Les assistés, les parasites, les fainéants, les ratés, les désœuvrés. J’sais plus combien de mots décrivent cet ensemble de situations dans leur bouche. J’sais plus combien d’éléments d’langage ils utilisent pour t’expliquer qu’on vaut que dalle, qu’on est que dalle, et qu’ça fait tâche de n’pas nous haïr.

Parce que c’est c’qu’on te demande : d’nous cracher à la gueule. Pour notre misère. Nos peurs. J’te parle de celles qui tordent le ventre, de celles qui t’empêchent de dormir. De celles qui te font faire n’importe quoi. Manger n’importe quoi. Boire n’importe quoi. Et pour certains : voter n’importe quoi.

C’t’à dire qu’il faudrait pas non plus qu’on nous plaigne, hein. Cette situation, elle est d’not’ faute. La faute à notre poil dans la main. La faute à not’ couleur de peau. Enfin, pas la mienne, celle des autres. La faute à notre sexe. Et là, c’est surtout l’mien. À notre époque, à l’Europe. Mais pas celle des responsables. Non, jamais.

C’t’à dire que toi, tu sais rien au final de ce qui s’cache derrière ces mots. Cet assistanat. T’sais pas combien il y a de rêves brisés, de renoncement, de choix imposés. T’ignores que derrière ce mot, t’as pas juste de la faim mec. Pas juste de la faim au ventre, j’te parle de la faim du cœur. D’la faim de l’espoir. Parce que derrière ces mots, t’en n’as pas. Pis quand t’en as. Tu r’çois un courrier, avec la belle Marianne grimée d’ssus, pis qu’on te dit qu’en fait, Marianne elle t’aime plus.

Si tant est qu’elle l’ait jamais fait.

Mais c’pas d’sa faute à elle. Marianne elle est prisonnière, comme nous. Elle fait sa maligne avec ses tétons à l’air, façon Fémen de la Révolution, mais elle s’fait autant baiser qu’nous. Sauf qu’elle, elle a sa gueule sur les timbres. Toi, tu t’contentes de tirer la tienne quand tu les paies…

J’te disais qu’l’espoir nous était interdit. J’sais pas comment t’expliquer ça, mais t’vois ton angoisse à pas pouvoir t’payer tes vacances de bourges ou tes fringues de connard ? Bah voilà : nous on angoisse de ne plus pouvoir espérer. Pis c’pas juste espérer finir le mois. Dis-toi qu’on est moins stressé que vous devant la pauvreté. P’tet parce qu’on est pauvre, en fait. Ou moitié d’pauvre parfois. Ou ¼ pauvre pour moi. Tu comprends pas c’charabia, c’normal. T’as trop d’sous pour ça. Mais not’espoir, on l’place dans l’av’nir tu vois ? S’dire qu’notre vie va s’améliorer, les efforts vont payer. Pa’sque toi, toi t’es persuadé qu’oui, hein. T’es adepte du « on n’a rien sans rien ». Mais t’sais même pas définir ce « rien ». Et t’sais pas à quel point c’est faux.

L’fric appelle l’fric. L’bonheur procure du bonheur. C’pas moi qui l’dit, c’la vie qui t’l’apprend quand t’as pas les ronds d’la soudoyer pour qu’elle ferme sa gueule !

T’sais c’que c’est la dépression mec ? Pas juste parce qu’ta moitié t’a lourdé. Nan, parce qu’tu vaux rien. Et qu’ta Marianne, la mère de tous les enfants d’cette putain de France, elle pense qu’tu vaux rien. Qu’tu coûtes trop cher. Qu’tu rapportes pas. Bah c’te dépression gars, c’est ta copine avec l’alcool et la drogue. Pis quand t’veux pas tomber d’dans. Ou qu’tu veux plus y rester, ou pis : qu’t’as même plus les sous, t’arrêtes ces barres de bonheurs de pauvres, et il t’reste que la réalité. Et là, mon gars, trouve d’l’espoir ! Trouve d’l’espoir quand tu sens ton corps de lâcher. Qu’te tu vois plus tes proches pa’sque t’as plus l’sous, pa’sque t’es minable.

T’es minable, on t’le dit tout l’temps. Tu peux bosser comme un con, mec, si t’as pas l’costard à Macron, t’es minable. Pis c’est qu’tu finis par le croire. Tu finis par croire que t’es un parasite. Que t’es un poids. Et t’as des bâtards dans ton genre qui l’dise aux autres minables. Qui font en sorte qu’on ait tous un peu moins. Toujours moins.

Ça n’a jamais changé. Tu nous as toujours craché à la gueule. De l’époque où on pouvait encore s’payer des clopes, à celle où on r’nifle la colle des lettres d’mise en demeure pour s’faire un kiff. Tu nous hais. T’sais même pas pourquoi. T’crois qu’on veut juste boire et crever dans un coin, et p’tet’ bien qu’ça plaît d’penser ça. T’crois qu’on en veut à ton fric, qu’on veut ta place, ta vie ; et tu l’espères. Parc’que sinon ça voudrait dire qu’ta vie c’est d’la merde.

Mais on n’en veut pas d’ta vie. On veut la nôtre, t’vois ? On veut avoir c’droit. Pas juste survivre mec. Parce que survivre, c’facile. Not’ corps a moins besoin qu’on l’croit. Nan, mec… J’te parle d’fêter Noël. D’savoir c’qu’est l’amour. D’le transmettre. D’pas être l’dernier. De pas t’éteindre, ton espoir, et ta semence avec. J’te parle de recouvrer ta dignité. D’rel’ver la tête. De red’venir un être humain.

Parce que pour toi on est des bêtes. Mais on vaut moins qu’ton kiki à la queue rapiécée.

On est des bêtes, et t’crois qu’on bouffe avec les doigts. Qu’on dort là où on chie. Qu’on s’bat pas. Mais une bête mon gars, ça fait qu’ça se battre ! Même que ça sait plus rien faire d’autre.

Not’ vie est un champ d’batailles, avec nos cœurs en guise d’trous d’obus.

Pas d’espoir d’armistice, ou d’cesser l’feu. Ici, ça tire en continue. Façon Gatling sur cible immobile. Pas d’ONU, pas d’OTAN. Pas d’petit dessins pour dire qu’faut prier pour nous.

Ya rien, mec. Parce qu’un parasite, ça s’tue.

Paie bien ta taxe aux dératiseurs, t’sais pas si t’es pas l’prochain dans l’viseur.