Mardi 9 septembre, Grande Salle, 7h30,

« C’est impossible ! S’écria Harry, sans se soucier que sa tartine de confiture venait de tomber du mauvais côté.

– Preuve en est que non, c’est écrit. Répondit Hermione en terminant sa lecture d’un article de la Gazette.

– Comment Dumbledore peut-il laisser faire une telle chose ? Et depuis quand le Ministère a de tels moyens de pression sur l’école ?

– Il peut tout. En l’absence des Fondateurs, les autorités compétentes sont le Directeur, le Conseil d’Administration de l’école, et enfin le Ministère. Expliqua la jeune femme les narines frémissantes.

– Mais… « Grande Inquisitrice » ! Quel rapport cela a-t-il avec une école ?

– Tout. Souviens-toi de ce que nous disait le Professeur Smith : « Avec une telle ignorance, pas étonnant que nous soyons en guerre » ! Récita la brune en jetant un regard à l’enseignante.

– Comment fais-tu pour être capable de la citer au mot près ? Intervint Ron. Je ne comprendrai décidément jamais cette fille !

– Je ne vois toujours pas où tu veux en venir, Hermione. Répondit Harry en faisant soupirer son amie.

– Réfléchissez. Si le Ministère peut évaluer l’enseignement d’un Professeur, et le destituer de sa fonction, il peut influer directement sur notre éducation !

– Et alors ? Demandèrent d’une même voix les deux garçons.

– Alors, de la même manière qu’Ombrage a réformé la DCFM, elle pourrait impacter directement l’enseignement des autres matières. Changer les cours d’Histoire de la Magie par exemple !

– Tu veux dire, que le Ministère souhaiterait nous vendre son Histoire ? Commença à comprendre l’attrapeur.

– Voilà ! S’exclama soulagée la lionne.

– Mais pourquoi mettre en place ce décret maintenant ? Pourquoi pas dès la rentrée… ?

– Vous n’avez décidément pas écouté ce que je vous ai lu ! »

Hermione soupira en secouant une nouvelle fois la tête, et retourna une page en arrière. Elle relut avec attention le début de l’article, avant de s’arrêter, dans un hochement de tête, le doigt sur un passage en particulier :

« Je me sens beaucoup plus tranquille, maintenant que je sais que Dumbledore est soumis à une évaluation juste et objective de la façon dont il exerce ses fonctions, nous a ainsi déclaré Lucius Malefoy, quarante et un ans, que nous avons pu joindre hier dans son manoir du Wiltshire. Nombre de parents d’élèves soucieux des intérêts de leurs enfants se sont inquiétés de certaines décisions excentriques de Dumbledore au cours de ces dernières années. Ses facéties ont d’ailleurs atteint leur paroxysme cette année lorsqu’il a arbitrairement décidé de changer le cursus obligatoire de Poudlard. Aujourd’hui, nous sommes heureux et soulagés de savoir que le Ministère surveille la situation de près, et se penchera sur la pertinence d’un cours intensif sur l’Etude des Moldus ! »

(Pour plus de détails concernant cette nouvelle décision du Directeur, voir page 5.) »

« Je ne vois toujours pas pourquoi Ombrage n’a pas eut les pleins pouvoirs dès le départ ! S’obstina Ron.

– Parce qu’il fallait donner un prétexte. Comprit soudainement Harry. Ils ont attendu que l’information remonte aux familles, peut-être même aux vieilles familles, pour espérer avoir leur soutien ! C’est…

– Machiavélique. Acquiesça son amie sans qu’il ne comprenne l’expression.

– Que dit l’article sur Smith ? »

Hermione tourna les pages jusqu’à arriver à la cinquième. Elle fronça un instant les sourcils, avant de poser la Gazette du Sorcier à plat devant eux.

 

L’ÉTUDE DES MOLDUS OBLIGATOIRE
LES DESSOUS D’UNE DÉCISION ORIENTÉE

 

« Lors de son traditionnel discours de rentrée, Albus Dumbledore, actuel Directeur de l’école de sorcellerie Poudlard, a annoncé l’arrivée salutaire de Dolorès Ombrage au poste de Professeur de Défense Contre les Forces du Mal, mais également la suspicieuse nomination de Jane Smith en remplacement du Professeur Charity Burbage pour l’Etude des Moldus. En outre, élèves et parents ont eu la surprise d’une nouvelle décision excentrique du non-moins discutable Directeur : L’intégration de ce cours (autrefois une option) dans le cursus obligatoire de l’école.

Nouvelle lubie d’un esprit brillant mais malheureusement gâté par le temps ?
Nécessité absolue conduite par une profonde réflexion pédagogique ?
Tentative de captation de notre jeunesse ?

Une nouvelle fois, votre dévoué serviteur, Connor Oaken, a longuement enquêté et vous révèle tout dans notre grand dossier de la semaine.

L’Étude des Moldus, une matière obscure

 

Nombreux sont les parents qui ne connaissent pas cette étrange matière. Et pour cause ! Seule la nouvelle génération a eu la primauté de découvrir en troisième année, en option, la possibilité d’en savoir plus sur ceux qui ne sont pas de notre communauté.

C’est en 2000 – année de la chute de « Vous-savez-qui » – que cette classe débarque dans l’école de sorcellerie Poudlard. Albus Dumbledore, alors déjà Directeur de l’établissement, défrayait la chronique en annonçant la création d’un cours destiné à la culture moldue. A l’origine, cette nouvelle matière était enseignée à partir de la troisième année aux élèves volontaires. Dès cette époque, l’idée avait suscité quelques inquiétudes chez les familles sorcières les plus réputées. Une large majorité de parents, bien que parfaitement consciente de l’intégration massive de nés-moldus dans notre univers, s’était montrée sceptique quant au réel apport pédagogique. En effet, outre la question de l’ouverture culturelle, quels avantages pouvaient bien ressortir de la connaissance des Pryzes et autres Eklectricité ? Arthur Weasley, employé du Ministère au Service des détournements de l’artisanat moldu, grand amateur reconnu de cette culture fut l’un des rares à appuyer cette décision. Il obtint, comme vous le savez, gain de cause, et cette nouvelle classe figura dans les options disponibles dès la rentrée suivante.

Pour encadrer ce cours nébuleux – dont on ne connaît que peu d’ouvrages pédagogiques officiels -, le Professeur Quirinius Quirrel, ancien Serdaigle timoré, est alors mandaté par Dumbledore pour assurer les premières leçons. Pendant neuf années, il s’évertuera à proposer des cours théoriques à une poignée d’étudiants. Par la suite, et pour une raison inconnue, le Professeur Quirrell démissionnera de son poste au profit de la classe de Défense contre les forces du Mal, l’année même de l’entrée du jeune Harry Potter. Malheureusement, ce changement de matière fut funeste pour le regretté Serdaigle, puisqu’il disparaîtra mystérieusement cette même année. Par la suite, cette classe n’eut pas davantage de chance avec ses enseignants, puisque la remplaçante, le Professeur Charity Burbage, donnera sa démission au début de cet été, après cinq années de service.

Et alors que cette matière ne dispose toujours pas d’un programme clair et validé par le Ministère, Dumbledore nomme pour cette nouvelle rentrée une jeune enseignante inconnue, du nom de Jane Smith. Mais le vainqueur de Grindelwald ne semble pas vouloir s’arrêter dans sa prise de décisions suspectes, et décide d’obliger chaque enfant étudiant à Poudlard à assister à ce cours, dont (nous ne le rappellerons jamais assez) nous ne savons rien.

Notre enquête, retraçant les débats houleux de l’époque concernant cette nouvelle option, ainsi que les livres mis à disposition sur le sujet, ne dégage que peu de zones d’ombres. En effet, à l’époque, l’idée d’introduire la culture moldue pour les sorciers curieux divisait profondément notre pays. Si certains estimaient naturel de s’intéresser au mode de vie des nés-moldus, d’autres soulignaient à juste titre que seuls ces enfants-là se fondaient dans notre masse, et non l’inverse. Toujours au début du nouveau siècle, d’éminents sorciers protestèrent contre l’introduction de ce cours, aux dépens de la création d’un cours plus pertinent : à savoir l’Étude de la Culture Sorcière, imposable à ces nouveaux arrivants.

Et si nous avons pu retrouver dans les archives de la Gazette du Sorcier (qui avait été le seul journal à se pencher sur cette grave question) différents articles et interviews, des questions demeurent : qui avait pris la décision finale, et qu’est-ce qui était réellement enseigné pendant ces heures ?

Un maelström de concepts

 

L’ouvrage de référence pour cette matière, choisi également comme livre requis par cette classe, a été publié en 2000, par un certain Wilhelm Wigworthy. S’intitulant « Vie domestique et habitudes sociales des Moldus britanniques », cet imposant manuel retrace l’ensemble des inventions et objets utilisés par les Moldus dans leur vie quotidienne.

Après lecture de ces quelques 1200 pages, nous avons tenté de rencontrer sans succès son auteur, afin qu’il nous en dise plus sur son choix éditorial. Car, si le livre dépeint admirablement bien une quantité d’inventions, il n’en reste pas moins léger concernant les références. Loin de remettre en question le sérieux de l’auteur concernant certaines affirmations, nous voulions connaître les différentes démarches effectuées par celui-ci lors de la rédaction. Avait-il déjà utilisé certains outillages ? Etait-il certain que les inventions moldues pouvaient permettre de voler sans magie ? Toutes ces importantes questions restent encore à ce jour sans réponse, et ne font – fort malheureusement – qu’alimenter l’inquiétude légitime des parents.

Inquiétude d’autant plus croissante que cette année, sous couvert d’une volonté de souplesse, l’Etude des Moldus se passe de manuel ! Une seule question se pose à nous alors : qu’enseigne donc l’inconnue Jane Smith ? Une nouvelle fois, Lucius Malefoy a accepté gracieusement de nous apporter quelques éléments de réponse, au cours d’un entretien : « J’ai été immédiatement informé de cette décision. En tant que membre du Ministère, et père d’un élève de cinquième année à Poudlard, il est tout à fait normal que je sois au fait des disciplines dispensées à mon fils. Il est cependant regrettable que j’eusse à l’apprendre directement par lui, et non comme il se devrait par une lettre officielle de l’école. En outre, étant particulièrement attentif à l’éducation de mon enfant, comme le sont sans doute de nombreux parents, j’ai été quelque peu surpris d’apprendre que cette Smith se borne pour l’essentiel à leur apprendre à faire du feu à l’aide de moyens rudimentaires.[…] »

Par la suite, Monsieur Malefoy nous a montré quelques extraits de correspondance qu’il entretient avec son fils. Lettres dans lesquelles le jeune héritier Draco Malefoy ne cache pas son étonnement face à un cours dépourvu de livres ou de leçons.

« […]C’est ce qui me préoccupe le plus : l’idée que nos enfants assistent à de longues heures où la parole prévaut sur l’écrit, et où, en définitive, il est possible qu’une certaine idéologie soit inculquée. » Poursuit Mr. Malefoy, non sans raison.

Car il est actuellement impossible de savoir ce qui est dit dans cette classe, en dehors des témoignages courageux de certains élèves à leurs parents. Afin de lever tout doute, nous avons tenté de rencontrer la demoiselle choisie pour enseigner cette matière, mais nos lettres sont restées à ce jour sans réponse.

Devant un tel manque de considération de la part de l’enseignante et du Directeur de l’école, nous ne pouvons qu’applaudir la nomination de la Grande Inquisitrice de Poudlard, qui saura faire la lumière sur cette affaire.

En attendant l’enquête du Ministère, nous enjoignons vivement les sorciers et les sorcières à nous faire part, et à faire part au Directeur de Poudlard, de leurs inquiétudes. Dans cette optique, nous ouvrons une volière spécialement mise à disposition des courriers de nos lecteurs. Nous publierons naturellement les questions les plus fréquentes, et nous nous engageons à tout mettre en œuvre pour vous informer.

Connor Oaken, Rédacteur à la Gazette du Sorcier »

 

A la table des Professeurs, le silence était total. De nombreux enseignants lisaient, comme les jeunes gens, la nouvelle dans une profonde surprise. Seule Dolorès Ombrage ne tenait pas dans sa poigne un exemplaire du journal. Elle se contentait de balayer la Grande Salle de son regard scrutateur, tout en arborant un horrible sourire de petite fille venant de recevoir une grosse sucette à la fraise. La nouvellement nommée Grande Inquisitrice s’offrit même le luxe de dévisager ses collègues, cherchant la moindre émotion négative susceptible de déclencher le début des opérations. Ombrage s’attarda un long moment sur le visage pâle de sa cadette. Mais à sa grande déception, Jane Smith lisait l’article tout en buvant consciencieusement son café, comme si elle était en train de lire un traité sur les fonds de chaudrons. Aux côtés de la jeune femme, Severus s’occupait à beurrer avec soin un toast, feignant d’être concentré sur sa tâche alors qu’il jetait de temps à autres des coups d’oeils aux mains de son étudiante particulière.

Parce que si l’ancienne Rédactrice semblait parfaitement calme et détachée de ces quelques pages, ses mains, parfois agitées de tremblements, laissaient transparaître une sourde colère. Et Snape fréquentait la Moldue depuis assez longtemps pour savoir qu’elle serait probablement incapable de ne pas ponctuer sa prochaine phrases d’insultes diverses. Smith savait jouer la comédie, à n’en pas douter. Mais tiendrait-elle la distance lorsque la bureaucrate viendrait l’inspecter ? C’était actuellement la plus grande peur de l’espion. Néanmoins, après lecture de l’article, l’homme en noir devait reconnaître que sa collègue avait eu le nez fin concernant la demande d’interview : pour le moment, Oaken ne disposait pas assez d’éléments pour lui dédier une chronique entière, susceptible de faire voler en éclats sa couverture.

De son côté, Jane bouillait d’une rage contenue. Elle tentait vaillamment de masquer ses émotions, mais l’envie de répliquer sur le même terrain que ce scribouillard la démangeait vivement. Elle prétexta de se resservir du café pour relever un instant les yeux du journal. Comme elle s’y attendait, l’infâme secrétaire en rose la dévisageait ostensiblement. Jane tourna une page d’une main, et versa le breuvage dans sa tasse de l’autre. Bien décidée à se battre avec ses armes, elle se mit en tête de lire les différents encarts des pages suivantes, jusqu’à apostropher son sombre collègue d’une voix relativement forte :

« Oh, Severus ! Regardez : il semblerait que le Ministère s’inquiète des étranges flux migratoires de nos hiboux ! S’exclama-t-elle comme captivée par l’information.

– C’est fascinant, Smith. Lui rétorqua l’espion d’une voix traînante.

– Mais, oui ! Imaginez un instant que ces pauvres bêtes ne se sentent plus à leur place dans notre pays. Regardez attentivement. Ajouta-t-elle en lui collant l’encadré sous les yeux, en pleine ligne de mire de l’Inquisitrice. Quelle nouvelle inquiétante !

– Par Merlin, Smith… Commença Severus qui s’interrompit en voyant l’index de la jeune femme relevé discrètement. Mais vous avez tout à fait raison ! Se rattrapa-t-il en comprenant qu’elle avait une idée en tête.

– Heureusement que la Gazette du Sorcier sait se pencher sur les réels problèmes qui nous inquiètent ! Soupira Jane théâtralement. Je suis bien contente d’avoir poursuivi ma lecture, sans quoi, je serai passée à côté de cette information capitale !

– Une chance que vous sachiez extraire l’essentiel de vos lectures. Rebondit le Serpentard entrant pleinement dans son jeu.

– N’est-ce pas ? Oh, et regardez encore ! Ici, ils évoquent la possibilité selon laquelle les Strangulots auraient des rites funéraires.

– Décidément, vous avez l’art d’évoquer les articles les plus importants. Merci, Jane.

– Je n’ai aucun mérite, Severus. Tout revient à cet extraordinaire journal indépendant qui sait informer le sorcier des grandes actions du Ministère !

– Vous avez parfaitement raison ! C’est une grande chance que le Ministre Fudge ose s’attaquer aux sujets sensibles. Acquiesça l’espion en s’essuyant délicatement les coins de bouche avec sa serviette.

– Comme vous devez être fière, Dolorès ! Dit alors Jane en s’adressant à Ombrage avec un grand sourire hypocrite. Être la Sous-Secrétaire d’un homme aussi combatif et concerné par le bien-être de ses citoyens doit être un réel honneur ! »

Si Ombrage hocha la tête poliment, le pourpre qui s’étalait sur ses joues témoignait contre elle. La bureaucrate peinait à contenir la colère dû à l’affront à peine voilé que lui faisait l’étrangère. Mais elle calma rapidement ses ardeurs lorsqu’elle repensa au fait qu’elle devrait, elle aussi, l’inspecter. Tout en se relevant d’un air digne, Dolorès contra très sobrement :

« Je suis effectivement très fière, Miss, que notre estimé Ministre se penche si résolument sur… Le bien-être de ses citoyens, comme vous dites. Et c’est un réel honneur que de me voir confiées d’aussi grandes responsabilités en son nom. Termina-t-elle en arborant un rictus victorieux.

– Votre dévotion à votre poste de Professeur est tout à fait admirable, Dolorès ! Concéda Jane en s’obstinant à ignorer le dernier décret.

– Vous verrez bien vite, Miss, que ma dévotion va d’abord à notre Ministre. Cracha presque la fonctionnaire en perdant quelque peu son calme.

– Naturellement. C’est d’ailleurs entièrement à cette même dévotion que nous devons l’honneur de vous avoir comme collègue… Rétorqua la jeune femme dans une phrase pleine de sous-entendus.»

La mâchoire de l’Inquisitrice se crispa légèrement, mais elle ne répondit rien. Préférant offrir à l’impertinente un sourire lourd de promesses. Elle tourna les talons, et s’enfuit par la porte, d’un air digne. A table, les autres enseignants qui avaient suivi avec avidité l’échange, semblèrent reprendre leur souffle. Jane replia le journal, et termina son café d’une traite, avant de se lever. Lorsqu’elle passa derrière Severus, celui-ci la retint par le bras pour lui glisser quelques mots :

« Mesquin et intelligent, mais vous jouez avec le feu. Prévint-il.

– Eh bien comme ça on ne pourra pas me reprocher de ne pas être cohérente avec mes cours ! »

Lorsque Dolorès Ombrage revint à son bureau, les articulations de ses poings la faisaient souffrir et ses dents grinçaient encore. Comment cette petite parvenue, cette étrangère, cette amoureuse des Moldus avait-elle pu oser la traiter de la sorte ?! Dolorès n’était pas une femme stupide. Retorse et avide de pouvoir, oui. Infantile et procédurale, certes. Mais stupide, certainement pas ! Elle avait parfaitement compris ce que cette Smith avait dit. Devant tous, la brunette avait laissé entendre qu’elle n’était pas qualifiée pour son poste, et qu’elle avait été nommée arbitrairement. Pis, en lui faisant l’affront de passer sous silence son titre, Smith avait ouvertement proclamé qu’il ne valait rien à Poudlard.

« Ah, vraiment ? Eh bien tu vas voir, ma petite ! » Vociféra la femme-crapaud à voix haute dans la pièce.

Elle se précipita sur son secrétaire, s’asseyant maladroitement sur son tabouret en pin, et se saisit d’un rouleau de parchemin et de sa plus belle plume. D’une écriture rageuse et appuyée, elle commença à inscrire : « Monsieur le Ministre de la Magie, Cornélius Fudge. » Puis, elle s’arrêta. Elle lui avait déjà envoyé une missive la semaine précédente, lui faisant part de l’insupportable comportement du jeune Potter. Dans sa lettre, écrivait-elle, le Survivant semblait s’être mis en tête de colporter des mensonges dans le but d’attiser la peur, et de déclencher un mouvement de panique. Naturellement, Ombrage n’avait fait nulle mention des retenues douloureuses qu’elle imposait au garçon. « Ce que le Ministre ignorait, ne pouvait lui faire du mal », se disait-elle souvent. Il lui avait d’ailleurs répondu qu’il était heureux de trouver en sa représentante une personne digne de confiance, et lui avait renouvelé tout son soutien, lui assurant qu’elle aurait prochainement les moyens de sauver cette école. Et quels moyens !

Alors, que pouvait-elle bien lui écrire ? Elle se releva, pour entamer des vas-et viens dans la pièce, tout en réfléchissant intensément. Sur le meuble, épinglé par un clou ouvragé, figurait la liste chronologique des matières qu’elle comptait inspecter. La bureaucrate avait d’ailleurs opté pour une première visite en Métamorphose, voulant saper rapidement le bras droit officiel de Dumbledore. Mais après la scène qu’elle avait dû endurer au petit-déjeuner, Ombrage en venait à se demander si l’Australienne ne serait pas une plus grande menace. La petite n’était manifestement pas impressionnée par les titres, ni la position de la Grande Inquisitrice. Probablement parce qu’elle n’était pas Anglaise, se dit la femme en grimaçant. Qui sait donc ce qu’elle osait déblatérer à ses élèves contre le Ministère, ou encore… Contre les vrais sorciers ?

Mais une autre chose taraudait la femme replète : Smith semblait s’être fait plus d’alliés qu’elle dans l’école. Et, en bonne Serpentarde, Ombrage savait que c’était un atout beaucoup trop essentiel pour qu’elle ne rectifie pas rapidement le tir. Plissant les yeux méchamment, elle repensa à l’attitude de Snape. Elle ne pouvait imaginer que cet homme, si détestable et cynique puisse volontairement aider une gamine dans ses dessins égoïstes. L’homme en noir avait nécessairement un but en tête. Dolorès resta un instant pantoise au milieu de la pièce, tout en cherchant une explication logique à l’agissement du Directeur de Serpentard. Leur code imposait un soutien total entre les membres de la maison, fussent-ils diplômés. Elle n’avait donc pas vu Severus prêter main forte à la jeune femme, mais lui tendre un piège. Restait à savoir lequel. Forte de cette certitude inébranlable, elle se rassit, et prit un autre morceau de parchemin.

***

Salle des Potions, le même jour, 19h10,

Severus agita sa baguette, et les chaudrons s’élevèrent pour aller se ranger le long des murs. Un autre mouvement du poignet, et la porte de sa salle de classe se verrouilla, signifiant que son travail d’enseignant passait à la seconde étape : la tâche ingrate des corrections. Il s’assit à son bureau, et ouvrit son tiroir, emplit d’une pile de copies diverses, et soupira résigné. Snape fit tournoyer une dernière fois l’instrument en bois, et les copies se disposèrent parfaitement classées sur son bureau. Il leur jeta un regard noir, estimant par avance qu’il en aurait pour une bonne partie de la soirée, et trempa sa plume dans l’encre rouge, avant d’en attraper une fermement.

« HPOTTER, 5ème an,
Dim 07/09/14,
DEVOIR POTIONS

UTILISATION DU GINGEMBRE DANS LES PREPARATIONS

L’utilisation du gingembre dans les préparations de potions magiques […] »

 

Severus grogna. De tous ses élèves, de tous les devoirs, il fallait qu’il commence par celui-ci ! Avant même de commencer la lecture de l’essai, l’enseignant ratura de rouge l’en-tête, allant de la correction, à la petite réflexion dans la marge. « Cinquième et année en toutes lettres, Potter, est-ce trop compliqué à demander ? », « Dim’ quoi ? Diminué mentalement ? Manquiez-vous d’encre pour ne pas avoir écrit « Dimanche » en entier, Potter ? » Ou encore « La date n’est pas un dessin, Potter, on se passera de vos petits-traits ! ». En d’autres termes, il ne savait toujours pas quelle note affreuse il donnerait au garçon pour un devoir probablement affligeant, mais le premier rouleau de parchemin comportait pratiquement autant de rouge que de noir. Un bon départ en somme.

Alors qu’il s’attaquait à l’introduction, un « pop » sonore l’interrompit. S’inclinant profondément, un elfe de maison apparu, lui tendant un morceau de parchemin plié en deux. L’homme le prit et remercia évasivement la créature avant de grogner davantage : Il était invité immédiatement à boire un thé dans le bureau de la nouvelle Grande Inquisitrice. Le fait qu’il soit intervenu dans la joute verbale ayant opposée Smith et Ombrage le matin y était certainement pour quelque chose. Maudissant les deux bonnes femmes, le Maître des Potions se leva et se rendit au rendez-vous.

Arrivé à destination, il toqua sèchement à la porte, et attendit que la voix mielleuse de la fonctionnaire lui dise d’entrer. Il n’avait plus mis les pieds dans le bureau depuis l’année d’avant, lorsqu’il avait dû administrer de force du Véritasérum au faux Maugrey. Dire que la décoration avait changé était largement en-dessous de la réalité. En lieu et place des nombreux objets insolites de l’Auror, s’étendait une ribambelle de roses, de rideaux duveteux, et d’assiettes en porcelaines où étaient peints d’immondes chatons en acrylique. Pour couronner le tout, il régnait dans la pièce une odeur de parfum de vanille très agressif, qui lui fit momentanément tourner la tête.

« Ah ! Severus… Minauda Dolorès par-dessus sa fraise et ses fanfreluches. Je suis heureuse que vous ayez accepté mon invitation.

– Tout le bonheur est pour moi, Madame la Grande Inquisitrice. Répondit l’homme en se fendant d’une grimace qui se voulait polie. »

Ombrage étouffa un petit rire amusé, cachant sa bouche derrière une main lourdement ornée de bagues.

« Je ne me ferai probablement jamais à cette idée. Quel honneur, vraiment. Mais quel titre ! Pouffa-t-elle d’une voix aigrelette.

– Amplement mérité, Madame la Grande Inquisitrice.

– Oh, pas de ça entre nous, Severus… Nous sommes des Serpentards, nous sommes égaux ! Asseyez-vous donc. Vous buvez votre thé comment mon cher ?

– Noir. Merci. Répondit Snape en prenant place, jambes croisées.

– Tenez. C’est réellement plaisant de retrouver un ancien camarade, Severus. Continua-t-elle. Oh, certes, nous ne nous sommes pas beaucoup fréquentés à l’époque, mais que voulez-vous, les dernières années sont tellement chargées…

– Je me souviens tout à fait de votre attention et de votre travail. Bien que je ne sois arrivé à Poudlard que lors de votre cinquième année. Ajouta l’homme en faisant discrètement allusion à son âge.

– Et par la suite, j’ai dû travailler plus encore ! Et nous avons pris des chemins différents… Vous… Vous vous êtes tournés vers l’enseignement, et moi… Vers mon devoir. Termina-t-elle rêveuse.

– Mais nous nous retrouvons, grâce au destin. Unis dans une même cause. Tenta l’espion en voulant l’amener directement à la raison pour laquelle elle l’avait fait venir.

– Je l’espère Severus, je l’espère grandement ! Il y a tant de choses qui m’inquiètent à propos de cette école. Et je crois que vous vous en êtes rendus-compte, n’est-ce pas ?

– Naturellement. Offrit Snape en évitant de se mouiller.

– Je me doute que cela doit être un calvaire pour vous que de souffrir cette petite impertinente à chaque repas. »

« Nous y voilà ! » Pensa Snape. L’ancien Mangemort avait visé juste en supposant que le problème venait de sa prise de position avec Jane. Foutue scribouillarde, c’était à lui de faire une pirouette maintenant. Il but une gorgée de thé pour se laisser le temps de formuler une réponse adéquate :

« C’est une source de babillages intarissable. Soupira-t-il. Fort heureusement, son manque de savoir-être n’a d’égal que sa naïveté.

– Qu’entendez-vous par là ? Demanda Ombrage en abandonnant sa petite voix, sous le coup de l’avidité.

– J’entends qu’elle s’imagine qu’être obligé de travailler avec elle, signifie… Je m’en amuse encore… Une forme d’amitié.

– Elle a dû s’extasier de l’intérêt que vous avez porté à sa petite comédie de ce matin, à n’en pas douter. Glissa Ombrage d’un air entendu.

– Et la pauvrette s’est condamnée elle-même par son outrecuidance. Rétorqua l’homme en espérant que la conversation touchait à sa fin. »

Mais, malheureusement pour lui, la femme-crapaud lui fit un sourire des plus radieux. Sa large bouche s’étira pour révéler des dents parfaitement blanches et alignées. Et Snape dû faire un effort surhumain pour ne pas grimacer lorsqu’elle se mit à papillonner des cils.

« Je savais que vous aviez une idée derrière la tête, Severus ! » Susurra-t-elle comme si elle savourait une religieuse au chocolat.

L’espion porta la tasse de thé à ses lèvres en se traitant mentalement d’imbécile. Dans quelle situation Smith les avait fourrés ? Il hésita brièvement, puis se résigna. « Tant pis, Jane, mais mon image prime sur la vôtre. » Pensa-t-il. Il retourna alors à la Sous-Secrétaire un sourire carnassier des plus prometteurs. Précisément le même qu’il offrait à Potter lorsqu’il lui signifiait la nature de ses punitions :

« Naturellement. Je voulais qu’elle démontre tout son manque de considération pour votre personne, Dolorès. Et toute l’étendue de sa prétention.

– Oui, oui. A n’en pas douter, elle s’est véritablement révélée ce matin !

– Devant témoins, légitimant ainsi… Eh bien… Certaines questions, Madame la Grande Inquisitrice. »

La femme-crapaud était à présent penchée en avant vers le Potionniste, totalement absorbée par son discours. Elle plissa les yeux un instant, ne comprenant pas ce qu’il sous-entendait, avant de les ouvrir grands et de taper dans ses mains, ravie :

« Oh ! Severus ! Comme c’est judicieux de votre part ! Vous avez entièrement raison ! Je n’ai pas d’autre choix que d’en faire ma priorité et de commencer la réforme par cette épineuse question !

– Nous nous comprenons, Madame la Grande Inquisitrice.

– C’est entendu. Nous verrons alors si elle fanfaronne encore. Merci, Severus, comme toujours, vous êtes remarquable. Vous pouvez disposer. Le congédia-t-elle avec dédain. »

Snape ne se fit pas prier, et s’en fut, non sans s’être au-préalable incliné profondément. Sur le chemin le ramenant à ses quartiers, il ne put s’empêcher de s’excuser mentalement auprès de sa collègue. C’était la deuxième flèche qu’il tirait dans le dos de Jane.

***

Couloirs de Poudlard, le même jour, 21h20,

Une lampe torche dissimulée dans un des pans de sa robe, Merlin sur les talons, Jane se rendait au point de rendez-vous pour commencer sa ronde. Une fois encore, elle était chaperonnée par son sombre collègue. N’ayant pas baguette magique pour utiliser un Lumos, ou pour contenir un élève trop récalcitrant, la Moldue devait être systématiquement accompagnée d’un sorcier pour remplir tous ses devoirs. Car si elle n’était pas une magicienne, elle n’en n’était pas moins une vraie enseignante, et devait, à l’instar de ses collègues, se plier au désagréable exercice de la police nocturne. Mais alors que Minerva s’était à de nombreuses reprises proposée pour tenir compagnie à la jeune femme, une nouvelle fois, elle apprit de la bouche du Directeur, que cela serait son tortionnaire estival qui l’accompagnerait. L’enseignante soupçonnait le vieux mage de s’amuser à former ce duo improbable. Mais Severus était loin d’être une compagnie désagréable, même lorsqu’il la rembarrait rudement. Il était calme, cultivé, et était doté d’un sens de l’humour extrêmement fin. Il n’en n’était pas pour autant un ami, et la brune aurait tout de même apprécié de passer sa soirée en compagnie d’une autre personne, plus accessible et sujette au rire.

Tournant à un angle, totalement perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas l’élève qu’elle manqua de percuter. Celui-ci s’excusa platement, et s’apprêta à repartir sans demander son reste lorsqu’elle vit du coin de l’œil une touffe de cheveux noirs et un blason écarlate :

« Attendez, Monsieur Potter ? Le héla-t-elle en accélérant le pas.

– Oui, Professeur ? Soupira-t-il en se retournant lentement.

– Vous venez d’où comme ça, le couvre-feu tombe dans dix minutes ?

– Je suis désolé, Professeur, je vais courir pour arriver à temps à la Salle Commune.

– Non, attendez. Vous n’avez pas répondu à ma question. Souligna Jane en fronçant les sourcils.

– Je sors d’une retenue avec Omb… Le Professeur Ombrage. Se rattrapa le garçon en tentant tant bien que mal de faire bonne figure.

– Encore ?! S’écria la jeune femme. Mais, pour quel motif cette fois-ci ?

– Le même, Professeur.

– Comment ça, vous lui avez redit que…

– Non, Professeur, elle m’avait mis en retenue « jusqu’à ce que je comprenne ». Interrompit l’adolescent.

– Tous les soirs, jusqu’à ce que vous compreniez… ? Répéta Jane perdue.

– C’est cela, Professeur. Je peux y aller, maintenant, s’il vous plaît ?

– Oui. Heu… Non. Oh, et merde, laissez tomber vos « Professeur » à tout bout de champs ! S’emporta la Moldue dans un élan profondément naturel. Qu’est-ce que c’est que ces histoires de comprendre ? Et ça vous fait combien d’heures de colle, au juste ? »

Le Survivant ouvrit grand la bouche, légèrement surpris de la familiarité de son enseignante et du flot de questions qui s’ensuivit. C’est d’une voix hésitante qu’il osa lui répondre :

« Eh bien… Jusqu’à ce que j’apprenne qu’il ne faut pas que je dise ça, je suppose. Et… Je crois que c’était ma septième session.

– Mais que faites-vous pendant ces sessions, comme vous dites ?

– Des lignes. Répondit le Survivant en haussant les épaules.

– … Des lignes… Vous faites des lignes ! Mais quoi ? « Je ne dois pas dire des choses qui déplaisent au Ministère ? » Railla la scribouillarde éberluée du grotesque de la punition.

– « Je ne dois pas mentir. » Répondit Harry en serrant les poings fermement, la douleur de sa cicatrice particulièrement vivace sur sa main.

– Mais… C’est ridicule. Comment peut-elle déterminer que vous avez « appris la leçon » ? Vous en avez parlé à votre Directrice de maison ?

– Qu’est-ce que ça peut faire, elle a tous les pouvoirs maintenant, non ? » S’emporta alors le Gryffondor en faisant vaguement un signe en direction du bureau de la Grande Inquisitrice.

Devant l’air choqué de son Professeur, Harry se dit qu’une nouvelle fois, il était face à un adulte qui ne le comprenait pas, et se contentait de voir en lui un simple adolescent perturbé. Mais il se trompait, et ne le comprit que trop tard, lorsqu’il n’eut pas le temps de se reculer. Jane lui tenait fermement le poignet, affichant au grand jour sa main scarifiée. L’attrapeur déglutit péniblement, une boule coincée dans la gorge, se sentant faible et prit en faute. Mais la jeune femme regarda le dos de la main dont la peau était taillée à vif, et d’où perlait encore un peu de sang.

« Qu’est-ce que c’est que ça ? Demanda-t-elle d’une voix glaciale en détachant chaque mot.

– Rien.

– Potter, qu’est-ce que c’est cette marque sur votre main ?

– S’il vous plaît, Professeur, les lumières s’éteignent, c’est le couvre-feu ! Se plaignit le garçon en tentant d’échapper à l’interrogatoire.

– Je me fous de ces putains de lumières ! Répliqua furieuse l’adulte en choquant plus encore le Gryffondor. Vous allez me dire ce qu’il se passe !

– Non. Je ne peux pas. »

Jane lui lança un regard noir, et avisa les chandeliers qui s’éteignaient un à un. Elle jeta à nouveau un œil à la blessure suintante du garçon, avant de prendre rapidement une décision.

« Venez avec moi.

– Non, s’il vous plaît ! »

Mais elle ne l’écoutait pas, et traînait presque le môme par le bras, jusqu’à arriver à son point de rendez-vous. Les lumières étaient éteintes, et la Moldue dû réprimer le réflexe d’allumer sa lampe-torche devant son étudiant.

« Vous êtes en retard, Smith. » Murmura une voix reconnaissable dans la pénombre.

Le garçon glapit, et tira plus fort encore sur la main de son enseignante pour se dégager de ce mauvais pas. Il ne fallait surtout pas que Snape voit ça ! Mais son Professeur, luttant pour ne pas desserrer sa prise, et quelque peu essoufflée, répondit à son collègue :

« Ma classe est à deux pas.

– Que voulez-vous que ça me fasse ?

– Merde, Snape, mettez-y un peu du vôtre ! »

Le timbre furibond et angoissé de la jeune femme alarma immédiatement l’espion qui alluma rapidement sa baguette d’un Lumos silencieux. Lorsqu’il vit que sa collègue traînait derrière elle un élève qui tentait tant bien que mal de cacher son visage, il paniqua légèrement. Qu’est-ce qu’elle lui avait inventé ? Ils déboulèrent dans la salle, et elle se précipita sur la porte pour faire barrière avec son corps. De son côté, l’étudiant tentait de fuir la lueur de la baguette.

« Par Merlin, Smith ! Qu’est-ce qui vous prend ?

– Les murs ont des oreilles, je préfère être au calme. » Lui répondit la Moldue en accentuant la première partie de phrase.

Comprenant où elle voulait en venir, l’homme en noir jeta un Silencio informulé, et projeta une lumière sur les appliques de la pièce. Dans un des coins de la salle, se distinguait à présent Harry Potter qui jetait des regards furieux à ses deux vis-à-vis. Avant même qu’il ne put poser une question, Jane donna un coup de coude à son collègue en faisant un signe en direction de la porte, qu’il verrouilla immédiatement.

« Vous voulez bien m’expliquer cette mascarade !? Tonna le Maître des Potions en perdant patience.

– Montrez-lui, Potter. Demanda Jane toujours en colère.

– Professeur Smith… Ce n’est pas…

– Harry, vous lui montrez, ou je le fais. Vous ne sortirez pas d’ici sans qu’il voit ça. »

Alors que Severus s’apprêtait à intervenir, Jane posa une main sur son bras pour l’interrompre, lui signifiant d’attendre que le garçon se décide. Mais Harry ne l’entendait pas de cette oreille. Il jeta un regard alarmé aux alentours, tentant de trouver une issue qui le tirerait de cette impasse. Jetant un nouveau coup d’œil en direction de son ravisseur qui avait à présent les bras croisés, le garçon tenta une nouvelle approche :

« Vous n’avez pas le droit de me retenir ici, je suis encore libre de mes mouvements !

– Potter, vous vous croyez où pour oser… Commença l’espion par pur réflexe avant d’être interrompu une nouvelle fois.

– Ne soyez pas stupide ! Vous devez en avoir marre que cela vous fasse mal, non ? Coupa la brune en augmentant une nouvelle fois l’angoisse de son mentor.

– Potter, vous avez mal quelque part ? Demanda-t-il d’une voix égale.

– Non, elle… Tenta le garçon sans pouvoir finir sa phrase.

– Quoi… Je ne dois pas mentir, moi aussi, Harry ? » Lui envoya l’écrivain, d’une voix acerbe.

Le Gryffondor eut l’impression qu’elle venait de le gifler. C’était stupide. Il était épuisé, sa main le brûlait chaque fois un peu plus, il n’en pouvait plus de ce secret. Il capitula, et s’approcha d’eux doucement, comme craignant qu’ils ne se moquent de lui. Il tendit le dos de sa main à Jane, n’osant pas la proposer à son Professeur honnis.

« Qu’est-ce que vous avez sur la main ? Demanda Snape en tentant de contenir sa propre inquiétude. Vous vous êtes brûlé ?

– Non. C’est…

– Expliquez, il pourra vous soigner. Assura Jane en s’asseyant sur le rebord de son bureau.

– Je ne sais pas ce que c’est, c’est une coupure je crois.

– Elle est très récente. Nota l’espion en regardant attentivement la main. Vous vous êtes infligé ça tout seul, Potter ?

– Non ! Cria l’étudiant en retirant son appendice vivement. Jamais ! Je ne suis pas fou !

– Harry, ce n’est pas ce que le Professeur Snape a voulu dire. Il veut seulement…

– Bien sûr que c’est ce qu’il croit ! Il croit que j’ai fait ça pour attirer l’attention !

– Si ce n’est pas le cas, c’est réussi, nous sommes enfermés tous les trois à cause de ça. Craqua le Serpentard.

– Ça suffit tous les deux ! S’interposa Jane. Severus, il saignait juste en sortant d’une heure de colle avec Ombrage !

– Qu’est-ce que vous racontez ? Potter, revenez ici !… Ah ! Pesta l’homme en noir. Je ne vois rien ! »

Il tira des pans de sa robe un mouchoir blanc en coton, et une fiole en verre contenant un liquide verdâtre. Il tira le bouchon d’un coup de dents, et imbiba le tissu du liquide avant de tapoter doucement la main du garçon avec. Harry sentit brièvement une sensation de chaleur, avant d’avoir l’agréable impression que sa douleur refluait. Lorsque l’homme finit de nettoyer la plaie, l’inscription « Je ne dois pas mentir » était parfaitement visible sur le dos de la main. Snape ne put contenir sa surprise sous son masque, et sa collègue grimaça, les narines frémissantes.

« Jusqu’à ce que vous compreniez… Ou jusqu’à ce que cela rentre ? Demanda-t-elle.

– Qui vous a fait ça, et à l’aide quoi, Potter ?

– Elle me fait faire des lignes avec une de ses plumes personnelles.

– Qui, elle ?

– A votre avis, Severus ?! Continuez, Harry.

– Ombrage me fait copier « Je ne dois pas mentir » avec une de ses plumes personnelles. Mais je n’ai pas besoin d’utiliser d’encre… »

Les deux Professeurs échangèrent un bref regard. Et Snape hocha la tête, avant de détremper entièrement son mouchoir d’essence de dictame. Il entoura délicatement la main du garçon avec le tissu, et lui lança un regard perçant.

« Et je suppose que vous n’avez pas jugé utile d’en parler à votre Directrice de maison ? Le titilla-t-il d’une voix désagréable.

– Mais… Mais qu’est-ce que cela change maintenant ? Elle peut faire ce qu’elle veut ! Elle a tous les pouvoirs, grâce au Ministère ! S’emporta le rouge et or, déçu de voir que le Maître des Potions restait fidèle à lui-même.

– Si Smith ne l’avait pas vu, nous n’aurions jamais été mis au courant, et vous auriez souffert dignement comme tout bon Gryffondor, je suppose… Continua l’homme venimeux.

– Severus, qu’est-ce que…

– Je ne cherche pas à… Commença à crier l’adolescent.

– Quel dommage que vous n’ayez pas le talent de votre père pour savoir échapper miraculeusement aux Professeurs… Lui au moins savait-il quand se rendre invisible. Termina l’homme avec un sourire goguenard.

– PEUT-ÊTRE PARCE QU’ON NE LUI A PAS CONFISQUÉ SA CAPE ! Hurla alors Harry en regrettant immédiatement ses paroles.

– Comme c’est intéressant. Vous entendez-ça, Smith ? Potter parle d’une cape qui peut rendre invisible, et nous en avons trouvé une justement, il y a quelques jours… Serait-ce une coïncidence, ou bien étiez-vous une nouvelle fois dans les couloirs, au lieu d’être au lit… ? »

Le garçon ferma résolument la bouche, se mordant la langue pour s’empêcher de répliquer. Il se traita mentalement de tous les noms, et fustigea son sale caractère une nouvelle fois. Devant lui, le Serpentard semblait savourer une victoire, et Smith regardait son collègue comme s’il était le pire homme qu’elle ait jamais croisé. Devant le mutisme du jeune homme, l’ancien Mangemort révéla la cape d’invisibilité qu’il gardait pliée, dans l’une de ses poches. Il la déplia lentement, scrutant la réaction du fautif, avant de lui sourire d’un air entendu.

« Si ce n’est pas à vous, je peux donc la garder pour mon usage personnel… Commença Snape lentement.

– Non ! Ne put s’empêcher le brun.

– ALORS ? »

Harry baissa la tête de honte. C’était la cerise sur son porridge empoisonné. Il jeta un nouveau regard noir aux deux professeurs, Jane y compris, car il la tenait pour responsable de tout ceci, et se redressa, résigné :

« Elle m’appartient. C’est ma propriété, et vous devez me la rendre.

– Vous étiez donc dans les couloirs, dimanche, vers minuit… ?

– Oui.

– Malgré l’interdiction ?

– Oui.

– Vous voyez, Monsieur Potter, c’est beaucoup plus simple de ne pas mentir. Lui envoya vicieusement Snape. Et puisque vous semblez avoir oublié le règlement, vous viendrez me voir tous les soirs, après le dîner, pour revoir l’ensemble des choses qui vous sont interdites. Et ce, jusqu’à ce que je sois certain que je peux vous rendre votre bien sans que vous ne l’utilisiez ainsi à nouveau. Est-ce bien clair ?

– Oui.

– « Oui, Professeur Snape. » Maintenant, disparaissez ! » Conclut l’homme en déverrouillant la porte.

L’attrapeur s’enfuit à toute vitesse, des larmes de rage dévalant déjà ses joues. A présent seuls, Jane explosa :

« Mais vous étiez réellement obligé de lui infliger ça ?! Vous ne pouvez pas vous empêcher de lui mettre le nez dans sa merde, hein, Snape ? Il faut que vous appuyez, un peu plus, sur ce qui lui fait mal ! Je ne vous l’ai pas amené pour que vous le blessiez encore ! Je vous l’ai…

– Vous me l’avez amené pour que je le soigne. La coupa le Potionniste en lui plaquant une main sur la bouche pour la faire taire. Et je l’ai fait, Smith. Vous vouliez que j’intervienne et que je trouve une solution, je viens de le faire ! Termina-t-il en la laissant parler.

– Le coller tous les soirs est une solution peut… Oh. S’interrompit la jeune femme en comprenant soudainement.

– Oui, « Oh ». J’aurais apprécié que vous fassiez marcher la partie Serdaigle de votre cortex avant la monstruosité Gryffondor qui gouverne vos émotions.

– Severus, je suis désolée… Je n’avais pas compris…

– Que je rendais les punitions de cette folle, impossibles ? Ça, je l’avais remarqué, vous étiez plus occupée à m’insulter !

– Je suis désolée. C’était stupide de ma part. Mais pourquoi ne pas avoir fait autrement ? Potter vous en voudra, il ne comprendra pas davantage…

– Il n’a pas à comprendre. Plus il me hait, mieux c’est. En attendant, un de mes étudiants ne se fera plus torturer pour le moment.

– Vous devez le dire à Dumbledore, il faut faire quelque chose !

– Pour Potter, c’est impossible. Il l’a dit lui-même, elle a tous les pouvoirs.

– Mais, enfin ! Aucun parent n’accepterait que son enfant soit mutilé ! S’emporta Jane.

– Le problème de Potter, c’est qu’en plus d’être lui, Jane… Il n’a plus de parents. Rétorqua crûment le Maître des Potions.

– Mais personne ne se soucie de ce gosse, en fait ?

– Bienvenue dans l’Angleterre du Survivant ! »