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Remerciements aux revieweurs : Anonymes ou non, encore une fois : merci infiniment de votre présence, de votre lecture, de vos messages. Cela m’encourage au-delà de ce que vous pouvez imaginer, et c’est juste génial de vivre une telle aventure dans ces conditions. Merci !
Chapitre 49 : Par-delà le Bien et le Mal
Il l’avait sentie. Pour une raison qu’il ne parvenait pas à identifier, il avait parfaitement senti cette sensation particulière qui lui procurait des frissons. C’était d’abord une violente pulsation qui partait des entrailles pour aller bourdonner dans les membres. Le picotement s’intensifiait jusqu’à devenir une légère brûlure de fond, presque sensuelle, une exaltation qui montait lentement, une tension. Une tension qui croissait, accélérait son pouls, lui coupait le souffle, avant que ne décharge totalement le plaisir, l’immense satisfaction. La jouissance de la mort. De l’avoir donnée.
Cette fois-ci c’était légèrement différent, comme timide, comme un délice coupable. Oui, coupable. C’était cela qu’il ressentait en décalco. Quelle étrangeté ! Sentiment qu’il ignorait et qu’il associait à de la faiblesse, cette culpabilité ne ternit pourtant pas sa première impression. Peut-être même l’accentua-t-elle ?
Oui. À bien y réfléchir, oui. Il ne saurait l’expliquer, mais c’était bien meilleur avec ce regret en filigrane. Comme une sorte de véritable libération malsaine. Une jouissance délicieusement perverse qu’il prit le temps de savourer en interrompant son travail.
Lord Voldemort leva légèrement la tête et ferma les yeux, cherchant au plus profond de son âme l’origine de ce plaisir inattendu.
Un grand bruit le tira soudain de sa rêverie, et Nagini à ses côtés s’ébroua violemment, sifflant en se dirigeant droit vers l’origine. Le Mage Noir se leva à ses trousses, descendant les escaliers pour suivre son reptile. Il percevait des gémissements, quelques heurts entre des corps et une des chaises de la salle de réception. De toute évidence, c’était des Mangemorts dans un sale état, probablement même ceux recrutés par Bellatrix qui revenaient d’une de leur rixe avec la Brigade. Que Lestrange trouve de nouvelles baguettes était une chose qu’il approuvait, qu’elle les envoie aussi régulièrement maintenir un climat de terreur, comme elle l’expliquait, commençait sérieusement à l’agacer. Avec le temps, il avait l’impression que ses recrues n’étaient plus vraiment…
Non, il chassa cette folle idée de ses pensées. C’était lui qui apposait sa Marque. Ils étaient à lui.
Il se désintéressa de leur sort, s’apprêtant à retourner à la quiétude de son étude quand Nagini attira son attention sur un détail. Un détail qui devint impossible à ignorer une fois qu’il l’identifia : il régnait une odeur de sang très forte dans la salle de réunion, mêlée à une odeur que le serpent partagea avec lui avec gravité. De la terreur. Voldemort ordonna à son reptile d’avancer dans la salle pour lui montrer l’état de ses troupes. Il se refusait à se présentait à eux, cultivant le mystère pour, le croyait-il, accroître une emprise qu’il n’avait jamais vraiment eue. À la terreur se mêlait l’odeur rance d’un feu magique, l’aigreur de la sueur, et l’acidité très caractéristique de l’urine. Quoi qu’il se soit passé, le groupe avait essuyé un revers mémorable, et leur incapacité à se calmer alarma le reptile et son Maître : il n’y avait aucune trace de Bellatrix dans la pièce.
Les Mangemorts se contentaient de jeter des regards inquiets de part et d’autre, se soignant pauvrement à la hauteur de leurs maigres compétences, Voldemort comprit que quelque chose de grave s’était produit à la question qu’un d’eux posa :
« Qui… qui va le lui dire… ? »
Nagini continua de se glisser avec une discrétion remarquable dans la salle, épousant à merveille les angles que les diables n’imaginaient pas receler des monstres par-delà les ténèbres. Et pourtant là, tapie dans une des ombres, l’Horcruxe laissa son maître observer la scène avec une attention tout humaine. Les combattants se tournèrent tous en direction d’un des leurs, le plus maigre, le plus insignifiant. Il lui rappela d’une certaine manière son inestimable Maître des Potions. En plus sordide, sans doute et plus pathétique. Pourtant là, il semblait que… comment déjà ? Mac Ayrty ? Bramtary ? Remsketty ? Peu importait, il semblait faire autorité sur eux.
« Toi, vas-y, tu étais son second après tout… »
Resté dans le couloir, Voldemort sentit son corps se tendre et le serpent l’imita immédiatement. Il commençait à comprendre quelque chose d’affreusement désagréable.
« Ouais, il a raison, renchérit Thorfinn derrière un rideau de cheveux blonds. T’as qu’à t’en charger Abernathy, c’est toi qui as permis cette attaque. »
Voldemort observa avec beaucoup d’attention la réaction du susnommé qui avait terriblement pâli. Il n’avait effectivement rien à voir avec Snape, l’âme qu’il fixait était apeurée et faible. Pourtant, un semblant de courage l’anima, car il hocha la tête et tourna des talons pour rallier l’étude du Maître. Voldemort coupa là la connexion et remonta prestement dans son bureau. Nagini resta sagement dans son coin sombre à surveiller les rescapés de ce qu’ils commençaient à pressentir être une catastrophe.
Le Mage Noir se reposa sur ses parchemins, et attendit qu’Abernathy frappe timidement à sa porte comme il l’imaginait faire, mais ce sont deux coups résignés qui l’interpellèrent. Le Mangemort semblait savoir qu’il pouvait se faire exécuter.
***
« Rentrez immédiatement ! Dépêchez-vous ! »
Sirius ouvrit d’un coup de baguette furieux la porte du 12 Square Grimmaurd tandis que les Weasley déboulaient rapidement pour déposer le corps de Percy, et que Monsieur Lovegood continuait de faire léviter celui de Mrs Londubat. Harry, sonné, persistait à se faire traîner par Luna alors que Neville et Hermione avaient retrouvé leurs esprits et entouraient Ron qui ânonnait des choses incompréhensibles.
« Lupin, murmura Tonks baguette tirée, je ferme la marche, rentre, ils vont avoir besoin de tes soins. »
Il obéit sans protester et tous se retrouvèrent bientôt dans la grande salle de réception où ils déposèrent les corps avec respect. Molly sanglota en voyant Luna disposer les mains des défunts sur leur poitrine, mais elle se reprit immédiatement en avisant Ron qui continuait de tenir fermement le poignet de sa main droite calcinée. Ses parents l’entourèrent alors que Rémus ordonnait l’invocation d’un certain nombre d’éléments pour soigner les premières blessures. Sirius s’activa en cuisine pour faire des chocolats chauds, Hermione et Neville se mirent à réchauffer de l’eau et des linges propres. Harry resta à les observer, un peu hébété, et quand Tonks le bouscula sans faire attention, il se contenta de retomber sur son séant comme une poupée sans fils. Elle se précipita sur la cheminée et lança une légère quantité de poudre dans l’âtre qui se colora de flammes vertes. La trogne de Maugrey, défigurée sans ses artifices oculaires et nasaux, tira un léger cri à Ginny qui se détourna un instant de sa tâche.
« Réunion immédiate au QG. Il va arriver. Mangemorts en maraude.
— Reçu, soldat. »
Après quoi, les flammes redevinrent normales et Tonks se retourna rapidement pour se poster aux fenêtres et vérifier les enchantements. Fleur restait dans les bras de Bill alors qu’il appliquait sur son cou, qu’elle avait griffé sauvagement, un onguent cicatrisant. Ron, de son côté, continuait de marmonner des phrases sans queue ni tête, les yeux exorbités sur sa main morte. Hermione la lavait avec soin en ravalant les larmes qui menaçaient, en sachant que ce qu’elle faisait était inutile.
« Dans combien de temps ils arrivent ? s’impatienta Monsieur Weasley.
— Je ne sais pas, Snape a déjà beaucoup à faire…
— Putain, c’est vrai que… »
Personne ne sut ce que Sirius allait dire, parce qu’ils s’observèrent tous un peu choqués de la conclusion de l’attaque. L’Animagus se tourna vers Rémus et donna un coup de tête en direction d’Hermione et Ron.
« Ce n’est pas risqué qu’elle y touche ? glissa-t-il.
— … Non. Non… C’est… »
Rémus échangea un bref regard avec Hermione qui avait déjà compris, et la jeune fille hocha la tête en continuant de laver la main nécrosée.
« Il a eu un sacré bon réflexe, quand même, de bloquer immédiatement la progression de…
— … Action, réaction. Sort, contre-sort… »
La voix de Ron avait légèrement forcé, coupant Sirius et ils se turent brusquement. Il était tout simplement en état de choc. Harry ricana, et l’horreur tomba sur le salon en entendant ce son terriblement malsain. Le garçon restait assis et fixait un point précis du mur en riant méchamment.
« Harry… s’approcha doucement Luna, craintive. Tu… Tu es là ? »
Le masque qu’il arborait se changea soudain, la faisant reculer brusquement. À présent il la fixait avec une indicible haine, montrant les canines comme un animal prêt à mordre.
« Ha…Harry ? »
Il hurla en réponse, sautant sur ses genoux, les poings fermement tendus dans sa directement, il hurla, hurla d’une rage terrible, comme s’il pouvait déchirer le petit corps de son amie par la simple force de sa voix. La Serdaigle recula encore d’un pas et Xenophilius se précipita pour se poster entre sa fille et Harry.
« Recule, Potter. Ne t’approche pas. »
Les vociférations de Harry tirèrent Rémus et Sirius de leurs activités qui attrapèrent les bras du garçon pour l’empêcher d’avancer davantage, comme terrifiés à l’idée qu’il se jette en effet sur eux. Luna se dégagea de l’étreinte de son père et continua de fixer Harry avec incrédulité, les cris ne cessant pas.
« Ce… Ce n’est pas Harry… » Conclut-elle avec effroi.
***
« J’y vais immédiatement. Severus, prenez Miss Smith avec vous et rejoignez-nous avec quelques potions. Quelqu’un s’est occupé de Maugrey ?
— Je pense que Tonks s’en est chargé, Monsieur le Directeur.
— Parfait, vous avez un quart d’heure, pas plus. »
Dumbledore se leva avec rapidité et après un geste en direction de sa pensine se précipita au-dehors, Severus sur les talons. L’ancien espion descendit rapidement les escaliers qui le menaient à ses appartements, ses beaux habits de Noël déposant boue et sang à son passage. Il s’arrêta, agita sa baguette pour effacer ses traces et se nettoyer quelque peu, et entra sans s’annoncer. Il avait laissé Jane dans la baignoire et s’attendait peut-être à l’y retrouver, mais il n’y avait personne dans la salle de bain, personne dans le salon. Il allait se rendre dans ses appartements à elle quand il s’avança, inspiré, en direction de sa chambre. Là, sur son lit, drapée dans son peignoir, la jeune femme était roulée en boule, son coussin serré fermement dans ses bras. Severus ouvrit la bouche de stupeur en la voyant, puis pinça légèrement des lèvres. Ils n’avaient pas le temps pour être plus délicat. Il s’approcha à pas mesurés et posa une main ferme sur son épaule qu’il secoua légèrement :
« Jane, levez-vous. »
Il s’attendait à la voir jurer, gémir, se détourner de son étreinte, mais pas sursauter, mettant le coussin entre eux comme un bouclier improbable et lui jetant un regard d’animal prêt à en découdre. Quand elle réalisa qui il était et où ils étaient, elle sembla retrouver le souffle et son regard s’adoucit.
« Il est quelle heure ?
— Presque deux heures, levez-vous, nous allons à Square-Grimmaurd. »
Elle obtempéra sans mot dire et il agita sa baguette pour que le peignoir prenne la forme d’une sorte de robe noire épaisse avec un gros manteau à large capuche. Elle s’y cacha instinctivement, tandis qu’il sortait un coffret en bois garnis de fioles de potions diverses. Ils retournèrent en direction du parc de Poudlard, débouchant sur les grilles leur permettant de transplaner sans échanger le moindre mot. Les Aurors semblaient alertes, car ils en croisèrent quelques-uns qui cherchaient sans doute un peu de réconfort auprès d’eux. Mais le duo n’avait rien de héros capables de rassurer les troupes, et il se contenta d’arriver aux grilles avec toute l’urgence que la situation réclamait. Là, ils échangèrent un bref regard et il écarta les bras comme il en avait pris l’habitude ces derniers temps pour qu’elle s’y love. Cependant cette fois, au lieu de poser négligemment sa tête contre son torse, elle posa son menton contre sa poitrine et se tint fermement à ses hanches. Elle était trop secouée pour transplaner dans de bonnes conditions. Il comprit à quel point elle avait la nausée quand ils atterrirent violemment dans Londres, se réceptionnant mal à cause de la douleur qui ne le quittait plus vraiment. À quatre pattes, il la vit vomir dans une poubelle, puis elle se releva chancelante et hocha la tête dans sa direction.
« Ça va aller ? lui demanda-t-elle d’un ton brusque alors qu’il se remettait sur ses pieds en grimaçant.
— Vous me le demandez… J’ai connu mieux. Un instant. »
Il agita la baguette dans sa direction et l’atroce goût de bile qui brûlait sa gorge la quitta, Jane soupira de contentement et se rapprocha, le laissant ouvrir la marche. Ils passèrent à peine le portique de la maison que les vociférations de Harry firent bondir Snape qui s’élança directement dans le salon. Jane lui prit la boîte des mains pour lui permettre de réagir et la donna directement à Molly en fixant un Harry Potter instable et inquiétant.
« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? cria Severus.
— C’est… C’est… C’est… balbutia Sirius en tenant de retenir son filleul.
— PROFESSEUR ! Appela Harry pour la première fois. Il est… Il est si… PROFESSEUR ! »
Le garçon rejeta la tête en arrière pour fixer Severus, un sourire terrible accroché aux lèvres et les yeux paniqués, des larmes de douleur perlant à ses cils.
« Je sais, Potter, je le sens moi aussi. »
***
Abernathy avait déjà eu envie de mourir. De nombreuses fois. Il y avait très sérieusement songé en deuxième année à Poudlard. Puis en cinquième, sixième, et tout au long de la septième. Il y repensait de temps à autre en rentrant de son travail. Il n’y pensait plus depuis qu’il était au service de Voldemort… jusqu’à cet instant. À cet instant, il se rendit compte que jamais, jamais, il n’avait vraiment désiré la mort. Se tordant dans tous les sens, il entendait à peine les hurlements de fureur de son nouveau Maître. Et lorsqu’il eut l’annonce de la délicieuse inconscience, Voldemort arrêta le Doloris d’un geste sec, refusant la moindre possibilité de répit. Aux portes des ténèbres, Abernathy sentait nettement le Mage Noir tourner autour de lui et respirer de plus en plus difficilement. Il semblait que l’homme ne pouvait contenir toute cette rage tant elle était infinie.
« JE LUI AVAIS DIT DE NE… COMMENT EST-ELLE MORTE ? REPETE-LE !
— Elle… Une… Monseigneur !
— DIS-LE !
— Égorgée… Égorgée comme…
— Une bête. » Compléta Voldemort d’une voix si glaciale que le feu qui ronflait dans la cheminée sembla s’éteindre soudain. « Regarde-moi, REGARDE-MOI MISERABLE ! »
Il agrippa les cheveux de Joseph et tira brusquement en arrière pour plonger son regard écarlate dans le sien et le sonder. Voldemort y vit tout. Tout, et même plus. Bellatrix, ses plans, leur entraînement. Il vit ses ambitions, il vit son projet de détruire Potter, il comprit ses raisons, il vit l’attaque. L’inconnue qui détruisait vulgairement une de ses fidèles. Il vit Severus à terre, il comprit, là aussi. Il vit Harry au loin, lançant l’Impardonnable, et sortit brutalement de l’esprit tourmenté du Mangemort en haletant.
C’était ça, ce plaisir inattendu. C’était ça qu’il avait ressenti. Cela tourbillonnait beaucoup trop vite, il ne parvenait pas à se fixer lui-même sur ses émotions, incapable de contenir la haine qu’il ressentait à l’égard du traître. Il se sentait attisé par un feu qui n’était pas le sien, ou bien si justement. Mais un écho, au loin, rendait tout calme impossible. Il repensa au traître, il fallait l’appeler ainsi désormais. Le traître. Cette simple idée lui était insupportable.
Voldemort hurla et frappa son bureau d’une série de sortilèges, frappa Abernathy de ses propres mains, les flammes de l’âtre vrombissaient de plus belle alors que la magie venait à les exciter. Le pauvre vendeur de balais pensait que son heure était arrivée lorsque le Fourchelangue siffla, mais au lieu de lui porter le coup fatal, Voldemort sortit en trombe de son bureau et se précipita dans le salon où s’étaient terrés comme des lâches les autres Mangemorts. Et bientôt, à ses cris de rage se mêlèrent de terribles hurlements de souffrance.
***
« FERMEZ VOTRE ESPRIT, POTTER !
— Je peux pas… Je peux pas ! Il sait ! OH PROFESSEUR ! IL SAIT TOUT ! IL SAIT QUE VOUS…
— Par l’enfer, où est Dumbledore ?!
— Auprès du Ministre, répliqua la voix rocailleuse de Maugrey qui venait d’arriver.
— Merde ! jura Snape en surprenant l’assemblée. Harry ? Harry regardez-moi, je vais vous aider, regardez-moi !
— Maugrey ! Le fils Weasley a besoin de soins d’urgence, interpella Tonks sans arriver à quitter Harry et Snape des yeux pour autant.
— Lui ? demanda le guerrier en fixant son œil magique sur Percy. Il ne protestera pas beaucoup si on le fait patienter… Snape qu’est-ce que vous comptez…
— ALASTOR, JE PARLE DE RONALD ! » Lui beugla Tonks avec entêtement.
Il sursauta et claudiqua en direction de Ron qui continuait de réciter plus ou moins les cours de Severus, les doigts fermement serrés autour de son poignet surplombé d’une main noire. Maugrey grimaça en voyant cela et secoua la tête.
« C’est vraiment pas beau, gamin… c’est toi qui a arrêté la propagation ?
— Action… réaction. Sort… contre-sort.
— Soldat, regard’moi ! tonna-t-il brusquement. Qu’est-ce que t’y as mis ? »
Ron eut toutes les peines du monde à revenir dans la réalité, semblait-il. Un instant, on crut qu’il parviendrait à répondre intelligemment, mais son corps se secoua d’un léger frisson.
« Il n’y a pas que le sort qui l’a choqué, murmura Monsieur Weasley, tristement. La mort de Percy l’a…
— Ouais, ouais. Tu as bien fait soldat, ça t’a sauvé. Mais pas ta main, ta main est foutue, d’accord ? Regard’moi Ronald ! Elle sert plus à rien, gamin. Je vais couper.
— QUOI ?! »
Les parents, ainsi qu’Hermione avaient hurlé en conséquence, incapables d’accepter une telle idée. Mais elle ne sembla ni surprendre Rémus, ni surprendre Tonks. Maugrey secoua la tête.
« Il vaut mieux couper pour t’en mettre une nouvelle, ça sera d’la mécanique, gamin. Mais ça sera du bon matos, je connais…
— C’est hors de question ! s’interposa Arthur.
— C’est pas vot’ main, c’est pas à vous que je demande.
— C’est mon enfant.
— C’est… d’accord… »
La toute petite voix épuisée de Ron les coupa, et derrière les tremblements de sa lèvre et quelques mots encore fous qui s’échappaient de temps à autre, ils le virent répéter, le regard soudainement plus lucide.
« Coupez, coupez Fol’œil…. Action… Réaction, ajouta-t-il d’un air décidé. »
Molly masqua sa bouche de sa main, s’intimant au silence le plus complet alors que son dernier fils prenait une décision terrible. À l’exception des cris et des suppliques d’Harry, le silence se fit sur le salon, et une lourdeur terrible tomba sur eux quand Tonks approcha un tabouret pour son mentor. Il s’y assied, décalant anormalement sa jambe amputée pour pouvoir avoir l’enfant au plus près de lui. Ron fut installé presque entre ses jambes, à genoux, alors qu’il posait sa main morte sur la cuisse d’Alastor. Elle était racornie, si petite sur ce morceau de viande encore vigoureux. Ron eut la fugace impression de l’avoir mise sur le billot, et il lui sembla à cet instant que Maugrey n’était rien d’autre qu’un bourreau assermenté.
« Tenez-le, ordonna-t-il à l’adresse de Neville et Hermione.
— Il va avoir mal ? balbutia Fred.
— Je croyais que c’était mort ! s’exclama George.
— C’est mort. Mais son esprit le refuse encore…
— Il va vouloir se protéger, expliqua Arthur en regardant son fils avec tristesse.
— Allez-y par Morgane ! Action, Réaction ! Coupez, mais coupez donc ! »
L’hystérie se mêlait sérieusement à la terreur et Ron frissonna quand Hermione passa sa main contre son dos, posant son visage dans son cou et lui murmurant qu’ils étaient avec lui. Neville se joint à la litanie, incapable de se détourner du spectacle morbide. Maugrey tira sa baguette de son étui et passa la pointe sur les doigts calcinés et les phalanges anormalement saillantes. Le jeune homme ne sentit rien, cela ne l’empêcha pas de tressaillir d’anticipation. L’Auror traça le contour de son poignet, remontant volontairement sur une zone encore pleine de nerfs, une sensation glaciale descendit dans ses veines, le cœur de Ron fit une embardée avant de ralentir brutalement. Là, dans cet instant fugace, il croisa le regard de Maugrey et hocha imperceptiblement de la tête. La baguette traversa sa chair, ses os, ses nerfs. Sans douleur apparente, Ron sentit pourtant le membre lui échapper, lui être définitivement arraché. Il trembla terriblement, la panique s’emparant de lui alors qu’il regardait son moignon avec incrédulité. Il eut envie d’hurler qu’on lui recolle sa main, qu’on revienne en arrière, mais il était incapable de parler. Maugrey agita lentement le bout de bois qui déposa en filaments une sorte de plaque luisante argentée qui serpenta sur le moignon avant de remonter légèrement et d’enserrer totalement la blessure. Quand le sortilège prit fin, le bras du garçon se terminait alors par une bague de métal luisante et parfaitement polie. Alastor acquiesça, satisfait. Il allait ajouter quelque chose, mais un bruit de casse les coupa. Sirius et Rémus se battaient toujours avec un Harry qui alternait entre suppliques et menaces à l’égard de Snape. L’ancien espion tenait fermement le visage du garçon entre ses mains pour le forcer à croiser le regard.
« Par Morgane, mais tenez-le, vous deux ! »
Mais les Maraudeurs semblaient choqués et Harry les avait repoussés sans difficulté. Snape gronda et ordonna d’une voix sèche :
« Jane, venez m’aider ! »
La Moldue cligna des yeux, sortant de sa contemplation morbide et se précipita vers l’enfant, elle passa ses jambes derrière les genoux de Harry pour l’obliger à les plier, puis glissa totalement ses jambes autour pour l’enserrer. Enfin, Jane passa les bras sous les aisselles du garçon et les verrouilla derrière sa nuque. Harry était totalement coincé et n’avait pas d’autre choix que de laisser Snape entrer dans sa tête. Tremblant à cause de l’effort que lui imposait la posture et le gigotement de l’Élu, Jane pesta :
« S’il me vomit dessus, je vous jure que j’arrête tout »
Snape soupira d’agacement et plongea dans les yeux émeraude pour tenter de fermer l’esprit du gamin.
***
« Mon… Monseigneur, balbutia Timothy Crosby qui voyait pour la première fois Lord Voldemort.
— NAGINI ! »
Les survivants sursautèrent quand le boa bondit des ombres pour se jeter sur le pauvret et le déchiqueter sous leurs yeux. Thorfinn se demanda un instant s’ils allaient tous mourir, mais le Mage Noir se contenta de détruire purement et simplement les nouvelles recrues. Quand la salle fut baignée de traînées de sang formidables et d’éclaboussures morbides et puantes, Voldemort se tourna vers les anciens et leva sa baguette.
« Aucun de vous n’a eu le courage de venir me voir, hein… ? AUCUN DE VOUS N’A ÉTÉ EN MESURE DE FAIRE SON DEVOIR ?! ABERNATHY ! » Hurla-t-il finalement en relevant le menton vers le plafond.
Il fallut quelques instants et une grande force de volonté à l’appelé pour rassembler ses esprits et descendre quatre à quatre les escaliers. La douleur liée aux précédents Doloris lui fit rater une marche et il tomba misérablement au sol. Voldemort allait réagir quand le sorcier, dans un formidable excès d’instinct de survie, ignora la brûlure de sa cheville et bondit sur ses pieds pour se rapprocher d’eux. Il s’inclina, autant que ses blessures le lui permettaient.
« Maître…
— Tiens…, s’adoucit brièvement Voldemort. Il semblerait que Bella m’ait fait un dernier cadeau. »
Il observa l’homme avec intérêt, ses narines détectant aisément le courage qui prenait le pas sur la peur. Sa haine bouillonnait toujours plus, mais la seule vision d’un serviteur aussi fort moralement sembla le ravir. Il se détourna des autres Mangemorts pour forcer Abernathy à relever la tête. De la pointe de sa baguette, il lui leva le menton.
« Tu es un Gryffondor, n’est-ce pas ?
— J’étais, Maître. Je suis votre serviteur, désormais. »
Thorfinn fronça les sourcils devant l’impudence de Joseph qui venait de reprendre leur Maître. Mais Voldemort ne le châtia pas et secoua seulement la tête avec lenteur.
« Pas encore… Mais il est possible d’y remédier… Lève ta baguette. »
Abernathy s’exécuta avec déférence, incapable de réfléchir à ce qu’il faisait. Son corps était atrocement douloureux, mais en comparaison des restes qui jonchaient çà et là dans la salle, il se sentait délicieusement en vie. Il leva donc une tige de châtaignier sobrement sculptée et attendit avec patience que l’ordre tombe. Voldemort hocha lentement la tête et se tourna vers les Mangemorts encore en vie :
« C’est cela, et rien d’autre que j’exige de vous. La soumission la plus complète et la force morale de l’endurer.
— Maître… Je suis tout à fait…, commença Taylor.
— SILENCE ! Abernathy a payé pour l’erreur de Bellatrix. Vous paierez pour la vôtre. »
Il se tourna lentement vers le vendeur et lui posa la main sur l’épaule en se penchant légèrement :
« Ils sont à toi. Fais-en ce que tu veux. »
Joseph gémit légèrement en entendant ces mots, son cœur s’arrêtant un instant de battre, son souffle se bloquant. Il frissonna d’anticipation, une source excitation se déversant dans ses nerfs et les aiguisant furieusement. Il observa d’un œil critique ses nouveaux jouets et quand Thorfinn lui jeta une œillade mauvaise avant de pâlir, il se pourlécha les lèvres. Le pouvoir était une sensation absolument délicieuse. Il leva le bras, et Voldemort s’en alla sans un regard en arrière, Nagini sur les talons. Il était temps de rappeler pourquoi son nom était craint.
***
Les ténèbres étaient écœurantes, comme une masse noire informe, une eau bouillonnante de malfaisance qui ruisselait sur lui et s’accrochait à sa projection avec une force qu’il n’avait jamais endurée dans l’esprit du jeune homme. Cette ombre, Severus l’avait déjà vue. Dormante, tapie dans un coin de l’âme du garçon, attendant la crue pour franchir les digues et tout ravager sur son passage. Il savait ce qu’elle était, il était le seul à avoir vu le morceau d’âme de Voldemort qui sommeillait en lui. Et à présent que la connexion entre les deux Sorciers était aussi puissante, maintenant que la rage du Mage Noir montait à des niveaux qu’il n’avait encore jamais vus, l’esprit tout entier d’Harry se noyait dans ce fragment qui puisait dans la puissance et les émotions du garçon pour rejaillir. Jusqu’où cela pouvait-il aller ? Il l’ignorait, il n’avait pas le temps de se poser cette question. Il devait retrouver Harry au milieu de ces ténèbres et le ramener à la surface. Les ramener tous les deux avant d’être engloutis…
Avançant comme il le pouvait, se mouvant avec difficulté au milieu des souvenirs les plus terribles du jeune homme, Severus tendait tout son esprit en direction du garçon, tentant de le ressentir au milieu du souvenir de son dernier meurtre qui ne manquait pas de détails émotifs. Où était-il bon sang ? Le courant s’intensifia soudain, l’emportant sur quelques mètres pour le faire glisser contre une sorte de rocher coupant où se prélassait un autre souvenir, celui où Harry rencontrait Severus pour la première fois. Merlin, le gosse ne devait surtout pas penser à lui à cet instant ou bien… une ombre fondit sur lui, précédant une vague d’ébène qui s’abattit sur son corps et l’emmena par le fond. Les eaux visqueuses l’entraînaient dans le tourbillon d’une haine indicible à son égard et sa marque, pour la première fois depuis qu’il avait débuté les cours d’Occlumancie avec Harry, le brûla à un point tel qu’il en ouvrit mentalement la bouche pour hurler. L’eau spirituelle en profita pour se déverser dans sa gorge et y gonfler ses poumons alors qu’il étouffait lentement. Tandis que l’inconscience le guettait, il goûta avec précision à l’humeur de son ancien Maître et la rage qui animait le Mage Noir à cet instant menaça de le submerger lui aussi. Severus n’avait aucun recours. Il ne pouvait faire appel à aucun souvenir sans que cela ne soit dangereux pour lui ou pour ce qu’il y dévoilerait. Pas avec l’esprit de Harry aussi étroitement lié à… Il ne pouvait se fier qu’à lui-même, il était seul. Il sombra, avec une lenteur qui lui parut être une éternité, jusqu’à sentir près de lui un petit corps chétif et engourdi. Dans les ténèbres il ouvrit les yeux de stupeur, et observa un Harry Potter sans âge, aux traits aussi infantiles que vénérables. Là, sombrant avec lui, il l’avait retrouvé. Harry avait pu l’appeler avant d’être submergé à son tour, et il se noyait à présent dans cette âme assoiffée de vie. Dans un ultime effort, Severus se projeta en avant et lança son bras pour attraper le poignet du gamin. Le simple contact entre eux suffit à faire augmenter la pression sur sa Marque et la densité de l’âme. Gavé de cette aura, Harry le haïssait aussi puissamment que son ennemi. Mais Severus tint bon et chercha à se rapprocher de lui, ils devaient trouver le moyen de remonter, vite ! Le garçon gardait les yeux fermés et son poids symbolique commençait à peser, à ralentir les mouvements de l’enseignant. Une légère panique s’empara de Snape au point que son esprit s’égara sur la pensée de Dumbledore. Où était-il ? La pression augmenta encore, l’âme avait-elle senti cette idée ? Il chassa sa question, les paroles du vieil homme s’imprimant nettement dans son esprit. C’était quoi déjà ? L’amour, c’est ça ? Severus ouvrit la bouche pour parler, l’âme s’y engouffra avec malice, se plaisant à le noyer. Le Sorcier se concentra pour crier à Harry des noms. Pêle-mêle, buvant une tasse immatérielle et sentant la mort cérébrale poindre, il hurlait : Luna, Sirius, Ron, Hermione, Neville… Severus se mit à lister les gens qu’Harry aimait.
Le temps s’étira dans cet esprit saturé par les présences malveillantes, avant de brusquement sembler s’effondrer sur lui-même. Les eaux se firent bouillonnantes, denses, au point tel qu’elles devinrent comme des griffes qui tentaient de les maintenir au fond. Mais Severus continua, suffoquant à moitié, l’esprit tourné vers les proches et les êtres aimés d’Harry. Peut-être pensa-t-il une ou deux fois aux siens ? Peu importait, il cherchait seulement à ramener le garçon à la surface, à les faire remonter et à assécher cette source de violence qui avait grand besoin d’être bue. Pourquoi était-il aussi sensible à Voldemort ? Pourquoi ce soir ? Était-ce la rage du Mage qui était responsable d’une telle violence ? Un sort fusa en réponse au-dessus d’eux. C’était un écho. L’écho du jeune Harry Potter jetant l’impardonnable à quelqu’un. Non pas sa victime de la nuit, mais Luna, puis Sirius, puis…
« NOON… gémit Severus en buvant plus encore la tasse de cette substance qui avait le goût des cendres. Luna qui danse avec toi. Sirius qui te prend dans tes bras… Harry, souviens-toi ! »
Mais l’Avada Kedavra continuait d’être lancé contre ses proches. Un à un ils tombaient sous les coups d’une baguette qui ne tremblait pas, qui, au contraire, prenait un plaisir particulier à tuer. Harry n’ouvrait pas les yeux, il semblait se noyer simplement, comme renonçant à ce qui faisait de lui Harry Potter.
***
Jane sursauta quand la main droite de Snape quitta le visage d’Harry pour agripper son bras. Bouche ouverte, comme cherchant à retrouver de l’air, son ami gardait les yeux rivés à celui de l’enfant, le corps soulevé de spasmes d’une violence écœurante. La Moldue écarquilla les yeux de choc avant de glisser instinctivement ses doigts sur la main de Severus et de les emmêler rapidement.
« Je suis là ! Ramenez-le, je suis juste là ! »
Jane jeta un regard paniqué à Maugrey qui observait la scène, baguette tirée, sans trop savoir comment réagir. Luna se dégagea de l’étreinte de son père avant de se précipiter près d’Harry et de poser sa main contre sa poitrine :
« Reviens, Harry… S’il te plaît, on a tant de choses à découvrir… »
Les deux femmes invoquaient en vain leur compagnon, tandis que les corps se secouaient en rythme avec les péripéties mentales qui leur étaient invisibles. Quand Harry cessa de se battre contre la poigne de Jane, cette dernière gémit d’angoisse, et regarda l’assemblée, totalement paniquée. Sirius et Rémus tentèrent de l’assister, la stupeur et l’incrédulité de mélangeant à leurs émotions. Soudain, Harry se tendit brutalement, et Jane comprit instinctivement la raison de cette réaction en entendant une voix :
« Continuez Miss Lovegood et Smith. Appelez-les. Ils doivent revenir. »
Sa formidable aura rayonnait autour d’eux en vagues ondoyantes rassurantes. Dumbledore venait de débouler dans la pièce et s’approchait assez près de ses protégés pour qu’ils réagissent. D’un ton autoritaire, il continua :
« Vous avez fait une promesse, Severus ! »
***
Ils avaient beau le supplier, ils avaient beau appeler son nom, cela ne changeait rien. Et c’était peut-être cet état de fait qui était délicieux : il se refusait à leurs suppliques, se refusait à leurs caprices. Il avait le contrôle, le pouvoir. Il décidait de leur vie. Oh… Oui.
Joseph maintint le sort plus longtemps encore sur Thorfinn, le magnifique Mangemort à la chevelure blonde soyeuse, aux muscles si élégamment taillés. Cet homme qu’on prendrait aisément pour un dieu des légendes du nord tant sa force faisait plaisir à voir. À présent, celui qu’on aurait pu surnommer « Le fils d’Odin » se tordait à ses pieds comme un corps misérable aux spasmes incontrôlés et pathétiques. Il suppliait. Moins que ses congénères, mais il suppliait, comme tout mortel l’aurait fait. Le briser lui, et sa perfection esthétique, était un plaisir inouï pour Abernathy, presque égalé par la certitude que s’il mourait après cela, jamais son existence n’aurait été plus expressive qu’à cet instant.
Lui qui avait tant fui les ténèbres durant sa scolarité, avant tant cherché à être « quelqu’un de bien », « quelqu’un de courageux » ; se complaisait dans cette sensation qu’on lui avait décrite comme étant impie. Et pourtant là, maintenant qu’elle alimentait son âme et faisait vibrer son corps, elle n’était qu’un délice absolument inqualifiable. La Magie Noire, si rudement châtiée à Poudlard, était son opium salvateur.
***
Quelque chose luisait à la surface. Ou du moins, il en avait l’impression. Et Severus se raccrocha à cette idée pour tenter d’attirer Harry à lui. Il accepta une nouvelle fois de boire de cette boue immonde pour lui hurler :
« ON NOUS ATTEND ! »
Mais il avait beau tirer sur le poignet du garçon, son corps semblait mortellement lourd. Il ouvrit cependant les yeux et ce ne sont non pas des billes d’émeraude qui le fixèrent, mais quelque chose de plus terne, quelque chose de plus absent que le discours qu’il lui tint lui-même :
« Non. Ils attendent Harry Potter. »
Malgré les courants et la viscosité de l’endroit, Harry ne semblait pourtant pas boire la tasse comme le faisait son Maître Occlumens. C’est avec grande peine que Severus tenta d’argumenter :
« Arrêtez de faire l’enfant, Potter, battez-vous.
— Non.
— Vous allez mourir.
— Nous mourrons tous un jour.
— La peste soit votre entêtement, Potter ! je n’ai pas l’intention de crever ici.
— Pourquoi pas ? Vous reverriez maman, au moins… »
Severus tressaillit, autant mentalement que physiquement. Quand Harry prononça le mot « maman », dans les ténèbres, une voix nasillarde caqueta en même temps « Lily Evans », le nom se répercutant avec force et s’avalant dans les tourbillons noirâtres. Ce morceau d’âme de Voldemort avait compris depuis trop longtemps qui était véritablement Severus Snape.
***
Les doigts de Severus se mêlèrent avec plus d’empressement aux siens, et cela n’était absolument pas pour rassurer Jane. Le romantisme n’était pas de mise, et voir son ami se raccrocher autant physiquement à elle était bien un signe catastrophique. Elle se pencha en avant, posa sa tête sur l’épaule de Harry en continuant de tenter de le maintenir, cherchant à s’adresser aux deux :
« Revenez… Merde, quoiqu’il se passe, revenez, par pitié… Vous feriez pleurer tant de gens si vous restiez…, elle suspendit sa phrase, incapable de savoir comment la terminer.
— Harry, s’il te plaît, reprit Sirius. Il ne me reste plus que toi… Et un loup-garou. Me laisse-pas avec lui.
— Je viens de me marier, Harry. Je te souhaite de connaître cette angoisse. Me laisse pas seul avec ma terrible femme et mon immature d’ami, ajouta Rémus.
— Harry… renifla Neville toujours accroché à Ron. Si tu restes, je… Je serais seul… »
Un à un ils appelèrent Harry, le suppliant, lui rappelant de bons souvenirs, Hermione et Ron firent référence à leurs moments, Molly et Arthur à leur amour pour l’enfant, Fred, George, Bill, Fleur et Ginny à leur sentiment de parenté… Chaque personne dans la pièce invoqua son nom, jusqu’à Dumbledore qui lui demanda innocemment qui lui offrirait nouvelles chaussettes l’année suivante. Une profusion d’amour fusa.
***
Severus releva les yeux vers la lueur qui se faisait de plus en plus vive. Au-dessus, à la surface, il y avait bien quelque chose et ils n’étaient pas seuls à lutter contre Voldemort. Merlin bénisse l’Ordre du Phoenix et leur propension à se répandre en sentimentalisme !
« Mais… Pourquoi vous vous battez, Professeur ? » Lui demanda alors Harry avec l’écho de sa voix nasillarde qui faisait trembler son enseignant au-delà de ce qu’il pouvait admettre.
Snape arrêta un instant de le tirer vers la surface, intrigué par cette interrogation qui semblait autant venir d’Harry que de l’âme de Voldemort en lui. Ce dernier fragment ne laissa ni l’enfant ni le sorcier répondre et précisa en persiflant :
« Pourquoi vous battre, laissez-vous aller, rejoignez-la… »
Severus plissa des yeux dans les ténèbres et rassembla toute sa volonté pour imprimer sa réponse dans l’esprit d’Harry aussi nettement qu’elle le méritait :
« C’est exactement ce que je tente de faire, Tom, et j’emmène Harry avec moi. »
Il profita de l’hébétement du fragment d’âme pour s’élever de quelques centimètres, s’ébrouant avec difficulté, nageant, rampant, courant, escaladant, volant, en direction de cette surface, de cet air, de ce ciel, de cette réalité. Il tira le gamin avec lui, par la seule force de sa volonté, traînant un corps aussi mort que celui qu’il avait, lui, il y a encore quelques années ; et là, dans cette sublime félicité, cette lumineuse renaissance, il croisa le regard mental de son protégé et hocha la tête avec lenteur.
***
Harry cessa de se débattre et sembla se détendre instantanément. Jane sentit ici le signe qu’elle attendait et relâcha doucement sa prise, ses doigts se défaisant par la même de ceux de Severus. Lentement, les deux corps des explorateurs mentaux s’affaissèrent et reprirent vie pour se raccrocher à leur réalité. Là, dans le silence choqué de la pièce, Harry et Severus s’observèrent dans une intimité que personne d’autre ne pouvait partager. Ils s’observèrent en silence, avant que les proches de Harry ne lui sautent dessus avec émotion, laissant Jane et Severus tenter de se relever des leurs.
Dans les bras de Luna et Sirius, Harry leva un regard honteux vers l’assemblée, avant de déclarer d’une toute petite voix :
« Pardonnez-moi. Tous… J’ai échoué encore une fois ce soir. »
Snape renifla en cherchant à retrouver une posture où il ne souffrirait plus ni des Doloris lancés plus tôt, ni de la brûlure de la Marque, ni des vertiges liés à son excursion mentale.
« Au contraire, Potter. Vous avez fait ce qu’on attend de vous, vous vous êtes battus. Monsieur le Directeur, enchaîna-t-il. Où en sommes-nous, désormais ? »
Albus balaya la salle du regard, les yeux se posant un instant sur les deux cadavres qui n’avaient pas quitté leur posture honorifique. Il croisa ensuite brièvement celui de Maugrey, et tourna des talons.
« Si tout le monde est soigné, retournons dans la cuisine, voulez-vous ?
— Et nos morts, Albus ? s’étrangla Molly. On les laisse ici ?!
— Ils ne vont pas s’échapper, répliqua sans aucune délicatesse Fol’Oeil. De toute façon, ils sont sous stase, reformez les rangs, nous devons nous ressaisir. »
Il ouvrit la marche en direction de la cuisine de son pas claudicant, suivi par une bonne partie des adultes un peu incrédules. Une voix légèrement chevrotante demanda alors :
« Et nous ? »
Dans la cuisine, Maugrey s’arrêta alors qu’il semblait déterminé à se servir un alcool particulièrement fort.
« Quoi Weasley ? Vous quoi ?
— Et nous ? redemanda Ron. Est-ce qu’on peut assister à la réunion ?
— Il me semble, soldat, que t’as gagné tes galons » Répliqua Maugrey et observant ostensiblement les parents de Ron.
Molly et Arthur hochèrent de la tête sans attendre une seconde de plus. Renonçant définitivement à l’idée que leurs enfants puissent être encore protégés de cette guerre. Lentement, un à un, les ados se levèrent et entrèrent pour la première fois dans cette cuisine pour cet office. Albus ne prit aucune chaise et se contenta d’attendre que tout le monde retrouve ses esprits et termine ses premières gorgées. L’esprit légèrement réchauffé par l’alcool, chaque baguette attendait avec patience que le doyen entame la discussion. Après un regard entendu en direction de Severus, Dumbledore se racla la gorge et commença :
« Bien. Nous déplorons donc deux morts : Perceval Weasley et Augusta Londubat. Ronald Weasley a été gravement blessé et amputé, Fleur Delacourt est superficiellement blessée. Neville Londubat et Severus Snape ont eu à subir le sortilège de Doloris à très forte dose. À ce propos, Monsieur Londubat, finissez la fiole que vous a donnée Mrs Weasley si vous voulez vous remettre totalement. »
Le brun s’exécuta prestement, remerciant encore une fois dans un souffle Severus pour sa caisse de potions.
« L’ennemi compte quatre morts… Trois Mangemorts inconnus et Bellatrix Lestrange…
— LESTRANGE ? s’exclama Maugrey avec fiel. Qui a abattu cette banshee ? Toi, Snape ? »
Il se tourna vers l’ancien espion, un air profondément admiratif et satisfait accroché sur ses cicatrices. Mais Severus secoua lentement la tête avant de la tourner en direction de Jane. Le vieil Auror gronda, incrédule, et la jeune femme confirma :
« C’est moi.
— … Et comment vous y êtes-vous prise ? »
L’assemblée la fixait, même ceux présents lors de l’attaque peinaient encore à comprendre ce qu’il s’était passé. Les plus jeunes, évidemment, avaient d’autant plus de mal qu’ils ignoraient pourquoi Jane n’avait pas usé de magie. La Moldue lança un regard mort à son public, puis elle haussa les épaules.
« Je l’ai égorgée, c’est tout. »
Un silence terrible accueillit cette déclaration morbide. Severus observait avec beaucoup d’attention la jeune femme, scrutant intensément la moindre micro-expression qui aurait pu en dire davantage, mais il n’y avait rien de plus que ce qu’elle affichait ici. Rien de plus que dans la salle de bain. Maugrey renifla légèrement en s’approchant, comme refusant quelque chose d’aussi surréaliste.
« Comment ça, « c’est tout » ? Comment ça « égorgée » ? Expliquez-moi comment quelqu’un comme vous a pu faire ça.
— Comme on a toujours fait, répliqua Jane une sourde tension dans la voix. Comme l’être humain l’a toujours fait, vieil homme : en faisant couler le sang.
— Ne me prends pas…
— Alastor ! coupa Dumbledore d’une voix particulièrement autoritaire. Continuez, Jane. Expliquez-lui.
— Il n’y a rien à dire. Je me suis levée, j’ai pris un couteau, je me suis approchée de dos, et j’ai tenu sa tête pendant que je tranchais sa gorge. De gauche à droite, si ce genre de détails vous intéressent. »
Severus plissa des yeux, et il se rendit compte qu’Albus était tout aussi attentif que lui. Jane ne tremblait pas, sa voix ne montrait qu’une profonde colère vis-à-vis de Maugrey. Alastor considéra gravement la jeune femme, puis pinça tant des lèvres que sa bouche se tordit plus encore si cela eut été possible.
« Alors t’as du sang sur les mains… Tu sais ce que c’est maintenant.
— Ouais, jappa presque Jane. J’ai gagné mon droit à manger à table, alors ? »
Elle avait presque craché cela en gratifiant Alastor d’une œillade mauvaise. Albus allait ouvrir la bouche pour s’interposer, mais elle lui coupa l’herbe sous le pied :
« Je ne suis pas un animal. Je suis une Moldue, ça n’a rien à voir. Et maintenant que j’ai su… Comment vous aviez dit ? Me rendre utile, c’est ça ? Eh bien maintenant que j’ai prouvé ma valeur, vous allez me lâcher, Fol’Oeil. Je pense qu’il est superflu de vous dire que je n’ai nullement peur de vous. »
Cette dernière remarque avait été lancée froidement, et Jane releva le menton dans un air de défi qui fit grimacer Severus. Des années auparavant, lui aussi avait tiré de son premier meurtre un vrai sentiment de puissance. Il n’aima pas voir cela chez sa joyeuse amie, mais se tut. Maugrey sembla jauger un instant les propos et hocha finalement la tête.
« Ouais. Ouais, t’as raison, gamine. Mais si tu retournes sur le terrain, Moldue ou pas Moldue, t’as intérêt à savoir obéir à un ordre, parce que sinon…
— Je crèverai. Je sais. »
Dumbledore la considéra gravement et soupira :
« Je ne m’attendais pas à ce que vous ayez à faire ce genre de choses, Miss…
— Aucune importance. Je suis content qu’elle l’ait fait, intervint Severus. Bellatrix avait particulièrement à cœur de me tuer, ce soir…
— Vous êtes devenu une cible, murmura Harry qui reprenait des couleurs. Je ne vous apprends rien en vous disant qu’Il a bien l’intention de vous faire payer votre traitrise.
— Non en effet, vous ne m’apprenez rien, Potter. Je le sens constamment sur mon bras. Mais j’assume mon choix.
— Si vous n’étiez pas intervenu…, commença Neville. Je… Je serais mort moi aussi.
— Je pense qu’en réalité nous serions beaucoup moins nombreux. Neville et vous, Snape, avez capté l’attention de Lestrange. Ça a sauvé Harry sans doute et…
— Je croyais qu’Harry ne pouvait se faire tuer que par l’Autre, coupa Ron.
— Il ne risque plus d’en douter, désormais, reprit Severus. Albus, qu’en est-il du Ministre ? Qu’a décidé Scrimgeour ?
— Que pense Malefoy, surtout ? » Glissa Lupin avec inquiétude.
Dumbledore regarda gravement la grosse horloge qui cliquetait dans la cuisine. La nuit était déjà avancée, et il lui sembla qu’il ne resterait jamais assez de temps pour jouer les prochains coups. Ce fut Maugrey qui le tira de sa rêverie en posant plus durement la question :
« Par Morgane, Albus, qu’est-ce que l’autre Mangemort a décidé de faire ?!
— … Une chose à la fois. Molly, Arthur, laisserez-vous vos enfants retourner à Poudlard dès cette nuit ?
— Ou…Oui, évidemment ! C’est le seul endroit sûr pour eux ! » S’exclama Arthur en déclenchant un coup d’œil de Snape en direction de Dumbledore.
Mais le mage ne pipa mot et rien dans son attitude ne laissa transparaître que c’était faux. Il ne contredit pas Monsieur Weasley, ne disant rien à propos de Jane, et avant que l’agacement n’étouffe son raisonnement, Severus tourna la tête vers Jane pour tenter de prévenir un dérapage de sa part. La jeune femme pinçait des lèvres en tentant de contenir une grimace de dégoût, mais un bref regard échangé laissa une impression désagréable dans l’esprit de Snape. Jane tint sa langue, mais ses yeux trahissaient aisément ce qu’elle pensait de la manœuvre.
« Alors c’est entendu, reprit Dumbledore. Nous vous installerons dans des chambres séparées de vos camarades. Aucune discussion ou contact avec eux ne sera toléré, pas un mot à la Presse.
— Mais, Professeur, commença Sirius que Dumbledore fit taire d’un geste de la main.
— Pas un mot, c’est un ordre. Ils le sauront très tôt, mais j’interdis à quiconque ici de fournir le moindre détail ou la moindre rumeur. Vous n’êtes pas sans savoir que l’Ordre a été officiellement dissout, absorbé par la nouvelle Brigade de Lucius Malefoy, si l’opinion publique apprenait que Miss Tonks avait usé de son permis de tuer en dehors de l’autorité du Ministre de la Justice…
— Lucius doit s’en douter, Albus…, nuança Snape. Et il finira par avoir les informations par son Maître.
— Je ne préfère pas m’avancer quant à la communication entre Voldemort et Malefoy. Le Ministre n’avait pas l’air disposé à se rendre là-bas, Severus. Il va jouer le temps et la carte de l’opinion publique, lui aussi. De ce qui sera écrit dans les journaux dépendra beaucoup de son propre avenir… Par ailleurs, Malefoy a déjà demandé à ce qu’un détachement spécial de la Brigade arrive à Poudlard dès demain pour assurer…
— QUOI ? Mais il ne peut pas outrepasser le bureau des Aurors aussi facilement que ça ! s’écria Tonks.
— C’est ce que le Premier Ministre a répondu, Miss… Cependant cette question reviendrait forcément nous hanter si Lucius avait des éléments prouvant que…
—Il veut foutre ses jouets dans votre maison de poupées, coupa Jane en fixant le vieil homme. Et tout sauf ça, n’est-ce pas ?
— C’est exact, Miss Smith, concéda Dumbledore. L’heure est trop grave pour que j’ouvre Poudlard à n’importe qui. Et pour le moment, la maison reste encore fermée. Harry ?
— Monsieur ?
— Je veux que tu te reposes quelques heures et que tu me rejoignes demain quand le soleil commencera à être haut. J’ai besoin de toi.
— Attendez un peu… tenta Sirius.
— Non, s’il te plaît. Je sais ce que je dois faire, l’arrêta Harry. C’est bon Monsieur le Directeur, je serai là.
— Merci, Harry. Quant à vous tous, reposez-vous, soignez-vous, la colère de Tom enflera jusqu’à s’abattre sur nous, n’en doutez pas un seul instant.
— Il attaquera… ? demanda Jane gravement. »
La question semblait presque anodine, l’assemblée se préparait à cette éventualité sans mesure la gravité réelle de la situation. Jane, elle, fixait Dumbledore avec sérieux et angoisse. Le Directeur se lissa la barbe lentement et répondit :
« Sans doute. Le Terrier à nouveau ? Pré-au-Lard… »
Jane ouvrit la bouche, mais Severus posa sa main sur la sienne, l’intimant au silence le plus complet. Elle se retint de justesse, et Harry offrit une diversion parfaite.
« C’est pour ça que vous précipitez les choses. Je comprends. Je serai prêt, Professeur.
— Merci, Harry, répéta Albus en continuant de fixer Jane et Severus en silence.
— Et… Et nos morts ? demanda Neville avec tristesse. Je… Je ne veux pas qu’il y ait une quelconque récupération Politique. Grand-Mère mérite bien mieux que cela…
— De toute façon le Gouvernement ne pourrait consentir à un tel attroupement dans ces conditions, expliqua Monsieur Weasley. Nous n’avons pas d’autre choix que de nous en charger nous-mêmes.
— Vous pouvez disposer de la crypte familiale, si vous le désirez… glissa Sirius incertain. Je… Je n’ai rien de mieux à vous offrir que de frayer avec les cadavres de… Mais vous y serez en sécurité pour faire vos adieux.
— J’ignorais qu’il y avait…, commença Harry.
— Seul l’héritier peut y avoir accès. Même Kreattur ne pouvait y aller…, expliqua Sirius. Heureusement, d’ailleurs. Je l’aurais retrouvé en train de nettoyer frénétiquement l’urne de Mère. Il y reste deux places encore… Celle qui devait être utilisée pour mon frère, et une pour moi, évidemment. On n’a jamais revu Régulus, on a supposé qu’il était mort au service de Voldemort et… et que le corps avait dû être laissé à l’abandon. Mère n’a jamais eu le cran de demander les restes. Enfin… J’ai… J’ai deux emplacements, si vous le désirez. »
Sirius termina son explication mal à l’aise, la voix légèrement chevrotante. Rémus s’approcha de lui en comprenant ce qui revenait hanter son ami, et le silence perdura quelques instants dans la cuisine. Dumbledore laissa une poignée de secondes supplémentaires pour que les esprits se recentrent et prit congé, Maugrey lui emboîtant le pas.
« Je retourne à la maison, annonça Tonks. Malefoy n’est pas stupide, il sait que je suis mariée à Rémus désormais et fera le lien très vite entre Noël et ma présence possible. Je risque d’être convoquée ou réquisitionnée pour Poudlard…
— Soit, je t’accompagne, à moins que Sirius et Harry…, commença Rémus.
— Non, allez-y, coupa Sirius. Je ne sais pas comment vous souhaitez procéder, mais je pense que vous préfèreriez que cela soit intime ? » Ajouta-t-il en se tournant vers les Weasley et Neville.
Molly et Arthur hochèrent la tête en silence, et Neville prit la parole pour tous :
« Je pense que c’est encore le mieux, que chacun puisse se reposer et que nous nous occupions de cela en privé…
— Très bien, en profita Severus pour tenter une sortie. Potter, vous avez vos ordres. Londubat, si vous avez la moindre séquelle, vous venez me voir. Molly, Arthur… Mes condoléances, offrit-il en surprenant l’assistance. Black, Lovegood, soyez sur vos gardes.
— Peut-être devrions-nous les laisser, papa ? proposa Luna doucement.
— Non ! s’écria Harry. Enfin… à moins que… que vous préfériez vous en aller après ce qu’…
— Monsieur Potter, le coupa Xenophilius, vous n’êtes pas un problème à mes yeux, mais Luna a raison, vous avez besoin de rester en famille.
— Justement…, reprit Harry piteusement.
— Restez tous les deux, coupa court Sirius. Il nous faut nous hâter cependant, Harry. Je ne sais pas ce que te réserve Dumbledore, mais tu vas avoir besoin de repos.
— D’accord, d’accord… Allons-y. Mais, avant : j’ai quelque chose à… Mais… ? Ils sont partis ?
— Qui ? »
Harry ne lui répondit pas et se rua dans le couloir en espérant arriver à attraper Jane et Severus qui s’étaient éclipsés pendant la fin de la discussion. La main sur la poignée, Snape se tendit quand il l’interpella :
« Hey, attendez, Professeur ! »
Après un soupir, Snape se retourna lentement et l’observa d’un air profondément las.
« Qu’est-ce que vous voulez, Potter… ?
— Vous remercier.
— C’est fait, bonne soirée, Potter.
— Attendez !
— Quoi, encore ?!
— Je… Je suis désolé de ce que je vous ai dit, dans… »
Severus ouvrit la bouche, légèrement surprit qu’Harry s’en souvienne, puis il reprit contenance.
« Ce n’était pas vous, Potter. Je commence assez à vous connaître pour savoir comment vous me traiteriez en temps normal.
— Je sais, mais…
— Potter, soupira Snape. Nous aurons tout le temps d’en reparler quand vous n’aurez ni funérailles nocturnes à organiser ni mission mystérieuse avec Dumbledore. Vous avez ma parole que nous reparlerons de ce qu’il s’est produit là-bas.
— … Bien, merci, Professeur. »
Harry sembla vouloir ajouter quelque chose, il les fixait tous les deux sans arriver à se lancer, et Jane ouvrit elle-même la porte pour couper court à cette conversation. Snape en profita pour s’en aller sans ajouter quoi que ce soit. Il claqua presque la porte sur eux, laissant Harry retourner à un des nombreux enterrements qui jalonnait sa vie.
Il retourna dans la cuisine, mais Sirius s’était levé et entraînait déjà l’assemblée vers le salon. Il désigna les corps à Monsieur Weasley et à Neville, et leur fit signe de le suivre. Dans le silence le plus complet, Sirius les emmena dans le jardin de l’hôtel particulier, s’approchant d’une statue de Corradini, une femme au visage délicatement voilée, qui semblait presque habillée de neige. Il caressa avec délicatesse les joues de cette pleureuse silencieuse, et une sorte de gémissement plaintif sembla échapper du linceul de marbre. La neige s’engouffra à ses pieds, dévoilant un petit escalier descendant dans les profondeurs de la terre.
« Lumos, murmura Sirius. Faites attention à la tête de vos morts, c’est très étroit. »
Ils descendirent en file indienne dans le silence respectueux le plus complet. La crypte ne semblait pas être enterrée très profondément. Quand ils arrivèrent devant une grande pierre ronde sculptée, Sirius s’entailla la main de sa baguette et la passa ensuite sur les armoiries Black gravées dans la roche. Avec un grondement sinistre, le caveau se dévoila, amenant une odeur de terre et de poussière particulièrement froide. La salle était petite, plus encore avec l’ensemble des spectateurs venus procéder aux adieux-rituels. À la surprise générale, la pièce était cependant particulièrement sobre, creusée à même la terre et recouverte d’un enduit de chaux épais. Des niches habillaient les parois dans lesquelles on retrouvait des urnes au style et à la date témoignant de l’ancienneté de la lignée. En face de l’entrée, comme si la pièce était capable de coulisser sur elle-même pour servir le descendant : deux petites alcôves demeuraient vides, encadrées par deux urnes dont l’une, riche et tapageuse, était sans nul doute celle renfermant les cendres de Walburga Black.
Le centre de la pièce disposait d’une sorte de grosse dalle noire ancrée dans le sol, quand Sirius agita sa baguette, elle se souleva pour devenir un autel.
« Prenez place, et installez… eh bien l’usage veut que cela plutôt Mrs Londubat. Neville, tu sais quoi faire ?
— … Oui, je crois. Grand-Mère… Grand-Mère avait beaucoup insisté pour que je connaisse ce rituel. »
Sirius hocha la tête et lança un regard entendu à Harry qui comprit qu’il était temps pour lui d’apprendre également. Cela tira au jeune homme un léger frisson qui n’aimait décidément pas ce à quoi ressemblait son épopée magique. Augusta fut installée et Neville approcha, baguette tirée, psalmodiant une sorte de prière en vieux Gaélique. Un linceul noir se matérialisa et tomba sur le visage et le corps de la vieille dame, couvrant entièrement la morte à leur vue, épousant ses formes avec la même précision que la sublime statue du jardin. Puis, quand le chant devint plus grave, le tissu charbonneux sembla prendre feu et ils observèrent, attentifs, le corps devenir des cendres. Neville agita une dernière fois sa baguette et le tissu se referma, enveloppant comme un écrin les restes de sa grand-mère, et une urne simple apparut. Un autre mouvement de poignet en ouvrit le couvercle pour déposer les cendres en son sein, et l’urne se para immédiatement d’une laque noire et d’une nacre étincelante s’entremêlant pour graver le nom d’Augusta Londubat (1944-2016).
« Je t’en prie, Neville, à toi l’honneur…, invita Sirius en désignant une niche.
— Vous êtes sûr que vous voulez…
— Oui. Vas-y. Et il en sera de même pour vous, ajouta-t-il en se tournant vers les Weasley »
D’un mouvement théâtral, Neville fit léviter l’urne pour qu’elle prenne sa place dans les parois de la crypte, et tous observèrent les alentours, comme s’attendant à une quelconque manifestation magique, mais Sirius secoua la tête :
« C’est ma demeure, j’accueille en son sein qui je le désire, n’ayez aucune crainte. »
Ces paroles apaisantes décidèrent Monsieur et Madame Weasley pour procéder au même rituel. Sirius les rassura en leur promettant qu’ils pourraient, s’ils le désiraient, récupérer l’urne de leur fils quand les temps le permettront. Le rituel ne fut guère différent, l’urne, elle, devint un sobre réceptacle d’argent, finement gravé d’un cuivre poli rappelant vaguement l’insigne de Préfet de Percy. Même dans la tombe, le jeune homme adorait bel et bien cette distinction-chérie. Ses parents préférèrent mettre eux-mêmes l’urne dans la niche, la tenant conjointement, avant de se recueillir un instant devant.
« Venez, murmura Sirius à Harry, Luna, Hermione et Xenophilius. Nous allons les laisser un instant.
— Je viens avec vous, précisa Neville qui préférait sortir de la salle qui commençait à l’étouffer.
— Luna, je vais m’en aller, Sirius, vous les raccompagnez à Poudlard, c’est cela ?
— Oui, je m’en charge dès que nous en avons terminé ici. Je vous confirmerai cela par poudre dès que je repartirai.
— Hum, hum, je ne m’inquiète pas pour ça, répliqua le père un peu absent avant de se tourner vers sa fille avec un rare sérieux. Continue de briller dans nos ciels, Luna-milaya. »
Ils n’entendirent pas la réponse de Luna, et Hermione décida de retourner dans la cuisine pour préparer des chocolats chauds avant qu’ils ne retournent à Poudlard. Restés seuls et arrivés dans le salon, Neville, Harry et Sirius s’observaient en silence, comme si la conversation flottait entre eux depuis quelques heures déjà. C’est Sirius qui décida d’en parler directement :
« Neville… Tu n’es pas encore majeur et…
— Oui, et mes parents n’ont plus d’autorité, compte tenu de leur état, je sais. J’ai supposé que Dumbledore voulait attendre ma majorité en juillet, prochain…
— Peut-être…, commença avec délicatesse Sirius. En attendant… Eh bien, je peux tout à fait t’accueillir ici, tu sais.
— Oui ! renchérit Harry. Il est hors de question que tu sois seul, Neville. Je sais ce que c’est que… enfin, le mot n’est peut-être pas bien choisi.
— Peu importe, Harry, se chagrina Neville. Merci. »
Sirius hésita à s’avancer pour offrir une accolade, mais il sembla sur l’instant que le dernier-né des Londubat n’avait rien d’un enfant réclamant un câlin. Sonné, affreusement triste, Neville restait pourtant très droit et digne, se contentant de les remercier poliment, alors que sa voix menaçait de trahir son chagrin et sa reconnaissance à tout instant.
« Hermione a peut-être besoin d’aide, changea-t-il de sujet. Un peu de réconfort ne nous fera aucun mal. »
***
Arrivés devant les appartements de Jane, Severus hésita un instant, lançant un regard entendu à la jeune femme qui restait immobile devant sa porte. Main sur la poignée, elle semblait trouver le bois tout à fait fascinant.
« Vous n’entrez pas ? décida-t-il de couper court à ses hésitations.
— Je ne sais pas comment vous dire de rester. »
Elle se tourna finalement vers lui, la mine préoccupée. Elle plongea son regard dans le sien, avant d’ajouter :
« Ca n’a rien d’une proposition…
— Demandez-le simplement.
— Est-ce que vous voulez bien rester avec moi, cette nuit ? »
Il acquiesça en silence, et elle consentit à ouvrir la porte pour qu’ils y entrent enfin. Merlin se précipita à leur suite, heureux de voir qu’il n’était pas le seul à être debout à cette heure. Mais Jane ne lui fit qu’un bref câlin, préférant se diriger vers la chambre d’un pas lourd. Arrivée près de la porte, elle se tourna vers Severus, incertaine :
« Vous pouvez… Vous pouvez me rendre la robe de chambre et… »
Snape agita la baguette avant même qu’elle ne finisse et redonna au vêtement son aspect initial, avant d’user une nouvelle fois de magie pour accompagner cela d’un sortilège de nettoyage simple. Ils échangèrent un autre regard, et il agita deux dernières fois la baguette pour lui, cette fois-ci.
« Je… Ca n’a vraiment rien de…
— Je sais, Jane. »
Elle lui sourit faiblement et il l’accompagna dans la chambre où elle se glissa timidement sous ses draps. Il monta sur le lit souplement, rejoint immédiatement par un Merlin curieux du manège. Severus resta sur les couvertures, drapé dans des vêtements chauds qu’il avait conjurés, s’allongeant aux côtés de la jeune femme qui semblait hésiter à fermer les yeux.
« Vous pouvez boire une potion de sommeil sans rêves, si vous le désirez, lui indiqua-t-il parfaitement au fait de ses angoisses.
— Non… L’esprit a… L’esprit a besoin de ça pour se remettre, répliqua-t-elle sagement. »
Jane se contenta donc de glisser le nez presque sous les couvertures, roulée en boule sur le côté, faisant face à son ami qui l’observait avec patience, cherchant lui-même à trouver une position qui ne le ferait pas souffrir. Merlin en profita pour se glisser près d’eux, réclamant l’attention à laquelle il était convaincu d’avoir droit. Severus gratta machinalement le ventre du chat, le faisant ronronner de plus belle, regardant les yeux de Jane aller et venir sous ses paupières alors qu’elle tentait de trouver le sommeil. De temps à autre, son souffle se bloquait et elle se remettait à respirer rapidement, incapable de se laisser sombrer dans les ténèbres qui lui promettaient bien des terreurs. Snape repensa à la nuit qu’il avait passée lui-même lors de sa première mort. Il s’était toujours imaginé sentir quelque chose de puissant et de terrible, quelque chose qui justifierait l’horreur que les gens ressentaient à l’évocation d’un meurtre, mais il n’avait rien ressentit. Sa nuit et ses angoisses s’étaient déroulées sur le plan de l’inconscient, et cette nuit-là fut l’une des plus longues… Il soupira et se redressa légèrement, passant un bras autour des épaules de Jane.
« Ça suffit, venez là. »
Il l’attira à lui et quand elle se blottit entièrement contre son corps, enfouissant sa tête dans le creux de son cou, il l’entendit chuchoter d’effroi :
« Mon Dieu, Severus… Mon Dieu… Ça ne m’a strictement rien fait… »