura Jane. Déjà, il leur faudrait trouver le code pin de mon téléphone, ensuite, il faudrait qu’il arrive à fonctionner avec la magie… et si jamais c’était le cas, le temps qu’ils essaient les combinaisons pour le déverrouiller, il se sera déchargé. Et là… bon courage pour trouver une prise à Poudlard ! Non, franchement, je ne m’inquiète pas du tout pour ça.

— Et votre carte d’identité, votre carte bleue ? Je sais qu’il y a votre adresse dessus, je l’ai vu lorsque vous aviez payé la pizza !

Une pizza, Professeur ?! s’étrangla Ron en se déconcentrant momentanément.

— Ces documents sont à l’appart’, Severus. Je ne suis pas folle ! Tout est laissé dans mon bureau… À moins que je ne me fasse cambrioler, tout ira bien. Le plus compromettant dans mon sac est très probablement mon kit découchage.

— Un quoi ? s’intéressa Harry.

— Tampon, string, lingettes intimes, déodorant, brosse à dents de voyage, parfum et…

— On a compris, Smith.

— … et évidemment : capotes, termina Jane avec malice.

— Capote… ? Qu’est-ce que…

— Une protection que les Moldus utilisent à la fois contre les maladies sexuellement transmissibles dont ils sont victimes et comme moyen de contraception. »

Sirius déboulait avec un air à la fois préoccupé et amusé et il fixait Snape avec grande attention.

« Et comment tu sais ça ? demanda narquoisement Harry.

— À ton avis ? Je viens d’être contacté par un Gobelin de l’Ordre des régulateurs, enchaîna Sirius en s’adressant tour à tour à Harry et Severus. Il veut se rendre dès cet après-midi ici pour le testament de Dumbledore.

— Alors Malefoy a décidé d’assurer ses arrières, comprit Snape en hochant la tête.

— Et il sera là, ajouta Sirius.

— Pourquoi viennent-ils ici ? Tu es dessus ? demanda Harry.

— Moi non. Mais toi, évidemment… ainsi que Snape, Jane et Luna. »

Même Severus ne put masquer sa surprise et il échangea un long regard avec Jane. L’homme en noir coucha son roi d’une pichenette d’index et se leva lentement.

« Bravo, Monsieur Weasley, vous alliez me faire mat en deux coups inévitables. Qu’est-ce que c’est que cette histoire, Black ? Es-tu certain que je suis sur le testament d’Albus ?

— Totalement. Et Malefoy va venir ici et te remettre en personne ce qu’il t’a légué. Mais rassure-toi, Maître Andosgolt a été très explicite : Malefoy n’a pas d’autre choix que de garder secrets l’entrevue, le contenu du legs et…

— … et donc les bénéficiaires, termina Snape.

— On n’aura donc pas une horde de Mangemorts aux fesses dès sa sortie.

— Non, mais il va vous falloir vous montrer prudente, Jane. J’ignore ce que vous venez faire dans l’affaire, mais il est probable que Malefoy ait compris de quelle nature vous êtes et…

— Je m’en charge, Black, coupa Severus impatient. Elle est sous…

— … ma propre protection, coupa Jane. C’est vraiment galant, Severus, mais peu importe l’homme, je ne suis pas une demoiselle en détresse. Il va falloir expliquer aux gamins qu’il faudra être discret. Comment ça se passe ce genre d’entrevue ? Il faut un décorum particulier ou…

— On va déjà se changer et on les recevra dans le salon. Jouons le jeu comme on le ferait dans une bonne famille, mais nous nous tiendrons prêts au besoin. Jane, votre force morale n’est pas remise en question, avança prudemment Sirius. Mais face à un Mangemort tel que Malefoy…

— Il n’a aucune raison de s’en prendre à moi, coupa une nouvelle fois Jane. Et s’il lui venait à l’esprit de s’en prendre à Severus, anticipa-t-elle. Vous savez quel sort je réserve aux Mangemorts dans ce genre de cas… ? »

Elle mima de son pouce la traversée de sa gorge en éructant un terrible « couiiiic »  qui mit profondément mal à l’aise Harry.

« Ça n’est pas drôle, tempéra-t-il.

— Chacun gère sa part d’ombre comme il le peut, Potter. Soit Black, on sera prêt. Smith, essayez d’éviter de fanfaronner bêtement devant lui. Lestrange était sa belle-soeur.

— « était », répéta Jane avec cynisme. »

Harry fronça les sourcils et remonta en direction de sa chambre pour trouver une tenue plus impressionnante. Jane lui emboîta le pas, espérant l’aide d’Hermione pour métamorphoser ses vêtements. Restés seuls dans la cuisine, Sirius et Severus se fixaient.

« Ne me regarde pas comme ça, Black. Jane n’est pas Potter et…

— Justement, il ne me parle absolument pas de ce qu’il s’est passé. Il a tué, et je sais que…

— Smith ne me parle pas davantage. Et j’ai autre chose à faire que de te conseiller.

— Harry en a discuté avec toi ? Je veux dire, après tout ce qu’il s’est passé et tout ce que tu as vu dans son esprit, tu… »

Severus détourna les yeux, refusant ostensiblement la discussion. Il n’avait pas l’intention d’évoquer avec qui que ce soit ce qu’il avait vu dans l’esprit de Harry. Certainement pas à quelqu’un d’aussi émotif que Sirius Black.

« Joue ta partie, je joue la mienne, je te l’ai déjà dit. Je gère les syndromes post-traumatiques des deux, et tu t’occupes d’organiser un thé avec Lord Malefoy, veux-tu ? »

Il passa devant lui avec raideur, sachant pertinemment qu’il le laissait avec une puissante inquiétude pour le garçon qu’il adorait. Severus n’était pas un ange prêt à s’appesantir sur les émotions des autres, mais il était néanmoins capable de les comprendre, et il était douloureux de ne pouvoir aider quelqu’un que l’on aime. Il s’en était cruellement rendu compte durant toute l’agonie d’Albus Dumbledore.

***

Lucius Malefoy ne s’attendait pas à trouver Bunkaltun Andosgolt dans son bureau au Ministère. Quand son secrétaire personnel lui avait signifié qu’il était attendu là-bas, le Ministre s’était déplacé et avait rejoint le Gobelin qui l’attendait avec un certain amusement. Voilà donc un coup bas de plus : depuis l’attaque de Poudlard, les vacances de chacun avaient été écourtées et le bâtiment était aussi vivant qu’un jour de discours officiel. Il serait rapidement de notoriété publique que Lucius Malefoy traitait avec les régulateurs, et il faudrait vraiment être un imbécile pour ne pas comprendre de quoi il en retournerait. En d’autres termes, un bon tiers du Ministère serait au courant, puis rapidement l’ensemble de la population si quelqu’un venait à parler à la Presse. Car, oui, savoir ce qu’Albus Dumbledore avait bien pu léguer à Harry Potter — personne ne doutait une seconde que l’enfant serait concerné — était un sujet de cancans très apprécié. Mais Malefoy ne pourrait en souffler mot, et la curiosité de tous serait d’autant plus aiguisée. À commencer par celle de Lord Voldemort. Autant dire que le Gobelin venait de le mettre dans une situation très dangereuse, et Lucius le prit pour ce que c’était : un avertissement si d’aventure il oubliait cette communauté dans sa course au Pouvoir.

« Tout est arrangé, Lord Malefoy, lui annonça sans préambule le petit être à son arrivée. Ils nous attendent au domaine Black.

— Parfait, nous allons utiliser une des cheminées discrètes du Ministère, après-vous… »

La plate tentative de Malefoy pour éviter d’être trop vu en sa compagnie amusa d’autant plus Andosgolt. Quand ils arrivèrent dans le salon du 12 Square Grimmaurd, Lucius Malefoy sentit un désagréable frisson le long de sa colonne. Quelqu’un d’aussi versé dans la magie que lui, percevait les différences impulsions autour. Pas de doute, l’endroit était particulièrement protégé et il comprit rapidement que les cinq personnes en face de lui n’étaient pas les seules à résider ici.

Andosgolt s’inclina profondément devant l’assistance avant de serrer une à une les mains avec une certaine déférence.

« Lord Black… »  Murmura-t-il à un Sirius drapé de bleu-nuit et de brocard argenté.

« Lord Potter. »  Salua-t-il au jeune Harry Potter qui ne faisait plus son âge dans ce complet pourpre et noir.

« Miss Smith. »   S’inclina-t-il très profondément en face de Jane qui arborait une longue robe cintrée à col haut et au complexe corset. Noire et verte foncée.

« Miss Lovegood… » Sourit-il à Luna qui se tenait près de Harry, dans une robe étroite assortie à ses couleurs.

« Maître Snape. »   Termina le Gobelin face à un Severus qui se tenait droit dans son inénarrable redingote noire.

Lucius les observa tour à tour, et les salua d’un profond signe de tête, pensant à tort qu’Andosgolt démontrait l’étiquette légendaire des Gobelins. Il sourit néanmoins à Sirius, fixant ostensiblement Severus.

« Lord Black, merci de bien vouloir nous accueillir en votre demeure pour cette occasion. Le Ministère apprécie votre prise de risque, ajouta-t-il en esquissant un sourire à l’attention de Snape.

— J’obéis à la loi, s’inclina Sirius. Je vous quitte ici, il me semble que cette affaire est couverte par le secret.

— C’est exact, Lord Black, répondit Andosgolt en prenant place dans un fauteuil près de l’âtre et en mettant ses lunettes sur son nez. Merci de votre coopération. »

Sirius adressa un bref signe de tête à Harry et s’éclipsa, les laissant totalement seuls dans le grand salon. Après quelques secondes, Andosgolt levant sa main droite et balaya la pièce du regard en pointant régulièrement son index dans différentes directions. Quand il sembla satisfait de quelque chose qui leur échappa, il se racla la gorge et les invita à s’asseoir.

« Bien, commença-t-il, Nous, Maître Bunkaltun Andosgolt, Notar des Regordens, avons reçu mandat pour être l’exécuteur testamentaire d’Albus Perceval Wulfric Brian Dumbledore, mort le 25 décembre 2017. Lord Lucius Malefoy assistera à la remise du legs en sa qualité de représentant de l’autorité légale du Ministère de la Magie, ainsi que Ministre de la Justice Magique. Avant toute chose, l’un de vous souhaiterait-il refuser le legs ? »

Harry tentait de paraître aussi impassible que Severus et Jane, il se contenta alors de secouer la tête, sous l’oeil amusé de Malefoy qui reconnaissait ici tout l’air impressionné d’un jeune homme peu habitué à ce genre de mascarade. Andosgolt ne leur laissa pas le temps de tergiverser davantage et tira de son coffret de métal le testament qui s’éleva dans les airs et se déplia. Ajustant ses lorgnons sur son nez, le Gobelin lut à voix haute :

« Moi, Albus Perceval Wulfric Brian Dumbledore, né le 14 août 1901 à Belgravia, Londres, de Perceval Dumbledore et Kendra Dumbledore, née Spencer ; domicilié au 2 Godric’s Hollow, lègue à Harry James Potter, le Vif d’or qu’il a attrapé lors de son premier match de Quidditch à Poudlard, pour lui rappeler ce que la persévérance et le talent apportent de récompenses et de bienfaits, et que d’où l’on vient, ne détermine pas où l’on va. »

Surpris, chacun retint son souffle en observant le Gobelin tendre à Harry une minuscule balle d’or tenue dans un joli mouchoir de soie. Lucius fixa intensément l’objet et Harry suspendit son geste en se demandant s’il n’allait pas se passer quelque chose. Quand il prit la petite boule froide dans ses mains, il soupira légèrement, aucune mauvaise surprise ne s’était produite. Il jeta un regard inquisiteur à Snape, déçu de ne rien avoir en rapport avec leur mission, mais il garda le silence. Andosgolt acquiesça et reprit sa lecture :

« A Luna Miroslava Lovegood, je lègue le chapeau à grelots, car je sais qu’elle en saura apprécier toute la musique. »

Harry pouffa de rire en voyant Luna s’approcher avec respect et prendre l’extravagant couvre-chef dont elle se coiffa immédiatement. Lucius les regarda faire, interloqué, semblant attendre là-aussi un événement qui ne vint pas. Il n’y avait rien de secret là-dessous. Le gobelin continua :

« À Severus Cesare Snape, je lègue ce paquet de bonbons au citron, dans l’espoir qu’il acceptera le bonheur que peuvent procurer les petites choses sucrées. »

Harry eut toutes les peines à s’empêcher d’éclater de rire, et Severus tendit une main raide et noble au Gobelin pour recevoir une somptueuse bourse mauve aux cordons tressés d’or. Jane se mordit la joue en le regardant faire, manifestement autant intriguée par le legs, que par l’entièreté du nom de son ami.

« À Jane Élisabeth Smith, je rends le diadème perdu d’Helena Serdaigle, ainsi que l’épée de Godric Gryffondor, conformément à son droit en tant qu’héritière. »

Jane se contenta d’ouvrir légèrement la bouche et tendit deux mains légèrement tremblantes à Andosgolt. Enroulés dans un drap de soie noire, les deux artéfacts lui furent donnés dans le silence le plus complet. Harry ouvrit grands les yeux, scrutant tour à tour Severus et elle, et Jane ramena contre elle le paquet avec déférence.

« Vous semblez surprise, Miss, murmura Lucius les dents serrées. Dumbledore ne vous avait pas parlé de tout ceci ?

— Non, Monsieur le Ministre, balbutia légèrement la jeune femme.

— Intéressant, vous avez été recrutée pour vos… compétences toutes évidentes alors. »

Le Gobelin commença à tirer de sa boîte une autre liste de documents et les remit à Jane.

« Voici les recherches menées par Albus Dumbledore et leurs conclusions. Vous trouverez toute la généalogie de votre famille depuis la maison Serdaigle et la maison Gryffondor. Quel dommage que votre lignée semble être Cracmolle, ajouta le Gobelin. Nos services pourraient remonter plus profondément votre arbre pour comprendre si cela est dû à une malédiction, ou…

— Merci, Maître, coupa Jane en faisant la moue. J’ai compris combien c’était humiliant, et je ne souhaite pas mettre l’emphase sur cela. Je me contenterai de lire ces documents et de méditer à leur sujet.

— Et de profiter d’objets légendaires à la valeur inimaginable, ajouta Lucius en plissant des yeux. Peut-être en parlerez-vous à l’occasion de la rentrée… ?

— Mon travail ici est terminé, coupa court Andosgolt en s’inclinant. Le reste des possessions d’Albus Dumbledore ont déjà été transmises selon ses dernières volontés à son frère, ainsi qu’à Poudlard. Je vous prie, tous, de respecter vos engagements et le secret de cette affaire. Vous comprendrez l’importance pour mon Ordre que les dernières volontés d’Albus Dumbledore ne soient pas bafouées… ?

— Oui, merci, Maître Andosgolt, répondit Harry en avançant la main pour qu’ils se la serrent. »

Le Gobelin regarda légèrement surprit le jeune homme qui se rappela qu’un Lord évitait de serrer les mains des personnes qu’il estimait inférieures. Il ne retira pourtant pas son offre, et avec un regard appuyé, le Gobelin l’empoigna vigoureusement.

« Lord Malefoy, je trouverai mon chemin. »

Ils restèrent donc seuls avec le bras-droit de Voldemort dans une ambiance glaciale. Après un lourd moment, Jane répondit à Lucius :

« Vous savez que nous ne reviendrons pas, Lord Malefoy. Je doute qu’aucun de nous ait sa place désormais.

— Le Conseil de l’école n’a pas encore statué concernant votre classe, répliqua Lucius avec un sourire narquois. Mais il serait effectivement surprenant que quelqu’un de recherché comme Severus Snape…

— Je tiens avant tout à dépenser mon legs sans retenue, répondit Severus en remuant à peine les lèvres.

— Et moi à profiter du jouet plein de sagesse qui m’a été offert, ajouta Harry.

— Mais vous n’apprenez rien de plus que vous ne soupçonniez déjà, termina Jane. Il est donc inutile de nous proposer un nouvel agenda.

— Vous êtes plutôt maligne et pleine de surprise, je dois l’admettre. Et vous avez le don pour acquérir des objets très mystérieux. »

Jane fronça les sourcils et Lucius tira de la poche intérieure de son veston une petite serviette miniaturisée à qui il redonna sa taille complète d’un coup de baguette. À peine avait-il esquissé un geste en direction de sa canne pour user de sa magie qu’Harry et Severus le menaçaient directement de leur arme.

« Je vois que Dumbledore me faisait bien plus confiance que vous. Tenez, Miss, ceci vous appartient et le Département n’a pas été en mesure d’en percer les secrets. Quoique certains en disaient assez long sur la morale décadente de votre… race. »

Il sortit de la serviette le sac à main de Jane qui s’empressa de déposer l’épée et le diadème derrière elle pour le fouiller et vérifier que son contenu était entier. Après inspection, elle releva la tête et plissa des yeux.

« Il manque quelque chose.

— Je suis certain que votre entourage saura trouver une alternative plus civilisée, répliqua Lucius d’un ton méprisant en observant ostensiblement Severus. Nous en avons terminé ! »

Il se tourna en direction de la cheminée quand Harry l’interpella :

« Lord Malefoy ! Permettez que je vous remercie au nom de notre cause pour votre sens inébranlable de la Justice. Nous apprécions grandement votre aide dans la guerre. »

Il n’y eut que Severus pour comprendre que le froncement de narines de son ancien collègue était le signe de sa colère glaciale. Malefoy ne répondit pas et s’effaça directement dans la cheminée.

Quand ils furent certains d’être seuls, Harry se laissa retomber sur son fauteuil et Severus attrapa d’une main le diadème et le petit carré de tissu qui l’enveloppait. Il observa l’objet avec attention.

« Les Gobelins savent ce que c’est. Ils ont emballé à part le diadème, pas l’épée…

— Est-ce grave ? Quelle est leur position face à Vous-savez-qui ? demanda Jane.

— Neutre. Seule la précision de leur travail les importe. Ah, Albus… ! »  Soupira Severus en s’asseyant.

Il ouvrit la bourse avec les bonbons au citron et fouilla dedans de l’index.

« Quoi ? Il n’y a rien d’autre ? s’étonna Harry.

— Soit il avait en grande estime ces horreurs, soit il pensait que je n’avais pas besoin de plus…, répondit l’homme lentement.

— Comment ça ?

— Laissez tomber, coupa Jane en souriant légèrement. »

Elle s’agenouilla sur le tapis en face de Severus, et tendit la main pour qu’il lui donne un bonbon, ce qu’il accepta de bonne grâce.

« Et vous le prenez comme ça ? Vous êtes l’héritière de deux des fondateurs de Poudlard et…

— Pas du tout, Harry, coupa encore une fois Jane. Je ne le suis pas du tout, c’était l’ex-mari de ma mère. Mais aucun papier ne dit le contraire, et c’était sur ça que comptait Albus. N’est-ce pas ? ajouta-t-elle en se tournant vers Severus.

— « Faites-moi confiance », nous avait-il demandé, non ? »

Severus piocha un bonbon et le glissa sur sa langue dans un ricanement admiratif. Quand il sentit l’acidité et la fraîcheur lui ravir les papilles, il éclata de rire, sous l’œil incrédule de Sirius Black qui venait de revenir.